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Chapitre 3 : La maison des louves

Hello again my darlings ! 

Comment s'est passée votre semaine? Heureux.ses que le vendredi soit arrivé? 

Personnellement la semaine a été folle et ce n'est pas fini ! J'ai retrouvé l'Hydre lundi (et on a fait la cérémonie de répartition avec les jumelles de Cazo ... sauf que le Choixpeau était des oeufs de Pâques de quatre couleurs), et squatté chez Anna' jusque mercredi (avec plein de brainstorming à la clef, chez elle comme chez moi. LHDI ne vous manque pas trop?).

 MAIS SURTOUT j'ai pu assister à une conférence de Virginie Girod, historienne spécialiste de l'Antiquité romaine (notamment les Julio-claudiens) sur Néron à la Cité de l'Historie et dont j'écoute le podcast "Au cœur de l'Histoire" presque tous les jours. Bon basiquement je n'ai pas appris grand-chose sur Néron, c'était assez grand public, mais je suis repartie avec une dédicace de sa part et une photo avec Franck Ferrand ! (mais siii Monsieur Patrimoine du Tour de France, mon job de rêve. Il intervient un peu dans Secrets d'Histoire). BREF c'était vraiment chouette ! 

Ah et vous savez le fameux morceau que j'avais à réécrire? Que dalle au final : quand j'ai rallumé mon ordi chez Anna', le doc est miraculeusement réapparu au moment où je venais juste de le réécrire. Autant vous dire que j'avais assez le seum, parce que ça m'avait bien mis un coup d'arrêt. 

Trêve de bavardage (oui j'ai beaucoup de chose à dire et ça fait des intros interminables. Non ce n'est pas fini je vais à Milan en fin de semaine donc le prochain chapitre sera lui aussi long d'expériences) : place au chapitre ! Bonne lecture <3 

*** 

Chapitre 3 : La maison des louves 

Assise en tailleurs, confortablement adossée contre la maison des louves, Laurentia observait les délégations emplir Albe. Leur population avait décuplé : il n'y avait plus le moindre espace de libre. Les plus fortunés vêtus d'armures de bronze ou de capes de lin aux couleurs fascinantes se pressaient au palais sur les hauteurs d'Albe et les plus modestes parés de leurs tuniques de laine grise ou brune admiraient les pierres de l'édifice mais encore plus les hautes colonnes qui dessinaient le foyer circulaire de Vesta. En se tordant un peu le cou, Laurentia pouvait percevoir la prêtresse qui attisait scrupuleusement les flammes et dont chacun des gestes fascinaient les nouveaux arrivants. De loin elle ne pouvait pas reconnaître ses traits mais son œil avisé pariait sur la plus jeunes, la fille maudite de Numitor.

Laurentia soupira et ferma les yeux, profitant de l'ombre que lui apportait l'étage de torchis de la maison qui dépassaient de ses fondations de pierre. D'un geste rêveur, elle caressa son ventre bombé et sourit quand l'enfant en son sein remua légèrement, comme pour lui répondre. Elle pensait à ses compagnes toutes sur leurs paillasses à accueillir à leur manière les délégations latines et remercia les dieux que son enfant soit venu lui épargner les pires passes de sa vie ... Le grincement de la porte l'obligea à ouvrir les yeux et elle tourna la tête assez tôt pour voir un jeune homme grand et élancé, emmitouflé dans son manteau de laine – trop hivernal pour la saison – et prêt à rabattre son capuchon sur sa tête. Les précautions étaient maladroites et seuls les étrangers ne craignaient pas de passer leur porte alors que le soleil brillait encore, ce fut-ce que modestement, dans le ciel ...

— Bonjour Faustulus ...

Faustulus se figea en plein mouvement, comme transformé en statue de sel. Laurentia planta ses dents dans sa lèvre inférieure pour ne pas rire de la façon dont son visage s'était décomposé au son de sa voix.

— Hé bien mon ami, il semblerait que tu me fasses des infidélités ...

— Non ! promit Faustulus, démenti par la teinte écarlate qui lui était montée aux joues. Non, je te promets Laurentia, j'étais juste venu ...

— Me saluer ? le taquina-t-elle, mutine. Comme c'est aimable de ta part. Tu serais encore plus aimable de m'aider à me lever ...

