Jean.

Le lendemain, il attendit une réponse. Un signe, une lettre, quelque chose, n'importe quoi, qui le convaincrait que ce qu'il avait fait la nuit dernière n'était ni stupide ni voué à l'échec.

Mais dans le silence d'une journée sans soleil, son téléphone ne s'alluma pas.

Jean n'était pas ressorti de la journée. Il n'avait pas eu le courage de passer devant le restaurant, de croiser ce serveur dont il ignorait tout mais qu'il voulait connaitre, il n'avait pas eu la force de marcher jusqu'à la crique, de sentir le sable entre ses orteils, sur ses mollets, dans les plis de ses doigts, d'effleurer le sel qui colle sur sa peau, de brunir au soleil, de voir sa forme rougeâtre derrière ses paupières fermées.

Alors, il était resté dans sa chambre, puis successivement au salon, dans la cuisine, nouveau détour par le salon, puis les escaliers et le lit, enfin, le lit comme seul endroit protégé. Il avait lu encore, presque assez pour finir Réparer les Vivants, avait écouté London Grammar parce que c'était beau et triste, comme le livre.

Mais il ne cessait de penser à son téléphone, ce rectangle sombre dans l'obscurité, il y pensait parce qu'il espérait, il y pensait parce qu'il voulait la preuve concrète que leur rencontre n'était pas uniquement quelques phrases et un bout de papier, il y pensait parce que c'était la première fois qu'il avait le courage de faire ça, de laisser son numéro, de répondre, de parler assez fort pour qu'on l'entende dans la foule, il y pensait parce que cet homme l'avait écouté, l'avait entendu, et parce que maintenant cet homme devait prendre une décision, pourquoi est-ce qu'il prend autant de temps, c'est pas normal, peut-être qu'il a eu peur de moi, c'est possible, je regrette, ça n'aurait mené à rien.

Mais soudain il y a un flash, une lumière, une éclipse.

L'écran s'est allumé.