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Chapitre 1 : La guerre des hommes et la paix des dieux

Bonjour à tous.tes <3 

(Elle craque encore, c'est un classique vous êtes habitués. En plus je n'ai pas de contrat en ce moment, vraiment rien pour me faire tenir. Bref 1er chapitre maintenant, 2e ce WE et après on fait un par semaine le vendredi !) 

Celle.eux qui ne me connaissent pas : habituez-vous, je fais systématiquement une petite intro. Je raconte ma vie, tease le chapitre, demande de vos nouvelles : c'est aussi ça l'aventure Wattpad !

On commence : comment allez-voooous? 

De plus et surtout, je tenais absolument à vous remercier. Vraiment je ne m'attendais pas à ce qu'autant d'entre vous rappliquent dès que je posterai ! Vous n'imaginez pas à quel point ça m'a touché de voir tous vos votes et votre enthousiasme. C'est tellement adorable et j'espère que le récit sera à la hauteur !  Merci infiniment <3 

Néanmoins je préfère de nouveau vous prévenir : je n'ai pas la fluidité que j'avais dans Ombres et poussières, et ça reste un premier jet avec ses imperfections. Je profite de poster pour m'obliger à faire une première relecture (notamment orthographique, ma bête noire préférée) et je prendrais bien évidemment vos remarques en compte pour affiner le récit et sa structure dans un second temps ! Je vous écoute donc avec attention (du moment que c'est constructif bien sûr). 

Pas la peine de me pointer les fautes, pour le coup : il y en a, je les trouverai un jour au bout de la 2, 3, 1000ème relecture, mais si vous avez des remarques sur le style, des incompréhensions, des incohérences : je vous écoute avec attention. Bien sûr vous avez aussi le droit de dire ce qui marche, tant qu'à faire ahah. 

Ma grande satisfaction : avoir enfin réussi à gérer les tirets cadratin. Mais si, les grands alloués aux dialogues. C'est une très mauvaise habitude héritée de l'adolescence que j'avais : utiliser le simple - (et sans espace pour les dialogues sinon ça me mettait une puce et ça décalait tout mon texte). BREF ça m'a pris deux heures et beaucoup de cheveux blancs mais j'ai géré le tiret et les alinéas (bon effacés sur Wattpad, mais bien joli sur mon document). 

Vous vous en fichez? Parfait, passons au récit ! 

Oui je fais ça en grand et coloré : c'est déjà arrivé que certain.es étourdies zappent mes intros (je ne peux les en blâmer) et loupent l'info. Maintenant plus d'excuse. 

Ce qui veut dire qu'on commence promptement : Bonne lecture à tous.tes <3 

***

Chapitre1 : La guerre des hommes et la paix des dieux

Silvia courrait depuis mille ans.

C'était ce qui lui paraissait, alors qu'elle s'élançait encore, les pieds douloureux, les jambes raidies par les efforts, le souffle court et brûlant coincé au creux de la poitrine. S'il n'y avait pas eu la main de son frère dans la sienne pour la tirer et la peur panique qui grignotait ses entrailles pour la pousser, elle se serait laissée aller contre le sol et rouler dans l'herbe jusqu'au lac. Mais voilà ils étaient là, la pressaient, écrasaient la douleur et la fatigue et encore et encore elle courrait.

— Encore un peu, haletait Lausus devant elle. On y est presque, Silvia, courage ... on y est presque ...

Tu l'as déjà dit ! voulut hurler Silvia, mais ce serait gâché du souffle et de l'énergie et elle se contenta de courir. La nuit noire brouillait le temps et l'espace et le faible croissant de lune suffisait à peine à éclairer leurs pas. Enfin la foulée de Lausus ralentit devant une des nombreuses huttes circulaires qui bordaient la rive du lac. Elle ressemblait à toutes les autres, celles qui poussaient comme des champignons autour du palais mais celle-ci, il s'y engouffra sans hésiter. Silvia laissa la porte claquer derrière elle et s'effondra contre le battant. Pendant quelques secondes, rien d'autre n'exista dans le noir si ce n'était son cœur cognant contre sa poitrine et sa respiration sifflante. Et malgré son état de fatigue extrême, ses jambes qui s'étaient mises à trembler, proches de crouler sous son poids, toute sa peau picotait, alertée par une voix intérieure puissante qui tonnait impérieusement : « cours ! ».

— On ne peut pas ..., haleta-t-elle, à bout de souffle. Lausus ... on doit continuer ...

— Quelqu'un va venir nous chercher, affirma son frère dans le noir.

— Père ?

Un crépitement fit frémir Silvia et une seconde plus tard, une chandelle fut allumée. Sa flamme vacillante jeta ombre et lumière sur le visage fermé de Lausus. La lueur embrasa son regard ambré, alerte, vif et réchauffa un visage anguleux rendu pâle par la course. Ses cheveux déjà sombres avaient avalé encore un peu d'obscurité et tombaient sur ses épaules maigres et son front haut.

— N'attends rien de père, Silvia, soupira amèrement Lausus. Il n'y a rien à attendre d'un homme qui a fui en exil en laissant ses deux enfants derrière lui ... Il nous a abandonné, petite sœur. Retiens ça, grave le dans ton esprit.

