Chapitre 23 : Un arrière-goût amer
Stan m'avait déposé dans une boutique de prêt-à-porter bien plus luxueuse que ce que j'avais l'habitude de fréquenter. Je n'osais même pas regarder les prix. Stan m'avait demandé de prendre ce qui me ferait plaisir, et tout ça, à ses frais. Quand il me l'avait annoncé, j'avais été si embarrassée que j'en avais croisé les bras, incapable de prononcer le moindre mot. Je ne voulais pas vivre aux dépens d'un homme, c'était ce que je m'étais toujours promis et c'était peut-être encore un point en moins pour notre relation. Il avait bien plus que tout ce que je pourrais avoir et quoi qu'il arrive, je resterais toujours inférieure à ses côtés. Toutes ses pensées ne cessèrent de me revenir alors que je parcourais les rayons accompagnée d'une vendeuse un peu trop collante et un peu trop curieuse.
— Vous connaissez Stan Black ? demanda-t-elle, indiscrète. C'est vous la femme qui l'accompagnait souvent ? Celle qu'on voit sur les photos ?
Je ne pus m'empêcher de soupirer, agacée. J'avais beau être à l'autre bout du pays, les médias restaient les médias et d'une certaine manière, j'étais fichée. De plus, j'en venais à me rappeler tous ces innombrables messages sur les réseaux sociaux. Immédiatement, je m'emparai d'une robe en prétendant l'essayer pour me glisser dans une cabine. Je posai la robe et branchai précipitamment mon portable – heureusement qu'il y avait une prise ici. Ma curiosité malsaine avait repris le dessus et j'avais besoin de voir si toutes ces conneries étaient encore d'actualités. Bien évidemment, il fallait quelques minutes pour que ce portable complètement déchargé s'allume.
Pendant ce temps, j'essayai cette robe que j'avais choisie totalement au hasard. Une longue robe bleu indigo aux fines bretelles et fendue jusqu'au haut de ma cuisse gauche. Elle épousait délicatement mes formes sans les rendre trop apparentes. Cette robe me donnait l'impression d'être discrète, sauf pour la personne qui me regarde. Mon regard se perdit un instant sur mon reflet pour finalement revenir sur mon portable. Il s'était enfin allumé et à peine arrivée sur l'écran de verrouillage, quelques notifications commençaient à apparaître. Le peu que j'en vis était suffisamment pour comprendre que ça ne s'était pas arrêté. Un rapide tour sur instagram me le confirma. Toutes ces personnes avaient poursuivi leurs actions malveillantes. D'ailleurs, de nouvelles photos étaient apparues. Visiblement, quelques paparazzis nous avaient intercepté à l'aéroport, ne s'étant pas gêné pour photographier notre intimité. Toutes ces vipères des réseaux sociaux ne s'étaient pas gênées non plus pour déverser leur poison et m'insulter de toutes les manières possibles et inimaginables. Certains en étaient même venus à utiliser le terme de trans comme insulte à mon égard.
Mes mains se mirent à trembler et je savais que je n'aurais pas dû tenter le Diable. Malheureusement, j'aurais mieux fait d'écouter ma raison plutôt que ma curiosité morbide. Je ne voulais plus me préoccuper de ça pour le moment, alors, aussitôt, je débranchai mon portable et le rangeai dans mon sac. J'en avais assez vu pour aujourd'hui. J'aurais mieux fait de désactiver tous mes comptes parce que bloquer les indésirables n'était jamais suffisant, ils finissaient toujours par revenir.
— Est-ce que tout va bien ? s'enquit la vendeuse en martelant la porte de la cabine d'essayage.
— Oui, très bien, répondis-je d'une voix tremblante.
Personne ne pourrait me croire, pourtant, elle ne demanda rien de plus et attendit que je sorte de la cabine. Je me rhabillai rapidement et la rejoignis. Tout mon corps tremblait encore, mais peu importe. Comme toujours, je devais faire mine que tout allait bien.
— Est-ce que la robe vous convient ?
— Hum... Oui... Je vais la prendre, hésitai-je.
Dans le fond, je n'avais pas envie de passer des heures entières à trouver quelque chose que je ne porterais peut-être qu'une seule fois dans toute ma vie, puis cette robe était assez confortable, et j'avais encore moins envie de porter quelque chose de trop contraignant ou de trop moulant. Parfois, j'avais vraiment besoin de simplicité.
