Chapitre 22 : Les liens se resserrent
Venait-il vraiment de me proposer de passer un week-end avec lui à l'autre bout du pays ? Visiblement, son air était bien trop sérieux pour croire à une blague. Pendant quelques instants, je fus complètement déboussolée, figée et incapable de prononcer le moindre mot. Devais-je accepter ? refuser ? Finalement, l'alcool décida en partie à ma place :
— D'accord, soufflai-je d'une voix tremblante.
Il leva légèrement ses sourcils et me fixa longuement. L'air sur son visage était irrésistible. L'alcool n'y était sûrement pas pour rien, encore une fois, augmentant sensiblement ma libido.
— Es-tu sûre ? me demanda-t-il une dernière fois.
— On ne peut plus sûre, lui assurai-je.
Avant même qu'il ne rajoute quoi que ce soit, je me jetai sur lui pour lui déposer un doux baiser, ce qui fit suffisant pour le faire taire et accepter mon consentement.
*
Dès que nous étions montés dans son jet privé, la fatigue m'avait prise d'un coup et je m'étais confortablement installée dans un siège pour m'endormir le temps de quelques heures. Après tout, ça laisserait le temps à l'alcool de décanter et me permettrait d'y voir plus clair. À moins que je me réveille à New York ayant tout oublié et ne comprenant même plus ce que je fous là.
Parfois, mes yeux s'entrouvraient et jetaient un coup d'œil vers Stan. Celui-ci était sur son portable, sûrement en train de régler quelques affaires professionnelles. Étant bien trop à l'ouest pour y réfléchir, je me rendormais toujours aussitôt.
*
Lorsque j'ouvris les yeux, je vis par le hublot la piste d'atterrissage éclairée par les quelques premiers rayons du soleil. Puis je croisai le regard de Stan qui me murmurait qu'on était arrivé. Je m'étirai brièvement, tentant de m'extirper de ma courte nuit le plus rapidement possible.
— Tu as eu le temps de te reposer ? s'enquit-il d'un ton faible en posant sa main sur mon épaule droite.
Je hochai timidement la tête. Ce ne pouvait pas être une nuit parfaite, mais c'était toujours mieux que rien et ça me permettrait d'éviter de subir une journée après une nuit blanche. D'ailleurs, j'ignorais si ça avait été son cas, mais je ne pus absolument rien lui demander puisque nous étions déjà sur le départ.
En quittant le jet, quelques personnes nous entourèrent, une sorte de garde rapprochée pour empêcher quiconque de nous approcher. D'un pas rapide, nous rejoignîmes une voiture qui nous attendait à l'extérieur de l'aéroport. Aussitôt, nous nous installâmes à l'arrière du véhicule et les gardes montèrent dans la voiture garée derrière la nôtre. Heureusement, personne ne nous avait interrompus, pas le moindre journaliste, mais ça ne saurait tarder.
Le conducteur ne tarda pas à démarrer la voiture et Stan posa délicatement sa main sur ma cuisse puis m'adressa un doux regard. Immédiatement, je lui souris. La chaleur de sa main transperçait facilement le tissu de mon jean me provoquant un agréable frisson qui parcourut tout mon corps. Je ne pus m'empêcher de poser ma main sur son cou et l'embrasser à pleine bouche. L'alcool s'était complètement évacué de mon corps et je me sentais beaucoup plus sereine à l'idée de me rapprocher de lui. Il prolongea mon étreinte, glissant délicatement ses mains sous mon chandail, se fichant pertinemment du chauffeur qui pouvait se rincer – ce qui était également mon cas. Ma main sur ma nuque, je plaquai mes lèvres contre les siennes et ma langue venait à la rencontre de la sienne pour la caresser sensuellement.
En fait, la présence du chauffeur commençait à devenir gênante... Si seulement il n'était pas là, nous aurions sûrement transgressé les règles de la bienséance, ce pourquoi nous nous arrêtâmes en si bon chemin, totalement essoufflés.
Je tentais de calmer mes hormones en ébullition en regardant le paysage. Nous étions en plein cœur de New York, entourés d'immeubles tous plus immenses les uns que les autres. La Grosse Pomme, maintenant que j'y étais, je ne pouvais plus douter de son surnom. Puis mon regard se reposa sur Stan, lui aussi tentait de se calmer, ce qui était loin d'être une tâche facile quand je sentais son entrejambe durcir contre ma cuisse.