Il reposa la chandelle sur une table de bois vieillie et s'effondra contre l'un des murs en torchis. Quinze hivers, des bras encore maigres à peine rompus au maniement du glaive et pourtant le poids du ciel s'était abattu sur ses épaules pour le vieillir prématurément. L'enfant rieur et joyeux s'était envolé à l'instant où leur oncle Amulius avait chassé leur père d'Albe et volé leur héritage. Malgré son instinct qui lui hurlait de fuir, Silvia finit par céder à la fatigue et elle s'affala sur la terre battue avec la moitié d'un gémissement au bord des lèvres.

— Je ne comprends pas ... je ne comprends pas comment tout a pu changer, d'un coup ... Qu'est-ce qui s'est passé, pourquoi ... Pourquoi ... ?

Elle n'avait même plus la force de pleurer – et qu'il y en avait eu des larmes lorsque Lausus était venu la réveiller au beau milieu de la nuit pour l'arracher à son lit et à sa vie. Son frère la contempla tristement.

— C'est parce que tu es trop jeune, Silvia ... tu ne l'as pas vu venir. Il faut que tu apprennes à aiguiser ton œil ... Amulius n'a jamais digéré que le rôle de chef ait échu à père plutôt qu'à lui. Il n'a jamais été le loyal lieutenant qu'un frère cadet se doit d'être. Ou du moins il a fait mine de l'être jusqu'à ce que son cœur n'en puisse plus.

— Il a chassé père ...

— Père a fui, rectifia Lausus et son regard s'acidifia. Père aurait pu se battre. Un chef se doit de réunir ses troupes, générer le courage et la loyauté dans les cœurs. J'étais prêt à être à ses côtés. Il n'a même pas essayé... Avant même qu'Amulius ne pénètre le palais avec ses disciples il avait disparu.

Silvia fronça les sourcils. Son père ne lui avait jamais inspiré grand-chose. Un peu de peur quand il s'élevait, immense, face à elle. De dégoût quand son haleine avinée s'abattait sur elle. Parfois un peu d'affection lorsqu'il ébouriffait ses cheveux et elle voulait s'accrocher à ces rares marques de tendresse pour se convaincre que son père l'aimait. Mais les gestes étaient creux. Son père était parti. Sa mère dans la tombe depuis longtemps. Lausus, lui, était resté et serrait à présent ses doigts autour de la garde du glaive qui pendait à sa taille.

— Je ne peux pas vraiment blâmer Amulius de vouloir écarter père, marmonna-t-il, les yeux flamboyants. Peut-être qu'un jour je l'aurais fait moi-même ... Il n'avait aucune envergure, aucune ambition pour Albe. Tous les chefs alentours ne voyaient qu'un ivrogne faible et complaisant et commençaient à lorgner sur nous comme des loups sur un agneau. Mais moi je ne suis pas un agneau. Amulius n'a pas à me voler mon héritage. Notre héritage à tous les deux.

— Il va nous tuer ?

Silvia venait de le comprendre, un peu brusquement. Depuis que Lausus l'avait réveillée la nuit dernière, tout allait beaucoup trop vite pour son jeune esprit, et la peur et l'angoisse avait paralysé toutes ses capacités de réflexions. Dans le noir, avec les yeux furieux et traqués de Lausus pour seul repère, elle commençait enfin à réaliser sa sinistre destinée. Elle renferma son poing au creux de sa gorge et sa poitrine se replia sur son cœur pour le faire suffoquer.

— Il ne peut pas, souffla-t-elle, épouvantée. Il ne peut pas, nous sommes son sang ... Antho et moi sommes des sœurs ... Il t'a appris à te battre, il t'entrainait tous les jours, il ne peut pas, il n'a pas le droit ! Les dieux maudissent le parricide ! Il ne peut pas !

— Il ne peut pas me prendre mon héritage non plus, fit remarquer Lausius en détournant le regard. Et pourtant il le fait. Le droit d'aînesse donnait Albe à père, puis à moi. C'était l'ordre des choses depuis que notre peuple est sorti de terre sur les rives de ce lac. S'il ne respecte pas ce droit ancestral alors il ne respecte plus rien ...

— Mais pourquoi il ne te laisse pas gouverner ? Tu n'es pas père, tu sais te battre, tu saurais arrêter les raids et les pillages, c'est certain !

Les traits de Lausus se crispèrent un peu plus et d'une main presque agacée, il frotta ses bras maigres.

— J'ai entendu des murmures ... il pense que la faiblesse se transmet avec le sang. Que notre père a pourri la lignée et que la seule manière de l'assainir est de couper la branche flétrie.

— Et c'est nous la branche flétrie ?

L'indignation primaire de Silvia arracha un bref sourire à Lausus. Cessant de caresser ses bras et son glaive, il tourna le regard vers sa jeune sœur toujours effondrée sur le col.

— Le poignard que je t'ai donné, tu l'as encore ?

Silvia hésita, puis tâta sa cape. Elle finit par trouver le fourreau qu'elle avait dissimulé dans une poche intérieure. Elle fit glisser le cuir et révéla la lame de bronze poli. La petite flamme chatoya sur le métal et donna un aspect chaleureux et flamboyant à un objet censé inspirer la terreur. Lausus hocha gravement la tête.

— Parfait. Ne le quitte pas. Et surtout n'hésite pas à frapper. Ils n'hésiteront pas, eux.

Le regard écarquillé par l'horreur de Silvia attendrit Lausus. Assez pour qu'il se traine jusqu'à elle pour l'envelopper dans une étreinte où elle put laisser libre court aux frissons qui n'aspiraient qu'à jaillir depuis qu'ils étaient entrés dans la hutte.