Faustulus soupira mais tendit de bonne grâce une main à Laurentia. La jeune fille resta à terre en la dédaignant, les sourcils relevés, et cette fois l'homme s'activa un peu plus en lui offrant son bras en plus d'un appui pour qu'elle puisse se redresser, sans la moindre grâce et essoufflée par l'effort. Elle posa une main sur son ventre qui l'alourdissait tant et entravait à présent chacun de ses mouvements.

— Merci Faustulus. Heureusement que tu es passé sinon j'aurais bien pu rester coincée sur le seuil jusqu'à l'aube ...

— Ah ... oui ... (Il se frotta la nuque, gênée). Elles sont un peu occupées ...

— Une un peu moins maintenant que tu es sorti.

Les yeux de Faustulus s'écarquillèrent.

— Mais non ! Je te promets Laurentia, je ne suis pas venu pour ça ! J'ai juste accompagné des hommes des délégations de Tusculum et de Cabum, ils voulaient ...

— Profiter d'avoir quitté femmes et enfants ?

— En quelques sorte ..., sourit Faustulus, penaud. Mais tu sais que je ne viendrais pas si je ne pouvais venir te voir toi, Laurentia.

Presque touchée, Laurentia caressa la joue couverte d'un duvet de pêche de Faustulus avant d'effleurer sa mâchoire d'un baiser. Il y avait des hommes qu'elle avait préféré avoir dans son lit que d'autres et Faustulus étaient de ceux-là. Elle se souviendrait toute sa vie de son initiation trois ou quatre hivers plus tôt, où il était apparu timide et tremblant à la suite d'un autre domestique du palais – un cousin, habitué de la maison qui avait décidé qu'il était grand temps que le jeune Faustulus découvre le loup. C'était elle qu'on avait choisi pour l'initier, car elle était jeune, douce et compatissante. Depuis il revenait mais que pour elle. Même si elle ne l'aurait pas avoué, Laurentia aurait été sincèrement vexé qu'il ait osé demander une de ses compagnes.

— Mais tu peux venir me voir, même si c'est simplement pour discuter, ajouta-t-elle en plaquant un index sur sa poitrine creuse. Moi qui pensais que tu commençais à apprécier ma compagnie plus que mon corps ...

— Hé, mais je pensais bien te croiser ! Comment vas-tu ?

Mais en posant la question, ce n'était pas tant elle qu'il lorgnait que le ventre qui flottait presque entre eux. Dans ses yeux noisette, Laurentia remarquait avec amusement la tentation de tendre la main pour caresser l'arrondi.

— Nous allons très bien, merci. Galeria me jure que je me passerai de passe jusqu'à quelques jours après la naissance. De toute manière les hommes me demandaient plus. Je suis étrangement devenue un peu moins souple et vive ces derniers temps.

— Etrangement, répéta Faustulus d'un air entendu. Toujours certaine qu'il n'est pas de moi ?

— Tu n'en démords pas. Oui, toujours certaine. Galeria a fait de sombres calculs et a déterminé qu'il a commencé à se développer quand le princeps t'avait envoyé avec sa délégation pour négocier la venue des Lavinii.

Et qui était l'homme qui de sa semence avait planté la graine, Laurentia préférait s'en moquer éperdument. Elle était lucide : pour les filles de petites vertus comme elle, il avait toujours des graines mais jamais de père. Faustulus aurait pu être un moindre mal. Elle l'avait espéré, imaginé qu'il puisse depuis sa position de domestique auprès d'Amulius assurer une espèce d'avenir à cet enfant à défaut de pouvoir l'épouser ... mais Galeria, sa matrone et mentor, avait fracassé ses illusions.

— Mais ce n'est pas grave, il grandira avec les louves, comme moi. Je n'ai pas été malheureuse ici ...

— Galeria acceptera ? Elle ne va pas exiger que ... tu l'exposes ?

Laurentia s'efforça de ne pas de frissonner et quand son échine s'hérissa pour de bon, elle accusa la fraicheur qui tombait avec le soleil derrière les montagnes. C'était un risque. Bien des louves avant elle avait préféré exposer leur enfant, l'abandonnant dans les rues d'Albe ou dans les villages sur bord du lac en espérant que les dieux le guide vers une famille plus digne d'élever cet être tout neuf. Pour beaucoup, c'était préférable, à la fois pour l'enfant mais aussi pour la femme qui pouvait rapidement retourner à ses activités de bas-fonds pour survivre.

