Chapitre 1.

Que pouvait-on offrir à un incube qui célébrait son deux-centième anniversaire ? Les amis de Zed l'avaient trouvé : une soirée libertine et sans compromis dans un des clubs les plus sélects de tout Manhattan. Et pas n'importe quel club !

Depuis des siècles, les démons vivaient parmi les humains, tâchant de se faire discret et de ne pas faire trop de vagues. Si un des leurs essayaient de troubler la paix qui s'était installée entre leur deux espèces, des Chasseurs étaient chargés de les traquer et de se débarrasser d'eux. On n'en entendait plus jamais parler.

Puis, il y avait eu la folie Lucifer et Shadowhunters et les humains avaient commencé à s'intéresser de plus en plus aux différentes formes de créatures de l'ombre et à l'excitation qu'elles représentaient pour eux. Petit à petit, des clubs où des humains n'ayant pas froid aux yeux offraient leur corps ou leurs veines aux démons apparurent, facilitant leur alimentation. C'était gagnant-gagnant. Un incube avait besoin d'énergie vitale pour survivre, énergie qu'il ne pouvait acquérir que lors d'un rapport sexuel. Si auparavant il fallait séduire une proie et l'amener au lit, maintenant il suffisait juste d'acheter une carte de membre à un de ces clubs et de choisir le menu... Homme, femme, travesti... il y en avait pour tous les goûts ! Et c'était buffet à volonté !

C'était une sérieuse amélioration dans le mode de vie de Zed. Même s'il n'avait jamais compris les humains... Ils avaient passé des siècles à leur faire une chasse aux sorcières et il suffisait de quelques séries jeunesses pour qu'ils viennent leur offrir leur corps sous prétexte qu'être un démon était soudainement devenu sexy ! Ah, les humains... Il les regarderait toujours avec un certain amusement.

— Aller ! Vodka et hydromel pour tout le monde ! s'exclama un de ses amis démons en le poussant à l'intérieur du club, hurlant.

Ses autres amis leur emboîtèrent le pas, tous aussi excités par la soirée de débauche qui s'annonçait.

À peine à l'intérieur, son meilleur ami – celui qui l'avait poussé à entrer –, Faust, acheta des bouteilles et une table. L'alcool allait couler à flot ce soir. Leur commande arriva avec des petits feux d'artifices, ne manquant pas d'attirer l'attention de toute la salle et de faire converger toutes les nanas assoiffées de la soirée en direction de leur bouteille de vodka de luxe comme des Puffins repérant une flaque d'eau douce sur un navire échoué au beau milieu de la mer.

— C'est ton anniversaire, tu dois prendre un autre shooter, insista Faust en mettant un énième verre devant le visage de Zed.

L'intéressé grimaça. Il en avait déjà beaucoup trop bu ! Les démons avaient une résistance plus élevée que les humains aux effets de l'alcool, mais la tête commençait à lui tourner.

— Deux-cents ans n'arrivent qu'une fois dans une vie ! s'exclama son autre ami, Merrick, un démon de flammes à la chevelure rousse.

Zed finit par sourire et prendre le shooter qu'on lui tendait pour le vider d'une traite. S'il y avait bien une chose dont il ne se fatiguait jamais malgré les siècles : c'était bien de faire la fête !

— Hourra ! cria toute la petite bande quand il eut englouti l'alcool. Un autre, un autre, un autre !

— Tu as regardé le menu de ce soir ? lui demanda Faust par-dessus la musique assourdissante de la boîte de nuit.

Ils savaient tous les deux ce que ça voulait dire. Se ravitailler en énergie vitale faisait partie d'une fête réussie.

— Je ne sais pas ! Peut-être la nana là-bas ou le mec dans ce coin-là : il me regarde depuis toute à l'heure et il est plutôt mignon !

Le garçon en question avait l'air d'avoir tout juste vingt-un ans, il avait les cheveux teints en bleu, un piercing à la lèvre et était habillé tout en noir dans un style qui rappelait celui des gothiques ou des emo. Probablement un de ces jeunes fans de créatures surnaturelles qui donneraient n'importe quoi pour servir de repas à un démon.

— Tu as dit que tu ne donnais pas dans les fétichistes, lui rappela Merrick, ne gâche pas ça ce soir !

— Y'a que ça, ici, de toute façon, des fétichistes ! lui rétorqua Zed en haussant les épaules. Faut bien faire avec !