— Je suis tellement désolé, petite sœur, murmura Lausus. Tu devrais jouer avec Antho, filer la laine comme mère. J'aurais dû te trouver un homme bon et courageux qui t'aurait apporté bonheur et prospérité ... (Il caressa ses cheveux bruns avec tendresse). Qui sait à qui Amulius serait capable de te marier pour que ne tu ne puisses plus constituer une menace ...

— S'il ne me tue pas ...

Silvia fut secrètement fière que sa voix ne tremble pas. Depuis son enfance, elle avait une lourde conscience de son rang. Fille du chef, toujours à sa droite dans toutes les cérémonies depuis la mort de sa mère. Au souvenir de la dernière au sanctuaire de Jupiter au sommet du mont Albain, elle frissonna de plus belle. Quelques chefs latins s'étaient joints à son père pour honorer le roi des dieux, mais des guerriers sabins, un peuple voisin, s'étaient abattus sur leurs maisons, leurs récoltes. Albe avait été la proie des flammes ; le lac noirci par les cendres – et le pire que tout, c'était que l'incendie avait été allumé avec le feu sacré de Vesta qui brûlait incessamment pour signifier la protection dont les dieux gratifiaient leur peuple. Et alors que la ville brûlait, le foyer protecteur lui avait été vidé, ôtant au peuple sa dernière protection. Le temps qu'ils redescendent des montagnes, les pilleurs avaient fui et une partie de leur foyer était calciné. Les autres hameaux du lac et peuples des monts albains, plus ou moins liés et sous autorités d'Albe, s'étaient détournés d'un Numitor humilié aux yeux de ses alliés pour trouver meilleur protecteur. Lausus avait raison. Lorsqu'on y réfléchissait posément, la catastrophe était annoncée. L'attaque en un jour sacré avait précipité la chute de leur père.

Lausus dût sentir sa soudaine faiblesse : il s'éloigna pour la prendre à bout de bras et lui adressa un sourire courageux. Enfin, Silvia aurait voulu le percevoir comme telle. La vérité, c'était qu'à présent qu'il se tenait face à lui sans la chandelle pour déformer ses traits, elle lui trouvait un air terrifié. Il était donc là l'enfant sous l'adulte qui avait dû pousser précipitamment.

— Ne t'en fais pas, nous avons toujours des alliés ici. Des personnes qui se souviennent que nous nous sommes construits sur des règles et une tradition ancestrale et qui se révoltent autant que nous qu'Amulius puisse remettre nos lois. Elles sont ce qui nous protègent, ce qui nous maintient unis. Les briser c'est faire vaciller notre peuple sur ses fondements et nous ne pouvons pas le laisser faire. Nous avons mis tant de temps à bâtir Albe, à la faire fleurir ... je ne suis pas le seul à refuser que père ou Amulius mettent tout à terre par caprice.

— Qui nous aidera ?

— Helve est un homme fidèle. Il doit venir nous rejoindre ici avec des chevaux et des vivres.

Silvia faillit laisser échapper un soupir de soulagement. Helve avait été le conseiller de leur grand-père, le vénérable chef Procas avant qu'il ne s'éteigne pour tendre le flambeau à Numitor. Il avait conseillé le fils comme il avait conseillé le père, sans toutefois parvenir à transmettre sa sagesse. Néanmoins c'était un visage familier, incrusté dans sa vie depuis sa naissance, un phare qu'elle suivrait volontiers. Comme elle avait suivi son frère sans hésiter lorsqu'il l'avait sorti de son lit.

Lausus pinça tendrement sa joue avec une pointe de malice.

— Et s'il faut vraiment qu'on finisse notre route à pied, je te porterai.

— Je peux marcher, affirma bravement Silvia. Et courir même. J'ai juste besoin de reprendre mon souffle.

— Ma courageuse petite sœur. Je comprends que père n'ait pas la moindre trace de bravoure : c'est toi qui as tout pris. Reprends donc ton souffle, je vais nous trouver de l'eau.

Silvia rougit face au compliment et la fierté qui rayonna chassa ostensiblement la fatigue et la détresse. Lausus lui tendit une outre d'eau, et lorsque le liquide revigorant descendit dans sa gorge, elle oublia qu'elle fuyait tout ce qu'elle avait vécu à toute jambes et que son monde entier venait de s'effondrer. Ne restait qu'une certitude : tant qu'elle était avec son frère, tout était possible. L'avenir lui tendait les bras : il était sombre, incertain et plein d'épreuves à venir ... mais Lausus était la torche qui guidait ses pas.

Il fallait qu'elle s'accroche à ça. Il fallait qu'elle s'accroche à Lausus, à cette main qui la tirait sans relâche vers l'avant. Si elle regardait en arrière, si elle laissait tout ce qu'elle avait perdu l'envahir, alors elle serait bonne à se jeter dans le lac pour l'inonder de ses cris et de ses larmes.

Elle inspira profondément en espérant chasser les restes d'angoisses qui resserraient leurs griffes sur son cœur, mais à peine eut-t-elle relâché son souffle que les gongs de la porte grinçaient. Un couinement coincé dans sa gorge, mais elle parvint à se hisser immédiatement sur ses pieds. Sans qu'elle ne se rende compte, le poignard apparu dans sa main. Elle aurait frappé à l'aveugle et dans le noir, uniquement mue par la peur, si Lausus n'avait pas fermement refermer ses doigts sur son poignet pour retenir son bras.

— Attention Helve, elle t'aurait embroché !