— Qu'est-ce qu'on fait maintenant qu'on est ici ? demandai-je, curieuse.
— Je me suis dit qu'on pourrait prendre un café histoire de se réveiller un peu.
— Excellente idée ! L'avion c'est toujours crevant, soupirai-je, exténuée.
— Je te le fais pas dire, ajouta-t-il, amusé.
Le peu de trajet qu'il nous restait finit par un délicat câlin. Nous étions arrivés bien rapidement en face d'un café assez luxueux, sûrement pour que personne ne nous embête. Il descendit le premier et me tendit une main pour m'aider à sortir de la voiture. Main dans la main, nous entrions dans le café et nous installâmes à une petite table dans un coin au fond. Rapidement, une serveuse prit notre commande et celle-ci ne tarda pas à arriver, nous avions à peine eu le temps d'échanger quelques banalités.
— Tu es déjà venue à New York ? m'interrogea-t-il en soufflant sur son café brûlant.
— Non. Je n'ai pas beaucoup bougé de la Californie à vrai dire.
Malgré la température bouillante de mon café, j'en avalai une rapide gorgée avant de reprendre :
— En fait, avec la fac, ça me laisse peu de temps... et peu d'argent...
Je me sentais presque honteuse de parler d'argent à ses côtés. Après tout, il n'avait plus ce problème désormais. Il hocha poliment la tête, évitant ainsi le moindre propos maladroit.
— Je viens souvent à New York, avoua-t-il. Ma grand-mère est ici... Depuis quelques années, elle est à l'hôpital et je viens la voir de temps en temps... C'est pas toujours évident, surtout si je veux éviter la presse...
Pendant un bref instant, mon cœur sauta un battement, un brin de compassion pour sa grand-mère. C'était d'ailleurs la première fois que j'en entendais parler et j'ignorais qu'elle allait aussi mal. N'ayant aucune envie de paraître indiscrète, je pris une gorgée de mon café, consciencieusement. Mais le silence était en train de s'imposer plus longtemps que prévu et je me forçai à prendre la parole :
— Est-ce que c'est grave ? demandai-je faiblement.
— Alzheimer, répondit-il aussitôt. Mais elle a un cas assez avancé. Tellement qu'elle oublie généralement qui je suis ou me confond avec un infirmier ou un médecin. C'est compliqué... sauf que je peux pas la laisser seule. Mon père vient à peine la voir, autant dire jamais.
Ses doigts resserrèrent la tasse et je percevais une pointe de douleur dans son regard. Sa famille avait toujours été un sujet sensible et à chaque fois qu'il m'en parlait, ça me touchait énormément, parce que je savais ce que ça signifiait.
— Tu comptais aller la voir en venant ici ? m'enquis-je d'une voix tremblante, tout en sachant que j'étais à la limite de l'indiscrétion.
Son regard prit un air triste tandis qu'il buvait une brève gorgée de son café avant de me répondre.
— Je n'en sais rien... À chaque fois que j'y suis allé, ça a été... assez éprouvant... Surtout parce que je sais que mon père ne va jamais la voir...
— Tu veux que je t'y accompagne ? proposai-je spontanément.
Je n'aurais pas dû lui demander ça. Parfois, il fallait vraiment que je réfléchisse plusieurs fois avant de l'ouvrir. L'accompagner pour voir sa grand-mère malade était quelque chose de bien trop intime et j'étais encore en plein doute sur notre relation. En fait, depuis ce que j'avais pu voir sur mes réseaux sociaux, je me sentais de moins en moins légitime à sortir avec quelqu'un comme lui.
— On peut y faire un tour, lâcha-t-il d'un ton faible.
Notre conversation se termina ainsi et chacun finit son café en silence. Il y avait quelque chose de dérangeant qui s'était immiscé entre nous. Peut-être que j'avais encore du mal avec la notion d'intimité et de confiance... Peut-être bien...
*
Depuis notre petit-déjeuner, nos conversations avaient été plutôt banales. Ni lui ni moi n'osions plus nous lancer dans de trop grands débats. Après tout, il suffisait de percevoir son regard angoissé pour comprendre que c'était inutile. Pourtant, durant le trajet jusqu'à l'hôpital, je ne pouvais plus supporter ce silence et pris les devants malgré les circonstances :
— Ça date de quand la dernière fois ? osai-je demander.