Après tout, c'était la principale raison qui attirait les jeunes gens dans ce genre de club. Ça, et le manque d'argent, souvent. De toute manière, il commençait à être trop intoxiqué pour faire la différence. N'importe qui avec une belle gueule et un trou – quel qu'il soit – ferait le boulot. C'était déjà plus facile que de faire la cour à quelqu'un durant des jours comme au temps du Moyen-âge ! Au moins, à l'époque moderne, Zed avait pu installer Tinder sur son téléphone et ça lui facilitait grave les choses pour se nourrir – il avait l'impression que tout le monde voulait baiser sur cette application, pratique, suffisait de trouver un donneur d'énergie vitale potentiel et volontaire – quand il ne pouvait pas sortir en club ! Il fallait vivre avec son temps !

— Regarde celui-là, il a l'air pas mal.

Faust lui désigna un homme mi-vingtaine qui venait d'entrer dans le club. Il était grand, brun et, de loin, plutôt pas mal. Il n'avait pas l'air d'être un habitué de la place. Il regardait partout, scannant le bar, puis se dirigea vers le barman. Il s'appuya contre son comptoir et Zed remarqua un poignard pendu à sa ceinture.

— C'est un Chasseur, dit-il à ses amis en secouant la tête, c'est hors-jeu. Il n'est pas ici pour ça.

Même s'il aurait été satisfaisant de se nourrir d'un Chasseur, aucun d'eux ne se laisseraient jamais soumettre par un démon ! La plupart s'étaient lancé dans la profession suite à une mauvaise expérience avec un incube et préférait les éviter comme la peste quand il ne s'agissait pas de les tuer... La présence de cet homme à l'intérieur du club démoniaque était un vrai mystère.

Pourtant, curieux, Zed ne parvenait pas à le lâcher des yeux. Jusqu'à ce que le barman désigne leur table au jeune Chasseur et qu'il se dirige vers eux d'un pas plus que décidé. Là, il s'attendait à tout moment à se faire péter la gueule.

— Qu'est-ce que tu fais, Chasseur ? demanda Faust, éméché. Ne vient pas gâcher la fête d'anniversaire de notre ami ! Va t'amuser ailleurs avec ton poignard !

Le nouveau venu analysa leur table, puis répondit calmement à celui qui lui avait parlé :

— Je ne suis pas venu ici pour détruire votre petite sauterie. Je suis Dean et on m'a dit, au bar, que vous chercheriez sûrement à vous nourrir cette nuit. Je suis là pour ça.

Zed plissa les yeux, puis arqua un sourcil.

— Toi ? Un Chasseur ? demanda-t-il, de plus en plus perplexe.

— Je ne te crois pas ! Je suis sûr que c'est un piège ! s'exclama Merrick, peut-être encore plus saoul que Faust.

— Puisque c'est ce que je dis, affirma Dean en roulant les yeux. À qui est-ce l'anniversaire ? Je suis certain que se nourrir d'un Chasseur serait un chouette présent.

Dean se mordit la lèvre. Aller, aller... pensa-t-il, je n'en ai besoin que d'un seul... N'importe quel incube de cette bande d'amis ferait l'affaire – même s'il avait un petit faible pour celui avec les cheveux noirs et les yeux dorés – pour cette nuit. Il avait mis l'hameçon, il n'avait plus qu'à attendre que ça morde. 

Le Chasseur n'était pas un humain tout à fait normal... Depuis qu'il était petit, il avait certaines... habilités qu'un humain ne devrait pas posséder en général. Il n'avait jamais su pourquoi ni comment, mais c'était le cas et, en vieillissant, il avait découvert qu'il pouvait amplifier ces pouvoirs mystérieux en couchant avec des incubes. Il n'en avait pas besoin très souvent, mais il s'était récemment mis sur une grosse affaire. Le démon qu'il poursuivait était plus puissant qu'à la normal....

— C'est mon anniversaire, répondit Zed en faisant claquer sa langue contre son palet. Tu es sûr de vouloir partager ta couche avec un démon ? Ce pourrait être... dangereux !

Dean parut insensible à ses menaces.

— Tu crois que c'est ma première fois, peut-être ? Si tu es un vrai démon, bouge ton cul et va nous louer une chambre privée.

Zed n'avait pas besoin de connaître ses vraies intentions... Qu'il se croit irrésistible et surpuissant l'indifférait totalement. Tout ce qu'il voulait, c'était user de sa puissance pour accroître la sienne. La manière d'y arriver l'importait peu.

L'incube n'était qu'une proie de plus dans ses filets.