Chapitre 13 : Longue attente
Dès le lever du soleil, je m'étais échappée du lit, abandonnant Stan sans même lui dire au revoir. Ça me paraissait bien plus simple ainsi. La gêne était toujours présente d'une certaine manière, bien que je ne comprenne pas vraiment pourquoi.
De retour chez moi, j'avais passé la journée à bosser sur mes cours, rien de bien intéressant en soi, du moins, jusqu'à ce que je reçoive un message provenant de ma sœur. La dernière fois que je lui avais parlé avait été lors des fêtes de fin d'année. Comme moi à son âge, elle ne supportait plus le foyer familial, mais je ne pouvais pas y faire grand-chose. J'avais déjà du mal à gérer le budget pour moi-même, alors pour deux personnes, ça promettait d'être compliqué...
En lisant son message, j'en avais encore le cœur serré en comprenant dans quelle détresse elle se trouvait. Comme toujours, elle devait subir les disputes de nos parents et leur rabaissement constant. N'importe quel parent voulait la réussite de ses enfants, mais eux allaient bien trop loin. Un dix-neuf ne vaudrait jamais un vingt, peu importe le travail fourni. Ils voulaient toujours le meilleur et quand même on l'atteignait, ils n'étaient jamais satisfaits.
Sur un coup de tête, je proposai à ma sœur de venir passer un peu de temps chez moi pour respirer un peu de cette atmosphère toxique. Elle aussi avait vraiment besoin d'air...
Immédiatement, elle accepta. Sa réponse était même accompagnée d'un grand smiley souriant, ce qui me réconforta et les commissures de mes lèvres se soulevèrent délicatement. C'était complètement brusque et irréfléchi, mais ma sœur me manquait et, malheureusement, elle en avait encore pour quelques années avant de pouvoir être complètement libre.
Encore quelque chose qui ne pouvait que me dérouter davantage...
*
En arrivant dans l'amphithéâtre, Sara et Moly étaient déjà toutes les deux déjà présentes, assises sur un banc en pleine conversation. Dès qu'elles me remarquèrent, elles se turent, comme si je venais de couper brusquement leur discussion. Je m'assis aussitôt à leurs côtés, mais la gêne était toujours présente. Il y avait vraiment de grandes chances qu'elles aient parlé de moi...
— Alors, comment ça a été votre week-end ? lançai-je pour briser cet oppressant silence.
L'embarras se poursuivit puisqu'aucune d'entre elles n'osa répondre, du moins, jusqu'à ce que Sara prenne les devants.
— Comme d'habitude en fait. Et toi ?
Moly détourna son attention pour se concentrer sur son portable. Ce n'était pas étonnant venant d'elle, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit maintenant. C'était comme si j'avais fait quelque chose qui l'avait vraiment blessé. Certes, je lui avais menti à propos de Stan, prétendant n'avoir personne – ce qui était le cas d'une certaine manière –, mais je ne pensais pas qu'elle m'en voudrait à ce point. Ce genre de choses, nous le faisions toujours pour nous taquiner, pas pour nous engueuler.
— Alice ? me tira Sara de mes pensées.
— Hum... Oui, j'ai passé un plutôt bon week-end, lâchai-je d'une voix faiblarde.
Pour avoir passé un bon week-end, j'en avais passé un très bon en compagnie de Stan. Notre partie de jambes en l'air était encore gravée dans mon esprit et jamais je ne pourrais m'en détacher même si je le devais.
Moly resta scotché à son écran et se fichait bien de ce qui pouvait se passer à ses côtés. Je me permis alors de tenter quelque chose :
— Et toi Moly, comment a été ton week-end ?
Elle releva alors la tête accompagnée d'un petit "hum" comme si elle se fichait de moi.
— Mon week-end ? Eh bien, il a été très enrichissant... mais rien de particulier quand même.
J'avais l'impression qu'il y avait une pointe de mépris dans ses propos sans que je puisse comprendre pourquoi. Cependant, je n'eus pas le temps de demander quoi que ce soit puisque le prof commença son cours, ce qui la détourna de toute attention. Peut-être aurais-je plus de réponses lors de la pause...
*
Comme toujours, je profitai de la pause pour prendre un café et ainsi me réveiller. Même après une longue nuit, j'étais tout de même fatiguée. De plus, c'était une bonne occasion pour parler avec Moly. Enfin, si elle n'était pas partie en courant à la fin du cours. Elle tenait vraiment à m'éviter. Je dus alors me résoudre à la compagnie de Sara.
— Tu sais ce qui se passe avec Moly ? demandai-je en commandant un café à la machine.
— Non...
Son ton était faible et elle baissait la tête. Elle devait forcément savoir quelque chose mais refusait de me le dire. Était-ce grave à ce point ?
