Tic tac, tic tac
Édouard osa un léger coup d'oeil derrière lui et découvrit Viktor,accompagné de son escorte, attendant dans l'entrée du restaurant qu'on leur attribue une table.
- Tu... tu savais qu'ils venaient ici ? susurra-t-il.
Jeanne parut offensée.
- Non, sinon je ne t'aurais pas mené ici ! Bon, le mieux pour l'instant c'est que tu te caches sous la table, la nappe est longue.
- Mais toi, comment vas-tu faire ?
- Je vais aller le voir et je vais improviser.
Elle le regarda, désolée.
- Je reviendrai te chercher, promis.
- Je ne m'inquiète pas que pour moi, rétorqua-t-il, acide.
- Je sais.
Elle soupira, se levant pour aller rejoindre son prétendant. Anxieux,Édouard se cacha sous la table, la nappe le masquant assez pour qu'il se fonde dans le décor. De sa cachette, il pouvait apercevoir à travers le voile la silhouette de Jeanne aller vers Viktor. Par dessus les violons qui accompagnaient le cancan, il tendit l'oreille :
- Jeanne ! Mais qu'est-ce que tu fais ici ?
Viktor était interloqué, il n'avait pas prévu de voir sa fiancée ici.
- Je prenais une petite coupe de champagne avant de venir chez toi, répondit-elle, d'un ton qui ne traduisait aucune émotion.
Viktor hocha la tête, parlant en allemand à ses acolytes avant de prendre Jeanne par le bras.
- Alors allons chez moi tout de suite.
- Non, je n'ai pas payé et...
- On s'en fiche de ça, il y a un attentat dans quinze minutes.
- Un attentat ? répéta-t-elle, cette fois alerte. Ici ?
- Chut !
Viktor l'entraîna dans le hall pour qu'ils ne se fassent pas entendre, mais Édouard entendit parfaitement la voix de Jeanne quand elle protesta :
- Non, je ne veux pas être complice de ça avec toi ! Il faut prévenir tous ces gens, ils vont mourir si on ne fait rien !
Viktor lui assena une réponse inaudible puis la prit sèchement par le poignet pour la faire sortir du restaurant. Avant de disparaître, Jeanne jeta un ultime regard vers Édouard, les yeux humides.
« Il ne pouvait pas la forcer à partir ! rageait Édouard. Et on ne peut pas laisser mourir ses pauvres gens, je dois les prévenir »
Prudemment,il sortit de sa planque et courut vers l'entrée. Les deux allemands qui étaient avec Viktor avaient disparu, ils n'étaient ni à l'intérieur ni à l'extérieur. Quelque peu rassuré, il monta sur la scène où les danseuses s'étaient arrêtées net, toisant l'inconnu qui venait d'interrompre leur spectacle.
- Il faut que tout ceux qui occupent ce restaurant sortent immédiatement ! cria-t-il. Les allemands ont prévu un attentat, sortez par les coulisses des danseuses !
Il n'eut pas à le répéter deux fois : les gens présents se précipitèrent vers la sortie de secours, les hommes courant à toute vitesse, les femmes se dépêchant pour prendre leurs enfants et les porter vers l'extérieur. L'alarme déclenchée par les propriétaires du restaurant sonnait de manière stridente, un sifflement permanent raisonnant dans les tympans d'Édouard qui ne prit pas la même direction que les autres. Lui, il courrait vers la cave, ne pouvant prendre le risque de se montrer aux boches qui se feraient une joie démoniaque de descendre un juif devant des milliers de gens apeurés.
Édouard jeta un dernier coup d'oeil derrière lui pour vérifier que personne ne le suivait, puis il emprunta les escaliers en colimaçon qui menaient au sous-sol. Il peinait à se repérer dans l'obscurité, cherchant à tâtons un interrupteur, sans succès.
En arrivant tout en bas, il entendit un bruit qui raisonnait entre les murs de briques. Tout d'abord, il crut qu'il s'agissait d'un compte goutte, mais à la réflexion, il songea que c'était bien trop fort et bien trop régulier pour qu'il s'agisse de cela.