Un rire chaleureux détendit les épaules de Silvia. Dans le noir d'encre que découpait la porte ouverte, la chandelle jetait des lueurs floues sur une grande silhouette aux épaules charpentées. La longue crinière grise battait son dos et son nez crochu jetait une ombre sinistre sur son visage ridé. Une grande main aux articulation noueuse vint ébouriffer les cheveux de Silvia.

— C'est bien le sang de Procas qui coule dans ses veines, s'amusa Helve. Ne t'en fais pas petite princesse, ce n'est que moi.

Silvia ne répondit pas. Elle se contenta de replier son poignard contre sa poitrine en réprimant son soupir de soulagement pour garder contenance. Lausus lui, était trop reconnaissant pour garder la face : sitôt Helve à sa portée, il tomba dans ses bras. Silvia avait toujours trouvé son frère grand, si grand qu'elle devait tendre le cou pour le contempler, mais face à Helve là encore, il redevint enfant.

— Navré d'avoir tardé mon jeune dux, mais il est difficile d'échapper à la vigilance de ton oncle, entonna Helve avant de repousser Lausus avec fermeté. Remets-toi, mon garçon. Ce n'est pas en étreignant tes alliés que tu les pousseras à se ranger derrière toi.

— C'est vrai, murmura Lausus, penaud, avant de carrer les épaules. Tu as les chevaux ?

Le ton ferme du jeune homme parut satisfaire Helve. Il acquiesça face au changement d'attitude et fit un vague geste vers l'extérieur.

— Deux, je prendrai la princesse avec moi. Toi tu files jusqu'au Tibre sans te retourner.

La flamme dans les yeux de Lausus vacilla.

— Me prends-tu pour mon père ? gronda-t-il sourdement. Je ne laisse pas Silvia derrière.

— Lausus ...

— Elle chevauchera derrière moi, trancha Lausus d'un ton sans appel.

C'était troublant, songea Silvia, comment l'homme et l'enfant se succédaient sans cesse sur le visage de son frère. Avec ce timbre péremptoire et cette expression butée sur son visage, il ne ressemblait pas à leur père, mais à leur oncle Amulius dans les moments où il intimidait le plus Silvia. Mais Lausus passa son bras derrière ses épaules et l'impression s'évanouit aussi vite qu'elle était apparue. La main de son frère effleura la sienne.

— Range ton poignard Silvia. Garde-le à proximité mais tu vas avoir besoin de tes bras pour t'accrocher à moi.

Silvia n'avait pas réalisé qu'elle le tenait encore, si fort que quand la pression se relâcha, elle constata que les lanières de cuir de la garde s'étaient incrustées dans sa paume. Son souffle restait bloqué dans sa poitrine. Maintenant que la porte était ouverte et béante derrière Helve, le faible sentiment de sécurité s'était évaporé et le moindre frémissement accélérait les battements de son cœur. Le poignard toujours en main, elle scruta l'obscurité, jusqu'à avoir compris chaque origine des différents sons qui lui parvenait : la respiration sifflante des deux chevaux devant la hutte, la branche d'un saule effleurant le toit de paille de la hutte, un chat sauvage se faufilant dans les hautes herbes certainement à la recherche d'une proie. Lorsque le chat poussa un feulement furieux de triomphe qui résonna dans la nuit, Silvia frissonna.

— Lausus ...

— Attends, Silvia, je parle avec Helve.

Et comme ça paraissait important – des questions d'itinéraire et d'alliés qu'ils pourraient trouver du côté du Tibre – Silvia tut ses angoisses et continua d'observer dehors, le cœur battant à tout rompre. Plus elle se concentrait, plus ses sens percevaient, plus l'anxiété montait. A présent c'était le vent dont les rafales imitaient à merveille sa respiration chaotique ou cette chouette qui hulula au loin et tant de bruits, tant de danger invisible qu'elle ne pouvait simplement qu'entendre et sentir, presque à fleur de peau, comme un avertissement silencieux. Elle resserra sa prise sur son poignard.

— ... a la moindre d'idée d'où notre père a pu trouver refuge ? Est-ce qu'il serait possible qu'il soit malgré les apparences aller chercher des renforts pour retrouver sa place ?

— Aucune chance, ni qu'il le fasse, ni qu'on l'aide. Ton père a perdu le respect de l'ensemble des peuplades latines le jour où il a laissé les sabins souiller notre jour sacré. Notre dux se doit assumer la guerre face aux hommes et la paix face aux dieux – et ce jour-là, Lausus, ton père a renoncé à cet équilibre pour notre péril à tous. Que les sabins tentent de brûler Albe le jour où nous honorions Jupiter était un signe que notre roi des cieux lui avait retiré sa grâce ... et je ne parle pas du foyer éteint de Vesta ... Pas étonnant que le conseil se soit jeté dans les bras d'Amulius. Albe perdait pied ...

— Lausus ...

— Par Jupiter tonnant et crépitant, Silvia, attends.

Mais ... La protestation mourut dans son esprit avant même d'être formulée. Peut-être qu'elle se laissa tant emporter par son environnement qui montait sa détresse en épingle... Elle posa la garde de son poignard contre son cœur, régula sa respiration et tenta de déconnecter de la nature qui lui envoyait tant de signaux qu'elle ne savait plus les interpréter. Peine perdue. Chaque goulée d'air, c'était un nouveau son, une nouvelle angoisse, jusqu'à ce qu'au bruit qui tonnait aux oreilles s'ajoute les lueurs sinistres d'une épée tirée au clair de lune.

— Lausus !

