30 - Le cœur a ses raisons
Hello ! ^^
Je suis de retour, bonne lecture !
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Le balai glissait sur le sol avec un bruissement sec et régulier. Jimin finissait ses tâches avec Hoseok dans une sorte de transe automatique qui aurait dû lui permettre d'anesthésier ses pensées, de se perdre dans la répétition, mais en plus des récents évènements pour le moins chaotiques, quelque chose l'en empêchait. Le poids de la finalité, sans doute. Il nettoyait le sous-sol – comme d'habitude, oui – mais cette fois était pour la dernière, avant Dieu seul savait quand.
Plus de vache, donc plus de travail ni de sang. Le cœur de Meonville, qui battait déjà faiblement, venait de cesser de fonctionner. Les choses n'étaient pas prêtes de s'améliorer, à l'évidence.
Quand tout fut rangé et aussi propre que possible, son collègue s'éclipsa au bras de Seokjin. Le frère de Jungkook n'était pas le vampire assoiffé de sang qu'il avait précédemment rencontré, et Hoseok paraissait en meilleur forme. Sans doute avaient-ils récemment respecté les termes de leur accord... Jimin préférait ignorer ces détails, et ne pas trop penser à ce qui allait se produire entre eux le restant de la nuit. Sa curiosité avait certaines limites.
Il laissa retomber son balai lourdement contre le mur et se rendit dans la pièce de Jungkook afin de l'y attendre. Sa main tremblait légèrement alors qu'il poussait la porte. Il était seul, et en profita inéluctablement pour observer avec minutie. Le grand bureau, l'absence de fenêtre, les murs austères. Mais ses yeux n'en eurent rapidement que pour tous ces carnets, épais et élégamment reliés de cuir, soigneusement alignés sur les étagères suspendues.
Il sentait ses doigts le démanger à l'idée d'ouvrir ces gardiens des secrets de l'immortel. Que pouvaient bien contenir ces pages ? Des récits anciens ? Des confessions douloureuses ? Des pensées inavouées ? Peut-être même des poèmes, les rêves inaccessibles d'un être qui ne vieillirait jamais. Quoi qu'il y ait là-dedans, c'était sûrement passionnant. Jimin donnerait cher pour lire à quoi ressemble l'espoir quand il est déformé par l'éternité. Sans parler de comprendre.
La tentation était douce. Elle flottait dans l'air comme un parfum enivrant, à l'instar des murmures qu'il entendait parfois dans les profondeurs de la ville. Mais il repoussa l'envie. Pas par peur de ce qu'il pourrait découvrir dans ces carnets, mais par respect pour la frontière invisible que Jungkook avait tracée sans jamais la nommer.
Avec timidité, il s'assit dans le fauteuil du dirigeant. D'abord doucement, comme un intrus effleurant l'interdit, puis, peu à peu, il s'y enfonça, laissant le cuir épouser ses formes. Il ferma les yeux, imaginant ce que cela faisait d'être lui, à sa place, au sens propre plus qu'au figuré. Quelles pensées accompagnaient le vampire lorsqu'il trônait ici ? Jimin était fasciné. Et probablement trop curieux pour son propre bien.
Jungkook entra dans la pièce sans préambule. Il était rayonnant, presque trop. Tout juste s'il ne sifflotait pas. Jimin ne put s'empêcher de penser qu'il s'était sûrement accordé une victoire dont il était visiblement très fier, et qu'il en savourait encore les miettes. Oh, oui, il s'en léchait les doigts.
Mais cette légèreté éclata en mille morceaux dès que leurs regards se croisèrent. Ce fut immédiat, brutal. Le visage de Jungkook se crispa, la satisfaction s'effaçant comme si elle n'avait jamais existé. Qu'elle que soit la tâche que le dirigeant avait accompli avant de le rejoindre, et peu importe qu'elle l'ait comblé à outrance, il n'en restait plus rien.
Jimin quitta instinctivement son siège.
— Désolé ! Vous avez dit que vous me rejoindriez plus tard, alors j'ai pensé que je devais vous attendre. Mais si vous voulez, je peux...
— C'est bon, reste, rétorqua Jungkook, désinvolte, mais son ton claquait comme une porte qu'on ferme un peu trop fort.
Il ajusta les manches de sa veste, même si elles semblaient déjà parfaitement en place. Ce tic n'échappa pas à Jimin, qui en fronça les sourcils.
— Est-ce que ça va ? chercha-t-il à savoir avec précaution.
— Ça allait.
Le vampire posa sur lui un regard si intense qu'il eut l'impression que ses pensées elles-mêmes se mettaient à frémir. Jimin en était maintenant persuadé : il était la cause de son changement d'humeur, avait fait empoissonné la victoire de Jungkook.
— C'est... à cause du fauteuil ? risqua Jimin, redoutant d'avoir sans le savoir piétiné un territoire interdit.
Un ricanement lugubre échappa à Jungkook.
— Je ne suis pas un gamin, Jimin.