— Deux ans, probablement plus... J'ai un peu manqué de temps... mais ce n'est pas une excuse suffisante... J'aurais dû venir la voir plus souvent...
Instinctivement, je posai ma main sur la sienne et lui lançai un doux regard pour essayer de le rassurer du mieux que je pouvais.
— Tu ne dois pas t'en vouloir, lâchai-je d'un ton bienveillant. Ça n'a rien de facile...
Sans dire un mot, il me prit dans ses bras jusqu'à la fin du trajet. Je me tus alors, chose que j'aurais dû faire bien avant.
En quelques minutes, nous arrivâmes à destination. Nous descendîmes du véhicule et fûmes face à un modeste hôpital. Étrangement, je m'attendais à me retrouver face à un hôpital bien trop luxueux et dans lequel je n'aurais jamais pu mettre les pieds à l'intérieur de ma vie. Silencieusement, je le suivis dans les couloirs blanchâtres. Le personnel tournait souvent le regard vers nous, même s'il n'était venu que peu de fois ici, tout le monde le connaissait, que ce soit par sa notoriété ou parce que sa grand-mère séjournait ici.
Rapidement, nous nous arrêtâmes devant la porte d'une chambre, nous étions arrivés et je pouvais remarquer son souffle qui s'était alourdi.
— Tu veux que je vienne avec toi ? demandai-je maladroitement.
— Tu n'es pas obligée, soupira-t-il difficilement.
Il pensait sûrement que ce serait trop dur pour moi de l'accompagner aussi loin, mais je le rassurai en posant ma main sur son bras puis déposai un bref baiser sur ses lèvres. Aussitôt, il prolongea mon baiser, caressant délicatement mon cou d'une main. Il n'osait pas le dire, mais il voulait vraiment que je reste à ses côtés jusqu'au bout. Il m'entraîna alors à l'intérieur, me tenant par la main, mais je m'éloignai rapidement de lui pour me caler dans un coin, l'observant de loin. Il ne prêta pas attention à moi et se rapprocha de cette vieille femme qu'était sa grand-mère. Elle regardait d'un air fixe le mur vide en face d'elle, complètement perdue. Elle n'avait même pas remarqué notre arrivée.
Stan tenta de discuter avec elle, mais elle ne le reconnaissait même pas, pensant qu'il s'agissait d'un infirmier quelconque. Il essayait tant bien que mal d'avoir la moindre conversation avec elle, vainement, et ça m'attristait de voir une telle scène. Elle ne semblait pas si âgée que ça et pourtant, elle n'avait plus conscience de rien.
Brièvement, je jetai un coup d'œil à mon portable pour y voir l'heure, mais impossible, il était complètement déchargé. Soudainement, je me rappelai dans quelle merde j'étais. J'avais totalement oublié qu'ils n'avaient pas arrêté.
Stan me tira alors de mes rêveries en s'approchant de moi, prenant doucement mes poignets dans ses mains.
— Ça va ? murmurai-je.
— Oui, prétendit-il. Et toi ? Tu fais une drôle de tête...
— Désolée... Ce n'est pas évident.
Nous étions tous les deux en train de mentir. Lui faisait comme si ça ne l'atteignait pas tant que ça tandis que je faisais mine que tout allait bien dans ma vie. J'aurais dû lui en parler, mais je ne voulais pas en rajouter une couche et qu'allait-il bien pouvoir faire de toute manière ?
Main dans la main, nous quittâmes l'hôpital, aucun d'entre nous n'osa prononcer le moindre mot, du moins, jusqu'à ce que nous nous installâmes confortablement dans la voiture.
— Ça te dirait de te détendre un peu ce soir ? me proposa-t-il, feignant l'enthousiasme.
— Pourquoi pas, on en a bien besoin, soufflai-je en calant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
— Je connais un bar tranquille...
— Mis à part ce que j'ai sur moi, je n'ai rien d'autre, lâchai-je un tant soit peu déstabilisée.
— Je te paie une tenue s'il n'y a que ça...
— Non–
— J'insiste, lança-t-il, fermement.
Je n'avais pas le droit de refuser et ne pus qu'accepter à contrecœur. Je ne voulais pas être dépendante de lui, mais après tout, ce n'était qu'une tenue, rien qu'une soirée...
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