— Galeria a eu deux filles, dont une travaille à présent pour elle, rappela-t-elle avec prudence. J'ai bon espoir qu'elle accepte mon enfant. Mais assez parlé de ça ... parle-moi plutôt du palais ! J'ai vu de grands seigneurs en sortir et en venir toute la journée, c'est étonnant que tu aies pu t'échapper !

— Mais je continue de travailler en faisant visiter notre humble chez-nous aux hôtes, prétendit Faustulus avec un sourire moqueur. Et après avoir servi vin et mets gourmands toute la journée je pense avoir mérité de me délier les jambes.

— Combien sont-ils ?

— Avec l'ensemble des délégations on doit être à plus d'une centaine de convive qui honoreront Jupiter à la pleine lune.

— Plus de cent ! Mais où logent-ils ?

— Dans les palais, et on se serre dans les huttes d'Albe. Certains domestiques dorment dans les étables ou à la belle étoile. J'ai moi-même été sommé d'abandonner ma paillasse pour la laisser à Ancus, fils du dux d'Aricie et d'ores et déjà prétendant d'Antho.

— La princesse ?

Elle avait vu déambuler la jolie fleur d'Albe, ses épais cheveux noirs, sa mine altière et son nez droit héritée de sa mère née de l'autre côté de la mer dans un pays qu'on nommait « la Grèce » pas plus tard que deux jours plus tôt, au bras de sa cousine la prêtresse. Elle lui avait trouvé le regard fiévreux d'une bête traquée et voilà ce qui s'expliquait donc. Un mariage se préparait ...

— Elle-même, confirma Faustulus, la mine sombre. Et ça la met dans une humeur noire. Tu l'aurais vu au banquet d'accueil ... elle a dédaigné toutes les invitations, même ceux qui l'invitaient à jouer de la lyre. Et pourtant ce qu'elle peut en jouer à longueur de journée ... parfois même avant l'aube ! C'est elle qui nous réveille.

— Peut-être qu'elle aime en jouer pour elle-même et pas pour une bande d'homme qui s'intéressent plus à ce qu'elle a dans le ventre qu'à sa lyre.

— Tu m'as entendu ? Elle nous réveille tous les matins. Donc sa musique n'est pas que pour elle mais pour tout le palais.

— Je n'ai jamais entendu de lyre. Je ne sais même pas à quoi ça ressemble ....

Elle observa le palais où se massaient toujours plus d'homme dans leurs belles tuniques de lin, un peu rêveuse, mais Faustulus se contenta de hausser les épaules avec nonchalance.

— C'est sa mère qui l'a amené de chez elle, à travers les océans. De ce que je sais il n'y a qu'elle qui en a une. Je pense que tu as tort, tout le monde est fasciné par l'objet. Tu n'es pas la seule à n'avoir jamais entendu de musique ...

— Voilà qui est rassurant. Une délégation de Laurentium est venue ?

— Oui ils étaient là hier déjà ...

Le cœur de Laurentia s'emballa à l'idée et elle fouilla la foule avec davantage d'application. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle cherchait. Un air familier ? Des cheveux blonds et flamboyants comme les siens ? Un œil brun et pétillant ou un visage couvert de taches de rousseur ? Père, mère ? Elle resserra les mains sur son ventre. L'idée était vaine. Pourtant ses yeux ne quittèrent pas la foule, et Faustulus finit par remarquer sa soudaine fébrilité.

— Tu viens de là-bas ? Je ne savais pas ...

— Que signifierait « Laurentia » si ce n'est pas « fille de Laurentium » ? s'amusa-t-elle avant d'exhaler un souffle plus défaitiste. Je ne sais pas, Faustulus. Je sais simplement qu'Albe a mené une bataille, vaincu et ramené des prisonniers dont je faisais partie. Je n'ai même pas souvenir de ça. C'est Galeria qui m'a raconté que j'étais une prise de guerre.

