Le regard de mon amie me suppliait de dire oui. Elle espérait vraiment atteindre son quart d'heure de gloire, mais nous savions tous que ce n'était qu'un moyen pour s'octroyer les faveurs de fans, et bien trop souvent, de type sexuelles. Ne nous mentons pas, toutes les rockstars ont une longue liste de coucheries et j'étais loin d'être stupide.

— Je ne suis pas intéressée par l'offre, désolée, répondis-je d'un ton ferme.

L'homme leva un sourcil, sûrement persuadé que j'accepterais, tandis que Moly se décomposait littéralement. Oui, j'avais refusé alors que j'aurais pu avoir la chance de rencontrer une star, et alors ?

— Bien, comme vous voulez, rétorqua-t-il, toujours aussi étonné par mon assurance.

Pourtant, les apparences étaient vraiment trompeuses. Je tenais à peine debout, prête à m'écrouler pour un rien. D'habitude, je n'étais pas aussi sûre de moi. Visiblement, j'allais commencer l'année assez spécialement... Ça changerait de ces stupides résolutions que je ne tenais jamais.

Il finit par s'éloigner de nous et je me tournai vers mon amie qui semblait bouillir de rage. Elle m'en voulait, c'était évident, et je savais d'ores et déjà que j'allais regretter mon élan de connerie.

— Comment as-tu pu refuser ? Ça ne va pas bien dans ta tête ? s'emporta-t-elle.

— Tu crois vraiment qu'on les intéressait ? ironisai-je. Ils ne voulaient que coucher avec nous, ne sois pas bête Moly.

— Peut-être pas... Peut-être qu'ils voulaient faire connaissance, poursuivit-elle dans les mêmes idioties.

Je ne pus m'empêcher de rire. Comment pouvait-elle croire à ce genre de choses ?

— Je n'arrive pas à croire qu'entre nous deux tu sois la plus innocente ! plaisantai-je.

— Ce n'est pas parce que je me colore les cheveux en bleu que ça ne fait pas de moi quelqu'un d'innocent, me contredit-elle.

— Ok, un point pour toi, capitulai-je, presque à contrecœur.

Oui, je pouvais être mauvaise joueuse des fois. Mais si j'avais tort, autant l'admettre.

De nouveau, elle reconnut quelqu'un dans la foule. Elle connaissait vraiment un tas de monde ! En réalité, ça ne m'étonnait pas vraiment. Moly était quelqu'un d'assez sociable – bien plus que moi – et ses places VIP ne venaient certainement pas de nulle part.

Encore une fois, j'étais seule, mais peu importe. Je m'approchai du bar et me laissai tenter par un cocktail, cette fois-ci alcoolisé. Cette soirée commençait un peu à m'ennuyer et nous n'avions même pas passé minuit. On était toujours coincé en 2015. Faites que cette année se termine et qu'on entame 2016 pour que je puisse enfin rentrer chez moi...

En regardant ma montre, je constatai qu'on n'était plus qu'à quelques minutes de la nouvelle année. Ça tombait bien puisque je venais tout juste de terminer mon verre !

Les gens commencèrent le compte à rebours et se souhaitèrent la bonne année en souriant et en se prenant dans les bras les uns les autres, certains ne se connaissaient même pas. Comme toujours, j'étais à l'écart des gens.

D'un certain côté, j'étais presque tentée de prendre une photo pour montrer l'ironie de la situation, mais je n'avais pas pris mon appareil. D'habitude, je l'avais toujours sur moi, persuadée de voir quelque chose qui m'inspirerait. Et cette fois-ci, j'avais surtout oublié que l'inspiration était partout.

Finalement, je décidai de m'éloigner du bar. Je n'allais peut-être pas commencer la nouvelle année complètement bourrée. Mais j'allais commencer la nouvelle année avec un verre renversé sur moi. Encore un imbécile qui ne faisait pas attention là où il mettait les pieds !

— Pardon, je suis vraiment désolé, s'excusa-t-il d'une voix titubante.

Sans aucun doute, il était bourré. N'importe qui pourrait le voir. Ne considérant pas ça comme une excuse suffisante, j'écourtai toute forme de discussion et je me dirigeai vers les toilettes. Toujours la queue. Pourquoi changer ? Allais-je encore tenter les toilettes des hommes ? Après tout, je n'allais qu'utiliser le miroir et le lavabo. Je n'allais certainement pas brusquer leur intimité...

