Une fois le festin terminé sous le ciel étoilé de la Grande Salle, chaque maison suivit son préfet pour rejoindre sa salle commune puis ses dortoirs. Heureusement, les maisons Serpentard et Serdaigle, qui avaient leurs tables aux extrémités de la Grande Salle, se rejoignirent à la sortie. Anna trouva bien rapidement la chevelure rousse et flamboyante d'Amalia dans la foule, et se fraya un chemin jusqu'à elle. La rousse marchait, la tête haute, seule, et sursauta quand les deux mains d'Anna se posèrent sur ses épaules.

- Anna ! cria-t-elle en la prenant dans ses bras.

A les voir s'étreindre, on aurait pu croire qu'elles ne s'étaient pas vues pendant des années. Une larme de chagrin mais aussi de soulagement, de savoir sa moitié près de soi, coula le long de la joue d'Anna.

- Je suis désolée... murmura Anna, j'aurais du demander d'aller à Serdaigle...

- Enfin Anna ! s'exclama Amalia. Tu n'as pas à être désolée ! Ce n'est pas ta faute ! On ne pouvait pas savoir qu'on serait séparées de la sorte...

- Tu ne m'en veux pas d'être à Serpentard ?

Anna remarqua l'hésitation d'Amalia.

- Bien sûr que non ! Tu seras la meilleure des Serpentard et tu prouveras que cette maison n'a rien à voir avec ce qu'on en dit ! Tu es une personne merveilleuse.

- Et... balbutia Anna, tu penses que papa et maman m'en veulent, d'être à Serpentard ?

Pour seule réponse, Amalia éclata de rire. Jamais elle n'avait rigolé en parlant de ses parents, mais elle trouvait la réflexion de sa sœur stupide.

- Pourquoi ils t'en voudraient ? Ils t'auraient dit la même chose ! Et puis, c'est une maison tu sais ! C'est pas la fin du monde !

Anna se détendit et relâcha la pression sur la main de sa sœur. Elle émit même un léger sourire, que la rousse lui rendit.

- Ca va quand même faire bizarre d'être loin de toi... murmura Amalia, en reprenant Anna dans ses bras.

- A moi aussi... mais on se verra dans la journée, t'en fais pas !

Elles restèrent silencieuses. Soudain, une pensée traversa l'esprit d'Amalia, qui la fit se détacher du corps de sa jumelle.

- Mais attends ! C'est moi qui ait la photo ! Tu n'en as pas ! Je peux pas la garder pour moi toute seu...

Anna pinça les lèvres puis la coupa.

- Je te l'ai pas dit en partant mais... J'ai pris la photo de la neige.

Amalia eut d'abord l'air surprise. Surprise que sa sœur ait pu penser qu'elles puissent être séparées. Après la surprise vint le soulagement. Un soulagement réel, afin que sa sœur ne soit pas seule, et un soulagement égoïste, car elle n'aurait pas à partager sa propre photo.

- Très bien, conclut Amalia. Tant mieux, c'est mieux comme ça.

La foule d'élèves n'avançait guère. Cependant, les deux jeunes filles doutaient d'être dans la bonne file. Un coup d'œil aux élèves les précédant leur permirent de déterminer la maison qu'elles suivaient : Serdaigle. Bonne nouvelle pour Amalia, moins bonne pour Anna.

- Allez va-t'en ! s'exclama Amalia avec amusement. Va donc retrouver ta maison, on se retrouve demain !

Anna lui adressa un dernier sourire, et un baiser sonore sur la joue avant de s'enfuir en courant dans les couloirs inconnus du château, où elle avait cru voir disparaître dans un recoin, un élève à la cravate verte et argentée.

***

Anna le poursuivit dans un escalier et courut pour arriver à sa hauteur. C'était un garçon qui semblait un peu plus âgé qu'elle et la dépassait d'une tête. Il avait des cheveux bruns bouclés, pas coupés trop courts, et un teint plutôt pâle. Il fixait le sol, désespérément.

- Hey, le héla Anna.

Il se retourna brusquement et esquissa un léger sourire en voyant la première année.

- Je me suis perdue, se justifia-t-elle. Je suis à Serpentard et... je sais pas où est la salle commune.

Il rit légèrement. Ca ne devait pas être la première fois qu'une situation comme celle-ci arrivait.

- Tu as voulu profiter des restes de tarte à la mélasse ? se moqua-t-il.

- Non ! répliqua-t-elle. J'étais avec ma sœur. On n'est pas dans la même maison.

Anna était plutôt du genre bavarde. Et elle se confiait à ce parfait inconnu. Ils continuaient de descendre les escaliers du château, vers les sous-sols.

- Je m'appelle Anna Potter, et toi ? se présenta-t-elle.

- Moi c'est Félix Strongbark, dit-il en lui tendant la main. Je suis en troisième année à Serpentard.

- Enchantée, sourit Anna.

Elle se réjouit qu'il n'ait posé aucune question à propos de son nom de famille. Aucune question à propos de son frère, qui était le centre de l'attention et qu'elle ne saurait même pas reconnaître si elle le croisait.

- On descend jusqu'où ? s'interrogea-t-elle.

- La salle commune est dans les cachots !

Ils continuèrent leur descente puis prirent à gauche et suivirent un long couloir humide. Puis Félix s'arrêta net devant un mur de brique.

