D'un bond, les jumelles se retournèrent. La voix dans leur dos était grave et sévère, et depuis ces premiers mois à Poudlard, elles avaient appris à la reconnaître entre mille. Le professeur Rogue se tenait impassible face à elle, sa baguette allumée pointée sur elles, faisant ressortir son teint pâle et son nez crochu. Les fillettes tremblaient presque de sa présence, et discrètement, leurs mains se mêlèrent. Que devaient-elles répondre ? Comment pouvaient-elles justifier cette absence qui n'était pas que spatiale mais surtout temporelle ?

- Je ne me répéterai pas : où étiez-vous ?

Anna inspira et fit face à son directeur de maison avec courage.

- Nous ne nous voyons pas souvent, nous voulions juste passer du temps ensemble...

Rogue ne réagit pas. L'arrogance de James Potter se lisait sur le visage de l'enfant.

- Ce n'est pas une raison, Mademoiselle Potter.

L'accentuation du nom les fit frémir. Amalia réagit rapidement.

- On fait quoi là, Anna ? On est coincées ! On peut rien lui dire.

La fulgurance de la pensée d'Amalia foudroya la brune un instant, qui reprit bien vite ses esprits pour lui répondre.

- On gagne du temps. On n'a rien d'autre de mieux à faire. Monsieur, vous comprenez, on a toujours été ensemble, alors être séparées n'est vraiment pas facile...

Rogue ne réagit toujours pas aux mines attendrissantes des jumelles. Amalia lui rappelait bien trop l'amie qu'il avait perdu à jamais à cause de son ennemi, qui lui revenait en mémoire par le visage d'Anna.

- Les comportements comme les vôtres sont... étranges. J'ai connu des gens avec ces mêmes comportements les soirs de pleine lune... A trainer dans les couloirs la nuit alors que les loups garous sont de sortie, ce n'est pas prudent. On en a entendu un, pas plus tard que toute à l'heure.

Il tentait d'effrayer les deux sœurs qui ne bougeaient pas ; elles étaient devenues presque aussi impassibles que lui et étaient prêtes à lui tenir tête.

- Ca ne marche pas, il ne nous croit pas, continua Amalia en fronçant les sourcils, pour se concentrer malgré la fatigue.

La rousse tenta de s'exprimer, répliquer une dernière fois pour s'échapper sans punition, quand soudain quelque chose vola au-dessus de leurs têtes pour atterrir juste derrière le professeur de potions. Immédiatement, une odeur nauséabonde se répandit dans le petit couloir, et deux autres bombabouses éclatèrent plus loin.

- Weasley, marmonna le professeur Rogue avant de détourner son attention des deux fillettes.

Elles ne se firent pas prier pour s'échapper ; elles pouvaient échapper à la punition et à l'odeur. Elles se mirent à courir dans la direction opposée de Rogue, se prirent par la main pour arpenter les longs couloirs vides et sinueux de Poudlard. Une fois hors de danger, elles se réfugièrent dans un recoin sombre et explosèrent de rire. Elles brisèrent le silence pesant du château et leurs éclats de rire résonnèrent entre les murs. Quelques tableaux endormis tentèrent de ravaler leur bonne humeur, mais rien n'y faisait, elles avaient échappé au professeur Rogue. Soudain, elles entendirent des bruits de pas et de murmure dans le couloir adjacent à leur cachette. Elles se turent sur le champ et se recroquevillèrent.

- C'est qui ? se demanda Amalia.

- Qu'est-ce que tu crois que je sais plus que toi ? répliqua Anna.

- Je sais pas moi, t'es devant, tu dois mieux voir !

Pour seule réponse, Amalia reçut un coup de coude de sa sœur qui passait légèrement la tête d'en dehors leur cachette. Elle aperçut deux têtes rousses éclairées par deux baguettes, qui riaient en éclairant les tableaux endormis.

- Anna, Amalia, on sait que vous êtes ici ! s'exclama le premier.

- Sortez de votre cachette ! continua le second.

- Comment ils nous connaissent ? Je ne les aie jamais vus ! dit Anna.

Les voix se turent, les lumières s'éteignirent et le silence se fit encore plus pesant. Amalia serra sa main dans celle d'Anna qui se renfonça un peu plus dans leur maigre cachette.

- Bonsoir ! s'exclamèrent deux garçons en chœur en apparaissant face à elle.

Les jumelles ne purent s'empêcher de crier de surprise. Les deux garçons qui leur faisaient face étaient roux et identiques. Parfaitement identiques. A la seule différence qu'un portait un pull avec un F et l'autre avec un G. Seule différence.

- Bonjour, moi c'est George ! s'exclama celui avec un pull avec un F inscrit dessus.

- Mais non Fred, c'est moi George ! rétorqua le second.

- George, on avait dit que ce serait moi George aujourd'hui et toi George demain ! J'en ai marre d'être Fred de temps à autre, c'est pas évident !

- C'est bien pour ça que je veux pas être Fred !

- Bien sûr que si, tout le monde veut être Fred ! Mais j'aime bien être George parfois !

Les deux jumelles regardèrent la scène, ébahies. C'était du jamais vu. Pourtant, elles connaissaient déjà ces deux frères jumeaux qui avaient une réputation qui dépassait le cercle des maisons en ce qui concernait leurs farces.

