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8 - Maudit

🐲 1322 – Année de la vouivre 🐲


Les saisons se succédèrent à Lagonie, mais Saskia ne les vit pas défiler. Au grand désespoir de ses parents, la jeune fille rencontra un succès manifeste dans ses études à l'Académie des sciences. Bastis devint son foyer pour plusieurs années consécutives, la distance l'empêchant de rentrer dans sa famille, même durant la pause estivale entre deux années scolaires. Un échange abondant de lettres fut leur seul moyen de garder contact.

Les messages de Saskia étaient toujours rassurants. Elle qui n'avait jamais trouvé sa place parmi ses camarades du village, se sentait bien plus à l'aise dans l'anonymat qu'offrait la capitale surpeuplée et les salles de classe bondées. Elle relata s'être fait des amis plus âgés, qui ne la percevaient pas comme une bête curieuse, et apprécier les relations studieuses avec ses professeurs exigeants mais justes. Aucune inquiétude ne transparaissait jamais dans les mots de l'adolescente et, malgré la douleur de la séparation, ses parents finirent par admettre qu'elle avait sans doute fait le bon choix en s'éloignant de leur province reculée.

Ces bonnes nouvelles régulières apaisèrent progressivement Kathy et Alek. L'aigreur qu'ils éprouvaient à l'égard de Ronin – qu'ils estimaient responsable d'avoir poussé leur fille dans cette voie – s'effaça au fil des mois sans qu'il n'y ait de nouveaux heurts à ce sujet. Les relations entre les trois adultes retrouvèrent bientôt leur chaleur et leur sincérité habituelles, au point que le professeur fut autorisé à poursuivre l'instruction d'Adaline, la plus jeune fille du couple.

A l'opposé, Ryu s'accrocha bien plus longtemps à sa rancœur, refusant de lire les lettres de la traîtresse, même quand certains passages lui étaient directement adressés. Cette séparation forcée avait brisé quelque chose en lui et le petit garçon joueur et protecteur devint un adolescent sans attaches. Il passait de moins en moins de temps à l'auberge, préférant traîner tout le jour dans la forêt ou bien les villages voisins, fréquentant d'autres garçons à la réputation de vauriens sans jamais en considérer aucun comme autre chose qu'une distraction ; des amis jetables et interchangeables.

La seule qui trouvait encore grâce à ses yeux était la petite Adaline. Plus elle grandissait, plus elle ressemblait à sa sœur, avec sa chevelure ambrée et ses iris clairs. Elle seule parvenait à attendrir l'adolescent, accomplissant l'exploit de lui faire passer plus de temps à l'auberge pour partager ses jeux ou bien la veiller quand ses parents étaient trop pris par leur travail.

L'année de la vouivre touchait à sa fin, empêtrée dans un hiver rude, lorsqu'une lettre estampillée du tampon de l'Académie des sciences fit vaciller l'équilibre établi au fil des années.

Kathy et Alek avaient pris place à la table familiale au cœur de la cuisine. Ils préféraient laisser à Ronin le soin de lire ce courrier, craignant de manquer d'érudition pour comprendre les subtilités d'un langage trop formel. Fidèle à sa désinvolture adolescente, Ryu avait marqué son désintérêt en quittant la pièce, prétextant la nécessité d'aider Adaline à apprendre ses leçons de géographie.

Le couple d'aubergistes échangea un regard nerveux tandis que Ronin décachetait l'enveloppe tout en prenant soin de ne pas la déchirer. Depuis quatre ans que leur fille était partie pour la capitale, jamais ils n'avaient reçu de nouveau courrier émanant de l'établissement lui-même. Cette missive relevait d'un tel mystère qu'ils n'osaient imaginer la nature de son contenu. Ils ne pouvaient de toute façon envisager autre chose qu'une mauvaise nouvelle, l'empire ne les avait habitués qu'à cela.

Ronin décrivit un cercle autour de la table, d'un pas lent, et entama sa lecture à voix haute :

— Aux parents de mademoiselle Saskia Ebenhart. L'élève susnommée a effectué un parcours brillant au sein de notre école durant quatre années. Or, nous sommes au regret de vous annoncer que son inscription en cinquième année est refusée.

