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Chapitre 1

Je m'enfonce dans le couloir sombre, d'où la voix du jury m'est parvenue. Mon cœur palpite dans ma poitrine et je fais tout pour ignorer sa cadence effrénée. C'est le moment. Je repense aux conseils de Minh, mon mentor, afin de m'apporter quelques miettes de courage : « On ne laisse pas un apprenti rencontrer une Mare à sa première plongée, Myo. Tu vas seulement retrouver un monde que tu as visité petite et dans lequel tu m'as rencontré. Pense fort à ton mantra de retour et tout ira bien. »

Mon mantra de retour représente ma seule véritable sécurité : c'est la phrase qui me permet de rentrer dans le Monde Réel. La phrase qui me ramène ici, à l'Académie. Une chose est sûre, je ne suis pas près de l'oublier. C'est l'une des premières leçons de notre formation : choisir les mots qui nous ont ramenés au Monde Réel la première fois que nous nous sommes égarés dans l'Entre-Deux Monde, ceux qui ont fait de nous des Âmes éveillées. Ces mots, ce sont ceux de mon père : « Ne sombre pas, Myo, tu n'es pas seule ! »

À l'Académie, nous avons tous une phrase lourde de sens. Une phrase qui représente le pire et le meilleur de ce que nous connaissons. Cela va avec l'histoire des Éveillés, leurs origines. Après tout, pour s'éveiller, il a d'abord fallu se perdre. Il a fallu s'enfoncer profondément dans l'Entre-Deux Monde, s'effacer, progressivement, avant de changer d'avis, avant de se relever, avant de respirer à nouveau.

Avec Agate, nous n'avons cessé de prôner à tout va depuis que nous nous connaissons que nous aurions plutôt dû nous appeler « les Écorchés ». C'est le propre d'un Éveillé que d'avoir été abandonné. Le propre d'un Éveillé que d'avoir abandonné. C'est ce qui a changé notre sensibilité au monde, ce qui nous a permis de briser le voile et de lier notre enveloppe charnelle à l'univers réservé aux songes. Il a fallu que nous souffrions enfant, d'une souffrance trop dure pour que nous soyons capables de l'appréhender, d'une souffrance telle que notre petite âme d'enfant a tenté de s'enfuir dans le monde des rêves pour ne plus avoir à affronter la réalité.

Car il n'y a que l'enfant qui possède le pouvoir de s'éveiller. Passé cela, aucune âme ne peut plus créer de passerelle. L'enveloppe charnelle s'est enracinée dans le Monde Réel, elle s'y est développée, construite, accrochée. Seuls les corps les plus jeunes, les moins rôdés, peuvent se matérialiser de l'autre côté. Ce qui fait donc de nous tous de véritables Écorchés vifs, en mal d'amour, de tendresse et de bonheur. Des êtres fragiles, marqués par la vie, mais qui ont eu l'audace de l'affronter.

— Entrez.

Je serre les poings dans mon dos et passe l'encadrement de la porte pour m'aventurer dans la salle d'examen. Un rapide coup d'œil me permet de constater que nous nous trouvons dans le boudoir de la tour est. Vaste lieu à la charpente en bois, paré d'une intimidante tapisserie flamande sur le mur du fond et de vitraux colorés aux deux extrémités. C'est la salle habituelle des exercices de méditation.

L'ironie ne manque pas de me frapper.

— Bonsoir, Myosotis.

Face à moi, une série de bureaux en bois de rose ont été réunis, surplombés par d'imposants visages qui me contemplent avec froideur. Je déglutis, mal à l'aise, puis me force à répondre :

— Bonsoir.

— Tu sais pourquoi tu es là. Commence par te présenter, puis tu opéreras ta première plongée dans l'Entre-Deux Monde. Pour rappel : tu ne dois pas y rester plus de cinq minutes, un relais se trouve à quelques mètres de toi et si tu ne parviens pas à revenir, tu dois y attendre une assistance de la SAE. Seul cet endroit peut te protéger des Mares et de leurs méfaits. C'est clair ?

— Oui.

Tout mon corps tremble. Je ne peux pas m'en empêcher. Je suis peut-être considérée comme apte à passer cet examen, cet examen-même qui est très sérieusement encadré et qui s'assure la sécurité des apprentis, je n'arrive pas à faire taire la petite voix parano dans ma tête, qui s'imagine que je pourrais devenir l'exception, la pauvre malheureuse servant d'exemple aux générations futures.

Et si mon âme se retrouvait coincée dans l'Entre-Deux Monde mais pas mon corps ?

Et si une Mare m'attendait là-bas, une Mare que personne n'aurait eu le temps de localiser ?

Et si le relais avait disparu ?

Les relais de la SAE sont des petites parcelles de l'Entre-Deux Monde que la Société des Âmes éveillées a aménagées. Des cours auxquels j'ai pu assister, j'ai appris qu'ils devraient se présenter comme des chaumières rassurantes au milieu d'un désert. Passé la barrière, mon corps est tout de suite renvoyé dans le Monde Réel, car ces espaces ont été créés pour faire entrer les Éveillés en phase de rêve lucide. En d'autres termes, ces chaumières forment un lieu qui permet à l'esprit d'être conscient dans l'Entre-Deux Monde sans avoir besoin du soutien de son corps. Ainsi, l'enveloppe charnelle, devenue inutile, est aussitôt aspirée par le voile et il ne reste plus qu'à forcer notre âme à la suivre, grâce à notre mantra de retour.

— Très bien, présentez-vous dans ce cas.