Elle garda le silence, toujours dérangée par l'idée. Elle ne savait pas même pas où se situait cette ville. Vers la mer, lui avait assuré Galeria lorsqu'elle lui avait raconté cette histoire, en quelques mots et un regard perçant. « La mer » avait répété Laurentia, perplexe. Elle imaginait très vaguement le lac, en plus grand. Une version plus grande d'Albe, lointaine et lumineuse. Mais étrangère. Malgré tous les efforts qu'elle faisait pour réveiller sa mémoire, ses premiers souvenirs ne concernaient qu'Albe et la maison des louves.

— Mais s'il y a eu guerre et prise, c'est que mes parents ont soit péri, soit qu'ils m'ont oublié. Ce n'est pas grave, ajouta-t-elle vaille que vaille quand Faustulus baissa sur elle un regard peiné. Moi je n'oublierai pas mon enfant. Oh ! Regarde !

Brusquement réveillée par un mouvement dans ses entrailles, elle attrapa la main de Faustulus et la plaqua sur le côté de son ventre. Malgré la lueur qu'elle avait cru apercevoir dans ses yeux – et les nombreux moments où leurs membres s'étaient étroitement enlacés – le pauvre jeune homme s'empourpra. Mais l'instant d'après, quelque chose remua sous sa peau, imprima une sensation nouvelle au creux de sa paume et le visage de Faustulus s'illumina.

— Oh ! C'est lui ?

— Moi non plus je n'en reviens toujours pas que ça bouge déjà, alors qu'il est encore dans mon ventre ... Je porte la vie Faustulus.

Laurentia rayonnait. La vie, ce n'était pas toujours évident lorsqu'on était une louve. Elle dormait le jour pour s'éveiller aux dernières lueurs du soleil, quand enfin les hommes osaient sortir pour passer le pas de leur porte. Mais au lieu de se lever comme toutes les femmes, elle demeurait sur sa paillasse et offrait la seule chose qu'elle possédait réellement : ses charmes. C'était la seule manière qu'elle avait non de vivre mais de survivre. Mais l'enfant en son sein il ne survivait pas, lui : il vivait, bougeait, triomphait et chaque fois qu'un coup la tordait en deux, Laurentia ne pouvait s'empêcher de sourire. Elle ne pouvait pas être une fille de rien si elle portait la vie.

— Je n'arrive pas à déterminer si c'est étrange ou fascinant, mais puisque ça te rend heureuse ..., évalua humblement Faustulus. Ne te vexe surtout pas Laurentia, mais je dois y aller. Le soleil se couche et on va servir un banquet nocturne ...

— Je sais. Galeria doit d'ailleurs envoyer quelques filles pour épicer les festivités ...

De nouveau, Faustulus se fendit d'un sourire contrit avant de filer entre les huttes albaines. Le crépuscule parait le ciel de mauve et les montagnes s'assombrirent jusqu'à être recouverte d'un voile indigo profond qui se reflétaient en mille nuances dans le lac. Laurentia souffla la chandelle dans son écrin qui indiquait que la maison des louves était ouverte. Ce soir, elles étaient de sorties plutôt que d'attendre leur destin sur leurs sombres paillasses. Quand la lune s'éleva, Laurentia toujours plantée devant la porte observa quelques-unes de ses compagnes emmitouflées dans leurs capes et leurs manteaux. Elles serpentèrent comme des ombres vers le palais où les plaisirs de la chair se confondaient souvent. Il était rare que les louves sortent, mais Amulius, leur princeps avait trouvé cela nécessaire, le jour où il était venu chercher Galeria. C'était une façon d'accueuillir convenablement ses invités : un bon repas, un poisson au miel et les baisers sucrés d'une louve en guise de volupté finale.

Laurentia rentra lorsque la nuit fut trop fraiche pour ses bras nus et sa simple tunique de laine. Les mains toujours posées sur son ventre, elle étudia sa maison, les grossières mosaïques d'une femme dansant avec un loup sur son atrium central qui desservaient les petites pièces closes par un épais rideau, l'escaliers de bois qui menaient à l'étage où Galeria avait sa chambre et ses comptes, la niche des Lares où siégeaient statuette de bois grossièrement sculpté de Venus, déesse unificatrice du masculin et du féminin pour créer le tout : la vie. Elles devaient être les seules à l'honorer au sein d'un peuple qui préféraient la puissance royale de Jupiter, la lance salvatrice de Mars ou le feu protecteur de Vesta, à honorer celle qui présidaient à leur jeu. Laurentia disparut dans le garde-manger au fond et trouva une galette de blé qu'elle plaça devant la statuette avant de s'inclinait humblement, autant que le permettait son ventre.