Comme convenu, j'avais retrouvé Stan à l'hôtel qu'il avait réservé entre temps. Il inspecta brièvement ma robe sans faire le moindre commentaire. De toute manière, il m'avait bien dit de prendre ce qui me ferait plaisir. Rapidement, nous nous installâmes dans notre chambre, ou plutôt notre suite. Évidemment, je n'avais jamais séjourné dans une chambre aussi grande. Je m'étais habituée aux petits motels au bord de la route lorsque j'en avais vraiment besoin ou que j'en avais marre de dormir en voiture.
Je déposai ma robe dans la première armoire que je croisai. Aussitôt, les mains de Stan se posèrent sur ma taille et une brusque chaleur me parcourut le corps. Je me tournai vers lui, prenant son visage entre mes mains puis mes lèvres se rapprochèrent des siennes, les effleurant délicatement. Ma langue rentra sensuellement en contact de la sienne et aussitôt, il m'embrassa à pleine bouche et notre fougue s'emballa. Ses mains se plantèrent dans le creux de mes reins tandis que je plaquais tout mon corps contre le sien et mes mains se perdirent au contact de son cou. Nos corps s'entremêlaient et nous étions en train de perdre tout contact de la réalité, et ce, durant de longues minutes...
*
Je fis une dernière retouche à mon maquillage, redéfinissant mon eye-liner pour ne rien laisser paraître de mes derniers ébats, puis mon regard s'attarda alors sur l'image que je reflétais. Jamais je n'avais eu une telle allure. D'habitude, une simple robe à une cinquantaine de dollars – au maximum – me suffisait. Tout ceci était bien trop extravagant pour quelqu'un comme moi. Je n'avais jamais baigné dans l'argent et ce n'était pas avec plaisir que j'y goûtais, un arrière-goût amer me restait coincé dans le creux de la gorge. Cette femme dans le miroir n'était pas moi, c'était une autre, parce que jamais je ne me serais retrouvée dans une telle situation par moi-même. Comment aurais-je pu me payer une robe de créateur avec les quelques dollars amassés çà et là après quelques jobs qui s'étaient tous relativement mal finis ? Je n'étais qu'une étudiante parmi tant d'autres qui cherchait l'indépendance. Je n'étais pas... ça.
Stan m'appela depuis le salon et ceci me tira brusquement de mes pensées. Il ne fallait plus que je songe à de telles choses, ils ne faisaient que remettre en doute ma relation. Même si mes sentiments pour lui avaient beau être forts, il y avait tout ce qui tournait autour qui avait la possibilité de nous rentrer dedans à tout moment et de tout ruiner en quelques instants. Et je n'étais qu'une étoile parmi cet espace bien trop dangereux...
Après avoir placé une mèche de cheveux derrière mon oreille pour parfaire mon chignon, je partis rejoindre Stan dans le salon. Il sembla ébahi par ma tenue. C'était à la fois plaisant et déstabilisant. Plaisant parce que j'aimais le voir sourire et savoir que j'en étais la raison et déstabilisant parce que ce n'était qu'un accoutrement qui le faisait avoir une telle réaction. Il avait beau avoir beaucoup de recul sur sa situation, il ne l'aurait jamais assez. À ses yeux, je ne resterais qu'une pauvre étudiante.
— Tu es sublime, me complimenta-t-il en prenant ma main.
— Merci, lâchai-je faiblement en esquissant un bref sourire.
Il caressa délicatement ma main. Il savait que j'étais préoccupée mais n'osa pas poser la moindre question à ce sujet. Peut-être avait-il peur d'être indiscret ? Pourtant, d'habitude, il n'aurait pas hésité à me demander ce qui me tracassait. Ou peut-être n'était-ce qu'une impression ? J'étais sûrement trop chamboulée pour avoir un vrai avis sur la situation. Tout ce que j'avais vu et lu sur mon portable tournait encore dans mon esprit et au fond de moi, je savais que je devais lui en parler, mais encore une fois, je m'abstins.
— Alors quel est le plan pour ce soir ? demandai-je en espérant avoir plus de détails et pour détourner toute conversation gênante avant même qu'elle commence.
— Il n'y a pas vraiment de plan... mis à part de faire ce que l'on veut.