Son cri strident parut enfin alerter son frère : d'une verte poussée, Lausus la repoussa en arrière. Silvia fut projetée sur le sol, le visage contre la poussière et sa tête cogna contre le pied de la table. Ses oreilles se mirent immédiatement à bourdonner et lorsqu'elle tenta d'ouvrir un œil, des formes floues et mal définies dansaient devant elle.

— Lausus ...

Son gémissement fut perdu dans le fracas des lames qui se croisaient et des grognements d'effort gutturaux. Pétrie d'angoisse, Silvia se dépêcha de ciller, papillonner des yeux, se frotter les joues jusqu'à ce qu'enfin le voile qui la séparait du monde s'amenuise. La première chose qu'elle vit en retrouvant ses esprits fut son poignard qui gisait à quelques coudées d'elle, luisant sous les lueurs combinées de la faible flamme et de la lune. L'image était assez glaçante en soit, mais la seconde faillit avoir raison d'elle : devant la porte, Lausus était tombé, surplombé par une immense ombre aux longs cheveux noirs ceints d'un diadème de fer et de bronze. Le cœur de Silvia dévala sa poitrine.

Amulius ... Leur oncle avait remonté leurs traces.

La faible lumière de la nuit suffit à faire luire le sang qui maculait le visage de Lausus, mais avec un certain soulagement, Silvia constata qu'il n'avait pas lâché son épée dans sa chute. Ses longs doigts étaient toujours noués autour de la garde et ses yeux ambrés rivés avec une férocité béante sur leur oncle.

— Vas-tu cesser de te comporter comme un enfant alors que tu devrais être un homme ? gronda Amulius. J'ai voulu parler mais tu persistes dans ton défi ...

— Quel défi ? cracha Lausus. Je ne fais que réclamer ce qui m'appartient ...

Le rire étranglé de son oncle glaça Silvia. A tâtons, sa main s'aventura vers le poignard, mais au moment où elle voulut l'attraper, un homme s'avança et lui bloqua la vue. Il tenait Helve par les cheveux, remarqua-t-elle avec effroi. Et plaquait une dague contre sa gorge.

— Ce qui t'appartient ? répéta Amulius. Albe ne t'appartient pas. Ce peuple ne t'appartient pas. Cette terre ne t'appartient pas. Nous n'avons pas de droits sur elle et seulement des devoirs. C'est ce que ton père a oublié, et c'est que tu oublies en te pensant unique dépositaire des pouvoirs conférés par les dieux. On est digne de gouverner si on a la poigne et le sens du devoir nécessaire pour cela. Helve te le dira ...

— La guerre avec les hommes et la paix avec les dieux ..., croassa Helve d'une voix faible et Silvia se mit brusquement à craindre pour la survie du conseiller. Le rôle d'un chef ... Dux d'Albe ...

Amulius tourna la tête d'un quart de tour, assez pour que Silvia puisse percevoir son expression dure et ombrageuse à la lueur de la chandelle. Il ressemblait tant à son père, avec cette crinière sombre et ce visage en lame de couteau, ses traits taillés à la serpe aussi incisif que son regard ambré.

— Vieil homme je suis déçu. Tu m'as élevé, appris, et choyé et maintenant tu me trahis ...

— Tu parles de trahison ? se récria Lausus, ulcéré. Tu renies nos lois ancestrales, me refuse le droit de faire mes preuves ! Ne nous fais pas croire que c'est la grandeur d'Albe qui t'inquiète ... c'est l'attrait du pouvoir !

Les yeux d'Amulius flamboyèrent dangereusement, au point qu'ils s'affranchirent de la lumière de la chandelle pour briller eux-mêmes dans le noir.

— Je ne me suis pas traîné jusqu'ici pour convaincre un enfant capricieux de revenir à la raison, Lausus. Regarde tes épaules et mesure les à la tâche qui nous attend. Ton père a laissé Albe couler alors que nous rayonnions sur les monts Albains ! A présent tous les villages se détournent de nous et nous laissent à la merci des sabins ! Je n'ai pas le temps de te laisser grandir. C'est maintenant qu'il faut agir.

La lame d'Amulius s'éleva pour venir piquer le menton de Lausus. Le jeune homme n'eut pas le moindre coup d'œil pour la menace ; simplement pour son oncle. Mais Silvia, elle, ne voyait que cela : la longue épée de fer et le sang qui coulait goutte par goutte sur le menton de son frère. La trachée comprimée par la peur, elle trouva la force d'avancer de nouveau la main vers son poignard. Le soldat dos à elle ne tressaillit pas un instant, ni celui qui barrait la porte de ses larges épaules. Tous avaient les yeux dardés sur l'affrontement entre deux prétendants.

— Mais je t'ai fait une proposition mon neveu, une dernière fois, la dernière main tendue d'un sang à un autre. Marche avec moi. Aide-moi à rétablir l'ordre et la grandeur d'Albe. Répare les erreurs de ton père à mes côtés. Sois plus que mon neveu : deviens mon fils en épousant ma fille.

— Antho ? Elle est plus jeune que Silvia ... c'est une enfant.

— C'est toi l'enfant, rétorqua durement Amulius. Elles ont fleuri toutes les deux : ce sont des femmes, et elles feront leur devoir. Il est temps de te plier au tien. Epouse Antho et succède-moi, quand ton temps sera venu et que tu auras les épaules assez fortes pour accomplir cette tâche.