- Mince, marmonna-t-il.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- J'ai pas le mot de passe, j'ai oublié de le demander à Pandora...

- Qui est Pandora ?

- Ma sœur aînée. La préfète de Serpentard.

- Et... qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Anna avait hésité avant de poser cette question. Mais elle l'avait sur le bout de la langue, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Ils étaient tous deux face à un mur de brique, dans un couloir sombre et humide, le soir de la rentrée. Et puis, que faisait ce Félix avant qu'elle ne le rencontre ? Pourquoi était-il lui aussi éloigné du reste des élèves ?

- On attend, répondit Félix, en s'asseyant par terre, la tête contre les genoux.

Anna l'imita. Qu'aurait-elle donné pour être avec sa sœur à ce moment même ?

***

Les Serdaigles découvrirent avec surprise le tumulte des escaliers. Ils bougeaient sans cesse, n'en faisaient qu'à leur tête.

- Attention, ils sont fourbes, les avertit leur préfet, du nom d'Wilbert Newts. Déjouez-les autant que vous pouvez. Ou évitez-les quand c'est possible.

Amalia suivait le grand groupe aux côtés de Sarah. Les escaliers et leur valse incessante la fascinait, et elle peinait à regarder devant elle. Ce qui se passait au-dessus de sa tête était bien plus intéressant. Cependant, ils n'en avaient pas fini de leur ascension. Bientôt, le groupe arriva au pied d'une tour de l'aile Ouest, où se trouvait la salle commune des bleu et bronze.

- Pour entrer dans la salle commune, expliqua Wilbert, il vous faudra répondre à une énigme, posé par le heurtoir. Vous ne pourrez y accéder sans y répondre.

Amalia se raidit. Elle n'avait jamais été très douée en énigme. Réussirait-elle à rentrer dans la salle commune ? Elle se jura de ne jamais se promener seule et devoir rentrer seule dans la salle commune, au cas où.

- Eh t'inquiète, lui murmura Marius, qui avait remarqué son malaise. Tu trouveras toujours un moyen d'entrer.

Il lui fit un clin d'œil, et le préfet répondit à l'énigme de l'aigle du heurtoir. La porte s'ouvrit, et le flot d'élèves se déversa dans la salle commune. Amalia resta ébahie ; elle ne l'imaginait pas du tout comme ça, à vrai dire. C'était une salle spacieuse et qui devait être lumineuse en journée, aux couleurs de la maison des érudits. Canapés et fauteuils étaient disposés tout autour, une cheminée trônait dans un coin, non loin d'une grande bibliothèque. Les fenêtres en arcade encerclaient la pièce et les murs étaient habillés d'étoffe bleu et bronze. Dans une alcôve était érigée une statue de marbre blanc. A la manière d'un guide touristique, Wilbert présenta la pièce sous l'ébahissement des nouveaux élèves. Il décrivit la statue de marbre comme représentant la fondatrice de la maison, Rowena Serdaigle. Puis, il incita tous les élèves à se mettre à leur aise, puisque cette salle devait être leur deuxième maison. Amalia soupira de soulagement. Elle savait qu'elle se sentirait bien ici, qu'elle s'épanouirait, même si sa sœur était loin. Anna pensait-elle la même chose, dans la salle commune des Serpentards ?

***

Anna était toujours adossée au mur humide. Elle frissonna. Le froid commençait à l'envahir et elle se maudit intérieurement de ne pas avoir suivi les autres élèves. D'autant plus qu'elle ne connaissait encore personne dans sa maison, sauf une dénommée Hyacinth qu'elle avait rencontrée pendant le festin. Personne ne devait remarquer son absence.

Après quelques minutes d'attente, une porte s'ouvrit à sa droite. Elle se leva d'un bond et distingua une jeune fille brune et bouclée, au teint aussi pâle que Félix, qui était resté silencieux à ses côtés.

- Félix ! s'exclama-t-elle en s'approchant. Qu'est-ce que tu faisais encore ? Tu as entraîné cette première année dans tes bêtises ?

Anna allait le défendre, se justifier mais cela n'en valait visiblement pas la peine. La fille avait un visage doux et accueillant et elle lui sourit.

- Je m'appelle Pandora Strongbark, et je suis la préfète. Si tu as un quelconque soucis, viens me voir. Même si c'est un soucis avec mon frère.

Anna aquisça timidement. Pandora continua.

- Pour entrer dans la salle commune, tiens-toi devant ce mur et dis le mot de passe : Aqua Dragentis. Le mur devrait s'ouvrir.

Elle lui montra la démarche à suivre et l'entraîna à l'intérieur. Anna découvrait, certes après tout le monde, enfin sa salle commune. Enfin là où elle allait passer sept années de sa vie, avec une nouvelle famille. La salle était éclairée d'une lumière verdâtre, provenant de lanternes suspendues au plafond par des chaînes. La salle n'avait rien de chaleureuse, et était plutôt sombre. Elle était cependant munie de fenêtres qui ne semblaient pas donner sur l'extérieur.

- Les fenêtres donnent sur le lac, directement, murmura Félix face à l'étonnement d'Anna.

La jeune fille lui répondit par un sourire et finit d'observer la salle. Une ambiance froide y régnait, et peu d'élèves étaient encore là. Elle finirait par y trouver sa place, se rassura-t-elle. Même sans Amalia.