Bien que de nombreux regards se tournèrent vers moi, pensant sûrement que je n'étais qu'une tricheuse voulant dépasser tout le monde, je me dirigeai vers les toilettes masculines. Heureusement, cette tache était assez incolore et passerait plus ou moins inaperçue. En même temps, c'était assez logique sur une robe noire. Pourtant, je ne pus m'empêcher de tenter de l'atténuer avec un peu d'eau.

Puis lorsque je relevai ma tête, j'aperçus Stan à travers le miroir. Je me tournai immédiatement vers lui, tentant de ne pas donner l'air d'être déstabilisée. Après tout, j'avais bien refusé son invitation. Et d'ailleurs, assez étonnant que l'on se recroise dans les toilettes...

— Voilà la miss qui a refusé mon invitation, lança-t-il, un sourire en coin. Pourquoi donc ?

— Je ne sais pas, peut-être que je n'ai pas envie de me faire tringler par tous les membres du groupe, rétorquai-je l'air hautain.

Il rit à ma remarque, comme si ce n'était pas vrai. Pourtant, c'était la vérité. Nous le savions tous.

— Tu es vraiment une marrante toi. N'as-tu pas un numéro ?

Au moins, il était direct, peut-être un peu trop direct, je pouvais le remarquer à son sourire enjôleur. Il était plus que charmant et j'étais capable de céder, mais je ne l'avais pas fait jusqu'alors et ce n'était donc pas le moment de le faire.

— Tu crois vraiment que je vais te donner mon numéro aussi facilement, déclarai-je presque comme un défi.

Il s'approcha dangereusement de moi et je plaquai mon bassin contre l'évier. Ses lèvres effleurèrent sensuellement les miennes. Même si une puissante chaleur montait dans mon corps, je ne cédai pas, tentant de passer pour quelqu'un d'impassible sans pour autant le repousser. Il allait m'embrasser, c'en était certain, je le voyais dans son regard. Il était déterminé à m'avoir dans sa longue liste de conquêtes...

Il posa sa main sur mon cou, effleurant ma joue du bout de son pouce. Il voulait que je cède, il voulait que je m'offre à lui, que je lui dise qu'il pouvait y aller. Mais non, ce serait trop facile, même si l'idée commençait à me plaire.

Finalement, je l'arrêtai, posant mon index sur les lèvres, puis me détachai de son emprise. Aussitôt, je dégainai mon portable.

— Ok, tout ce que tu auras sera mon numéro, lâchai-je en arquant un sourcil.

Il afficha un sourire à la fois victorieux et déçu. Il n'avait que la moitié de ce qu'il voulait. Je savais qu'il ne me rappellerait pas, mais planter une célébrité sur le point de coucher avec moi me plaisait assez bien. Certains diraient que je vais le regretter tandis que j'y rigolerais en y repensant.

Il nota aussitôt mon numéro dans son répertoire.

— Et quel est donc ton nom ? demanda-t-il, presque joueur.

— Alice.

— Joli prénom, me fit-il remarquer.

Je doutais que ce soit vraiment sincère, sûrement un moyen pour m'amadouer. Ça aurait pu marcher, mais avec quelqu'un d'autre seulement. Je n'étais pas une fille facile, peu importe qu'il soit une star ou non.

— Ce n'est que le nom que m'ont donné mes parents, rétorquai-je, indifférente.

Il sembla surpris de mon audace et avant même que je lui laisse le temps de réagir, je quittai les toilettes, un sourire aux lèvres. Oui, je m'amusais et je n'en avais certainement pas honte.

Moly me tomba aussitôt dessus, enthousiaste à l'idée de me voir.

— Alors, qu'est-ce que tu fais ? s'enquit-elle.

— Pas grand-chose à vrai dire, répondis-je en haussant les épaules.

— Ça tombe bien, je commençais vraiment à en avoir marre... Ça te dit de rentrer ?

Avec grand plaisir, j'acquiesçai. Après tout, ça faisait bien longtemps que j'en avais assez et que je trouvais n'importe quoi pour passer le temps.

J'allais sûrement enfin reprendre ma vie banale et sans intérêt...