L'expression sur le visage de Lausus ne varia pas : elle oscillait toujours entre confusion et colère. Silvia vit la réponse à l'ultimatum s'élever dans ses prunelles avant même que ses minces lèvres ne s'ouvrent en un audacieux :

— Sinon ?

— Ne me cherche pas, Lausus.

— J'aurais tendance à songer que c'est toi qui me cherches, mon oncle. Tu me demandes de renoncer à mon légitime héritage, de renoncer à Albe pour épouser ta fille. Et que se passera-t-il quand je lui aurais donné un fils de ton sang ? Ou s'il advenait que ta femme te donne un fils à toi ? Verrais-je un jour la couleur du diadème que tu portes sur ton front ? (Lausus frotta sa bouche et le sang s'étala partout pour jeter une ombre sinistre sur le bas de son visage). Tu me dis de ne pas faire l'enfant mais tu me prends pour un enfant, et naïf de surcroit. Il est hors de question que je cède quoique ce soit. Ni mon épée, ni Albe, ni ma sœur.

— Lausus ...

Mais Lausus en avait assez des mots : il repoussa le glaive abaissé d'Amulius, ferma les doigts sur son épée et s'élança sur lui avec un cri de rage. Il s'était à peine relevé sur ses pieds que leur oncle avait réarmé la sienne et les lames s'entrechoquèrent avec un son qui fit frémir Silvia de tout ses membres. Pendant quelques instants, elle ne sut détacher son regard du visage crispé par la fureur de son frère face aux traits tendus et impassibles d'Amulius. Celui-ci défendait chaque coup porté par Lausus avec une aisance qui ne faisait qu'accroitre l'impatience du jeune homme.

— Viens ! Réglons ça ! Faire la guerre des hommes, c'est le rôle du dux ? Viens !

Mais Amulius reculait, aspirait Lausus pour mieux parer chacune de ses attaques, esquivait chacune de ses pirouettes. Lausus était véloce et souple, mais Amulius était puissant et patient. C'était pire que lorsqu'elle scrutait la nuit : là, chaque son s'abattait sur Silvia. Chaque gémissement, chaque frottement de lame, chaque cri était un coup d'épée dans son cœur et elle se força à focaliser de nouveau son attention sur son poignard. Elle tendit le bras sous la table, écarta les doigts pour effleurer la garde. Je suis courageuse ... je suis courageuse ... Viens-là ...

— Lausus..., gémit Helve. Amulius l'enfant ... laisse l'enfant ...

Mais les supplications du vieil homme furent perdues dans le fracas du combat. Les pieds qui surplombaient son poignard bougèrent quand l'homme qui maintenait Helve lui enfonça son poing dans le ventre. Le souffle coupé, le vieux conseiller de Procas tomba à genoux et cracha sur le sol un caillot de sang qui révulsa Silvia. Le temps se suspendit alors que la pression écrasait ses poumons et sa main demeura à quelques pouces de son poignard, tremblante comme une feuille balayée par les événements. Il fallut qu'un cri de pure rage appartenant à Lausus lui tonne aux oreilles, perce ses tympans et roule sur sa peau pour que ses doigts se referment enfin sur sa garde.

C'est l'orage de Jupiter qui tonne à travers lui, songea-t-elle en plaquant précipitamment l'arme contre elle. Ils me donnent la force. Je dois frapper, sinon ils n'hésiteront pas. Il n'hésite pas. Lausus ... Lausus ...

Ce fut le visage de son frère qui s'imposa à elle lorsqu'elle jaillit de la table qui la dissimulait ; ce fut son sang battant ses tempes qui l'assourdie assez pour masquer son cœur frissonnant de peur dans sa poitrine ; et sa gorge fut lacérée d'un cri qu'elle ne sentit même pas onduler sur ses lèvres. Les mains jointes sur le poignard, elle obéit aveuglement à la torche qui la guidait depuis l'enfance, à son frère qui ne lui avait jamais failli, et frappa. L'homme qui l'instant d'avant tenait Helve s'effondra quand la lame s'enfonça dans ses reins. Gorgée d'angoisse et de détermination qui faisait comme barrage en elle, elle ne sentit rien, ni la violence du coup, ni le sang qui arrosa ses mains. Elle laissa la garde lui glisser entre les doigts alors que l'homme tombait face à elle, révélant la silhouette courbée par la douleur d'Helve. Ses yeux écarquillés étaient rivés sur elle.

— Silvia, cours !

— Non ! refusa-t-elle farouchement.

Lausus avait refusé de l'abandonner, à chaque instant et en miroir elle se sentait incapable de s'éloigner de lui, pas alors qu'il luttait si férocement contre son oncle. Elle se sentait incapable de penser que cette chaleur sur sa peau était le sang d'un homme qu'elle avait atteint avec la rage primitive de la louve qui défendait sa meute – et sa meute, c'était Lausus et lui seul. Réprimant répugnance et effroi qui montaient par vague dans sa poitrine, elle arracha son poignard des reins de l'homme. Le son fut affreux – et le cri du soldat encore plus.

La lame tremblait comme ses doigts et Silvia se mit enfin à réfléchir après avoir agi. Et qu'allait-t-elle faire ? Se battre avec son petit poignard contre Amulius si fort et puissant ? Avec ses maigres bras d'enfant de douze hivers ? Alors que Lausus l'avait envoyé valser si facilement sous la table ? Le nom de son frère raffermit son cœur et sa détermination, comme le vacarme du combat qu'elle tentait par tous les moyens d'ignorer. Son centre d'existence se déplaça et n'écoutant que l'amour pour son frère qui inondait dans ses veines et sa propre angoisse de voir sa vie vaciller, Silvia se retourna, poignard à la main, prête à se tenir à la droite de Lausus.