Non, elle n'avait pas été malheureuse ici. Son sang virginal avait coulé avant même son premier sang, un homme dont elle ignorait le visage l'avait fécondé, mais elle n'avait pas été malheureuse. Il y avait pire vie que celle d'une louve. Galeria veillait sur elle et assurait à toutes qu'elles avaient un rôle central dans leur société : celui de détourner les pulsions des hommes des innocentes. Elles accueillaient leur passion pour en dispenser leurs femmes et leurs filles, afin que celles-ci puissent se concentrer sur l'enfantement. Aux honorables femmes la civilisation et la maternité ; aux louves l'aspect primaire et sauvage de l'amour.

— Laurentia ?

Laurentia sursauta et interrompit sa prière pour lever les yeux. Sur l'escalier de bois branlant se tenait Galeria. Les hivers avaient creusé le visage de cette femme jadis belle, mais toujours opiniâtre et sa chevelure que Laurentia avait un jour connu aussi brune que celle de la princesse avait à présent striées de fils blancs. Son regard vert se baissa de part et d'autres de son nez osseux pour dévisager sa protégée.

— J'ai une mission pour toi, ma fille. Monte.

— Une mission ? se récria Laurentia en se redressant. Quelle mission ? J'attends un enfant !

— Et nul ne serait en disconvenir. Monte quand même.

Et elle disparut à l'étage, ne laissant d'autres choix à Laurentia de grimper les marches, fulminante. La tâche fut d'autant plus ardue qu'elle dû éviter les marches à moitié rongées par les mites et que son enfant se mit à se débattre avec ses entrailles, comme paniqué de ce qui pouvait bien attendre sa mère.

— Galeria, je ne suis bonne à rien, geignit-t-elle dès qu'elle atteignit la terre battue de l'étage. Je ne sais pas combien de sacs de blés t'a promis Amulius si toutes les louves étaient besognées, mais sincèrement je doute que déclencher l'enfantement étourdisse un homme de plaisir !

Un fin sourire retroussa les lèvres encore pulpeuses de Galeria. Jadis fille de joie et de rien comme elle, elle avait profité de sa proximité dans les derniers jours du père d'Amulius, Procas, pour obtenir l'édification de cette maison et réunir les pauvres filles qui jusque là donnaient leurs charmes dans les fourrées contre quelques galettes d'orge pour ne pas mourir de faim. Beaucoup d'homme cherchaient ces filles pour épargner à leurs femmes leurs étreintes trop tumultueuses ; à présent, avait-t-elle plaidé auprès du dux d'alors, ils sauraient où les trouver.

— Tu serais surprise, ma fille. Te souviens-tu du nombre d'homme prêts à t'avoir au début de ta grossesse ? Beaucoup s'enorgueillissent d'avoir une semence fertile – ou ont la volonté secrète d'à nouveau téter le sein maternel.

La volonté n'était pas si secrète que ça. Alors qu'elle usait encore les paillasses et que l'enfant n'était visible que dans l'arrondi de sa poitrine, beaucoup s'étaient tentés à l'expérience et s'étaient retrouvés déçu de ne pas avoir de lait. Sincèrement pour avoir subi morsures et marques de succion aux nuances de bleu et de mauve, Laurentia espérait qu'ils avaient au moins garni leur garde-manger de miel et poisson.

— Certes. Cependant à présent la seule chose que je peux faire c'est me mettre à genoux – et encore s'il est assez aimable pour me relever. J'ai un léger poids qui m'entraine vers l'avant.

— Vraiment tu sous-estimes l'immensité des besoins des hommes. Mais je comprends. Moi-même à quelques lunes de donner la vie j'étais trop épuisée pour me trainer sur les chemins à la recherche de subsistance. Soit. Mais tu restes ma fille, Laurentia et j'attends que tu accomplisses cette mission pour moi.

