Chapitre 25 : Tourner la page [Final]
En plein milieu de la nuit, nous retrouvâmes notre bon vieux Los Angeles. Malgré la sensation de bien-être que j'avais vécu tout au long de notre séjour à New York, j'avais vraiment besoin de retrouver mes repères.
Pourtant, même si le calme revenait, une angoisse persistait. J'ignorais quand nous pourrions nous revoir et le futur ne m'avait jamais semblé aussi incertain. Il n'y avait qu'une fine corde qui me liait à Stan. Et même son sourire lorsqu'il me déposa chez moi n'y changerait rien. J'étais incapable de passer outre tout ce qui m'angoissait...
— Merci de m'avoir suivi à New York, lança-t-il lorsque nous fûmes sous le porche de ma maison.
— C'est plutôt moi qui dois te remercier, le corrigeai-je.
— Tout le monde n'aurait pas accepté de me suivre à l'hôpital pour y voir ma grand-mère malade, rétorqua-t-il, la voix tremblante.
Je m'emparai de sa main et caressai le dos de celle-ci du bout de mon pouce tout en baissant mon regard. Quoi qu'il en dise, je n'avais pas l'impression d'avoir fait un geste aussi mémorable, c'était pour moi quelque chose de naturel. J'aidais toujours bien plus les autres que moi-même et il n'y avait aucune obligation, je l'avais toujours fait de bonne volonté. Néanmoins, cette habitude était apparue après tous ces événements qui m'avaient brisée.
De nouveau, je fus prise d'un air mélancolique et j'avais besoin de le sentir proche de moi, bien plus proche qu'il ne l'était maintenant. Je glissai alors mon bras derrière son cou et plaquai lentement mes lèvres sur les siennes. Il me suivit et posa ses mains dans mon dos, collant son corps contre le mien, et je savais que si je le voulais, nous pouvions entrer chez moi pour nous rapprocher davantage. Cependant, j'avais vraiment besoin de repos et de retrouver un lieu où je pourrais juste me poser devant la télévision pour y regarder un programme débile, surtout parce que je savais que la tempête était bientôt de retour...
*
Les jours suivants à la fac furent assez troublants. Moly avait tout fait pour m'éviter. Dès que nous nous croisions au détour d'un couloir ou dans un amphi, elle n'hésitait pas à me lancer un regard noir et à fuir le plus rapidement possible. Je n'avais toujours pas la moindre explication sur son comportement et c'était sûrement ça le plus dérangeant. Ne pouvant pas supporter de rester dans l'ignorance bien longtemps, je l'interceptai à la sortie de la fac. Elle fit mine de ne pas me voir et tenta de m'esquiver – comme toujours. Cependant, je m'emparai de son poignet, ne voulant pas lui laisser la moindre chance de s'enfuir.
— Lâche-moi tout de suite où je hurle ! lança-t-elle sans la moindre honte.
— Et qu'est-ce que tu vas dire ? Les gens seraient plutôt à t'accuser de violence que moi, rétorquai-je par pure provocation, espérant que ça passe.
Elle se détacha de son emprise et n'en profita pas pour s'enfuir, elle ne fit que prendre une longue inspiration.
— Je ne vois pas de quoi tu veux qu'on parle, lâcha-t-elle, faiblement.
— Il y a quelques semaines, on était les meilleures amies du monde et du jour au lendemain, tu ne veux plus me parler et tu me considères comme une pariât... Sauf que je ne comprends pas ce que j'ai fait pour subir ça !
J'étais complètement désemparée et avais de plus en plus de mal à trouver mes mots, parce que je n'étais plus en face d'une de mes amies les plus proches mais seulement d'une inconnue à qui je n'inspirais que du dégoût.
— Je ne suis pas sûre que tu pourrais comprendre, soupira-t-elle.
Elle ne voulait vraiment rien me dire et c'était d'autant plus perturbant. Devais-je vraiment oublier une relation sans la moindre explication ?
— Par contre, j'ai autre chose de prévu et je vais être en retard, ajouta-t-elle avec condescendance.
À contrecœur, je la laissai partir. Visiblement, je n'en saurais sûrement jamais plus. Je devais me contenter de ces quelques réponses énigmatiques.
N'ayant plus la force de bouger, je m'installai sur un banc proche. Je ne comprenais vraiment plus rien à ce qui se passait dernièrement... À moins que je ne l'aie – en quelque sorte – mérité. Peut-être que je n'étais pas une bonne amie. Peut-être que je l'avais bien trop de fois déçue et que cette fois-ci avait été celle de trop. Des hypothèses, j'en avais des tas, mais des réponses, aucune...
