Chapitre 10 : l'Heure d'un Père (non corrigé)
Assis sur des caisses de ravitaillement militaire, mes yeux étaient braqués sur les Erkens qui avaient pour tâche de transporter ces mêmes boîtes. Mon regard suivait leurs déplacements, et pourtant je ne prêtais absolument aucune attention à ce qu'ils faisaient. Mon esprit vrillait et bourdonnait, incapable de penser et pourtant surchargé de questions.
-Non, non ! s'exclama une voix, rageuse. Mais qu'est-ce que vous faites ?! Ne mettez pas les explosifs ici, vous allez tout faire péter ! Mettez les sous la tente là-bas, oui voilà, tout au fond !
Aïru déboula dans mon champ de vision, l'échine hérissée de frustration. Il semblait débordé et exténué. Il beugla quelques ordres aux transporteurs qui détalèrent dans la direction indiquée, effrayés par le ton de mon père. Alors que nous n'étions plus que deux sur la place et qu'il lissait son pelage hérissé, je lançai :
-Tu vas aussi faire partie des troupes qui vont prendre les Changers en embuscade, alors.
Il ne me semblait pas me souvenir que mon père participait aux combats.
-Pourquoi j'irai pas ?
Je haussai les épaules. Je n'y avais pas vraiment réfléchi, j'avais simplement d'autres choses à penser. Je baillai alors longuement, étirant mes muscles endoloris. Je faisais actuellement face à une lassitude sans pareille.
-Tout va bien ? s'inquiéta Aïru, sûrement peu habitué à m'entendre répondre d'un ton autre qu'agressif.
A nouveau, mes épaules se haussèrent. Mon père s'assit à mes côtés, la queue enroulée autour des pattes.
-Tu peux me parler, tu sais.
Il coula son regard vert dans ma direction, et je détournai la tête. Je ne voulais pas affronter cela. Je ne voulais pas lui parler de ma douleur après la perte de ma mère, de mes découvertes concernant le Dragon, lui parler de Sinna et de ses avances, de ce que je ressentais pour elle, de la guerre, des combats qui approchaient, de mes regrets concernant ma vie passée. Je ne voulais pas affronter sa pitié.
-Bon, allez ! nous encouragea-t-il en sautant de la caisse, soudain ragaillardi. Je vais te faire penser à autre chose.
[NDA : Mettez la chanson en haut :) ]
Je levai les yeux au ciel. Cela risquait d'être perdu d'avance.
-Ah oui, ben j'ai hâte de savoir comment, grommelai-je.
Mais il ignora ma remarque et trottina jusqu'au camion. Il attrapa une caisse, la tira vers lui et la lâcha lourdement dans mes pattes. Je titubai vers l'arrière, surpris par son poids, et Aïru s'en chargea d'une à son tour.
-Allons porter ça à la tente des munitions ! déclara-t-il en sautant du véhicule, déterminé.
Je le suivais d'une démarche vacillante, la truffe levée pour tenter de voir où je posais les pattes. Plusieurs fois je tombais lourdement au sol, maladroit, et mon père riait tout en attendant que je me relève, véritablement amusé. Je grommelais alors quelques mots mécontents, mais je ne pouvais empêcher le sourire amusé se dessiner sur mes lèvres.
Nous fîmes ainsi plusieurs allez retours, et une fois la tâche terminée, Aïru m'emmena au garde-manger. Là, nous triâmes les vivres qui étaient ou non comestibles. Mon père s'amusa même à me regarder tenter de différencier une mirabelle et une pêche, un rictus amusé aux lèvres.
-Attention à toi si tu ris ! l'avais-je menacé tout en m'empêchant moi-même de lâcher un rire.
Il avait levé les pattes en signe d'innocence, les lèvres pincées.
Ensuite, nous partîmes laver les linges tachés de sang sortis de l'infirmerie. Les bassines d'eau gelée nous mordait les pattes, se colorant d'un rouge écarlate après les tissus trempés dedans. Cette fois-ci, ce fut à Aïru de lever les yeux au ciel sous mes moqueries : sa truffe plissée de dégoût tandis qu'il frottait le sang séché me faisait sourire.