Une moue boudeuse retroussa ses lèvres, mais quelque chose dans le sourire persistant de Galeria l'obligea à abdiquer. Alors que sa bienfaitrice l'emmenait dans le fond de l'étage, vers sa chambre, Laurentia s'efforça de lisser sa chevelure indisciplinée entre ses doigts et d'ajuster sa tunique de laine de sorte à découvrir ses épaules. Elle n'était pas encore d'humeur à dévoiler plus. Galeria écarta le rideau qui dissimulaient la pièce. A l'intérieur, Laurentia ne percevait que les lueurs dansantes d'une chandelle.

— Entre. Elle t'expliquera.

Elle ?

Laurentia masqua son étonnement de son mieux et obéit en s'engouffrant dans ce qui, habituellement, était la pièce interdite. Et la pièce interdite était bien décevante : un petit bureau jonché de jeton dont Galeria se servaient pour faire les comptes, une paillasse en tout point semblable à la sienne garni d'une mince couverture et sur le sol la chandelle qui éclairait le bas d'une robe blanche à peine salie par la marche. Laurentia leva le regard, effleura la ceinture faite d'anneaux de bronze entrelacés, les lueurs arrachées au bracelet de feuilles qui encerclaient le bras et enfin se fixèrent sur le visage gracieux et finement ciselé de la jeune fille terrifiée devant elle. Elle n'avait même pas besoin de s'attarder sur l'expression véhiculée par ses yeux sombres, si sombres qu'ils rejetaient la lumière plutôt que l'aspirer. Tout dans son attitude criait la peur. De ses mains crispées aux jointures blanchies sur son manteau aux lèvres qu'elles pinçaient pour ne pas laisser échapper un cri.

— Princesse, salua sobrement Laurentia.

— Oui ... oui. Antho. Tu t'appelles Laurentia, c'est cela ?

Sa voix tremblait à peine, mais son regard s'était immédiatement détaché après une fraction de seconde à effleurer celui de Laurentia. Pas encore remise de sa surprise, Laurentia réajusta sa tunique sur ses épaules et plaça ses deux mains sur son ventre. Mais qu'est-ce que ça signifiait ... ?

— C'est le nom qu'on me donne, toujours. Les louves n'ont pas vraiment dans leurs habitudes d'accueillir des femmes ... mais alors une princesse dans notre humble demeure cela doit être une première.

Antho parut sur le point de s'évanouir. Ses mains se détachèrent de son manteau, mais uniquement pour se mettre à se pétrir l'une l'autre avec nervosité.

— Oui ... je me doute ... je ne suis pas là pour ça ... je suis là pour ... (Elle passa une main sur son visage livide). Non. C'est idiot, c'est stupide ... je dois y aller ... C'était une erreur ...

Mais la jeune fille semblait trop clouée sur place pour amorcer le moindre pas sans s'écrouler sur le sol. La flamme faisait jouer des ombres sinistres sur son visage blême. Prise de pitié, Laurentia l'invita à s'assoir sur la paillasse. Et comme la pauvre jeune fille semblait trop paralysée pour le faire, elle fut forcée de la prendre avec douceur par le bras. Antho tressaillit et se dégagea pour s'installer d'elle-même sur la paillasse. Les jambes repliées contre sa poitrine, elle observait son environnement – y compris Laurentia – avec la plus grande défiance.

— Ton père t'envoie ? s'enquit Laurentia.

— Non, répondit Antho, les yeux écarquillés par l'épouvante. Non, et il ne doit pas savoir que je suis venue ici ! Galeria m'a promis la discrétion ...

— Et si Galeria l'a promis, accepta-t-elle en levant les mains en signe de paix. Calme-toi, princesse et dis-moi ce que tu veux de moi.

A présent, elle doutait sincèrement que ce soit la moindre faveur charnelle. La fleur d'Albe tremblait de toutes ses pétales, et pas de désir. Antho hésita. Sa tête se balança d'une épaule à l'autre et ses cheveux sombres balayèrent son visage en rythme.

— Parler. J'ai besoin de ... parler.

Parler. Ça, c'était quelque chose que Laurentia pouvait faire. Elle était même plutôt douée, contrairement à certaine de ses compagnes qui se contentaient d'appliquer en silence leurs arts ou de simplement hurler à la lune. Mais parfois, même les hommes souhaitaient parler, être écoutés et laisser les mots apaiser et enflammer à la fois.