Édouard avança lentement et écouta encore. Le son était mécanique,menaçant...
Tic tac, tic tac...
« Un minuteur ! »
Le jeune juif n'avait pas pensé aux explosifs en descendant pour éviter de se faire repérer, mais maintenant cela semblait évident. Une cave était l'un des meilleurs endroit pour cacher une bombe, et elle n'allait pas tarder à faire sauter la bâtisse.
Édouard se mit à chercher d'où provenait le minuteur, repensant au temps qui lui restait. Viktor avait dit quinze minutes, il en avait mis cinq pour faire évacuer les gens, un peu plus pour descendre à la cave et trouver qu'est-ce qui provoquait ce bruit.
Il n'avait plus beaucoup de temps. Gardant son sang-froid, il continua à marcher dans le noir, effleurant les murs et les tuileries de ses paumes,jusqu'à dénicher un carton dans lequel un explosif décomptait les secondes. En plissant les yeux, il vit avec stupeur qu'il ne lui restait plus que quatre minutes.
Les mains tremblantes, il désactiva l'explosif dont le tic tac ne se fit plus entendre. En revanche, il y avait toujours un arrière fond qui produisait le même son, dans un autre carton.
« Mais combien d'explosif ont-ils installé ? paniqua Édouard, en déplaçant les aiguilles du minuteur. Aurais-je assez de temps ? »
Plus qu'une minute, et il restait encore un explosif. Sauf qu'il n'était pas dans les cartons, mais sous la cage d'escaliers.
Il se précipita vers une porte, trébuchant sur plusieurs objets qui jonchaient le sol, trouant au passage son pantalon et écorchant ses genoux. Se cognant à la porte du cagibi, il prit la poignée et l'ouvrit à la volée. « Une chance qu'elle n'était pas verrouillée ! »
Cette fois, Édouard n'eut aucun mal à trouver le minuteur puisqu'il put allumer la lumière et attraper avec précaution le dernier explosif. La cadence des tic tac était marqués par une allure plus rapide, signe qu'il ne restait plus que quelques secondes... Édouard retint son souffle, le cœur battant la chamade, s'attendant à ce qu'il soit trop tard, la bombe dans les mains allant lui exploser à la figure.
Mais le minuteur s'arrêta, et là le silence tomba sur le sous-sol.
Enfin,quelques minutes seulement, car les allemands se rendirent compte que rien n'avait était détruit par les explosifs. Les soldats commencèrent à tirer sur les gens du dehors, les cris brisant le silence apaisant qui auparavant, avait rassuré Édouard. Maintenant,il était dévasté.
« Cela n'a servit à rien, se lamenta-t-il. Il y a quand même des gens qui se font tuer, et Jeanne est toujours avec Viktor. Elle ne pourra pas me rejoindre. Tu parles d'une chance ! »
Abattu,il éteignit la lumière et s'adossa au mur pour glisser sur le sol.De toute évidence, il ne pouvait pas sortir d'ici, il se ferais attraper et serait tuer sur le champ.
Les allemands avaient semé la terreur dans les Champs Élisée.Partout, des canons tiraient sur les passants, certains ne faisant que marcher tranquillement sans savoir à quoi ils s'exposaient,d'autres étant des rescapés de La note de musique. Dans les deux cas, des innocents étaient tués, parmi eux des Résistants qui avaient risqués leur vie pour l'honneur de la France, des juifs qui avaient tout fait pour avoir une existence plus longue, et aussi des français qui vivaient normalement en ignorant la guerre pour ne pas se lever chaque jour en pensant qu'un drame arriverait.
Et pourtant, il était là, sur la place, sans que personne ne puisse l'arrêter.
Que faudrait-il faire pour arrêter cette guerre ? Pour éviter les morts inutiles et faire entendre raison aux peuples ennemis ?
La réponse était à des années lumières de là, et Édouard était lessivé.Pour ne plus entendre le tumulte qui persistait dehors, il plaqua les mains sur ses oreilles,.
