Chapitre 18 : Un autre monde
Quelques rayons du soleil tapèrent sur mes paupières qui s'ouvrirent lentement, me rappelant soudainement qu'une nouvelle journée venait de commencer. Pendant un instant, je guettai les alentours pour me remémorer de mes derniers souvenirs.
J'étais assise à la table du salon, des bouquins de droit sous les yeux. J'avais sûrement veillé jusqu'à m'écrouler sur mes cours. Encore une nuit qui avait été bien trop longue...
Mon regard finit par se poser sur la pendule qui me fit prendre conscience de mon important retard. Même en me préparant en vitesse, jamais je n'aurais le temps d'arriver avant la fin de la matinée. Autant ne pas venir de toute la journée. Après tout, je n'avais pas besoin de me rendre en amphi pour avoir mes cours et ça m'éviterait de croiser quelques indésirables.
Et voilà que je me retrouvais seule, chez moi, sans avoir grand-chose à faire. Je me décidai rapidement à travailler sur mes derniers clichés. Ils dataient déjà de quelques semaines, certains avaient même un bon mois et étaient restés enfouis dans quelques dossiers sur mon ordinateur. Parmi toutes les photos, je m'attardai sur l'une d'entre elles. Un ciel obscur, quelques nuages et quelques corbeaux éparpillés dans les airs. Je ne faisais que rentrer chez moi et j'avais levé les yeux. Immédiatement j'avais été submergée par ce décor et je n'avais pas pu me retenir de m'emparer de mon appareil pour capturer ce moment qui me semblait si unique...
Et maintenant, cette photo me faisait penser à Stan et j'en souris. Ces corbeaux, ces black birds. C'était comme si je le voyais à travers ce cliché. Sans plus attendre, et sans y réfléchir à deux fois non plus, je lui envoyai la photo avec pour seul commentaire : «Black Birds». Je n'avais pas l'inspiration d'écrire plus et c'était suffisant. Après quelques secondes d'hésitation, j'appuyai sur le bouton et posai mon portable de côté pour finir mon travail, mais aussi pour ne pas me jeter dessus lorsqu'il me répondrait. Pourtant, mes convictions furent bien trop faibles et dès que je reçus son message dans les minutes qui suivirent, je ne pus m'empêcher d'y répondre.
« Magnifique photo. Es-tu libre ce soir par hasard ? »
Je mordis ma lèvre en réfléchissant à la réponse évidente que j'allais lui envoyer. Il allait sûrement me proposer de venir chez lui, un endroit assez discret et qui empêcherait un quelconque paparazzi d'interrompre notre bonne humeur.
« Absolument rien de prévu. »
Mes doigts avaient filé naturellement sur le clavier et maintenant j'attendais impatiemment sa réponse tout en me retenant de me ronger les ongles. Heureusement, sa réponse ne se fit pas attendre. Il me proposait une soirée avec quelques-uns de ses amis et il prévoyait de venir me chercher chez moi. Pendant quelques instants, cette idée me bloqua. Ses amis ? J'allais rencontrer des personnes assez proches de lui. Ça rendrait notre relation soudainement beaucoup trop sérieuse, plus officielle... Mon cœur sauta un battement et mes mains tremblèrent, pourtant, j'acceptai cette virée tardive en sa compagnie. Peut-être avais-je complètement merdé... De toute manière, je le saurais bien assez tôt.
*
Toute la journée, je m'étais retourné l'esprit dans tous les sens pour trouver la tenue idéale. Tous mes vêtements ne dépassaient même pas les cent dollars et je serai entourée de personnes portant le centuple sur eux. Pourquoi avais-je accepté aussi bêtement sans penser à ça ? Pourquoi oubliais-je parfois que nous ne venions pas du même monde ?
Finalement, j'avais opté pour une robe rouge moulante sans trop l'être. Puis j'avais été bloquée par mes cheveux. Relâchés ? Attachés ? Chignon ? Queue de cheval ? Comme d'habitude, lorsque l'hésitation était trop forte, je choisissais l'option la plus simple : relâchés. Pour parfaire la tenue, j'avais sorti les hauts talons, même si je n'étais pas une experte et que généralement je ne tenais jamais toute une soirée avec. Mais peu importe, j'allais retenter l'expérience une nouvelle fois, quitte à la regretter à partir d'une certaine heure.
Dix-neuf heures approchaient à grands pas et de nombreux scénarios avaient eu le temps de se créer dans mon esprit, suffisamment pour me terrifier. Face à qui allais-je me retrouver ? Et s'ils venaient tous de cet autre monde, de quoi aurais-je l'air ? Normalement, je ne devrais plus avoir peur de me sentir seule après tout ce que j'avais vécu... et pourtant, je n'avais aucun contrôle de mes sentiments.