Je refusai de me morfondre de mon sort et fis ce que je savais faire le mieux dans ce genre de situations : m'exprimer. Heureusement, j'avais mon appareil photo dans mon sac et pus donc capturer quelques clichés en vagabondant à travers les rues. Les heures défilaient et le soleil se couchait, laissant place à une gracieuse pleine lune. Mon regard croisa celui de quelques passants, certains acceptèrent même de poser au détour d'une brève conversation. Même si la situation paraissait conviviale, je ne pouvais m'empêcher de marcher le cœur serré.
Puis, épuisée, je m'arrêtai sur un banc et je fixai la lune d'une blancheur aveuglante. Ce fut la dernière photo de ma série, du moins, pour ce soir.
*
Le lendemain, assise dans mon lit, je travaillais mes derniers clichés, en particulier celui de cette lune éblouissante. Je commençai par renforcer le contraste pour mieux faire ressortir la lune de ce ciel noir. Il n'y avait même pas le moindre nuage pour détourner l'attention. Il n'y avait que cette lune, juste elle, seule au milieu de ce vide. Rapidement, le rendu me plut, mais accentua ma mélancolie un instant.
Alors que je m'apprêtais à me plonger dans d'intenses réflexions, mon téléphone sonna. Stan. J'hésitai longuement à lui répondre, assez pour que ma respiration s'accélère. Nous devions parler et je le regrettais déjà.
Brusquement, je m'emparai de mon portable et finis par répondre, essoufflée et à contrecœur.
— Est-ce que tu es libre ce soir ? lança-t-il d'un air charmeur.
— Pourquoi donc ? demandai-je, incertaine.
— Une simple sortie au bar.
Je pris une brève inspiration pour me permettre de prendre un peu de temps pour lui répondre.
— Je ne pense pas pouvoir venir, répliquai-je d'une voix tremblante.
— Est-ce que ça va ?
— Oui... Enfin, je pense que je ne pourrais plus venir.
— Pourquoi donc ? s'étonna-t-il.
Pendant un court instant, j'eus l'impression que ma respiration se coupa et que j'allais tomber dans les pommes. Tout mon corps voulait que je fasse marche arrière, mais il était déjà trop tard et malheureusement, je devais le faire. Je ne pouvais plus rester dans une situation aussi bancale...
— On devrait s'arrêter là, annonçai-je d'un ton qui se voulait ferme.
— Serais-tu en train de me quitter ?
— En quelque sorte...
— Par téléphone ? Je ne comprends pas.... Tu ne voudrais pas qu'on en reparle–
— Non, le coupai-je. Ma décision est prise. Je suis désolée, mais sache que j'ai passé de très bons moments avec toi... Merci.
Sans même lui laisser le temps de répondre, je raccrochai et m'effondrai dans mon lit, laissant tomber mon portable à mes côtés. Immédiatement, il se mit à sonner. Stan voulait sûrement me convaincre que mon choix était mauvais et si j'avais la faiblesse de décrocher, j'aurais également la faiblesse de lui avouer ce qu'il se passait réellement, à quel point j'avais été maltraitée sur les réseaux sociaux.
Mon portable ne cessait de sonner et mes larmes s'amplifièrent.
Pourquoi j'avais fait ça ?
Je l'aime.
Putain, je l'aime. Et putain, ça faisait mal. Il y avait lui, mais il y avait mes doutes et les autres, et nous ne pouvions pas nous battre contre le monde. Du moins, je n'en avais pas la force, pas encore une fois et encore moins dans de telles proportions.
Ce soir-là, je fus incapable de m'endormir et acceptai de tenir à la caféine pour ne pas m'écrouler le lendemain en cours. Cependant, ceci n'atténua pas ma tête de zombie. En même temps, je n'avais même pas la force de sourire ou de m'enjailler pour de stupides choses du quotidien.
Comme toujours, mon regard croisa celui de Moly, il devait être froid ou triste, peu importe, ça ne l'avait pas fait réagir ni même changer le sien qui ne reflétait que du mépris. Elle s'enfuit et je ne tentai même pas de l'intercepter. De toute manière, un étudiant m'en empêcha en me tendant un prospectus.
— On organise une soirée étudiante mi-février ! m'annonça-t-il, enjoué. On a trouvé de super DJs et y aura à boire ! En plus, c'est pas cher !
— Je ne sais pas si je pourrais venir, je verrai, lâchai-je d'un ton maussade tout en prenant son papier.
Voulant éviter une longue discussion où il tenterait de me convaincre, je m'éloignai rapidement et quittai la fac, prête à rentrer chez moi pour me morfondre sur mon sort, encore une fois. Sauf que mes plans tombèrent à l'eau lorsqu'un homme m'intercepta. D'abord effrayée, il me fallut quelques secondes pour reconnaître Stan, son chapeau et ses longs cheveux étaient gravés dans ma mémoire.
— Que fais-tu ici ? Tu n'as pas peur qu'on te reconnaisse ? m'enquis-je en jetant un regard aux alentours qui étaient déserts.
— Tant pis, je prends le risque.
Je croisai mes bras, comme si j'étais embarrassée, et je ne pus m'empêcher de le dévisager. Il avait tout autant une sale tête que moi. Lui aussi reflétait son mal-être sur son visage.
— Je ne comprends pas Alice, lança-t-il, désemparé.
— Ça ne peut pas marcher entre nous, expliquai-je en tentant de paraître sûre de moi.
— Pourtant, ça marchait très bien, objecta-t-il. Et je ne peux pas te laisser partir.
— Désolée Stan... Ce n'est pas contre toi...
Jamais je ne m'étais sentie aussi horrible de commettre un tel acte. J'en avais largué des hommes, des tas même, et même si à chaque fois ça avait été une épreuve douloureuse, jamais à ce point. Et j'avais comme l'impression que je découvrais mes réels sentiments pour lui, peut-être que je m'étais trop attachée. Peut-être que je n'avais pas autant agi comme une connasse insensible, comme on me le reprochait souvent. Peut-être que Moly n'avait pas si tort que ça...
Son visage s'approchait de moi. Il voulait m'embrasser et je devais le repousser, mais je ne voulais pas. J'avais encore envie de le sentir proche de moi, de sentir son désir ardent pour moi, de sentir à quel point il m'aimait et à quel point ce sentiment était bel et bien vrai. Abandonnant mes propres injonctions assez stupides, j'acceptai ce baiser, mêlant délicatement nos lèvres et nos langues. J'étais prête à faire marche arrière, de céder à mes faiblesses et à la tentation de rester proche de lui, peu importe les risques. Mais je n'avais pas réussi à le supporter durant ce court laps de temps, je ne pourrais pas pendant une plus longue période. Il fallait que je sois réaliste, malgré nos sentiments. Je n'étais pas comme lui, je n'étais qu'une personne lambda et ce genre d'histoire n'était pas pour moi, à moins que je découvre être une princesse cachée, mais la fiction n'était pas mon amie.
— Désolée Stan, encore, soufflai-je, une main posée sur son cœur et les yeux fermés.
Je me retenais du mieux que je pouvais mes pleurs. J'aurais tellement dû jouer les connasses insensibles, j'aurais tellement dû le blesser et peut-être que je l'aurais mieux supporté, peut-être même que je ne pleurerais pas pour lui. Comment pouvais-je penser ça ? Jamais je n'aurais pu faire passer ça plus facilement. Quoi que je fasse, j'allais en souffrir, et lui aussi.
— Et s'il te plaît, oublie-moi comme tu le feras si bien, ajoutai-je dans un murmure.
Il ne dit rien et le silence qui s'installa entre nous fut fatal. C'était fini. Un dernier regard et je poursuivis mon chemin. Aussitôt, les larmes coulèrent sur mes joues. Je m'en voulais. Finalement, j'avais peut-être réussi à agir comme une connasse insensible. Je l'avais blessé dans l'unique but de me protéger. Il fallait vraiment être une sale égoïste pour faire ça... Soudainement, le comportement de Moly était évident et cohérent. Elle m'avait observée durant des années. Elle avait compris et en avait eu ras le bol. Je ne pouvais pas lui en vouloir, je ne pouvais que la pardonner. Tant mieux pour elle...
Arrivée devant ma maison, j'étais en larmes. Mon peu de mascara avait dû s'étaler sur mes joues. Cependant, il me fut impossible de me remettre de mes émotions lorsque je croisai ma sœur sous le perron. Immédiatement je séchai mes pleurs et accourus vers elle.
— Marina ! Que fais-tu ici ? m'étonnai-je.
— Tu avais raison... Je suis partie, m'avoua-t-elle.
Je la pris dans mes bras pour la consoler et je sentis qu'elle laissait couler quelques larmes qu'elle avait tant retenues.
— Mais je ne veux pas m'imposer chez toi, lança-t-elle faiblement.
— Tu ne t'imposes pas. Tu es la bienvenue, reste tout le temps qu'il te faut, la rassurai-je en la relâchant.
Je m'emparai de mes clés pour ouvrir la porte tandis qu'elle me fixait d'un air inquiet.
— Et toi... Ça n'a pas l'air d'aller...
On ne se connaissait que trop bien pour pouvoir ignorer les douleurs de l'autre. Nous avions toujours été très soudées, ne laissant rien nous séparer... sauf nos parents. Mais cette fois-ci, nous avions peut-être gagné cette manche contre eux.
Je pris une longue respiration. Il fallait tourner la page et j'allais m'y mettre dès maintenant.
— Il faut que je te dise quelque chose...
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