— J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas avec elle ? m'enquis-je en prenant mon café qui venait tout juste d'être prêt.
Elle glissa une pièce dans la machine et se tourna alors vers moi pour répliquer, toujours avec le même ton hésitant :
— Non... Absolument pas.
Elle mentait, c'était évident. Sara ne savait pas garder sa langue dans sa poche et ça lui demandait donc un effort surhumain pour ne rien me dire. Pourtant, je n'insistai pas et ne demandai rien de plus. Dans le fond, j'aurais pu avoir une réponse facilement au bout de quelques questions, mais il valait mieux capituler.
Et pendant tout le reste de la journée, la situation fut la même. Moly m'ignorait totalement tandis que Sara tentait de m'éviter, mais l'une était plus faible que l'autre à ce jeu-là. J'espérais vraiment que ce ne soit que passager, je n'avais pas du tout la tête à ça...
*
Comme convenu, ma sœur débarqua chez moi aux alentours de dix-neuf heures. Immédiatement, elle se jeta dans mes bras, me remerciant de mon accueil. Elle n'avait pas besoin d'en dire davantage pour que je comprenne le désastre qui avait dû se produire dans la famille. Son visage en disait long également. Elle arborait un air morose, même ses longs cheveux bruns semblaient bien plus ternes, tandis que d'importants cernes s'étaient creusés sous ses yeux amande.
Dans le silence, je lui montrai là où elle allait dormir : dans ma chambre, avec moi. Je n'avais pas d'autres places. En même temps, je ne pouvais pas me le permettre avec mon budget et mes petits boulots la plupart du temps inexistants.
Elle inspecta brièvement les lieux. Elle connaissait déjà la maison, pourtant, elle s'obstinait à observer le moindre recoin. J'aurais alors pu lui demander de nombreuses informations à propos de ces derniers jours, mais je ne voulais pas la brusquer. Elle allait forcément en parler d'elle-même. Je ne me limitai qu'à la durée de son séjour. Elle n'en savait absolument rien, espérant que ce soit le plus longtemps possible, mais jamais nos parents ne permettraient ça.
Pendant qu'elle s'installait, je préparais comme je pouvais le dîner. Des pâtes feraient l'affaire étant donné mes piètres compétences en cuisine. Et puis, je savais très bien que ma sœur n'était vraiment pas exigeante dans le genre.
Alors que je finissais le plat, mon téléphone sonna. Numéro masqué. C'était évidemment Stan et je répondis aussitôt, un sourire aux lèvres.
— Serais-tu libre ce soir ? demanda-t-il d'une voix enjôleuse.
Il n'avait rien dit à propos de mon départ un peu précipité de la veille. Il était, au contraire, très direct, voulant même que l'on se revoie. Normalement, il aurait dû m'abandonner et me considérer comme acquise, mais visiblement, je m'étais trompée.
— J'ai quelques invités imprévus chez moi, répondis-je à contrecœur.
J'avais clairement envie de le revoir et qu'on partage des moments aussi intenses que la dernière fois.
— Je suppose que tu es prise toute la soirée, rétorqua-t-il, presque déçu.
— Pour ce soir, oui. Pour les autres jours, je n'en sais rien... Ça reste à voir.
— Je te rappellerai alors pour en savoir plus, lança-t-il d'une douce voix.
— D'accord...
J'aperçus alors ma sœur entrant dans la cuisine et mis rapidement court à la conversation. Marina arqua un sourcil, s'attendant sûrement à ce que je lui déballe tout dans les secondes qui suivent, sauf que je ne cédais jamais aussi facilement.
— Tu t'es trouvé quelqu'un ? s'enquit-elle, souriante.
— C'est l'heure de manger ! l'interrompis-je, ne voulant pas tomber sur un long interrogatoire.
— Ne détourne pas le sujet ! Allez, dis-moi tout ! insista-t-elle, enthousiaste.
— C'est encore assez compliqué...
Elle ne posa pas davantage de questions et s'installa à table en silence. Cependant, son mutisme ne fut pas long lorsqu'elle engagea une discussion à propos de nos parents. Comme d'habitude, ils n'avaient pas cru en elle et s'étaient contentés de détruire le moindre de ses rêves pour avoir une vie banale et bien rangée.
Tout le long de la conversation, je sentais bien que tout ceci lui pesait et qu'elle avait vraiment besoin de se défouler. Elle déballait sans la moindre pause tout ce qu'elle avait à dire, elle savait que je comprendrais, et c'était le cas. Quelques années auparavant, j'étais comme elle, mais je ne pouvais malheureusement pas y faire grand-chose. Comme moi, elle n'avait qu'un seul choix : attendre...
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