Kathy malaxa le torchon entre ses mains en tentant de lire le regard de son mari. Ils étaient partagés entre le soulagement de voir enfin le terme de ces années de séparation et la peine d'imaginer la déception de leur fille.

Sans marquer de pause dans ses cent pas qui englobaient à la fois la table et le couple, Ronin poursuivit la lecture :

— Mademoiselle Ebenhart ne s'est pas présentée aux examens de sélection en dernière année. De par son absence, elle renonce à sa place d'étudiante au sein de notre école. En outre, votre fille ne s'est pas soumise à l'examen médical obligatoire ordonné par les institutions impériales. Cet examen concerne tous les enfants nés de l'année du dragon, sans dérogation possible. Nous nous permettons de vous rappeler que se soustraire à un ordre émanant du palais relève de la haute trahison et est passible de vingt ans d'emprisonnement.

— Je ne comprends pas, c'est une erreur ! nia Kathy en se redressant, indignée.

La mère arracha la lettre au lecteur désigné, aussitôt secondée par son mari qui apposa les mains près des siennes pour lire de ses yeux le papier mensonger.

— Absence, examen médical, haute trahison... relurent-ils, l'effarement se disputant à l'incompréhension.

Le professeur recula, déstabilisé par l'hystérie qui s'emparait de ses amis.

— Ronin, dis-nous que c'est une erreur ! Où est notre fille ? s'emporta Kathy en l'attrapant par l'épaule.

— Comment veux-tu qu'il sache ? tenta de le défendre Alek.

— C'est de sa faute si elle est partie dans cette fichue école ! C'est lui qui lui a mis ces idées dans la tête. Oh bon sang, on n'aurait jamais dû accepter de la laisser y aller...

— Hurler sur Ronin ne la ramènera pas, objecta son époux. Elle est peut-être en chemin pour rentrer à la maison en ce moment même.

— Ou bien elle est terrorisée au fond d'une geôle dans les sous-sols de cette ville pourrie. Je n'en peux plus de ton optimisme déplacé, Alek !

— Tu ne comprends pas que j'ai besoin de me raccrocher à un peu de lumière pour encaisser tout ça ? Je ne veux pas imaginer le pire !

— Je ne peux pas me contenter d'espérer, j'ai besoin de savoir où elle est, d'agir pour la retrouver, sanglota la femme tandis que sa colère faisait place à une profonde détresse.

— Je sais, je sais... tempéra son époux en l'attirant dans ses bras. Mais je me sens tellement impuissant, je m'en veux de ne pas savoir quoi faire pour la retrouver. Elle me manque tant...

Ronin s'éloigna sans un bruit pendant que le couple noyait sa douleur dans une étreinte émouvante. Un sentiment d'oppression qu'il n'avait pas connu depuis plusieurs années enveloppait sa poitrine telle une gangue impitoyable. Il savait d'expérience que ce qui commençait à Bastis s'étendait tôt ou tard au reste de l'empire, et cette histoire d'examen médical obligatoire réveillait ses pires craintes. Il était peut-être temps de refermer la parenthèse sur ces huit années de tranquillité à Lagonie et de fuir une bonne fois pour toute. Les frontières terrestres étaient trop bien gardées car les rares voisins de l'empire se méfiaient, à juste titre, de l'appétit sans fin de ce dévoreur de territoire. Cependant, l'idée de mettre les voiles à bord d'un navire étranger lui avait souvent traversé l'esprit.

Déterminé, l'homme s'éclipsa en direction de l'étage. Il passa devant la chambre d'Adaline qui jouait avec des petits personnages en bois sculpté, seule. Ryu n'était donc pas en train de la surveiller comme il l'avait prétendu.

La chambre de l'adolescent se trouvait au bout du couloir. Du bruit témoignait d'une activité intense dans la petite pièce. Ronin colla son oreille un instant contre la porte avant de l'ouvrir sans s'annoncer. Il surprit Ryu en train de vider ses tiroirs pour fourrer des affaires dans un gros sac.

— Qu'est-ce que... commença-t-il, sidéré.

Une légère gêne voila le visage du garçon, littéralement pris la main dans le sac.

— Tu as épié pendant que je lisais la lettre ? supposa le professeur.