Jimin décida de ne pas chercher plus loin, comme quelqu'un qui contourne un nid-de-poule en pleine nuit sans vouloir vérifier sa profondeur. Certains fossés méritent d'être contournés. Et puis, il avait mieux à faire. Mieux à dire.
— Je... je tenais encore à vous remercier, murmura-t-il, sa voix éraflée par la sincérité. Pour avoir laissé mes amis en dehors de tout ça.
Jungkook leva les yeux au ciel, l'air de dire "par pitié, n'en rajoute pas". Jimin croisa les bras devant tant de mauvaise volonté.
— Vous avez l'air préoccupé, fit-il remarquer, renfrogné.
Le regard du vampire se fit lointain, comme s'il calculait une équation intérieure. Des dilemmes moraux baignés de noirceur, certainement.
— Je n'ai aucune raison de l'être.
C'était une esquive, pas une réponse, et Jimin le savait.
— D'accord, acquiesça-t-il tout de même.
Son ton était empreint d'une curiosité insatisfaite, mais il savait que pousser plus loin ne servirait à rien. Jungkook lui faisait de grande révélation seulement quand ça l'arrangeait, et là, visiblement, ça ne l'arrangeait pas.
— Bien, conclut le vampire.
Jimin le fixa un instant, puis, incapable de résister, laissa tomber, les bras croisés :
— Parfait.
Un rire bref et presque sensuel échappa à Jungkook, comme si cette petite danse verbale lui avait fait oublier, ne serait-ce qu'un instant, l'ombre qui planait au dessus de lui. Jimin se mordit la lèvre pour ne pas trop sourire, mais il ne pouvait ignorer la satisfaction qu'il éprouvait. D'abord parce qu'il était sincèrement reconnaissant pour la clémence dont le vampire avait fait preuve à l'égard de ses amis, et, surtout, sous les airs lunatiques de Jungkook, il voyait un homme – ou plutôt, une âme immortelle – vulnérable aux émotions humaines. Une observation qui le ravissait plus qu'il ne le voulait.
Lorsque Jungkook attrapa une tasse dans un coin de la pièce et alla à la cuve pour la remplir d'un filet de sang noire sous la faible lumière, Jimin sentit sa curiosité s'éveiller. Il trouvait que la quantité était infime pour ce vampire, même s'il n'y connaissait rien. Il n'hésita pas longtemps avant de poser une question. Après tout, si Jungkook l'invitait ici, c'était pour ça. Pour qu'il sache combien de secrets les séparaient encore.
— C'est... tout ce que vous buvez ?
Jungkook tourna lentement la tête vers lui, ses yeux reflétant une lueur indéchiffrable. Sa réponse, pourtant, était dénuée de toute émotion apparente.
— Même quand on produit plus, je bois rarement davantage. Il m'arrive même de jeûner.
Jimin fronça légèrement les sourcils.
— Ça paraît... vraiment peu, murmura-t-il, ses yeux rivés sur la tasse, comme si celle-ci contenait une énigme à déchiffrer. Et même en prenant en compte la consommation de vos frères...
Jungkook sourit, un sourire fin, délicat, comme une vaguelette frôlant le rivage sans vraiment s'y écraser.
— Il y a toujours trop de sang ?
— Oui, admit Jimin, sentant que quelque chose d'essentiel lui échappait.
— Si seulement c'était le cas... murmura Jungkook.
Il posa sa tasse sur son bureau.
— Mais tu as raison sur un point : il y en a plus que pour mes frères et moi. Quand je serais sûr que tu es prêt, je te montrerais.
Il y avait une promesse dans ces mots, un sous-texte inquiétant mais étrangement séduisant. Un pont invisible qui attendait d'être franchi et qui était loin - très loin - de donner le vertige à Jimin.
— D'accord, souffla ce dernier.
Après un instant, il reprit, la voix teintée d'un défi discret :
— Et qu'est-ce que je dois faire pour vous prouver que je suis prêt ?
Le visage de Jungkook se figea une fraction de seconde, déstabilisé par la question directe de Jimin. Pourtant, ce dernier n'attendit pas de réponse et poursuivit :
— Comme vous le savez déjà, on m'a interrogé aujourd'hui. Mes amis voulaient savoir ce qui ne va pas avec cette ville, pourquoi il y a cette vieille photo de vous et de vos frères, identiques à maintenant. Mais je n'ai rien dit. Mon ami, mon plus proche ami, m'a même comparé à Judas...
— Le religieux, je suppose, intervint Jungkook avec un sourire amer.
— Oui, répondit doucement Jimin.
Leurs regards s'accrochèrent un peu trop longtemps.
— Sans Judas, il n'y aurait pas eu de crucifixion. Pas de trahison, pas de rédempteur, démontra le vampire.
Jimin pouffa nerveusement.
— C'est censé me réconforter ?
Le vampire darda sur lui un regard ambigüe.
— Peut-être bien.
Le léger sourire de Jimin s'effaça peu à peu, remplacé par une émotion plus sombre. Il baissa les yeux, sentant l'étreinte des événements de la nuit refaire surface. Il était de nouveau sur cette chaise, les mains nouées devant ses amis. Dans un murmure brisé, il avoua :
— Je n'ai pas trahi vos secrets.
