Le second dimanche
En me réveillant, j'avais eu terriblement chaud. Alors, en essayant de ne pas réveiller Antoine, j'avais cherché mon maillot de bain, abandonné quelque part dans la chambre - le plus gros point commun que nous avions tous les deux était notre créativité (ma mère appelait ça être bordélique, j'appelais ça être créatif). Je venais de mettre mon maillot de bain que j'étais déjà dans la piscine. J'avais croisé Pierre qui déjeunait sur la terrasse, il m'avait rejointe ensuite, ses pieds se balançant dans l'eau de la piscine.
L'eau était très froide, il n'était que neuf heures du matin. Mais je m'y habituai vite, me forçant après avoir plongé à faire quelques longueurs.
- Tu es réveillé depuis longtemps ? demandai-je à Pierre alors que je flottais en étoile de mer, au milieu de la piscine.
- Une demie-heure, dit-il en baillant.
Je riais, et le regardais boire son bol de café.
- Tu vas courir ? dis-je en observant sa tenue.
- Oui, il ne fait pas encore trop chaud, mais je vais faire un peu moins d'une heure. C'était bien hier soir ?
J'hochai la tête, pensive. J'avais vraiment fait n'importe quoi, avec Simon. Le mojito avait du être mal dosé et le rhum m'avait monté à la tête. Il était vrai que je ne tenais pas beaucoup l'alcool, je l'avais appris à mes dépends.
- Et vous, vous avez fait quoi ?
- Tes parents sont allés au cinéma de Joyeuse, moi je suis resté ici.
- Tu ne t'es pas trop ennuyé ? m'inquiétai-je.
- Non, je préférais laisser tes parents y aller entre eux. Tu sais, j'ai l'habitude d'être tout seul, maintenant.
Je nageai jusqu'à lui.
- Elle te manque, pas vrai ?
- Tu ne peux pas savoir à quel point. Antoine me dit souvent que je devrais essayer de refaire ma vie, mais je m'en sens incapable. Et il me dit ça mais je sais très bien qu'elle lui manque à lui aussi, beaucoup plus qu'à moi.
Je posai ma main sur celle de Pierre. Il me la serra en souriant.
- Il était très proche d'elle, plus que je ne l'avais été. Une mère et son enfant... elle me le répétait souvent, c'est un lien indescriptible. Elle me racontait souvent que, si elle devait choisir entre le sauver lui ou moi, elle le choisirait lui. « Je ne vais pas sauver tes vieux os », qu'elle disait.
Je riais avec lui, tout en pensant à Marie. Je l'aimais beaucoup aussi, elle avait été une femme si souriante, si aimante. Elle eut été terriblement maladroite, mais ça engendrait qu'elle s'était appliquée dans chaque chose qu'elle avait entrepris.
- Elle me manque aussi, murmurai-je.
- Elle t'aimait beaucoup, tu sais. Elle te considérait comme sa propre fille, elle rêvait d'en avoir une. Elle enviait le lien mère-fille que tu entretiens avec ta mère.
J'hochai la tête. Ma mère me l'avait dit, un jour.
- Mais toi, avec Antoine ?
- Ça nous a beaucoup rapproché, bien sûr, me répondit-il. Mais jamais je ne remplacerais sa mère, jamais... je le sais bien.
Je serrai sa main, et lui souris. Il essuya les larmes qui commençaient à se former sous ses yeux, et sourit.
- Tiens, en parlant du loup...
Je me tournai, et eus juste le temps de voir Antoine sauter dans la piscine, en criant :
- La bombe !
L'eau nous éclaboussa, Pierre et moi.
- Putain ce qu'elle est froide ! hurla-t-il après être remonté à la surface.
J'éclatai de rire, tandis que Pierre disputait son fils.
- Antoine ! Marc et Sophie dorment !
- Encore ? lâcha-t-il en souriant et en plaquant ses cheveux sur son crâne.
- Et tu aurais pu mettre ton maillot de bain, continua son père.
- Maillot de bain, boxer, c'est pareil. Et toi, là...
Il me désignait de l'index, et s'approcha lentement de moi. Je m'imaginais la musique des Dents de la Mer dans la tête.
- Tu m'as réveillé, dit-il en me lançant soudainement de l'eau.
L'eau chlorée atteignit mes yeux, qui me piquèrent et pleurèrent aussi vite qu'il m'avait éclaboussée. Mais au lieu de le traiter d'imbécile, j'explosai de rire et me vengeai. On se bataillait dans l'eau pendant un long moment, sous le regard amusé et attendri de Pierre. Il pensait sûrement, comme moi, aux multiples batailles d'eau qui avaient eu lieu dans cette maison. La meilleure avait eu lieu l'été de mes treize ans, où tout le monde avait fini tout habillé dans la piscine.
Le lendemain de cette bataille d'eau, Antoine m'avait embrassée.
Je m'en souvenais comme si c'était hier : on parlait de sa copine, Clémence, ou Clémentine, ce détail-la était flou. Moi, je lui avais dit que jamais je n'avais embrassé de garçon, et alors, il m'avait embrassée. Juste un simple baiser sur les lèvres, un baiser innocent d'enfant, mais ça m'avait étonnée. Je le lui avait dit, et je lui avais reproché que ce n'était pas bien qu'il m'embrasse alors qu'il avait une copine.
- C'est juste un smack, ce n'est pas bien grave, avait-il répliqué. Si ça avait été une pelle, en revanche...
- Beurk, j'arrive pas à m'imaginer embrasser quelqu'un avec la langue.
- Je ne vais pas te rouler une pelle, par contre ! avait-il prestement ajouté.