Le linge nettoyé, nous allâmes le porter dans la réserve. Nous nous accordâmes alors une pause, nos pattes étant endolories d'avoir frotté et porté tant en quelques heures.
-Ta mère aurait rit de nous voir ainsi, déclara Aïru sur le chemin du bar, aménagé pour détendre les Erkaïns qui avaient travaillés toute la journée pour l'organisation et le ravitaillement du camp.
Il eut un sourire triste et j'agitai quant à moi les oreilles, ne sachant que répondre. A vrai dire, je lui étais reconnaissant de m'avoir emmené travaillé, de m'occuper à de telles tâches. Bien que cela m'occupe l'esprit, cela m'avait aussi permis de me sentir plus utile pour les réfugiés. Je finis par m'avouer, même malgré moi, que le moment avait été une agréable surprise.
-Merci, murmurai-je en tournant le regard vers lui.
Il haussa les épaules :
-Bas, ce n'est rien.
Je reportai mon attention sur le chemin, les moustaches agitées. Je n'étais pas à l'aise dans des conversations comme celles-ci, et mon père ne semblait pas l'être non plus.
-Aïru ! hurla une voix essoufflée.
Nous fîmes volte-face et l'intéressé se précipita vers le nouvel arrivant, un lion à la mine affolée.
-Que se passe-t-il ? s'alarma mon père tandis que je rejoignais les deux Erkaïns en un bond.
-Il y a des survivants enterrés sous des décombres pas loin du camp !
Aïru écarquilla les yeux :
-Allons-y, vite !
Le lion détala, et nous nous lancâmes à sa suite. Nous passâmes à travers les allées de tentes, leurs habitants sortant la truffe par le rideau de toile verte, intrigués. Nous finîmes par passer l'entrée du camp et débouler dans une rue en ruine, où une dizaine d'Erkaïns s'amassaient autour d'une chose que nous ne pouvions voir.
Je me faufilai parmi eux et vis que quelques-uns s'attardaient à la tâche de retirer les pierres, le visage crispé sous l'effort. Aïru dévala les débris jusqu'au fond du trou, où il fit de même. Je le suivis et bientôt, un espace suffisamment large pour faire passer un Erkaïn se créa.
-Au secours ! gémit une voix, résonnant à travers les parois de leur grotte. Quelqu'un est gravement blessé !
Les sauveteurs firent glisser une échelle par l'embouchure et les prisonniers se hissèrent jusqu'à nous, recouverts de poussière et toussant amèrement.
-Il y a un Humain, en bas, gravement blessé, expliqua l'un des survivants, un panda-roux, essoufflé.
Son air grave m'indigna ; son regard porté sur les sauveteurs et son sourcil arqué devant la poussière qui le recouvrait démontraient clairement de son caractère hautain et capricieux. Encore un de ces riches arrogants, feulai-je intérieurement, une grimace mauvaise au visage.
Aïru et les autres Erkaïns sauveteurs descendirent donc dans la gueule béante de la grotte de ruines, concentrés. J'entendis avec appréhension la poussière dégringoler ses parois, puis les grognement des rédempteurs qui hissaient le blessé à la surface.
Je fus alors bousculé par d'autres Erkaïns, qui se précipitaient vers cet Humain pour le disposer sur une planche, prêt à être transporté à l'infirmerie. Je l'entendis tousser, gémir de douleur puis Aïru ordonner à tous de reculer pour lui laisser de l'air. C'est à cet instant que pus enfin m'approcher, les yeux plissés. Qui pouvait donc être cet Humain, qui plus est au beau milieu du quartier Erkaïn ?
Je me penchai sur le bord de la planche. Une plaie béante couturait son ventre, et une mare de sang s'étalait sous son crâne. Sa mine blafarde mentait de son vivant, et seulement sa faible respiration soulevant sa poitrine démontrait qu'il n'était pas encore parti. Je me penchai davantage, écartant d'un souffle l'amas de poussière qui recouvrait son visage.
Je fus alors pris d'un haut-le-cœur ; je connaissais cet Humain.
J'avais devant moi, blessé et presque mort, le Pirate et Télépathe Morgan Spaïce.
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