— Non, le détrompa Ryu en recommençant à ranger ses affaires.

— Alors comment tu sais que je prévoyais de partir ?

L'adolescent leva les yeux sur son père et se mordit la lèvre.

— C'est pas pour ça que je prépare mes affaires, avoua-t-il.

Ronin ferma les paupières et les rouvrit au ralenti, comme pour retenir le temps pendant que ses pensées cavalaient en tous sens.

— Elle disait quoi, la lettre ? le relança Ryu avant que son père ait l'occasion de l'interroger sur ses activités.

Quelques secondes de silence suspendu marquèrent la transition vers un nouvel âge. La tension perceptible dans l'air envoyait un message clair : la routine établie changeait à cet instant précis, et rien ne serait plus jamais comme avant.

Avant de répondre, Ronin renforça la carapace autour de son cœur, cette protection qu'il avait depuis trop longtemps négligée.

— Saskia n'a pas passé l'examen pour entrer en dernière année, révéla-t-il d'une voix presque mécanique. Apparemment, personne ne sait où elle est.

Ryu crispa la mâchoire, mais ne parut pas surpris.

— Je vais à Bastis, déclara-t-il en jetant le sac sur son dos.

— Tu as senti qu'elle est en danger... devina le professeur. Comme tu l'as senti il y a huit ans, quand les soldats s'en sont pris à elle.

L'adolescent ne confirma pas. Son assurance parlait pour lui.

— Ryu, tu ne peux pas aller là-bas. Le cœur de l'empire est un repère de hyènes. Ils vont te capturer et les chimères seules savent quel sort ils réservent à un enfant maudit qui leur a échappé si longtemps.

Un rictus sardonique naquit sur le visage adolescent.

— Maudit, hein ? Je croyais que j'étais né le 16, et pas le jour maudit du 15 ?

— Tu sais très bien que ça ne fait aucune différence pour eux. Maintenant, ils s'en prennent à tous les enfants du dragon, sans distinction. Ils n'arrêteront pas tant qu'ils n'auront pas trouvé ce qu'ils cherchent.

— Et si c'était moi, ce qu'ils cherchent ?

Cette hypothèse laissa Ronin sans voix. Il y avait déjà pensé, bien sûr, mais l'entendre formulé ainsi provoquait des fourmillements glacés dans sa nuque.

— Dis-moi la vérité sur ma naissance, insista le garçon. Tu m'as toujours caché des choses, il est temps de poser ce fardeau.

Ronin s'assit sur le bord du lit, soudain alourdi par le poids de toutes ces années de secret. Ryu le surplombait, prêt à recevoir sa confession.

— J'ai toujours cultivé le flou sur ce sujet, mais tu te doutes bien que je ne suis pas ton véritable père... avoua l'homme, tête basse.

Ce n'était effectivement pas une surprise. Ryu ne l'interrompit pas pour si peu.

— J'ignore qui est ton père. C'est peut-être le soldat qui t'a confié à moi la nuit de ta naissance, ou peut-être pas. Il ne pouvait pas s'occuper de toi alors il m'a demandé de te mettre en sécurité.

— Quel jour ? coupa Ryu d'un ton sec.

— Dans la nuit du 15 au 16. Il m'a assuré que tu étais né après minuit, mais je dois admettre que j'ai toujours eu des doutes.

— Et ma mère ?

— Je ne sais rien d'elle, à part qu'elle est morte en couches...

— J'ai... tué ma mère, se décomposa l'adolescent.

Un rire nerveux s'empara de lui, traduisant tant sa douleur que la touche de folie qui naissait à l'ombre de son esprit.

— Alors je suis vraiment un maudit, hein ? ricana-t-il avec un sourire aussi éclatant que ses yeux étaient larmoyants. C'est moi l'épine dans le pied de l'empire que tout le monde cherche depuis si longtemps, cette aberration que les chimères veulent voir écrasée ! Tu le vois bien, je porte malheur à mes proches depuis le premier jour. Pourquoi tu ne m'as pas remis aux autorités pour éviter toutes ces horreurs ? Ce sale type n'aurait pas marqué Saskia au feu de son épée si tu lui avais dit de me prendre à sa place !

