De retour dans le hall principal, on m'indiqua les grands escaliers que j'avais aperçu en pénétrant dans l'école. A la suite de d'autres élèves équipés tout comme moi de leur livret, je grimpai les marches sans me presser et relevai la truffe une fois arrivé en haut. J'écarquillai les yeux de surprise lorsque je vis le toit s'effacer. En effet, seul un immense escalier en colimaçon grimpait au centre de la salle. En me retournant la nuque, je pus voir qu'il s'élançait sur des dizaines de mètres de hauteur et donnait l'accès à des centaines de portes encadrées de reliures dorées et rouges rubis.

Si la beauté des lieux m'émerveillait, mes pattes tremblaient cependant d'avance à l'idée de monter toutes ces marches. Une Singe me doubla alors, sûre d'elle, et attrapa une corde scintillante pour y grimper. En suivant sa ligne jusqu'à son point d'origine, je découvris que les Erkaïns dans ce même type d'espèces, y compris les Panda-Roux, s'y hissaient jusqu'à leur salle.

D'une patte fébrile, j'ouvris mon livret pour y découvrir ma salle principale et y lut "Salle de Philosophie". Je tirai ensuite le plan du livret que je me dépêchai de déplier. Les yeux plissés, je le parcourrai du regard et tombai sur ce que je cherchai. Je rangeai le plan et coinçai le livret entre mes crocs.

Le coeur battant, je m'accrochai à la corde qui me faisait face et m'y hissait à la force de mes pattes. Je crus sentir un sourire s'accrocher à mes lèvres à la sensation unique de grimper ainsi, tel que je le faisais sur mon Ile natale. Cette école était celle des Erkaïns, nul doute.

J'accélérai la cadence et finis par atteindre le palier de ma salle de classe. Les pattes tremblantes de l'effort fourni, je jetai un bref regard en contre-bas et le monde vacilla ; je me cramponnai à la rambarde dorée en me promettant en silence de ne plus recommencer.

Puis, je pivotai vers la porte et vis qu'elle était déjà ouverte. Je m'y glissai en silence et aperçus que la plupart des Erkaïns étaient déjà présents, discutaillant paisiblement entre eux comme s'ils se connaissaient déjà tous. Je plissai les yeux et me contentai de rester à l'écart tout en imprimant l'image de leur visage dans mon esprit. Surpris, je vis qu'il n'y avait là que des mammifères dans mon genre, qui grimpaient aisément et se faufilaient dans les petits recoins sans difficultés. Aucune présence d'Eléphants, de Girafes, d'Ours, de Lions ou encore autres, bien que le plafond était haut.

La salle de classe était plutôt spacieuse, et les tables de bois clair et verni semblaient dater d'un demi-siècle. Les coussins placés devant chacune d'entre elles étaient d'un doux velours mauve et les gros ourlets qui ornaient ses contours ressemblaient à des nuages. Le plafond soutenait deux lustres représentant livres, plumes et oiseaux. D'immenses fenêtres occupaient le fond de la pièce et donnaient une vue panoramique sur le reste du campus. Le tableau, face aux tables, longeait toute la longueur et toute la largeur de son mur. Un bureau avait été placé juste au devant, aussi brillant que les paillasses auxquelles il faisait face.

Soudain, une imposante silhouette passa le seuil de la porte et le silence se fit aussitôt. Une majestueuse tigresse s'avança jusqu'au bureau, où elle déposa royalement ses affaires. Elle se redressa et s'assit, enroulant sa queue autour de ses pattes. Elle lissa ses moustaches d'une griffe acérée, la mine impassible, et ordonna :

-Assoyez vous.

Tous obtempèrent aussitôt, moi y compris. Si son air supérieur m'agaçait déjà, je ne voulais pas m'attirer de problèmes dès mon premier jour. 

-Je m'appelle Niru, commença-t-elle d'une voix perçante, qui trahissait sa sévérité certaine. Je serais sur cette année votre professeur principal. Je vous enseignerais la Philosophie et la Psychologie.

Elle balaya chacun des élèves du regard, comme si elle tentait de deviner leurs pensées. Cependant, elle préféra s'accouder au tableau et jouer avec une petite craie du bout des griffes :

-J'attends un minimum de sérieux et de diplomatie dans ma classe. Vous n'êtes plus des enfants, mais des jeunes adultes. Vous avez atteint la maturité, ce qui veut dire que vous devez prendre vos responsabilités.

Elle redressa un regard noir dans notre direction, et ma fourrure se hérissa :

-Sachez aussi que si vous n'avez pas la moyenne à la fin du trimestre, vous serez renvoyés. Cette école a beau être gratuite, pour permettre l'arrivée de tout talent, riche ou pauvre, à Stellarium, elle n'accepte pas les flemmards. Ni les créatures stupides.

Elle nous défia de ses yeux ambrés de lui rétorquer, mais personne n'en fit rien et elle se fit plus calme :

-Bien. Vous allez commencer par tous vous présenter. Vous allez devoir travailler ensemble toute l'année, alors autant démarrer d'une bonne patte.