— J'ai filé par la sortie des domestiques, admit Antho, vaguement honteuse. De toute manière mon père n'avait pas besoin de moi pour le banquet nocturne : il est réservé aux duces et domestiques ...

Compte-tenu du festin charnel qui les attendait, c'était d'une logique implacable. Laurentia s'interrogea distraitement sur les intentions d'Amulius. Prendrait-il également une louve sur ses genoux pour faire éclater l'animal avant de retrouver sa couche d'homme dans le lit de son épouse ?

— C'est le mariage, c'est cela ? devina-t-elle.

Faustulus lui avait bien parlé de prétendant et de la froideur de la princesse d'Albe à leur égard ... Ce n'était pas du dédain, comprit-t-elle lorsque Antho consentit à lever les yeux sur elle. C'était la peur qui avait ainsi poussé la jeune fille à les repousser les uns après les autres.

— J'ai été élevé toute ma vie en ce but et maintenant que j'arrive au seuil de ma destinée j'ai l'impression de sauter dans un gouffre, avoua-t-elle du bout des lèvres. Je ne sais pas en quoi ça consiste d'être une femme. Personne ne m'a jamais rien dit ... à part le sang et la douleur. A tous les instants.

Elle pressa ses longs cheveux bruns entre ses mains et les lissa de façon compulsive.

— J'ai prié avec ma cousine, je l'ai prié elle de m'éclairer ... mais comment peut m'éclairer une vierge éternelle sur la façon d'être une épouse ?

— Et comment peut t'aider une louve à l'être ?

La couleur revint sur le visage d'Antho sous la forme d'une furieuse rougeur. Elle ouvrit la bouche, la referma, et Laurentia esquissa un sourire.

— Je te taquine. Tu es encore enfant et on te demande d'être une femme. Je comprends ton désarroi.

— Tu l'as ressenti ?

Laurentia s'abstient de répondre. Elle ignorait lorsqu'elle avait cessé d'être enfant. Lorsqu'elle avait appris qu'elle portait un enfant ? Lorsqu'elle avait saigné pour la première fois ? Lorsque sa virginité avait été vendue contre une belle outre d'huile d'olive ? Ou lorsque les soldats Albains l'avaient arrachés aux bras de ses parents – si parents il y avait eu ... Quelque part elle avait perdu son innocence à chaque de ses étapes, mais elle réalisait à présent que chaque fois elle avait gagné quelque chose. Un foyer. Galeria. Un rôle à tenir à Albe. Et la dernière étape s'était soldée par le plus beau cadeau que les dieux pouvaient bien lui octroyer ...

— Je comprends, préféra-t-elle éluder. Au moins la première fois qu'on m'a donné à un homme Galeria m'a expliqué ce qui allait se passer une fois le rideau rabattu sur nous. C'est ça qui t'effraie ? Parce que c'est précisément ce qu'une louve peut expliquer qu'une prêtresse ignore ...

Les paupières d'Antho se refermèrent sur ses yeux et Laurentia sut qu'elle avait touchée une corde sensible. Avec autant de prudence et de grâce que lui permettait sa condition, elle s'installa de l'autre côté de la paillasse. Même avec la distance, Antho se trémoussa, visiblement gênée. Si les hommes avaient honte d'entrer en leur demeure le jour, alors qu'en était-il pour une jeune fille à l'heure du loup ?

— Je suppose que la défloraison est une angoisse pour toutes, entonna doucement Laurentia. J'étais moi-même trop jeune pour réellement comprendre ce que ça impliquait et je pense que ça m'a protégé ... mais certaines de mes compagnes ont pleuré le jour venu.

— Dans la langue de ma mère, Antho signifie « fleur ». Si je suis « déflorée », je perds tout ... Même qui je suis.

— La vie m'a appris qu'on ne perdait quelque chose pour gagner autre part. Ce n'est pas la perte de ta virginité qui va t'empêcher d'être une magnifique pousse et de fleurir d'une différente manière.

— Ce que mon mari n'aura pas pris, mon enfant le fera.

