Rêve ou cauchemar ?
Jeanne et Édouard avaient raconté leur excuse sans difficulté, les Lavalière ne faisant aucun commentaires sur le fait qu'ils étaient rentrés très tôt et que Édouard avait le pantalon troué. Jeanne avait révélé à son compagnon que quand ils étaient comme ça,c'est qu'ils s'étaient disputés. Pour quoi, elle l'ignorait.
Le lendemain à sept heure précises, dès que Édouard fut réveillé,il se leva et enfila le haut qu'il portait la veille en changeant cependant de pantalon. Il avait un projet en tête : aller chez le libraire et lui donner une partie de son histoire dont il avait passé la moitié de la nuit à recopier à la machine, en donnant plus de détails et en appelant le héros Édouard. Il avait longuement réfléchi à ce que Jeanne lui avait dit le soir de leur dîner, et il avait prit son courage à deux mains pour mêler son âme à son écriture.
Sans faire trop de bruit, il passa à la salle de bain avant de descendre dans la salle à manger. Quand il y pénétra, il fut surprit de voir Jeanne assise face à lui, un morceau de brioche dans la bouche.
- Tu n'es pas connue pour être une lève tôt d'habitude, sourcilla-t-il, en prenant à son tour une brioche.
Jeanne avala sa bouchée et répondit avec amertume :
- Mon père veut que je commence mon cours de tenue plus tôt aujourd'hui, sorte de punition pour mon insolence d'hier. Toi non plus, tu n'es pas debout à cette heure d'ordinaire, ajouta-t-elle. Marius n'est même pas encore levé !
- Je sais, mais avant de lui donner des leçons, je vais chez le libraire.
Jeanne écarquilla les yeux, moins à l'ouest.
- Pour faire éditer ton histoire ?
- Seulement la moitié pour l'instant, le temps que j'écrive la suite.
- Tu as assez d'argent ?
- Oui, mille franc. Je suis obligé de reconnaître que ton père m'a bien aidé.
Il se leva et entra dans le vestibule. Avant qu'il ne passe la porte, il se retourna et remarqua que Jeanne s'était adossée au mur qui à présent, était face à lui.
- Tu as l'air hésitant, remarqua-t-elle.
- J'ai une légère appréhension en effet, admit-il. La dernière fois que je suis allé chez ce libraire, cela ne s'était pas vraiment bien passé, et j'ai fini dans la rue.
Jeanne se redressa et alla vers lui.
- Édouard, si cet éditeur ne voit pas que ton ouvrage est un joyau, c'est que c'est un idiot. Tu mérites d'être lu et si ce libraire n'est pas convaincu, j'irai le voir moi même !
Sa motivation fit rire Édouard.
- Aie confiance en toi, reprit sa compagne, en posant une main sur son épaule. Du moment que tu crois en ce que tu fais, ton ouvrage vaudra quelque chose.
Il hocha la tête, enfonçant sa main dans sa poche pour trouver la clé de la maison.
- Tu seras la première à lire les péripéties du vrai Édouard, lança-t-il gaiement, en la faisant tourner dans la serrure.
- J'y compte bien, répliqua-t-elle, en le regardant s'éloigner avec un sourire.
Paris était encore calme à cette heure-ci. Seuls quelques fêtards traînaient sur les Champs Élysée, jurant sur les allemands en portant à leurs lèvres un pichet d'alcool. « Ceux là veulent oublier », songea Édouard, tristement.
Il était vrai que malgré son action d'hier, des personnes avaient péri, et leur proches en souffraient.
Mettant ses sombres pensées de côté, il retrouva le sourire quand il aperçut la façade de la librairie. Avant d'y entrer, il inspira un grand coup, pressa la poignée de la porte et poussa le battant pour pénétrer à l'intérieur de la boutique qui, peut-être, serait la première à présenter en vitrine son ouvrage.
Le libraire, qui n'avait pas changé de place depuis la dernière fois,leva la tête. Au lieu de servir un sourire accueillant, il fronça les sourcils.