Alors que j'aurais pu me retrouver face à de mauvais souvenirs, on frappa à la porte et après avoir enfilé en vitesse un trench, je vins ouvrir et souris en constatant que Stan était enfin là.
— Tu es sublime, lança-t-il, enthousiaste.
— Euh... Merci, hésitai-je.
Il me tendit sa main, l'invitant à le suivre jusqu'à sa voiture. Je tremblais assez pour regretter mes talons. La soirée prévoyait déjà d'être tendue, même s'il avait tenté de me rassurer durant le trajet, m'expliquant brièvement qu'il s'agissait d'un ami proche, une simple soirée sans prétention. J'avais beau essayé de le croire, mais impossible, l'inquiétude était toujours aussi présente.
Lorsque nous arrivâmes sur les lieux, je fus à peine étonnée de me retrouver face à une immense villa aux dimensions improbables. De plus, malgré la pénombre, le blanc immaculé de cette demeure illuminait les alentours. Puis en jetant un coup d'œil à ceux-ci, je compris que c'était commun du paysage. Normal quand on se trouvait à Beverly Hills.
Stan se rapprocha du portail et je le suivis attentivement tout en étant un peu déstabilisée. Mon regard ne cessait de fuir dans les parages, surprise par tant de luxe. Rapidement, les grilles s'ouvrirent et nous parvînmes à un jardin où se trouvait une vaste piscine et également une foule considérable. C'était vraiment loin de la "modeste soirée" que m'énonçait Stan quelques minutes auparavant. Presque perdue, je m'accrochai à son bras, espérant y retrouver un quelconque repère.
Un homme vint alors à notre rencontre, sûrement cedit ami dont il parlait. À mesure qu'il s'approchait, son visage me semblait de plus en plus familier, probablement quelqu'un connu des grands écrans. Puis quand il fut face à nous, je reconnus immédiatement Ryan Stewart. Tout le monde connaissait ce grand blond aux traits fins et à la musculature très développée. D'ailleurs, je ne comptais même plus le nombre de films dans lesquels je l'avais croisé en tête d'affiche.
— Stan ! Je ne pensais pas que tu viendrais ! s'exclama-t-il, enthousiaste.
Ils se donnèrent une brève accolade et quelques banalités en prétendant que tout allait bien dans la vie de chacun. Puis Ryan se tourna vers moi et je devins soudainement fébrile. Je croyais avoir plus d'endurance lors de ce genre de situation, à croire que non...
Avant même que je puisse prononcer le moindre mot – pas sûre que j'y arrive étant donné mon état –, Stan me devança, ce qui me rassura d'une certaine manière.
— Je te présente Alice, une excellente photographe qui a collaboré avec mon groupe.
— Enchanté, lança Ryan en me tendant sa main.
— De même, répliquai-je en lui serrant brièvement la main accompagnée d'un léger sourire.
— J'espère que vous vous amuserez bien tous les deux. Il y a de quoi faire dans toute la maison... Et moi je vais voir le DJ pour lui donner quelques suggestions de musique.
Son débit de paroles avait été rapide, autant que ça lui avait pris pour s'éloigner de nous.
— Tu veux boire quelque chose ? me proposa Stan.
— Oui... J'en ai vraiment besoin...
Il me prit délicatement ma main et me conduisit jusqu'à un comptoir où s'étaient regroupées de nombreuses personnes. La plupart ne m'étaient pas inconnues et c'était assez déstabilisant que je connaissais ces personnes mais qu'eux ne me connaissaient pas.
Le barman s'approcha de nous, Stan prit un mojito et n'étant toujours pas à l'aise, je me contentai de la même boisson. En quelques minutes, notre commande fut prête et nous sirotâmes notre cocktail, installés dans un coin écarté de la foule.
— Quelque chose ne va pas ? s'enquit-il.
— Je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde, avouai-je.
— Je me suis rendu compte en arrivant qu'on n'avait peut-être pas la même définition de petite soirée... et je ne pensais pas qu'il inviterait autant de monde, lâcha-t-il presque perturbé.
Je fis tourner la paille dans mon verre, pensive. J'avais envie de dire quelque chose, mais j'ignorais quoi, rien ne me venait, comme si j'étais bloquée.
— Tu ne devrais pas te mettre dans un tel état, ajouta-t-il.
— Je suis entourée de célébrités, personne ne me connaît... Je suis rien...
— Je te connais et tu n'es pas rien, n'est-ce pas suffisant ?
Je n'osai pas lui répondre malgré son regard attendrissant et bus une brève gorgée.
— En vrai, je ne vais que rarement à ce genre de soirées, avoua-t-il. Je suis peut-être un peu trop solitaire dans le genre...
