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Chapitre 3 : Insignifiant

Depuis la soirée du Nouvel An, je n'avais plus eu la moindre nouvelle de Stan. Il avait pris mon numéro et l'avait sûrement effacé. Si tel était le cas, j'en serais à peine étonnée. En même temps, je n'étais rien, je n'étais qu'une pauvre étudiante en droit qui tentait de lutter désespérément contre son sommeil en ce moment. Visiblement, le café de ce matin n'était vraiment pas suffisant. Durant la pause, j'allais de nouveau faire un tour à la machine pour y dépenser encore une petite pièce.

Une fois ce cours terminé, je m'empressai de me jeter sur la machine avant le torrent d'étudiants. La pause était le pire moment pour prendre un café. Tout le monde râlait dès qu'un avait besoin de chercher une pièce ou même pire, la faisait tomber. Heureusement, ayant l'habitude, j'avais déjà tout prévu et pus m'extirper de la foule en moins de deux pour rejoindre Moly.

Marchant côte à côte, nous nous rendîmes vers l'amphithéâtre du prochain cours. Mon amie avait toujours le même regard, assez froid, sûrement par rapport aux récents évènements.

— Je n'arrive pas à croire que tu aies pu refuser ! s'indigna-t-elle. On ne refuse pas ce genre de trucs !

— Ça ne te rendra pas plus connu pour autant. En fait, ça ne changera rien... Le lendemain, tu reprends ta vie banale en pensant que ce n'était qu'un rêve.

— Qu'est-ce que tu peux être une rabat-joie ! soupira-t-elle.

— Désolée d'être qui je suis, déclarai-je en buvant une gorgée de mon verre.

Nous arrivâmes finalement devant l'amphithéâtre et ayant terminé mon café, je pus m'en débarrasser dans une quelconque poubelle.

— Comme d'habitude, le prof est en retard et ils n'ont pas ouvert l'amphi, se plaignit-elle en levant les yeux au ciel et en croisant les bras.

J'eus à peine le temps de réagir que mon portable se mit à sonner.

— C'est qui ? s'empressa-t-elle de demander.

— Numéro masqué. Peu importe...

— Tu ne réponds jamais aux numéros masqués ? s'étonna-t-elle.

— Généralement c'est pour de la pub. Si tu veux, je vais te le prouver ! lançai-je d'un air malin.

Je finis par décrocher, prête à jouer avec cet inconnu. J'avais laissé la chance aux numéros masqués il y a bien longtemps pour finalement être déçue par tant de pubs aussi futiles fussent-elles.

— Bonjour, sachez qu'aucun de vos tapis ou même de vos fenêtres ne m'intéresse. J'ai déjà un appartement qui me suffit !

Je m'attendais à une réponse outrée, mais certainement pas à un rire au bout du fil. Bien évidemment, je le reconnus aussitôt. C'était lui.

Moly qui était amusée jusqu'alors changea elle aussi d'expression, désormais inquiète.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit-elle.

Je l'ignorai, attendant impatiemment une remarque de Stan qui semblait se remettre de ses émotions.

— Je ne m'attendais pas à une telle réaction de ta part, finit-il par dire, se retenant de rire.

— Tu n'aurais pas dû appeler en masqué, lui fis-je remarquer, tentant de reprendre le dessus.

— Sinon je t'aurais donné mon numéro, renchérit-il aussitôt.

— Peut-être même que tu as appelé trop tôt, ironisai-je. Seulement une dizaine de jours ? Tu aurais mieux fait de me faire poireauter une bonne dizaine de jours de plus comme ça tu aurais eu exactement ce que tu veux de moi...

Moly fronça les sourcils, tentant de comprendre la situation. Je l'arrêtai en levant mon index en sa direction, lui indiquant que je lui expliquerai plus tard.

— Mais dans une dizaine de jours, je ne serai pas au Strawberry.

Strawberry, ce nom me disait quelqu'un. Ce devait sûrement être ce bar très réputé qui faisait des ravages dans la haute populace. Bien évidemment, des personnes comme moi ne pourraient jamais y mettre les pieds, même si la plupart en rêvaient.

— Serait-ce une invitation ? demandai-je pour enlever le moindre doute.

— Si tu es devant à 18 heures ce soir, oui. Sinon, tant pis.

— J'hésite vraiment entre ça et mes révisions sur les lois traitant du harcèlement, lâchai-je en plaisantant.

— À la limite, je ne suis pas contre un petit exposé, renchérit-il à ma plaisanterie.

— Bon, d'accord, je viendrai, cédai-je.

Il raccrocha le premier et je me tournai vers Moly toujours aussi interloquée par cette discussion.

— C'était qui bordel de merde ? demanda-t-elle, plus que jamais curieuse.

— Un mec qui m'invite ce soir, expliquai-je brièvement.

— Comment ça un mec qui t'invite ? Je veux absolument tout savoir sur lui !

Je ne pus m'empêcher de rire. Comme n'importe qui, Moly était du genre à réagir au quart de tour pour ce genre d'informations. La dernière fois que j'avais été en couple, elle avait réagi de la même manière. Elle était tout excitée et fut assez surprise en constatant que j'étais avec une femme. C'était aussi un moyen de lui annoncer ma bisexualité sans passer par un coming out plus angoissant qu'autre chose. Finalement, elle l'avait bien pris. Le contraire m'aurait étonné à vrai dire.

— Pour l'instant, ce n'est pas très important... On ne fait que s'amuser, déclarai-je, presque en riant.

Dans le fond, c'était totalement vrai. Il n'y avait absolument rien de sérieux entre nous et je savais que ce serait espérer vainement. Stan n'était qu'une star mondialement connue qui voulait juste jouer que moi.

— C'est ce qu'on dit toujours, rétorqua-t-elle en levant un sourcil.

Malgré son innocence, Moly savait interpréter certains signes. Malheureusement pour elle, elle n'avait pas toutes les informations, et je n'allais certainement pas lui révéler qui était cet homme en question. D'un certain côté, ça m'évitait de me bercer d'illusions...

Finalement, notre discussion s'arrêta ainsi lorsqu'on ouvrit les portes de l'amphithéâtre. Enfin, ce n'était pas trop tôt...

*

Le soir, Moly insista pour m'accompagner chez moi, tenant absolument à l'idée de m'aider à me préparer. Elle voulait même décider de ma tenue, prétextant que c'était très important, et aussitôt, je lui rappelais que ce n'était qu'un rendez-vous sans aucune importance. Elle voulait me persuader du contraire, elle ignorait tout simplement à qui j'allais rendre visite.

Je réussis à trouver une tenue convenable. Une simple robe noire et droite accompagnée d'une ceinture à la taille, tandis que j'avais laissé mes cheveux tomber naturellement sur mes épaules. Dans le fond, je n'avais pas vraiment fait d'efforts et c'était peut-être déjà trop.

Lorsque je quittai mon appartement, je me séparai de Moly et pris un taxi sans avoir de grandes attentes à propos de cette soirée. À vrai dire, je n'en avais aucune, et plus les lumières défilant sous mes yeux, plus je savais qu'avoir accepté était une erreur... De toute manière, tout ceci n'avait pas la moindre importance puisque je l'aurais oublié le lendemain...

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