— Je suis professeur, j'ai fait le serment de protéger les enfants, rappela l'homme, le visage marqué par son conflit intérieur.

— Et tu as trahi ce serment. Tu as pensé à tous les enfants arrachés injustement à leur famille ? La voracité de l'empire ne serait jamais allée si loin s'ils avaient trouvé ce qu'ils cherchent dès le départ.

Ronin se redressa, il dépassait encore l'adolescent d'une bonne tête et n'était plus d'humeur à s'apitoyer. Personne ne lui ferait regretter ses choix, il avait protégé et élevé ce jeune ingrat comme un fils, et c'était la bonne décision.

— Je te trouve bien présomptueux, gronda-t-il en pressant son front contre celui du garçon. Alors maintenant tu te crois être la seule cause à tous les maux de l'empire ? Monsieur serait l'élu, l'unique héros capable de faire trembler l'armée ? Redescends sur terre, gamin. Le régent fait ratisser tous les territoires encore et encore depuis plus de quinze ans pour trouver tous les enfants maudits. Tu es loin d'être le seul, tu n'es qu'un parmi des milliers. Mais reproche-moi de t'avoir mis à l'abri de cette folie, si tu veux. Ma conscience est tranquille.

Ryu baissa les yeux en se mordillant l'intérieur de la joue. L'emportement passé, il éprouvait une certaine honte à avoir adressé de tels reproches à celui dont l'affection ne lui avait jamais fait défaut. Pourtant, sa décision était irrévocable.

L'adolescent releva le menton et plongea avec détermination dans les yeux aimants du professeur.

— Ton devoir s'arrête ici, Ronin. Je te remercie de m'avoir traité comme un fils, mais je suis assez grand pour me débrouiller seul à présent.

L'homme se décala d'un pas sur le côté pour montrer qu'il ne ferait pas obstacle malgré ses réticences.

— Dis aux parents de Saskia que je vais la retrouver, qu'ils ne s'inquiètent pas, ajouta Ryu en serrant plus fort la lanière de son sac.

Plus aucun mot ne franchit leurs lèvres. Une distance réservée se maintint entre eux, seuls les regards échangés témoignaient de leur indéfectible affection.

Ryu se tourna vers le couloir. Ses bottes soulevèrent la sciure dans les rainures du vieux plancher à chaque pas qui l'éloignait. Il ne ralentit qu'à l'approche de la chambre d'Adaline, adressant quelques mots à la fillette lorsqu'elle se jeta dans ses jambes pour obtenir un câlin.

Ronin se tint en retrait au bout du couloir. Il avait toujours su que leurs chemins se sépareraient un jour, il pouvait simplement s'estimer heureux d'avoir eu la chance d'être son père pendant seize ans. Peu de professeurs bénéficiaient de cette chance-là.

Quant à savoir ce qu'il allait faire à présent, il n'en avait pas la moindre idée. Il s'était accoutumé à la vie à Lagonie, s'y était fait des amis, appréciait même ses nombreuses casquettes en tant qu'employé d'auberge polyvalent. Rester ici en attendant l'éventuel retour de son protégé semblait une bonne idée. Et, qui sait, maintenant qu'il ne se sentait plus investi d'une mission sacrée, peut-être qu'il pourrait envisager de mener une vie normale, rencontrer une femme, avoir un enfant...

Depuis la fenêtre du premier étage, l'ange gardien mis à la retraite observa Ryu s'éloigner d'un pas alerte vers la forêt.

Bonne chance, petit. Que les chimères te gardent.


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Merci pour votre lecture ❤️ Si vous avez aimé ce que vous avez lu, j'espère vous retrouver en septembre 2025 pour la parution en librairie des Héritiers des Chimères. Vous pouvez me suivre sur les réseaux ou enregistrer ce livre dans votre bibliothèque wattpad pour être averti des mises à jour, je vous tiendrai informés et vous partagerai la couverture définitive du roman dès que possible. 

En attendant, vous pouvez retrouver mon autre roman d'urban fantasy paru aux éditions Octoquill : Déchu (préventes sur Ulule du 16 décembre 2024 au 9 février 2025)

Littérairement vôtre,

Ellzace / Priscilla Grano.



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