- Vous, je vous ai déjà vu quelque part non ?
- Oui, il y a plus d'un mois, répondit Édouard. Je vous avais proposé des poèmes qui finalement n'avaient pas marché et aujourd'hui, je viens vous proposer un début de roman.
Le visage du libraire s'éveilla :
- Mais oui je m'en souviens maintenant ! Édouard Leroy n'est-ce pas ?
- Lui même.
- Et bien, j'espère que vous m'offrez là une histoire palpitante par rapport à la dernière fois !
- Je l'espère aussi monsieur, répliqua Édouard, une once de rancune dans la voix.
Il ne prenait pas la remarque de son interlocuteur au point d'être malpoli, mais cela ne lui plaisait pas que l'on critique ses textes d'avant. Après tout, il y avait mis du cœur durant ses longues années à la ferme.
- Mais comment avez-vous fait pour vous procurer de l'argent ? questionna l'éditeur.
- Je travaille actuellement comme enseignant chez les Lavalière, expliqua le jeune écrivain.
- Bien, je suis content que vous soyez sorti de la misère.
Il parut pensif pendant un moment, son regard s'égarant sur le dossier qu'Édouard venait de lui donner.
- Bon, voilà ce que je vous propose cher ami, annonça le libraire : vous me laissez votre manuscrit avec une petite avance d'argent pour que je puisse commencer la lecture. Si j'aime votre histoire et que vous avez écris la suite, vous me donnerez le reste de la somme, ce qui permettra la publication
- Cela me paraît être un bon arrangement, approuva Édouard, oubliant sa mine boudeuse.
Le libraire regarda le titre de la pile de feuille qu'il avait désormais en sa possession.
- Les mots d'Édouard. Mais il s'agit de votre prénom ! Vous avez fait une autobiographie ?
- On peut dire ça oui.
Le libraire avait l'air fasciné. Et à la grande surprise d'Édouard,il déclara :
- Cette intrigue, elle n'a rien d'un plagiat !
Dix minutes plus tard, Édouard sortit de la librairie avec un sourire qui illuminait tout son visage, ses yeux brillant de fierté. Il était sur le point de réaliser son rêve, il l'effleurait du bout des doigts et cette fois, le libraire lui promettait la publication de son histoire.
Il voyait tout en couleur : il imaginait son livre publié partout,ses mots répandus dans le monde pour transmettre ses pensées et son espoir. Il voulait sauver Jeanne en l'emmenant loin d'ici, l'aider à réaliser son rêve de devenir médecin en dépensant ses biens d'auteur dans ses études. Il souhaitait même retrouver Romain et Fantine quand la guerre serait finie et que toute injustice serait effacée.
Trop joyeux pour se soucier de ce qu'il y avait autour de lui, il n'entendit pas assez tôt le bruit de pas qui raisonnait en écho dans la grande ruelle. Il ne vit pas au bon moment la silhouette floue qui se découpait sur le ciel bleu, grande, campée derrière un muret.
Et il ne percevait pas les chuchotis qui évoquaient son nom, qui l'insultaient sur ce qu'il était.
Alors que pour une fois il oubliait tous ses soucis, qu'il dansait presque dans les ruelles de Paris et qu'il désirait voir Jeanne plus que tout au monde pour tout lui raconter, il fallut qu'il soit là.
Son ennemi juré, son démon, qui le prit par le col et l'envoya valser contre le petit muret avant de le remettre debout et de plaquer ses mains sur son torse pour l'empêcher de bouger. Sonné, parachuté de son rêve au cauchemar, Édouard fixa avec horreur son agresseur.
Viktor.
***
Hey !
Un vrai retournement de situation pas vrai ? Un monstre en plein rêve...
J'espère que le chapitre vous aura plu, le prochain est en relecture ! Je vais essayer de ne pas trop vous faire attendre, surtout que j'attends toujours avec impatience vos commentaires et vos votes à chaque publication !
J'ai vraiment de la chance de vous avoir !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro