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Média : Glory de John Legend
Précédemment dans "Les Louboutin sont les meilleures amies de la femme":
Alix Benson, une jeune femme de 25 ans, diplômée d'un master de Lettres Françaises n'a pas réussi à réaliser son rêve : aller en France pour utiliser son diplôme à bon escient. Elle se retrouve donc à compter chaque centime avec désespoir, et mène une existence ascétique qu'elle ne supporte plus. Femme de ménage pour une famille extrêmement riche : Les Moody, elle réussit, grâce à l'affection de la petite dernière : Constance ,à se retrouver nounou de la famille. Après une succession de crises avec Jayden ( son ex qui revient à la charge), sa mère ( qui ne lui rappelle que trop bien qu'elle a raté sa vie), c'est au tour des deux femmes de ménages Michelle et Dorothy de se confronter à elle le premier jour de son " nouveau travail" et alors que Mr. Moody arrive par surprise le matin même.
*
— Mon dieu ! jura Alix. On n'y sera jamais !
Frank Moody se tourna vers Alix. Cette dernière ne put s'empêcher de remarquer que Constance avait hérité de ses yeux ocres et de son expression enfantine.
— Vous êtes ?
— Alix, la nouvelle nounou, répondit-elle avec un naturel qui la surprit elle-même.
Dans un sourire courtois Frank Moody serra la main tendue que lui présentait Alix. Sa main était d'un incroyable douceur, rien à voir avec celles travailleuses et cabossées de son oncle Reed.
— Enchantée Monsieur Moody.
— Haha ! Pour moi ce sera juste Mister Moody, ou Frank, comme vous préférez. Je vois que Leslie a continu avec ses manières.
Cette dernière écarquilla grossièrement les yeux tout en s'humectant les lèvres - avec une rage qu'Alix savait contenue. Une indignation profonde l'animait. Frank détailla rapidement Alix du regard, souriant à la vue de ses Vans.
— Une nounou qui ne se prend pas pour un top modèle, ça change ! Et Dieu merci vous avez enfin viré Judith ! Cette fille parlait trop !
— Alix n'est là que temporairement, rectifia France avec sa moue habituelle.
Mais celle qui semblait le plus énervé par la réflexion de Frank Moody était Leslie qui assassinait Alix du regard, comme si elle avait été grossière.
— Allez, filez ! pesta-t-elle en poussant les filles à la porte alors qu'elles arrachaient un dernier baiser à leur père avec tendresse.
Alix leur emboîta le pas avant de les dépasser en courant dans les escaliers tout en veillant aux paniers repas.
— Hâte de voir comment tu vas t'en sortir en moins de dix minutes, pouffa France en descendant les escaliers sans grand empressement, menton légèrement levé, tandis que Constance se dépêchait, son énorme sac collé au dos.
Alix ne pouvait s'empêcher de jeter des regards craintifs à sa montre, tandis qu'elle glissait la clef dans le contact.
—Je ne relèverai même pas l'état toujours aussi déplorable de ta voiture, enfin, si on peut appeler ça une voiture ! souffla la collégienne.
— Joyeux anniversaire en retard Constance ! s'exclama Alix, ignorant France qui roula des yeux.
— Oh c'est gentil ! Il est vraiment joyeux maintenant que tu es là, sourit-elle.
Son regard pétillait. Elle avait le menton appuyé sur son sac à dos, ce qui lui donnait un air encore plus attendrissant.
— Maman avait mis les petits plats dans les grands. C'était vraiment bon ! Toute la famille était présente, raconta-t-elle.
— Enfin, tout n'était pas bon, rectifia France. Maman a voulu prouver à notre tante qu'elle savait cuisiner...
— Mais elle sait pas, ajouta Constance en hochant la tête.
— Elle aime bien faire des petits pains maison, mais c'est à ne manger uniquement quand on avait une dent à perdre. Le meilleur moyen que la petite souris passe, ajouta France avec un sourire.
— Mais vu que maintenant on a nos dents définitives...
— On laisse les autres se casser les dents, dirent-elles en chœur.
Elles rirent aux éclats sous le regard attendri d'Alix. Soudain, elle appuya sur le frein avec violence, projetant les deux jeunes filles à quelques centimètres du siège de devant. La ceinture leur lacéra la poitrine. France poussa un cri de souris. Alix accéléra, se trouvant au même niveau du conducteur qui lui avait fait une queue de poisson. C'est en même temps qu'Alix qu'elle abaissa la fenêtre :
— Regarde où tu vas ! s'égosilla au chauffard qui s'avérait être un chauve avec un triple menton bien développé.
— Vous avez manqué de tuer France Moody, héritière de Frank Moody, espèce de scélérat ! Mon père vous poursuivra en justice.
L'homme joufflu ne semblait pas impressionné puisqu'il lui fit un doigt d'honneur avant d'accélérer de plus belle.
— J'en reviens pas ! New York n'est plus ce que c'était ! Et toi tu aurais du le voir venir, dit-elle à Alix avec un ton dur.
— J'ai tellement été surprise par le fait que tu souris que je ne regardais plus la route. On ne voit pas des miracles tous les jours !
— Très spirituel « nounou Alix », dit-elle en mimant des guillemets avec ses mains.
— Son visage regagna sa moue avant qu'elle ne jette un œil à sa montre bleue, assortie à sa robe légère.
— T'as intérêt à mettre les gaz. Je commence les cours dans cinq minutes.
— Moi tu peux me déposer en retard, la rassura Constance.
— C'est gentil ma puce, mais je ne pense pas que ta mère apprécierait.
— Elle fait pas ça pour toi, intervint France, en lançant un regard presque triste vers sa sœur. Elles recommencent, c'est ça ?
— Qui recommence quoi ? voulut savoir Alix.
— Rien, répondit Constance avant même que la jeune femme ne finisse sa phrase.
Alix jaugea Constance dans le rétroviseur de temps à autres. France avait croisé les bras, le regard tourné vers l'extérieur où la circulation se faisait de plus en plus pénible. Elle avait un air dur, mais pas l'air dur capricieux habituel, non là, il y a avait de la peine qui s'y mêlait. Voir France dans tous ses états n'était pas quelque chose d'étonnant, mais la voir attristée ou souriante, cela relevait de l'improbable ! Constance avait de toute évidence un problème.
— Elles sont quand même crasseuses tes vitres, couina France en fronçant le nez.
— Ah, vu que tu as l'amabilité de me parler continuons sur notre lacée. C'est bien la prochaine à droite la rue de ton collège ?
— Quelle horreur ?! tonna-t-elle. Arrête toi ici !
— T'as cru que t'étais dans un taxi ou quoi ?! cria Alix encore plus fort qu'elle.
La jeune blonde cessa de s'agiter comme une puce et se racla la gorge, le poing devant la bouche. Elle prit un air qui se voulait à la frontière entre le snobisme et le solennel.
— Pourriez-vous s'il vous plaît vous arrêter ici Mademoiselle. Je ne souhaiterais point dégringoler les échelons sociaux en arrivant avec un véhicule aussi visible que le vôtre.
Alix sourit nerveusement avant de se stopper à la va-vite dans une rue sans grande circulation. Elle se gara à moitié sur le trottoir et se tourna vers France.
— Déguerpissez avant que je ne prenne un P.V.
— Les P.V sont pour les véhicules damoiselle, non pas pour les poubelles ambulantes, vous ne risquez donc rien !
France sortit avec une fausse révérence sous le regard amusé de sa sœur et celui désespéré d'Alix qui ne sourit que lorsqu'elle démarra. Elle avait quand même des mimiques marrantes cette sale gosse, il fallait le reconnaître, mais hors de question qu'Alix le lui montre. Alix s'assura que France rejoigne bien les deux brunes décérébrées qui lui servaient d'amies avant de démarrer de plus belle.
Deux minutes avant la sonnerie.
L'école primaire de Constance n'était qu'à quelques pâtés de maison, mais il fallait prier pour les places de parking improvisées pour être à l'heure. Deux minutes. Le temps de parler à Constance également. Alix n'avait pas oublié l'air sévère de France, la situation étrange des deux sœurs. En plus de cela, elle semblait aspirer dans ses pensées.
— Constance, chérie ?
— Oui, sourit-elle faiblement.
— Est-ce qu'il y a un souci à l'école ?demanda-t-elle.
— Non, assura Constance croisant dans le rétroviseur le regard d'Alix qui surveillait également la route, essayant tant bien que mal d'avancer dans la nuée de taxis jaunes, de voitures et de scooters qui ne semblaient respecter aucune règle du code de la route.
— Tu sais Constance, je suis passée maîtresse dans l'art du mensonge, alors quand quelqu'un ment, en général je le sais.