— Donc il y a quand même un plan, et visiblement, le mot d'ordre est liberté, conclus-je, un sourire en coin.
Il me rendit mon sourire, amusé. Nos esprits convergeaient vers la même idée. Nous voulions tous les deux lâcher prise, peu importe la manière. Lui voulait sûrement oublier l'épreuve qu'avait été de rendre visite à sa grand-mère, et moi, je voulais juste tout oublier sauf lui.
De sa main libre, il effleura ma joue du bout de son index et je tentai de sourire sincèrement, mais cette fois-ci encore, c'était vain. Soudainement, l'idée de passer une soirée libérée de tout me semblait si lointaine.
— On y va ? s'enquit-il.
— Euh... Oui... Deux minutes...
D'un élan stupide, je retournai dans la chambre pour m'emparer de mon portable et de mon chargeur puis les fourrai dans mon sac. Je venais de commettre une grossière erreur, pourtant, il y avait comme un côté rassurant à les emmener avec moi. Aussitôt, je revins auprès de Stan, l'air de rien.
— Qu'avais-tu oublié ? me demanda-t-il en fronçant les sourcils.
— Rien d'important.
Il ne chercha pas à en savoir plus et nous quittâmes la chambre d'hôtel pour rejoindre notre chauffeur aux portes de l'hôtel. Durant le trajet, nous échangeâmes quelques baisers sans nous soucier de notre conducteur. De toute manière, il était payé pour une tâche, celle de nous guider d'un point vers un autre, le reste l'importait peu.
Une fois arrivée sur les lieux, je ne fus même plus étonnée par la luxure de celui-ci, c'était devenu une évidence, et presque une déception à chaque fois. Il n'y avait rien que je connaissais par ici et cette gêne n'avait jamais été aussi présente. Il était fort probable que, jusqu'à là, j'avais été aveuglée par ce mode de vie, que j'avais été curieuse comme n'importe qui.
Stan me prit la main d'une manière un peu trop attentionnée et me lança un regard compatissant. Il avait vu quelque chose dans mes yeux mais continuait de se taire. Ou peut-être n'avait-il rien vu...
Après ce bref échange de regard, nous quittâmes le véhicule et nous passâmes rapidement la sécurité pour pénétrer dans ce bar prestigieux. Immédiatement, je reconnus de nombreuses personnes à l'intérieur. Des artistes, des politiciens, des animateurs télé... De nombreux petits groupes s'étaient formés un peu partout dans le bar et tous donnaient l'impression de se connaître depuis des années. La main de Stan appuya sur la mienne et me guida vers un coin reculé de la foule et soudainement, je commençais à me sentir un peu plus sereine. Une serveuse s'approcha et il s'empressa de commander deux verres pour nous, puis nous fûmes enfin seuls, face à face.
Pour cette soirée, il s'était simplement vêtu d'une chemise blanche qui donnait à la fois un côté soigné et décontracté tandis que ses cheveux tombaient gracieusement sur ses épaules. Mais malgré son air attendrissant, ma boule au ventre n'était toujours pas partie, ma gêne était toujours présente. J'avais beau me dire que ça ne servait à rien de m'inquiéter, que j'étais toujours dans un lieu sûr en sa compagnie, mais rien n'y faisait. Au fond de moi, je savais que je devais me méfier. J'étais incapable de lâcher prise quoi qu'il arrive.
Le regard de Stan était de plus en plus perçant, mais il eut le temps de ne rien dire, la serveuse venait tout juste de revenir avec la commande, nous souhaitant une agréable soirée. Je ne pus m'empêcher de feindre un sourire. Si seulement j'arrivais à me calmer, j'aurais tellement pu apprécier cette agréable soirée qu'on me promettait tant...
Nous trinquâmes rapidement et je m'enivrai de quelques gorgées de ce cocktail.
— Alors, que penses-tu de New York ? me demanda-t-il, sûrement pour entretenir une conversation sans paraître intrusif.
— Hum... Ça a l'air sympa comme coin... mais c'est si grand... et je n'en ai vu qu'une partie, répondis-je avec hésitation.
— En même temps, il est impossible d'y faire tout le tour en seulement un week-end.
Nous échangeâmes un bref sourire avant de poursuivre cette longue soirée qui nous attendait...
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