Viktor et Jeanne étaient à plusieurs kilomètre du restaurant, la voiture de Viktor filant à toute vitesse pour éviter les coups de canons et de pistolets. Mais Jeanne n'était pas tranquille, elle tremblait sur son siège et se maudissait d'avoir suivit Viktor. Édouard était resté dans le restaurant et elle ignorait si il s'en était tiré.
- Tu as l'air soucieuse, remarqua son compagnon, en se tournant vers elle.
Elle ne répondit pas. Elle ne voulait pas parler avec un allemand qui était au courant d'un attentat et qui en parlait comme si c'était quelque chose de banal, un acte qui pourrait se reproduire le lendemain.
- Jeanne, je fais parti des troupes allemandes, je n'ai pas le choix.
- Cela t'arrange bien d'avoir cette excuse, comme ça tu as tout le loisir de passer pour le brave soldat qui a sauvé sa fiancée, siffla-t-elle. Mais en vérité, tu m'as rendue complice, tu m'as obligée à ne pas prévenir les gens...
- Parce que les propriétaires du restaurant font parti de la Résistance, l'interrompit-il, froidement. Ils ont posé des micros à la Kommandantur pour pouvoir nous attaquer aussi, j'ai simplement avertit le général pour qu'il ordonne un attentat. En somme, c'est de la pure défense !
- Franchement, j'ai du mal à te croire Viktor.
- Tu ne me feras donc jamais confiance ?
- Non. Même si je suis condamnée à vivre toute ma vie avec toi, jamais je ne pourrais faire confiance à un allemand qui soutient la dictature du plus grand fureur de tout les temps !
Le silence tomba dans l'habitacle.
- Tu es dure Jeanne, marmonna Viktor. J'espère qu'un jour tu comprendras mes sentiments pour toi et les choix que je dois faire en tant que militaire dévoué.
Avec insolence, Jeanne haussa les épaules. Soudain, alors que le chauffeur allait prendre un tournent, un soldat allemand se jeta devant la voiture, obligeant Viktor à s'arrêter.
- Bon sang Gustavo ! grommela Victor, en allemand. Qu'est-ce qui te prend ?
- L'attentat a échoué ! hurla le soldat. Quelqu'un a prévenu les propriétaires dans le restaurant et rien n'a été explosé dans le bâtiment !
Viktor consulta sa montre.
- Une demi heure de retard en effet. Vous avez ordonné une attaque à ce que je vois.
- Oui, et nous avons attrapés les Résistants.
- Bien. Allons alerter mon père à la Kommandantur et allons sur place.
Jeanne avait retrouvé de l'énergie en entendant ces mots. Elle avait comme un pressentiment, elle avait une idée sur la personne qui aurait pu arrêter les minuteurs.
- Je ne t'accompagne pas, prévint-elle alors. J'en ai assez vu.
- Tu devais dîner chez moi, lui rappela Viktor.
Jeanne le regarda dans les yeux. Pourrait-il l'écouter, au moins une fois ?
- Accorde moi au moins ça. Demain, je viendrai, mais là j'ai besoin de temps pour digérer les événements.
Viktor réfléchit, puis soupira :
- Bon, je te ramène chez toi.
Jeanne ne répondit rien à cela, elle savait ce qu'elle allait faire quand elle serait chez elle. Dès que Viktor serait parti, elle prendrait le chemin de La note de musique.
***
Coucou mes chers lecteurs !
J'ai hâte de voir vos commentaires sur ce chapitre, car vous allez être d'accord avec moi, il ne manque pas de suspens !
Pour le chapitre suivant, je pense qu'il faudra être patient, et pas que vous d'ailleurs, moi aussi ! J'aimerais pouvoir poster mon histoire quand je veux, mais la rentrée à posé ses conditions... (hey hey, bonjour la troisième !) Bref, j'ai souvent eu tendance à mettre à jour ce roman tous les jours ou tous les quarante-huit heures, mais là je pense que se sera un peu moins régulier. Mais ne vous inquiétez pas, je serais toujours disponible pour répondre à vos commentaires et à vos questions !
Je poste le prochain chapitre dès que possible dans les jours à venir. Merci de lire cette fiction avec autant d'attention !
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