Chapitre 7 : La liberté à portée de main
Je courrais à toute allure, tout mon corps envahi par l'adrénaline. Je réfléchissais sans ralentir aux endroits stratégiques, mais ils connaissaient mieux la ville que moi. Les minutes s'écoulaient, j'arrivais à maintenir une certaine distance entre nous mais jamais à les distancer. Je commençais à fatiguer pourtant, le souffle court, mes jambes devenaient de plus en plus lourdes. Je ne saurais dire combien de temps je parviendrais à tenir à ce rythme effréné.
Les rues s'enchainaient ainsi que les petites ruelles, toutes pareilles. C'en était paniquant. Le vent brouillait ma vision et mes côtes me faisaient souffrir à chaque mouvement. Je fonçais dans une vieille femme courbée, elle maugréa des paroles incompréhensibles, je m'excusai brièvement et reprenais ma course. Je tournais la tête, ils étaient toujours là. L'un d'eux, celui qui donnait des ordres, un grand homme sec, souriant de toutes ses dents, sûr de lui. Je serrais les dents, je ne pouvais pas continuer comme ça, je devais les semer une bonne fois pour toutes. Je tournais une nouvelle fois, m'engouffrant entre deux maisons dans une petite ruelle à l'apparence effrayante. Avec un peu de chance, cela les découragera. Mais non, bien-sûr que non. Ils étaient toujours là.
C'était oppressant, les bâtiments étaient immenses et la place entre les deux étaient restreintes. Soudain, un mur se dressait devant moi, infranchissable, n'annonçant qu'une chose. J'étais cuite, finie, d'une seconde à l'autre, les gardes allaient surgir et m'emmener chez mon père. Les larmes me montèrent aux yeux, j'entendais leurs pas lourds sur le sol dur. Alors, on me tira par le bras et, sans que je puisse faire quoi que ce soit, je me retrouvais à l'intérieur d'un des immeubles. Je pivotais, ne comprenant pas ce qu'il se passait et me retrouvais nez-à-nez avec le même jeune homme qui m'avait abordé le jour du marché. Je m'étais apprêtée à le frapper, mais je stoppais mon geste alors qu'il se protégeait le visage. Il se redressa et eut un petit rire :
-Hé ! Je viens de te sauver la mise, je ne mérite pas autant de violence.
Je ne ris même pas, insensible à son sens de l'humour alors que mon stress n'était pas encore descendu. La respiration allaitante, les cheveux collés sur mon crâne et trempée de sueur. Les sens aux aguets, j'étais tendue comme un arc, je fus un bond lorsque l'on toqua à la porte d'où le garçon m'avait tiré. Des voix retentirent :
-Ouvrez ! Ouvrez cette porte immédiatement !
Je reculais de plusieurs pas, effrayée. Sans un mot, il me prit le poignet et s'élançait en avant. Nous traversâmes une pièce décorée de tableaux ou de multiples portes étaient alignées. Il ouvrit l'une d'elle et la lumière du jour m'aveugla pendant quelques instants. Il referma l'issue derrière nous et je me plantais devant lui, attendant les explications dont j'avais besoin. Il soupira, passant sa main dans ses cheveux court et se tortilla de droite à gauche. Je me rendis compte qu'il n'était pas tellement plus âgé, quelques années, pas plus. Je demandai :
-Qui es-tu et pourquoi m'as-tu aidé ?
Il inspira profondément, semblant comprendre qu'il n'échapperait à ma curiosité. Il se lança :
-Je m'appelle Jason et ... Tu m'as intrigué au marché, je t'ai vu courir jusqu'à l'impasse aujourd'hui et j'ai compris que tu avais des ennuies. J'ai juste voulu t'aider ...
Je me radoucis et m'en voulue d'avoir été agressive à ce point. Il n'avait aucune mauvaise intention, au contraire. Je m'excusais brièvement, un peu gênée. Il a sourit, un vrai sourire, sincère, spontané. C'était étrange et je ne sus pas comment réagir, mon visage se tordit en un rictus qui devait certainement être affreux. Je regardais autour de moi, nous étions dans une cour, avec des végétaux qui grimpaient le long des murs. Un fil était accroché où des vêtements séchaient au gré du vent. J'ai trouvé ça beau, vraiment. L'adrénaline quittait mon corps et au fur-et-à-mesure, mes forces m'abandonnèrent. Je titubais et Jason m'attrapait le bras avant que je ne m'écroule. Il m'assit sur un banc, situé au milieu de la cour et mon estomac grogna furieusement. J'avais faim, j'avais encore des provisions dans mon sac, mais je n'avais plus la force de les chercher. Le jeune homme dit alors, rassurant :
- Tu ne bouges pas, d'accord ? Je vais te chercher quelque chose à manger et ça ira mieux après.
J'hochais la tête, je m'en voulais d'être aussi faible. Il revient quelques secondes plus tard tenant dans ses mains, un verre de jus de fruit et une part de gâteau. J'en salivais, je me jetais littéralement sur l'encas chocolaté et dévorais le tout si vite que je manquais de m'étouffer. Je bus ensuite le liquide sucré un peu plus calmement. Jason m'observait, mi-amusé, mi-inquiet, il demandit :
-Ca va mieux ?
-Oui, merci.
Il soupira et s'assit à ma gauche. Après un petit silence, il m'apostropha, sans me regarder :
-Et toi, tu m'expliques ce qu'il se passe ?
Je déglutis difficilement, je n'en avais pas forcément envie, je préférais garder ça pour moi. Mais il m'avait sauvé, je lui devais la vie, lui mentir n'était pas correct. Je me lançais, lui racontais tout. Mon père, ma mère, passant rapidement les détails, ceux qui faisaient mal et, enfin, ma fuite. Mes longues heures d'errances dans cette ville que je ne connaissais pas et la course poursuite. Il ne disait rien, ne faisait qu'écouter, pas une fois il me coupa pour poser une question. J'appréciais beaucoup. Mon monologue fut suivi d'un nouveau silence, extrêmement gênant. Jason semblait réfléchir, les traits tirés en une moue songeuse. Je faillis dire quelque chose, n'importe quoi, juste pour le faire réagir, mais je me tus. Au bout de longues minutes où la tension me semblait intenable, il reprit la parole :
-Ecoute, tu ne peux pas rester ici. Ma mère va venir et elle ne comprendra pas, elle risque d'appeler les gardes.
J'avais peur, j'avais peur de devoir me retrouver dehors à nouveau. Là où je ne pouvais faire confiance à personne, chaque personne qui croisait mon regard était une menace. Cette fillette qui te regarde avec curiosité pourrait très bien te dénoncer, sans même le vouloir. Ce vieil homme à l'allure d'un sage pourrait lire dans tes yeux n'importe quoi, une chose suspecte qui l'amènerait à parler. Tu ne voulais pas.
-Mais ... Je connais quelqu'un.
Je relevais la tête, pleine d'espoir tout à coup. Tu l'encourageais à poursuivre, pantelante. Il reprit :
-Une fille, une de mes amis. Je suis certain qu'elle pourra t'héberger un jour ou deux et surement de faire sortir de la ville.
Je détournais le regard. Etait-il possible ? C'était presque trop facile. Quelqu'un allait m'aider et j'allais pouvoir partir d'ici, partir loin. Pour la première fois, je pouvais apercevoir la liberté, tout proche, à porté de main. C'était grisant.
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