Ce fut un instant trop tard. Car dès qu'elle pivota et que son regard embrassa le combat, le sang jaillit et éclaboussa sa cape et son visage.

La giclée l'aveugla et lui brûla les yeux. Hurlant de douleur, elle recula, trébucha et chuta à son tour sur le sol battu. Sous ses genoux, sa tunique s'imbiba d'un liquide chaud et ses narines furent heurtées par l'odeur âcre et poisseuse du sang. Elle lâcha son poignard, épongea ses yeux avec ses mains, sa cape, jusqu'à ce qu'enfin sa vue devienne claire et que lui apparaisse la vision que tous ses autres sens lui hurlaient : devant elle, Lausus gisait les yeux fixés sur un horizon qui ne se situait plus dans le même monde qu'elle.

— Lausus ...

Silvia leva une main pour le secouer, l'animer par tous les moyens, mais dès qu'elle effleura son épaule elle remarqua la blessure béante sur sa gorge : la peau était ouverte, la tête penchée en un angle anormale et du puits jaillissait du sang à gros bouillon. Le même sang dans lequel elle baignait à présent. Silvia plaqua ses mains contre sa bouche pour avaler un cri d'épouvante et elle faillit vomir en réalisant que par ce geste elle étalait un peu plus le sang de son frère sur sa peau.

— Lausus ...

Elle n'était même pas sûre que le nom fût audible : il éclatait trop en elle pour avoir gardé de l'énergie pour jaillir. Même les larmes ne venaient pas : elle était devenue muette d'horreur. Il lui semblait que plus jamais un mot ne pourrait passer ses lèvres. Ou même le moindre souffle. Comment pouvait-elle respirer alors que Lausus avait cessé de le faire ?

— Silvia.

La voix ferme de son oncle lui fit traverser les mille et un voile qui séparaient le monde des vivants de celui des morts. Par son simple pouvoir, elle fut arrachée à son frère, malgré le sang qui maculait toujours son visage et ses vêtements. Ils venaient d'être séparés à tout jamais et cette perte immense déchira son cœur autant qu'il lui rendit la voix :

— Tu l'as tué ...

— Silvia ...

Sa main s'abattit sur son épaule et l'enveloppa comme une brûlure. Silvia poussa un cri de rage et de souffrance qui lui lacéra la gorge et bondit sur ses pieds pour écarter la main de son oncle comme le sang qui continuait d'imbiber ses vêtements. Elle passa ses mains dans ses cheveux, ses cheveux que Lausus caressaient encore quelques instants plus tôt, répandit encore la vie de son frère sur son corps et tira, folle de douleur.

— Maudit ! Les dieux te maudissent t'avoir touché ton sang, maudit sois-tu ! Tu as chassé mon père et tué mon frère, Lausus par les dieux, Lausus ! Maudit, maudit, maudit !

— Silvia !

Cette fois les mains ne firent pas que se poser sur ses épaules : elles les broyèrent pour la clouer sur place. L'intensité du regard d'Amulius étouffa ses malédictions dans sa gorge mais n'éteignit en rien sa rage et sa douleur.

— Ton frère a choisi sa destinée ! asséna-t-il, implacable. Et il a volé vers elle ! Et crois-moi Silvia mon cœur saigne autant que le tien que ce soit la voie qu'il a prise. Mais ne me blâme pas pour un choix qu'il a fait.

Silvia aurait voulu protester et continuer de l'assommer d'injure jusqu'à qu'il disparaisse sous terre, jusqu'à ce qu'il se fonde dans le sang de son frère mais quelque chose au fond des yeux d'Amulius la dissuada de le faire. Ce n'était pas de la menace, ce n'était même pas de la haine. Une fois Silvia réduite au silence, sa voix se fit beaucoup plus douce :

— Silvia, je ne vous voulais aucun mal. Vous êtes de mon sang et c'était avec vous que je voulais rétablir la cité. J'avais un plan, un plan qui aurait pu sauver notre famille comme notre peuple. Nos branches n'en auraient formé qu'une, puissante et solide par l'union d'Antho et Lausus. Et toi ...

— Moi ?

Le ton chevrotant l'horripila mais à présent qu'elle s'était mise à trembler elle ne pouvait rien faire pour se calmer. Tous ses membres et son être se mirent à frémir dans l'attente du verdict.

— Helve l'a dit, le rôle d'un chef est de faire la guerre des hommes et la paix des dieux, énonça gravement Amulius. Et puisque ton frère avait choisi la guerre, il ne te reste plus, ma chère nièce, qu'à faire la paix. C'est aux dieux que je vais te donner.

L'estomac de Silvia rendu déjà si fragile se retourna aussitôt et sous le sang qui l'inondait elle sentit la couleur déserter son visage.

— Tu vas me sacrifier à Jupiter sur le mont Albain ? Comme le taureau blanc ?

— Quelle idée ! sembla s'amuser Amulius. Non ma fille, je te destine à une œuvre bien plus noble que celle de mourir ... Celle d'entretenir notre flamme sacrée. Je vais te donner un nouveau foyer ...

Silvia cilla, abasourdie.

— Il n'y a que deux prêtresses de la flamme ...

— Et les évènements nous ont prouvé qu'une troisième ne sera pas de trop. Tu seras cette troisième prêtresse, Silvia. La vierge éternelle, épouse du feu sacré. Et grâce à ce rôle tu apaiseras les dieux, Vesta animera de nouveau notre flamme et tu protégeras notre peuple comme ton père n'a pas su le faire.

