Chapitre 7 : Présentations (Corrigé)
S'il eut quelques gémissements exaspérés, le regard de Niru les fit tous taire. Quant à moi, je m'agaçai déjà de cette stupide idée. Personne ne voulait savoir mon nom, ni moi à l'inverse n'avait envie de les connaitre. La Tigresse désigna du menton une Serpent dorée aux yeux verts :
-Vas-y, commence.
La jeune élève se gratta la gorge et redressa la tête, comme fière :
-Je m'appelle Elly.
-Et pourquoi es-tu ici, Elly ?
-Je veux un emploi dans la stratégie de guerre. Je suis une combattante dans l'âme, sourit l'intéressée.
Niru fit signe à l'élève suivant, qui agita sa queue de Singe nerveusement :
-Euh... Moi, moi... C'est... Gabriel. Je voudrais travailler à la Grande Bibliothèque d'Enohria.
Mais notre professeur principale arqua un sourcil, arrêtant un instant de jouer avec sa craie :
-Etrange, pour un Erkaïn. Tu es un Singe, tu devrais aller dans le bâtiment.
Il déglutit, honteux. J'écarquillai pour ma part les yeux : de quel droit contestait-elle les rêves et envies de ses élèves ?! Mais elle ne s'attarda pas sur Gabriel et passa le tour. Je fus surpris de voir qu'il s'agissait là d'une Panda-Roux, au pelage gris et blanc. Ses beaux yeux bleus papillonnaient de leurs longs cils, curieux.
-Je m'appelle Sinna, fit-elle délicatement. Je veux travailler dans la médecine.
-Intéressant, commenta Niru.
Elle donna ensuite le tour au suivant, et je retins un grognement impatient : ces présentations n'en finiraient jamais.
-Je vous dérange peut-être ? feula Niru, soudain agacée.
Je relevai brusquement la truffe, interloqué mais prêt à répliquer d'une voix sèche ; cependant, je vis que ça n'était pas moi qu'elle regardait mais deux créatures sur la rangée voisine. Un Ours et une Lapine, qui se fusillaient mutuellement du regard.
-C'est elle qui a dit que j'étais gros ! se plaignit l'Ours couleur miel, ses puissants crocs dévoilés. J'ai été obligé de lui dire que son nez était plus grand que ses yeux !
-Va t'faire foutre ! cracha-t-elle, les poings serrés.
-Taisez vous ! tempêta la professeur, fulminante.
Elle se tourna vers son bureau et attrapa une plume :
-Quels sont vos noms, pour que je vous mette un avertissement dès le premier jour ?!
-George, murmura l'Ours, la mine dépitée.
Mais sa voisine ne semblait pas aussi attristée par ce malus ; elle leva les yeux au ciel et porta toute son attention sur ses ongles :
-Jeane, m'dame.
La Tigresse termina de noter et releva la truffe, tremblante de rage. Je lâchai quant à moi un long soupire : ils avaient réussi à la mettre de bonne humeur dès le premier jour. Je suis tombé sur la bonne classe, on dirait, grognai-je intérieurement, agacé.
Mais lorsque je relevai les yeux, tous les regards étaient tournés dans ma direction, exaspérés ; stupéfait de cet intérêt soudain, je cherchai la professeur des yeux et vis qu'elle attendait visiblement une réponse de ma part.
Je finis par soupirer et retrouver mon habituelle mine renfrognée :
-Je m'appelle Kenfu.
Les yeux s'écarquillèrent, des cris furent poussés en silence. Oui, ils savaient tous qui j'étais, à présent ; était-ce finalement cela que je redoutai dans les présentations ? Je n'en savais rien.
-Et que voudrais-tu faire plus tard, Kenfu ? me demanda Niru, son regard à nouveau brillant de curiosité.
Elle attendait probablement une belle annonce de la part du fils du Grand Maître. J'attendis quelques secondes, faisant mine de réfléchir ; je ne m'étais d'ailleurs toujours pas redressé sur ma table.
-Je voudrais quitter Phoenix, déclarai-je au bout d'un moment.
Cette fois-ci, ce fut des cris et gémissements outrés qui s'élevèrent dans la classe. Tous me regardaient à présent d'un œil bien différent qu'il y a encore quelques secondes. Mais cela m'était complètement égal ; c'était vrai, je n'avais qu'une envie, celle de quitter ce Monde. Je voulais partir loin, découvrir de nouveaux horizons où personne ne connaîtrait mon père, ni cette stupide réputation que tenaient si bien les Erkaïns.
J'avais de nombreuses possibilités qui s'offraient à moi ; on trouvait Huit Mondes, dont un appelé Enohr, le Noyau. Il demeurait encore aujourd'hui la seule passerelle qui reliait chaque Monde.
Niru claqua des pattes pour obtenir l'attention de ses élèves, et décida de changer de sujet. Elle prit sur son bureau un tas de feuilles imprimées, qu'elle fit sèchement claquer sur le bois verni, visiblement agacée de ma réponse. Sa queue fouettait l'air lorsqu'elle nous les distribua, les moustaches agitées et les yeux plissés. Lorsqu'elle arriva à ma table, elle me jeta un regard noir et je baissai des yeux exaspérés vers la feuille qu'elle plaqua brutalement devant mon museau.
Je me penchai sur ma paillasse et vis, surpris, qu'il s'agissait de mon emploi du temps, étroit tableau marqué de petites inscriptions noires. J'avais cours tous les jours, sauf le samedi et le dimanche.
Un gémissement m'échappa : l'année risquait d'être longue.
-Bien ! hurla Niru pour obtenir le silence. Comme vous pouvez le voir, ce que je viens de vous distribuer est votre emploi du temps définitif.
Elle se prit une feuille en trop pour l'observer un instant et nous faire part de ses commentaires :
-Je vois que vous finissez tôt le mardi, déclara-t-elle, mécontente de ce constat. Et vous commencez à dix heures le vendredi ?!
Je baissai précipitamment les yeux vers le tableau, tout comme chacune des créatures qui se trouvait dans cette pièce. Toutes, y compris moi, semblait avide d'y voir un trou blanc, si parfait, dans lequel rien n'était indiqué. Dans lequel nous pourrions vaquer à nos propres occupations. J'agitai cependant les moustaches, médusé : si nous commencions bel et bien à dix heures le vendredi, nous débuterions le début de chaque journée à huit heure tapante. Heureusement, seul le lundi s'achevait à dix-huit heures, car le reste des jours nous quittions l'école à seize heures.
-Bien, souffla Niru en enroulant calmement la queue autour de ses pattes.
Elle jeta un bref coup d'œil à l'horloge dorée et rouge qui pendait au dessus du tableau avant de poursuivre :
-Je crois qu'il est l'heure pour moi de vous faire la visite de l'école.
La Tigresse nous ordonna de nous lever d'un signe de tête, et nous nous pressâmes pour passer la porte. Je fus plaqué contre la rambarde, et mon pelage se hérissa à la vue de ce qui m'attendait en contre-bas. Ma queue en panache s'agitait follement, tout comme mon coeur terrifié et agacé contre ceux qui se mouvaient sur le palier sans prendre garde à moi.
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