- Bref, conclut celui qui devait être Fred. Nous sommes les jumeaux Weasley !

- Enchantés, mesdemoiselles !

D'un seul geste, ils leur tendirent la main, qu'elles saisirent chacune leur tour, timidement.

- C'est nous qui vous avons sauvé la mise avec Rogue ! On a écopé de deux semaines de retenue... mais vous auriez dû voir sa tête ! rit George.

- Merci. Je suis Anna Potter.

- Et moi c'est Amalia Potter.

- Hum... On le sait déjà, sourit franchement Fred. Mais enchantés tout de même.

- On ne savait juste pas qui était qui ! termina son frère.

Le silence ne s'installa qu'une petite seconde avant que la rousse ne reprenne.

- Comment vous nous connaissiez ?

- Ah ça, mademoiselle, c'est un secret d'Etat ! Le Département des Mystères nous a fait jurer de ne rien dire... murmura Fred.

Amalia n'en fut que plus intriguée.

- Que fait le Département des Mystères là-dedans ? se demanda la Serpentard.

- Absolument rien, affirma George. Lui et sa qualité pour garder des secrets rêvent de devenir langue de plomb tu comprends...

- Mais du coup ? D'où vous nous connaissez ? On ne vous avait jamais vus avant.

Ils parurent offensés.

- Tu entends ça George ? Tant d'efforts pour être inaperçus ?

- Je suis tout aussi outré que toi.

Ils prirent une mine boudeuse et commencèrent à leur tourner le dos.

- Eh partez pas ! dit Amalia en rattrapant George par le bras. Vous ne voulez vraiment rien dire ?

Les jumeaux se stoppèrent ; visiblement, les deux Potter ne s'arrêteraient pas en si bon chemin.

- Je t'avais dit qu'on n'aurait jamais du les appeler par leurs prénoms, murmura George à son frère.

- Ils sont pas aussi classes que nous, glissa Anna à Amalia par la pensée.

La rousse explosa de rire sous les regards étonnés des jumeaux qui n'avaient évidemment rien entendus.

- Puis-je savoir ce qui vous fait rire ainsi ? demanda Fred.

Amalia afficha alors un sourire arrogant sur le visage, vite suivie par sa sœur, avant de répliquer :

- Vous nous dites votre secret, on vous donne le nôtre.

Les deux frères se dévisagèrent, mais piqués par la curiosité tendirent leurs mains avant de déclarer en chœur :

- Marché conclu !

- Mais vous commencez, ajouta George.

Les jumelles échangèrent un regard entendu et Anna prit la parole :

- On peut se parler par la pensée, pas besoin d'articuler les mots entre nous. Et vous ?

- Eh mais c'est injuste, c'est un pouvoir de jumeaux ça !

- Mais... on est jumelles ! s'exclama Amalia.

- Eh bien ça ne se voit pas chère demoiselle, répliqua George.

- Et vous ? Votre secret ? reprit la brune.

A contrecoeur, Fred sortir un parchemin vierge de sa poche et murmura quelque chose en y pointant sa baguette avant que le parchemin ne se découvre plein d'écritures.

- Messieurs Lunard, Queudver, Patmol et Cornedrue, spécialistes en assistance aux Maniganceurs de Mauvais Coups sont fiers de vous présenter la carte du maraudeur, lut Anna. Qui sont-ils ?

- Aucune idée ! On a trouvé ça dans le bureau de Rusard la semaine dernière, expliqua Fred.

Soudain, l'esprit d'Amalia s'éclaira.

- Anna ! Ca te dit pas quelque chose Lunard ? Je suis sûre d'avoir déjà entendu ça !

Il y eut un léger moment de flottement, mais les jumeaux semblaient si passionnés par cette carte dont ils expliquaient les moindres détails aux jumelles qu'ils connaissaient à peine, qu'ils ne remarquèrent même pas qu'elles ne leur prêtaient plus la moindre attention.

- Hum... Non je pense pas... T'es sûre ?

- Absolument sûre ! Ma mémoire ne trompe jamais.

- Si tu le dis... Attends... ! C'est pas Papa qui l'avait dit ?

Elle trembla un instant quand elle « dit » « papa » mais se reprit. Les jumeaux s'étaient interrompus et fixaient leur échange silencieux. Amalia ne répondit pas à sa sœur mais lui adressa un simple sourire qui signifiait entre elles « Anna tu es une génie », puis elles reprirent leur discussion sur cette carte qui semblait indiquer la position de n'importe qui au moment présent dans le château. Ainsi, Rogue était rentré dans ses appartements, et Dumbledore faisait les cent pas dans son bureau. Rien d'autre n'était intéressant, et l'heure était tardive, alors chacun décida de revenir dans sa salle commune.

***

Une fois allongée dans son lit, Amalia songea à sa journée. Cette soirée d'Halloween avait été toute aussi spéciale que les autres années, mais d'une autre manière. Même si leurs découvertes étaient loin d'être concluantes, cela lui semblait être une gigantesque avancée dans leurs recherches. Elles trouveraient qui était Avery.

A l'autre bout du château, sous le lac, dans sa chambre éclairée par des lumières verdâtres, Anna eut la même conviction.

Hello ! Merci pour tous les commentaires motivants dans la partie précédente : vous avez gagné un chapitre ! Et mes chapitres ne sont pas très longs mais ça me permet de poster plus souvent :) voilà bon weekend !