C'était trop. La fuite de père, la course le long du lac, Lausus étendu mort derrière elle, sa vie encore chaude qu'elle portait sur sa peau et à présent son avenir qui s'émiettait devant elle. La vierge éternelle, épouse du feu sacré. Pas de mari bon et courageux qu'on lui avait promis dès sa plus tendre enfance, encore moins d'enfants qu'elle rêvait d'un jour bercer dans ses bras. Pas de vie radieuse à la droite de Lausus à régir sagement Albe sous le regard bienveillant des dieux. Tout ça s'embrasait et partait en fumée.

Sans réellement l'avoir choisi, Silvia amorça un pas en arrière, terrifiée par la destinée qui se dessinait devant elle. Les mains d'Amulius ne la retinrent pas et elle comprit pourquoi quand elle se retrouva plaquée contre le mur en torchis, incapable de fuir.

— Non ... non, je ne veux pas ... Tu l'as tué, tu as tué Lausus, je ne peux pas, je ne dois pas ...

— Bien sûr que si tu le dois Silvia, gronda sourdement Amulius. Il est temps que tu choisisses à ton tour ta destinée mon enfant. Que vas-tu faire ? Persister dans ton défi comme ton frère ? Mais regarde-le, Silvia ! Regarde !

Nul besoin : l'expression choquée plaquée sur une tête à l'angle anormal d'où jaillissait le sang comme un torrent était gravé dans l'esprit de Silvia. La terreur qu'elle générait dut se refléter sur son visage, car les traits d'Amilius s'adoucirent. Il tendit une main vers elle.

—Viens, Silvia. Rentons chez nous. Le sang a assez coulé.

Non, c'était faux. Il continuait de ruisseler sur elle et tombait goutte à goutte depuis ses mains et ses vêtements pour nourrir la terre – ou la maudire à tout jamais. Toujours tremblante, Silvia perdit le fil de ses mouvements. Sans avoir pris la moindre décision, sans qu'une pensée ait traversé son esprit, sa main se leva toute seule pour se loger dans celle de son oncle. Elle ne perçut pas vraiment le soulagement qui fit ployer la ligne d'épaule d'Amulius, ni les gémissements d'Helve derrière elle qu'on relevait sans ménagement. Elle frémit simplement lorsqu'un des soldats se dirigea vers le corps de son frère et marcha sans vergogne dans la flaque de sang qui s'était formée autour de lui.

— Qu'est-ce qu'on en fait, vénérable chef ?

— Donnez le corps au feu, et les cendres au Tibre. Je refuse qu'elles souillent le lac.

Silvia étouffa un sanglot, mais se laissa guider par la main de son oncle qui l'amenait vers l'extérieur, comme Lausus l'avait tiré à l'intérieur. Puis les larmes surgirent quand elle retrouva la surface du lac, ce lac que son oncle refusait de polluer de l'âme de son frère. Elle n'avait plus aucun contrôle sur rien. Son corps, son esprit, sa destinée : tout avait été brisé quand la gorge de Lausus avait été tranchée.

Ne resterait qu'à tout jamais les flammes cruelles d'un foyer qui n'en était plus un et le sang de son frère pour lui trouer éternellement la peau.

***

La la la ça commence fort n'est-ce pas? Votre verdict ? 

Petit point méthodo : 

- Je rappelle qu'Albe, en plus d'être une cité semi-mythique (d'après l'archéologie elle n'a jamais été un centre urbain) précède Rome dans les textes. C'est normal que vous retrouviez des éléments romains sans que tout y soit clair ni que ça colle parfaitement. Albe préfigure Rome, mais n'est pas Rome. 

- Comme son importance archéologique est moindre que dans les textes, j'ai décidé de calmer les ardeurs et de retirer le terme de royauté. Albe n'est pas un royaume, c'est l'embryon d'une cité dominée par un dux, chef. (D'autant que l'étymologie de roi, rex vient de "qui trace le sillon" et vous admettrez que ça va si bien à Romulus qui sera celui qui délimite les frontières de Rome) 

- Lausus est évoqué uniquement chez Ovide. Tite-Live parle des "fils de Numitor" tués par Amulius et Denys d'Harlicarnasse lui donne un autre nom : Egeste. 

- Dans toutes les versions Silvia devient prêtresse de Vesta mais les modalités diffèrent. Pour information dans la royauté romaine, les vestales sont 4, puis 6 sous la République, sont choisies entre 6 et 10 ans dans les plus grandes familles romaines et servent pendant 30 ans. Là en l'occurrence comme je vous l'ai dit on est dans une époque pré-romaine : mes prêtresses sont donc trois, et servent à vie. 

Si ces points vous plaisent je peux essayer de vous justifier mes choix à travers mes recherches. Si vous n'y trouvez pas s'intérêt et que vous voulez vous contenter du récit n'hésitez pas à me le dire ! 

C'était le chapitre le plus long pour l'instant. Par ailleurs je suis outrée de voir que vous n'avez aucune confiance en moi pour faire moins de 5000 mots alors que sur 12 chapitres, je n'en ai qu'un seul qui dépasse pour l'instant ! 

(Bon OK j'ai fait dépasser le chapitre 2 à la réécriture. Je ne sais pas enlever, juste rajouter) 

BREF on se retrouve ce week-end pour le chapitre 2 ! Bonne fin de semaine <3 

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