Elle lorgna le ventre de Laurentia et pour la première fois chez un interlocuteur, la louve ne perçut aucun émerveillement, aucune curiosité. Elle tâta son propre ventre comme si elle s'imaginait dans le même état et rien sur son visage ne s'illumina. Ses grands yeux brillaient, certes, mais de dépit.

— J'aurais voulu prendre la place de ma cousine et être l'épouse du feu sacré, vierge éternelle dédiée à la protection du foyer. Mais maintenant je dois enfin accepter que ce n'est pas mon sort et ...

Mais visiblement, le reste du plan n'était pas défini car sa voix se réduisit à un murmure avant de s'éteindre. Laurentia la contempla, incapable de déterminer si elle aurait elle aussi souhaité un échange. Une vie plus ordinaire où s'allonger sur une palliasse ne serait pas une survivance mais synonyme de noce et de vie à l'abri des besoins. Et l'enfant remua faiblement, lui rappelant le miracle que la vie avait fini par lui offrir et songea que maintenant que le chemin était parcouru, elle n'échangerait sa place pour rien au monde.

— Si tu le souhaites, je peux t'expliquer comme Galeria l'a fait pour moi, proposa-t-elle avec douceur. Je peux tenter de t'expliquer comment ça se passe une fois le rideau s'est refermé sur vous, que vous êtes unis par l'acte mais pas encore par le sang ...

Les rares couleurs qui avaient réussi à se frayer un chemin jusqu'aux joues d'Antho furent ravies immédiatement. Peut-être que Laurentia n'aurait pas dû évoquer le sang, mais à quoi bon lui mentir ?

— Il y a des choses que tu peux faire pour éviter la douleur ou du moins te préparer pour qu'elle soit moins vive et que ton corps soit prêt à accueuillir ton mari.

— Me préparer ? répéta Antho.

Il y avait un mélange de perplexité et d'espoir dans sa voix. Laurentia hocha solennellement la tête.

— Oui. La douleur n'est pas une fatalité, ni inhérent à chaque moment intime. Sinon nous, louves, soufrerions en toute circonstance ... et je te promets que ce n'est pas le cas. Si tu le souhaites, je t'enseignerai.

Laurentia voulut avancer la main, la presser pour la rassurer et affirmer toute sa compréhension dans un geste qui se passait de mot ... mais dès qu'elle l'effleura, Antho se déroba. Pire, elle bondit sur ses pieds et se remit à tordre ses doigts dans tous les sens.

— C'était une erreur ... je dois rentrer, rentrer avant que mon père réalise que je suis partie ... Ou pire, ma mère ...

— Antho ... Les mots n'ont rien de grave. Peut-être que t'expliquer comment un homme honore sa femme t'aidera à éviter l'angoisse et la douleur ... ce n'est pas si difficile. Je te promets que tu peux faire une multitude de chose qui t'éviteront de souffrir. Penses-tu qu'on m'a simplement envoyé me faire besogner sans m'avoir préparée, pour moi et l'homme ?

— Je ne suis pas une louve, cracha Antho, les paupières papillonnants désespérément. Je suis princesse d'Albe. Et il faut enfin que j'en sois digne. (Elle embrassa la pièce sombre et nue du regard, à la fois dédaigneuse et effrayée). Et ce n'est pas ici que je le serais.

Et elle puisa dans sa colère et sa panique pour enfin retrouver ses jambes et s'enfuir vers la sortie, sans accorder le moindre regard à Laurentia éberluée sur la paillasse. La louve observa le rideau osciller après son départ et son ombre jouer avec la lumière de chandelle, médusée.

— Non, elle ne m'aidera pas à me relever, soupira-t-elle avant d'emplir ses poumons pour hurler : Galeria ! 

***

Alors? Votre verdict ! 

Vous avez à présent rencontré les trois personnages "point de vue" : Silvia, Antho et Laurentia ! Je suis très curieuse d'avoir vos retours sur elles et sur les autres personnages ... 

Je n'ai pas particulièrement de point méthodo pour vous dans ce chapitre, alors je préfère vous demander si tout va bien pour vous au niveau de la compréhension de l'univers, des différents liens, s'il y a des choses ou des enjeux qui vous paraissent encore obscures ... N'hésitez pas ! 

Je vous abandonne à présent, je suis on my way to Milaaaan ! Bonne semaine à tous.tes et à vendredi prochain ! 

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