Un silence pesant suivit. Le regard de Jungkook ne le lâchait pas, mais cette fois, il y avait une douceur inattendue.
— Tu me l'as déjà dit, répondit-il calmement. Et je te crois.
Jimin sentait ses émotions à fleur de peau, ses yeux brillant de larmes qu'il refusait de laisser perler.
— Je ne l'ai pas fait que pour vous, se justifia-t-il, à peine plus fort qu'un souffle. Mais aussi parce que... j'avais peur que vous leur fassiez du mal.
Il leva lentement les yeux vers ceux de Jungkook, cherchant une réponse qu'il pressentait ne jamais trouver. Il y avait quelque chose de déchirant dans cette quête, une sorte de désespoir qui érodait sa volonté à chaque seconde. Pourtant, il ne pouvait détourner ses prunelles du vampire.
— Mais vous faites déjà du mal à Willy... Et pourtant, je suis ici, avec vous. Et je ne comprends pas pourquoi. Ça n'a pas de sens... mais je suis là, ajouta-t-il comme s'il se confessait à lui-même autant qu'au vampire.
Jungkook resta immobile, son regard se durcissant comme s'il tentait de repousser quelque chose, de refouler une émotion qui menaçait de fissurer son masque. Puis, lentement, presque imperceptiblement, il s'approcha de Jimin, son ombre s'étendant jusqu'à l'envelopper dans son intimité.
— J'admettrai que tu es prêt quand tu seras encore dans cette ville après avoir découvert toutes les horreurs dont je suis capable.
Malgré le froid de ses paroles, il y avait une étrange chaleur protectrice, comme si les précautions qu'il prenait n'étaient pas que pour lui, mais pour eux.
— Je ne partirai pas, affirma Jimin avec une certitude presque effrayante. C'est chez moi ici maintenant. Même si mes amis m'appelleront bientôt tous "traître" à force de leur mentir, je continuerai de veiller sur eux. Et pour ça , je dois rester. Qui les protégera de vous sinon ?
Un sourire à demi-plaisantin effleura ses lèvres, mais la douleur derrière ses mots était palpable. Jungkook le regarda longuement, scrutant chaque trait de son visage, chaque émotion qui passait dans ses yeux. Jimin sentit la tension grandir et la laissa persister, se permettant lui aussi de le dévisager, d'analyser cette figure complexe et énigmatique qui était désormais au centre de son monde.
— Comprenez la férocité de celui qui a tout à gagner, récita soudainement le vampire. Méfiez vous de la cruauté de celui qui n'a rien à perdre. Craignez la détermination de celui qui protège ceux qui lui sont chères. Et tremblez devant celui qui a perdu tout ce qu'il aimait, qui s'est reconstruit et qui a trouvé de nouvelles choses à protéger.
Jimin sentit son cœur se serrer. La manière dont Jungkook avait prononcé ces mots montrait qu'il avait clairement saisi certaines vérités à son sujet. Le dirigeant laissa échapper un petit rire, comme s'il voulait dissiper le trouble qu'il avait semé.
— Ca vient d'un vieux manuscrit que j'ai feuilleté un soir d'ennui mortel. Je trouvais la citation appropriée.
Jimin déglutit. Ils se fixèrent encore un instant, leurs regards s'accrochant comme deux aimants incapables de se détacher.
— Assez discuté pour ce soir, murmura finalement Jungkook, sa voix basse et douce, ses yeux cherchant encore un dernier moment de connexion avant de se détourner, presque à regret. Retourne te coucher.
Jimin observa le vampire lui tourner le dos, mais quelque chose en lui résista à cette distance qui s'installait. Alors, sans réfléchir, il se laissa aller à un ton traînant :
— Mais... je ne suis pas fatigué.
À ces mots, il vit le coin des lèvres de Jungkook s'étirer dans un sourire, une chaleur inattendue venant adoucir ses traits. Ce sourire, d'abord amusé, devint quelque chose de plus tendre, et Jimin sentit une bouffée de chaleur envahir sa poitrine.
— Allons, Jimin, les petits humains doivent dormir, rétorqua-t-il avec un ton moqueur, mais pas méchant.
Jimin pinça ses lèvres légèrement alors qu'il levait les yeux vers le vampire.
— Le sous-sol est fermé. Est-ce qu'on se verra quand même ?
Jungkook ne répondit pas immédiatement. Il y avait une légère ombre de doute dans ses yeux, comme s'il ne savait pas vraiment ce que Jimin déciderait.
— Si tu décides de revenir, je serai là, dit-il finalement, mais cette promesse avait un léger tremblement, une ombre qu'il peinait à cacher.
Troublé par l'incertitude qui transparaissait, Jimin s'empressa d'assurer :
— Je viendrai demain.
Jungkook se détourna et quitta le bureau, laissant sa voix emplir l'espace derrière lui.
— Si le cœur t'en dit toujours...
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Bon week-end les copaines !
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