Je m'éclaircis la voix, inspire une profonde bouffée d'oxygène, puis me lance :

— Je m'appelle Myosotis Noto, je suis arrivée à l'Académie à mes huit ans, après que Minh Dang, éclaireur, m'a trouvée dans l'Entre-Deux Monde. Je n'ai pas d'attaches familiales autre que la SAE et je suis entièrement vouée à sa cause. J'aimerais devenir une mare-trière et protéger les Âmes de la menace des Mares. J'ai aujourd'hui vingt ans, cela fait donc douze ans que je ne me suis pas rendue dans l'Entre-Deux Monde et j'espère pouvoir y trouver ce que je suis venue y chercher : le chemin vers mon avenir.

— Enchantés, Myo, nous sommes ravis de te compter parmi nos rangs, me répond gentiment la femme qui se trouve au centre de la petite assemblée réunie pour l'occasion.

Malgré son visage dur, ses traits anguleux et sa tenue stricte, elle m'adresse un sourire encourageant. Je ne dois pas être la seule à me présenter, noyée dans un marasme d'angoisse, d'appréhension et de peur.

— Tu peux t'asseoir sur le fauteuil à ta droite, où tu entameras ta première plongée.

Je hoche fébrilement la tête et me dirige vers ledit fauteuil en cuir beige, recouvert d'un plaid écossais. Arrivée devant, mes genoux lâchent et je m'y écroule, incapable de tenir debout plus longtemps. J'agrippe mes mains aux accoudoirs, je ferme les yeux, et j'entame le processus pour la première fois de ma vie.

À l'Académie, les Apprentis doivent suivre un traitement qui les empêche de se rendre dans l'Entre-Deux Monde. Étant donné qu'avant notre diplôme nous ne sommes pas entièrement formés, les instructeurs préfèrent éviter des mésaventures. Il paraît qu'aux aurores de l'Académie, les Apprentis initiaux réalisaient autant de pratique que de théorie. Ce qu'il en ressort, c'est que bon nombre d'entre eux ne sont jamais rentrés.

Hier soir, lorsque je suis allée piocher mon plateau au réfectoire, cela m'a fait bizarre de ne pas voir la petite pilule bleue à côté de mon verre d'eau. Douze ans à l'avaler à tous les dîners, et voilà que c'est fini. Même si cela représente un infime détail, il marque le début de changements bien plus grands et symboliques.

Une nouvelle fois, j'aspire une goulée d'air, puis je me ferme au monde extérieur. J'oublie le boudoir, j'oublie le jury, j'oublie l'examen, j'oublie le fauteuil. Je ne suis plus qu'un esprit qui se balade dans son propre corps. Un esprit qui cherche sa force vitale, la source de son existence : son âme. J'applique mes leçons à la lettre et pars à la recherche de la flamme qui m'anime. Je commence par ma tête, continue dans ma gorge, navigue dans ma poitrine pour la trouver logée au creux de mon ventre.

Une sphère dorée, chaude et rassurante.

Mon âme.

Je ne vois alors plus qu'elle. Je me laisse happer par ses émanations. Des vagues puissantes d'une énergie solaire. Elles me bercent, m'enveloppent, m'engloutissent. Je suis entraînée dans un bassin mystérieux, au liquide cristallin. Au cœur de cette auge, je me transforme en une bulle de sérénité et de paix. Et lorsque j'ai atteint cet état de béatitude, je brise le cercle : le moment est venu de m'engager sur la passerelle.

Je repousse le Monde Réel et tout ce qu'il représente. Je coupe ses fils dorés, désespérément attachés à mes poignets, ma taille, mon cou et mes chevilles. Je me reclus toujours plus au fond de moi-même. Là où tout ce que je connais, tout ce qui est tangible, tout ce qui est solide n'est plus. Là où le temps s'est figé, où l'air s'est évanoui, où la Terre a arrêté de tourner. Alors, seulement, portée par une sensation étrange de flottement, je me force à ouvrir les yeux.

« Quand tout ton corps te semble léger, que ton âme l'a entièrement aspiré, rappelle-le à toi et force-le à te suivre vers le chemin de l'Entre-Deux Monde. »

Je me répète les leçons de Minh, encore et encore, bien que la manœuvre ne soit pas aussi aisée qu'il l'a décrite : j'ai l'impression de me noyer dans une sorte de paralysie du sommeil. Chaque membre me semble loin, déconnecté. Je ne parviens pas à relier mon âme à mon enveloppe charnelle. J'ai l'impression que cette dernière n'est pas capable de me suivre, qu'elle est ancrée dans le Monde Réel.

La panique me submerge : et s'ils s'étaient trompés ? Et si je n'étais pas une Éveillée ? Et si je me perdais dans l'Entre-Deux Monde, incapable de lier à nouveau mon corps et mon âme ? Que m'arriverait-il alors ?

Guidée par la peur, j'emploie toute ma concentration à reprendre le contrôle de mon enveloppe charnelle.

Allez Myo, ouvre les yeux. Tu peux le faire. Tu l'as déjà fait !

Je visualise mes paupières, je ressens des petits picotements d'engourdissement tout autour et je m'attache à cette sensation physique. Je pousse. Je pousse de toutes mes forces, chassant l'état d'apoplexie qui m'emprisonne et enfin, je sens mes terminaisons nerveuses réagir. Mon index gauche bouge de quelques millimètres, suivi de ma cuisse droite. Mon épaule tressaute et, enfin, mes paupières se lèvent, me libérant la vue pour contempler le paysage qui m'entoure.

J'en reste bouche bée.

Plus d'Académie.

Plus de tapisserie flamande.

Plus de vitraux.

Mais un vaste désert de sable qui s'étend à perte de vue. 

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