Constance fut secouée d'un petit rire.
— Je ne t'oblige à rien, mais si tu as besoin de me parler, si tu as besoin d'un conseil je suis là.
Constance ne répondit pas, et lui indiqua de sa petite voix une place de parking au loin. Alix se gara à cinq mètres de l'école primaire à la façade de brique rouge.
— Je sais. En réalité, c'est aussi pour ça que j'ai demandé à maman de te prendre comme nounou, finit-elle par dire avant de sortir de la voiture, son sac sur le dos et son panier repas Dior à la main.
— Alors dis-moi, répondit Alix en contournant la voiture pour se retrouver à son niveau.
— Je vais déjà essayer de régler ça à ma manière. C'est un combat que je dois livrer par moi-même.
A cet instant, la sonnerie de l'école retentit. Constance se jeta dans les bras d'Alix et leva la tête, les lèvres poussées vers l'avant pour lui réclamer un baiser. La jeune femme fléchit les jambes pour se retrouver à sa taille. Constance lui déposa un baiser à mi-chemin entre la douceur et l'empressement. Ses lèvres se durcirent sous la précipitation, donnant un baiser mi-dur, mi-doux, qui fit sourire Alix tandis qu'elle observait l'écolière se glisser dans l'entrebâillement de la porte que le surveillant refermait.
En entrant dans son école primaire à petites foulées, Constance savait que cette journée serait différente des autres journées de ce mois de Juin. Constance traversa vivement la cour, veillant à ne pas trop secouer le petit sac blanc nacré qui contenait son déjeuner. Elle ouvrit doucement la porte de classe, mais cette dernière grinça, si bien que Mrs. Longday et toute la classe se tournèrent comme un seul homme vers Constance.
— Constance, dit sa maîtresse – une grande femme sèche à l'accent britannique très prononcé, allez donc vous asseoir en silence.
Constance s'excusa sincèrement avant de prendre place à côté de sa camarade de classe et pas des moindres : sa grande amie de toujours, Oni, une jolie petite fille à la peau couleur acajou. Elle avait deux couettes tirées vers l'arrière et tombant derrière les oreilles avec une raie très symétrique. Sa peau semblait très lisse et très fine. Elle tourna ses yeux d'un noir brillant vers son amie :
— J'ai cru que tu m'avais abandonnée.
— Jamais ! siffla Constance à voix basse tout en sortant de son sac à dos – plus gros que la normal- son cahier de maths et trousse et son matériel de géométrie.
— Cassie, Eva et les jumelles Trisley n'ont pas arrêté de se retourner depuis tout à l'heure.
— Laisse-moi deviner, le petit sourire en coin comme d'habitude ?
Oni hocha la tête. Et la seconde d'après alors que Mrs. Longday tournait le dos pour écrire les exercices au tableau, les quatre filles concernées : Cassie, Eva et les jumelles Trisley firent mouvoir presque simultanément leur chevelure pour se retourner vers Constance et Oni.
Les jumelles Trisley étaient le genre de filles effrayantes que n'avait sous aucun prétexte envie de croiser la nuit. Jamais on aurait pu croire qu'elles avaient onze ans, elles en faisaient trois de plus avec leur chevelure aussi noire que les ténèbres, leur bracelets cloutés, leur T-shirt et jeans noirs, et leur boucle d'oreilles en forme de crucifix. Tout était présent pour remplir leur panoplie d'enfant de chœur de l'enfer.
Cassie et Eva n'étaient pas du tout semblables aux jumelles. Elles étaient cependant brunes et partageaient ce qu'Oni et Constance appelaient « Le sourire de Satan ». Cassie avait le visage fin et les joues creusées, ainsi qu'une frange un peu trop longue qui touchait ses sourcils lorsqu'elle clignait des yeux. Eva, elle, avait les cheveux ondulés avec de grandes boucles. Elle avait ce nez rare à la grec, malgré ses origines américaines certifiées depuis la nuit des temps, avait-elle déclaré avec le plus grand des sérieux.
— Les quatre filles étaient assises deux rangs devant Constance et Oni.
— On se parle à la récré, dit Cassie avec peu de discrétion, si bien que Mrs. Longday se retourna sur elle.
— Cassie, je ne pense pas que tu aies fini de faire les exercices au tableau. Je me trompe ?
— Oh, désolée Mrs. Longday ! C'est juste qu'il fallait que je dise quelque chose à Constance et Oni.
Toute la classe se tourna vers ces dernières, tout comme Mrs Longday, avant de tourner à nouveau son attention vers Cassie.
— Eh bien tu auras la récréation pour ça !
— En effet Mrs. Longday, répondit-elle avec un sourire angélique.
Cassie qui voulait faire amie-amie avec Constance et Oni ? Grande nouvelle ! En fait... Impossible ! Alors pourquoi faire tout ce cinéma. Toute l'école savait que les méduses et elles se détestaient au plus haut point, et pas pour des raisons puériles...
Les quatre filles se retournèrent à nouveau- mais tout à tour cette fois-ci - sur les deux amies avec un sourire mauvais tandis qu'elles chuchotaient et pouffaient le plus discrètement possible.
Vint enfin l'heure attendue et redoutée : l'heure de la récréation. Tout le monde était sorti avec un grand enthousiasme, sauf Constance et Oni qui se chuchotaient quelques instructions. La récréation pour Constance et Oni n'étaient plus quelque chose d'agréable depuis plus d'un mois, et la raison, vous l'auriez compris était les quatre pestes. Mais cette fois-ci il y eût un véritable rituel avant que Constance et Oni ne sortent. Elles avaient toutes deux mis quelque chose dans leur poche et se répétaient à voix basse une phrase. Constance sortit un sac en tissu fermé et rempli à ras bord, qu'elle trimballa à bout de bras jusque dans la cour où des cris, des rires et des gémissements s'envolaient dans les airs pour former le tumultueux brouhaha de la récréation.
La cour était assez simple dans son aspect: un grand espace rectangulaire forgé au bitume, deux grands arbres encerclaient par des bancs en bois où les gens allaient se réfugier durant les parties de « chat perché » . Il y avaient deux marelles que se disputaient les filles de groupes et d'âges différents ainsi qu'un préau. C'est là que la moitié de la classe de Constance et Oni s'était comme précipitée. Le préau, c'était le lieu des discussions importantes et des prises de décisions des dernières années. La moitié de classe se tut en voyant arriver Constance et Oni, qui soignèrent leur démarche et prirent un air grave
— Il y a tout ce qu'il vous faudra là dedans, dit Constance en posant le sac par terre. Un demi-cercle s'était formé autour du sac, intrigué.
Une grande blonde fut la première à jeter un coup d'œil à ce qu'il y avait à l'intérieur.
— Je suis avec toi, affirma-t-elle.
Constance et Oni regardèrent le reste de la troupe, la terreur se lisait sur le visage de certains.
— Je sais que vous ne nous suivrez pas tous, lança Oni de sa voix aiguë. Mais si vous ne le faites pas pour moi, faites-le au moins pour vos convictions et pour la justice. On ne vous en voudra pas si vous renoncez.
Sur ces paroles elles tournèrent les talons, n'attendant aucune réponse. Elles devaient garder la tête froide, ne surtout pas flancher face à ce qui les attendait. C'était le moment de vérité. Elles passèrent d'un pas décontracté à côté des deux maîtresses qui étaient de surveillance dans la cour et parlaient d'une série télé.
— Répète encore la phrase, demanda Constance.
— "On ne vous donnera rien !"
— Parfait, je crois que tu es prête. On va y arriver.
Elles se firent une accolade. Constance saisit Oni par l'épaule. Celle-ci hocha la tête, lui signifiant qu'il était temps.
Les quatre sorcières avaient eu l'ingéniosité de se mettre dans le coin le plus reculé de la cour de récré, près d'une porte vitrée qui donnait vers la salle d'arts plastiques. Personne ne passait par là durant la récréation, et c'était un angle presque mort. Les maîtresses ne voyaient jamais ce qui s'y passaient.
Les quatre pestes étaient accompagnées du frère de Cassie, André. Il avait un an de moins qu'elle, mais cela ne l'empêchait pas d'être plus imposant que lui. Il était blond et aussi grand qu'il n'était large. On pouvait lire dans son regard une imbécillité née.On l'avait surnommé Big Ben, parce qu'il remontait les pendules à tous ceux qui se trouvaient sur son chemin.
— Je ne pensais pas que vous viendriez, lança une des jumelles Trisley en mâchant la bouche ouverte un chewing-gum rose.
— C'est toujours un plaisir de vous revoir les Trisley, ironisa Constance. André, Eva, Cassie, salua-t-elle d'un mouvement de tête, avec un sourire mauvais.
— Tu n'étais pas obligée de venir Constance, ça ne te concerne pas, trancha Cassie en mettant ses poings sur les hanches.
Elle détailla ensuite Oni qui lui lança un regard noir. Son frère eut son regard intimidant et cruel qui ne le lâchait jamais. Oni baissa les yeux en le voyant tandis que Constance le fusillait du regard.
— Si tu as quelque chose à dire à Oni, je pense que ça me concerne aussi, répliqua Constance avec force.
— Soit ! On n'attend plus que Joachim et on sera au complet pour notre petite fête.
— A peine avait-elle dit ça qu'un garçon à la peau aussi noire que l'ébène apparut et rejoint le cercle en silence, jouant avec ses mains. Il ne devait pas avoir plus de huit ans.
— Merci d'être venu Joachim ! grogna Big Ben avec un rictus.
— Comme si j'avais eu le choix, marmonna-t-il.
André frappa son poing contre sa paume avec force tandis qu'Eva ricanait bêtement, frottant son nez grec, dans un toc irrépressible.
— Je vois qu'on est au complet, sourit faussement Cassie avec un « sourire de Satan ».
— Dis-nous ce que tu as à dire, qu'on en finisse, tête de Pitbull ! siffla Oni.
— Toi la négresse, quand t'auras le droit de parler on te sonnera ! asséna Eva.
Constance serra le poing et s'avança pour la frapper mais Big Ben se hissa entre les deux filles, repoussant de son ventre bedonnant Constance qui tomba sur les fesses.
— Bien, je vois que comme d'habitude vous essayez d'avoir un élan d'héroïsme..., commença une jumelle Trisley.
— ... Et que comme d'habitude vous êtes toujours aussi nazes, acheva l'autre.
— Tu perds ta décence et ta force en étant au contact de ces sans âmes, couina le garçon bedonnant.
Joachim aida sans un bruit Constance à se relever. Constance se mordit la lèvre pour ne pas répondre.
— Vous avez ce qu'on vous a demandé tous les deux ? demanda Eva avec acidité. Vous devez payer pour rester dans NOTRE cour de récrée.
— Et comme vous le savez seuls les noirs doivent payer. Oh ! Zut ! C'est votre cas ! Quel dommage !
— On ne choisit pas sa couleur à la naissance, cracha Constance. Vous me dégoûtez ! Bande de racistes !
— On n'est pas racistes, dit Cassie. On est juste rationnel. Tu sais comme nous que ce sont une sale race.
— Allez en enfer ! hurla Oni.
— On perd du temps de récré, s'impatienta Big Ben. Alors aboulez le fric !
Joachim fut le plus vif et donna un billet de cinq dollars, la main tremblante.
— C'est tout ? tonna Cassie. Tu crois que c'est suffisant ?
— C'est dix dollars minimum ! T'arrives pas à compter ? On t'as pas appris ça dans ton pays ?
— Ma mère commence à trouver ça bizarre que je lui réclame de l'argent ou de voir de l'argent disparaître, se justifia Joachim, ses genoux chétifs tremblants. J'ai pas de l'argent en illimité.
— Dans ce cas, t'as qu'à retourner dans ton pays, croassa une des jumelles diaboliques.
— Ou t'inscrire dans le privé, mais crois-moi c'est pire, on t'en demandera trente par jour !
Et sans prévenir Big Ben asséna un uppercut vrillé dans l'estomac de Joachim. Dans un bruit sourd son petit corps s'écroula sur le sol. Il toussait et respirait péniblement, ce qui fit intensément rire la brute dodue. Joachim commença à pleurer et à gémir sous les yeux effarés d'Oni et le regard haineux de Constance qui enfonçait ses ongles dans sa peau de rage. Joachim gémit de plus en plus fort , ce qui agaça fortement Big Ben qui lui plaqua sa basket crasseuse sur la bouche pour le faire taire.
— Tu gémis encore une fois et je te la fais bouffer !
Joachim n'avait même pas tenté de se débattre avec le pied énorme de la brute qui lui broyait la bouche et le menton. Il se calma, retenant ses cris, mais des larmes ne cessaient de perler doucement, puis ce fut un flot de larmes d'injustice qui coulèrent abondamment sur ses joues.
— A toi Oni, j'espère que tu as plus que ton confrère, dit Eva en lui poussant l'épaule pour l'intimider.
Oni tituba tandis que Big Sean ramassait Joachim avec facilité, comme si il eût été un caillou. Il le saisit par les cheveux tout en lui faisant une clef anglaise ans le dos. Joachim couina et son visage se tordit de douleur. Son bras lui lançait terriblement, mais le grognement bestial de la brute lui rappela qu'il devait se taire et souffrir en silence. La suite se passa très vite : les jumelles Trisley, Eva et Big Ben avaient encerclé Constance et Oni. Leur cœur battait la chamade. Oni se mit à paniquer, regardant tour à tour le visage menaçant des cinq malfrats. Constance lui prit la main et se rapprocha de son amie. Elle avait peur aussi, mais elle se devait d'être forte et insuffler cette force à Oni, pour elle et pour la justice.Constance vit alors le visage de ce petit garçon tordu par la douleur qui retenait ses cris.
— Je crois qu'Oni a quelque chose à vous dire, dit Constance avec une assurance qu'elle ne se croyait pas capable d'avoir en pareil moment.
Oni respira profondément. Elle n'avait qu'à dire ce qu'elles avaient répété toutes les deux tantôt. Ce n'étaient que quelques mots...
Elle respira à nouveau, mais c'est juste dans un éclat de voix qu'elle réussit à bredouiller :
— Je ne vous ...
Rien de plus ne sortit de sa bouche. Oni sentit les larmes lui monter aux yeux tandis que Cassie éclat d'un rire démoniaque.
— Le problème avec vous les noirs c'est que vous croyez parler notre langue, mais vous ne la parlez pas, dit Cassie sous les ricanements abrutis de ses amis.
Oni vit alors le visage de ce petit garçon tordu par la douleur qui retenait ses cris. Le fait de savoir que la même chose allait encore une fois arriver : impossible.
— Je ne vous donnerai rien ! aboya-t-elle.
— Qu'est-ce que tu as dit ? s'indigna Cassie.
— Je ne vous donnerai rien ! répéta-t-elle avec rage. Ni maintenant, ni jamais plus ! C'est fini !
Big Ban lâcha Joachim pour se précipiter vers elle, les poings brandis. Ses yeux étaient injectés de sang, ses narines écartés. A cet instant Constance et Oni sortirent de leur poche le sifflet qu'elles avaient préparé et soufflèrent à l'intérieur. Le bruit aigu arrêta net Big Ben qui se boucha les oreilles. La seconde d'après des cris de guerre retentirent à quelques mètres d'eux. Les quatre mégères et Big Ben se retrouvèrent face à la moitié de la cour de récrée qui se précipitait sur eux.
— A L'ATTAQUE ! s'écria Oni en entraînant Joachim à l'extérieur du groupe visé par l'assaut.
Une pluie d'objets non-identifiables s'abattit alors sur eux. Chaque élève envoyait la chose avec la force et la précision qu'il pouvait. Les méduses et Big Ben se recroquevillèrent sur eux-même dans des petits couinements. Joachim regardait la scène déconcerté. Qu'était-ce ? Des cailloux, des grenades ? Rien de tout cela : c'étaient des petits pains terriblement durs que les élèves lançaient dans des cris féroces et des injures.
— Comme quoi, ça sert une mère qui ne sait pas cuisiner, rit Constance.
— On aurait dit une révolution ! Un coup d'état mené tambour battant sous les encouragements de Constance et Oni qui jouaient l'hymne américain au sifflet, tandis que Cassie criait que son père les ferait tous mettre en prison.
— Tiens prends un pain de la justice, insista Constance en en donnant un à Joachim.
— Ça ne va pas les tuer ? demanda-t-il, timoré.
— Si seulement ça pouvait...
Joachim fut le dernier à lancer un petit pain. Il visa bien Big Ben et lui expédia la pâtisserie directement dans l'estomac, exactement où il l'avait frappé tant de fois parce qu'il était noir, tant de fois parce qu'il n'avait pas ramené assez d'argent.
Joachim qui n'avait jamais souri du malheur des autres fit exception cette fois-ci. Il rit aux éclats, sautillant à côté d'Oni et Constance.
*
Que vous dire à part que je vous remercie de lire, d'avoir attendu cette suite !! Je vais rester régulière à partir de maintenant, I swear ! Surtout que le meilleur est à venir les enfants :*
Des besos chocolatés en puissance !!
— Apolite
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