Je ne pus m'empêcher de sourire à sa remarque. Nous nous ressemblions beaucoup sur ce point, même si certaines de nos différences pouvaient me déranger de temps à autre.
— Ça te dirait qu'on trouve un endroit un peu plus tranquille ? demanda-t-il en passant sa main sur sa nuque.
— Pourquoi pas...
Chacun de nous finit son verre et je jetai un bref coup d'œil aux alentours. La terrasse était littéralement bondée de monde et ça se bousculait autour de la piscine, tout en dansant sur le rythme électro proposé par le DJ. J'avais presque l'impression de me retrouver à une de ces soirées qui avaient dégénéré à mon adolescence.
En me levant de ma chaise, je voulus vérifier l'heure sur mon portable, mais vainement, il refusait de s'allumer.
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Stan, surpris.
— Je voulais voir l'heure... mais visiblement je n'ai plus de batterie. Je ne comprends pas... Je l'avais pourtant chargé avant de venir.
— Les batteries de nos jours, plaisanta-t-il.
Nous échangeâmes un sourire et je le suivis vers un coin plus calme. Après avoir traversé une nouvelle foule à l'intérieur, nous parvînmes à trouver une modeste chambre, qui plus était, vide. Il me guida jusqu'au lit, m'invitant à m'asseoir sur le bord à ses côtés. Soudainement, je me sentais beaucoup plus sereine, comme si je venais de relâcher un poids. En même temps, nous étions seuls, nous avions un coin rien que pour nous parmi la foule présente ici.
Sa main se posa sur ma cuisse tandis que je fis balader mes doigts sur son torse, m'approchant dangereusement du premier bouton de sa chemise, prête à l'enlever. Il en profita pour remonter sa main le haut de ma cuisse, étant maintenant bien proche de mon intimité. Puis nos lèvres se mêlèrent, ainsi que nos langues, commençant une sensuelle danse. Mes mains vinrent se croisèrent dans sa nuque pendant qu'il calait les siennes dans le creux de mes reins, faisant cambrer mon dos. Je pris alors son visage entre mes mains, relançant notre étreinte et en y ajoutant un brin de fougue. Nos respirations s'accélèrent, se confondirent, puis il me fit basculer sur le matelas, ne pouvant m'empêcher d'en rire. Peut-être que l'alcool était déjà en train de monter... Peut-être que ce n'était pas raisonnable... mais peu importe. Jamais je n'avais été dans un tel état d'excitation, ni même dans une telle situation, et pourtant, je n'en étais pas dérangée. Je n'avais plus le moindre complexe, aucune honte, alors que d'habitude, c'était toujours soit chez lui, soit chez elle, soit chez moi.
Ses lèvres caressèrent le lobe de mes oreilles, déclenchant une ardente sensation dans ma poitrine. Cette douce sensation humide m'enivrait dans le coin de mes oreilles. Je descendis mes mains dans son dos, me rapprochant de son derrière tout en me mordant la lèvre inférieure.
Même si nous avions trouvé un lieu un peu à l'écart du brouhaha, la musique résonnait entre ces quatre murs, donnant un effet assourdissant. D'habitude, j'aurais trouvé ça désagréable, mais pas cette fois-ci. Mon corps se fichait des éléments extérieurs, il ne désirait que Stan, et c'en était de même pour lui, je pouvais le sentir.
Alors que sa main remontait le long de ma cuisse, un frappement de porte se fit entendre malgré les bruits ambiants. Aucun d'entre nous n'y prêta attention jusqu'à ce que la personne de l'autre côté devint de plus en plus insistante. Nous fûmes alors obligés de tout arrêter avant même d'avoir commencé. Immédiatement, il se leva pour ouvrir à celui qui nous avait salement interrompus.
— Ryan, est-ce qu'il y a un problème ? s'enquit Stan, tentant de dissimuler son air blasé.
— Je cherchais juste Sandy Brandon, je l'ai perdue de vue durant la soirée, lâcha-t-il la voix tremblante.
— Quelque chose ne va pas avec Sandy ? demanda Stan gravement.
Il ne me fallut que peu de temps avant de mettre un visage sur le nom de Sandy Brandon. Cette femme noire qui se battait continuellement contre les idées racistes se propageant dans le milieu du show-business.
Immédiatement, je me levai du lit et m'approchai d'eux, curieuse.
— Elle ne semblait pas aller très bien ce soir... J'ai peur qu'il lui arrive quelque chose. En plus, elle ne répond à aucun de mes appels.
— On peut faire un tour et tenter de la trouver, proposai-je.
Tous furent d'accord avec mon idée et immédiatement, nous nous lançâmes à sa recherche, cependant, une boule au fond de mon ventre était en train de se créer, l'inquiétude me rongeait de l'intérieur et j'ignorais pourquoi... Un mauvais pressentiment me suivait comme mon ombre...
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