Et on avait tellement ri. Puis on s'était promis une chose : jamais on ne s'embrasserait avec la langue.
- Arrête, arrête !
Revenue à la réalité, Antoine était en train de me noyer avec l'eau qu'il n'arrêtait pas de me lancer.
- Sinon quoi ? rit-il.
Je riais aussi - jamais il ne pouvait me prendre au sérieux. Mais mes yeux me piquaient atrocement, alors je me mis dos à lui et me massai les yeux, pendant que l'eau continuait à se claquer contre mon dos. Puis les rafales s'arrêtèrent, et je sentis Antoine faire le tour pour se poster devant moi.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- J'ai du chlore dans les yeux, dis-je en riant malgré moi.
Je pouvais parier qu'il souriait. Il prit mes poignets et écarta doucement mes mains de mes yeux. Je sentis son souffle sur mes paupières.
Ouvre lentement les yeux, dit-il.
Je les ouvrais donc petit à petit, et me retrouvai - littéralement - nez à nez avec le visage souriant d'Antoine, qui inspectait mes yeux.
- Tout va bien, pas de yeux rouges ni de décoloration à l'horizon, conclut-il.
- Hilarant, dis-je.
- C'est mignon.
Nous nous retournâmes vers Pierre, qui nous regardait toujours, sourire aux lèvres.
- Quoi ? fit Antoine.
- Rien, rien...
Antoine leva les yeux au ciel, et je me rendis compte qu'au lieu de garder mes poignets dans ses mains, il les avait glissées dans les miennes, et nos doigts s'étaient naturellement entremêlés.
Vogüé était une charmante ville, à trente minutes de Joyeuse. Nous nous y étions rendus tous les cinq après avoir mangé. Pendant le trajet, nos parents avaient beaucoup parlé ensemble, et j'avais passé un écouteur à Antoine pour écouter ma musique. Après qu'il eut critiqué mes goûts musicaux - trop « commerciaux » pour lui - il avait branché les écouteurs sur son portable et il m'avait fait découvrir des vieux groupes de rock indépendant, mélangés à d'autres plus connus.
Vogüé était une ville au bord de la rivière Ardèche, et était un concentré de vendeurs de glaces, petits restaurants atypiques et panneaux d'informations à touristes. Nous nous étions arrêtés pour acheter une glace et la manger les pieds dans l'eau ; puis les parents avait décidé de visiter.
Antoine et moi marchions devant eux, dans les ruelles en pavés, qui ne cessaient pas de monter. En silence, pour économiser notre souffle. Les parents étaient loin derrière nous, nous les entendions parler, mais nous ne les écoutions pas. Et pourtant, nous savions qu'ils parlaient de nous.
- C'est pas mal par ici, lâcha Antoine.
Nous avions remonté le long d'une rue, et avions pris un tournant marqué par une statue. Le château de Vogüé se dressait devant nous, et on pouvait voir les maisons en contre-bas et les montagnes qui nous entouraient. Antoine était entré dans le château, mais en était aussitôt ressorti, une moue sur le visage.
- On ne peut pas rentrer sans payer, s'expliqua-t-il.
- Tout est payant aujourd'hui, tu sais.
- C'est scandaleux ! s'exclama-t-il. On ne peut donc plus visiter un château gratuitement ?
- Antoine, souris-je.
Il m'interrogea du regard.
- Tu n'avais pas envie de le visiter, ce château, lui rappelai-je.
- Et tant mieux pour nous ! Les parents ne vont pas nous faire le questionnaire d'appréciation à la fin de la visite, comme à chaque fois.
J'éclatai de rire.
- Ne me dis pas que j'ai tort, reprit-il.
- Tu as raison, tu as raison, dis-je en riant.
Les parents arrivèrent enfin à nous rattraper. On les laissa rentrer dans le château, n'osant pas leur dire que l'entrée était payante.
- Et s'ils payent l'entrée ? me chuchota Antoine.
Nous nous étions assis sur l'un des bancs de la petite place devant le château. Mon père était resté dehors et prenait des photos du paysage.
- Eh bien on se sauve en courant, lui répondis-je naturellement. Ils ne nous rattraperont pas.
Antoine acquiesça en souriant.
- Ça me va. Mais tu cours avec moi, je ne veux pas te porter parce que Madame a mis des talons.
- Effroyablement misogyne, commentai-je.
- Attends, je peux faire mieux : tu aurais du rester à la maison au lieu de venir nous embêter avec tes problèmes de chaussures, Florence ; il y a un bazar immonde dans notre chambrée.
Je ne pouvais pas m'arrêter de rire, alors que Pierre et ma mère revenaient.
- L'entrée est payante, annonça ma mère ; mais on peut quand même faire un tour.
Antoine me jeta un regard entendu. Puis il me prit la main et me tira du banc pour commencer à courir comme des fous tout juste sortis de l'asile, nous éloignant du château et des parents qui s'étaient contentés de nous regarder partir, abasourdis. On arriva dans une minuscule ruelle, juste derrière une église, puis on se regarda et éclata de rire, à bout de souffle.
- Le pire dans tout ça, c'est que je me suis tordue la cheville à cause de mes talons, arrivai-je à dire, les larmes aux yeux.
Antoine hurla de rire, les mains sur son ventre. Il s'assit par terre et je continuais de sourire. J'arrivai à me calmer pendant que lui n'en pouvait plus. Ça avait toujours été comme ça, lors de nos fous rires.
Mine de rien, ma cheville me faisait quand même un peu mal.
Lorsque les parents arrivèrent, Antoine s'était enfin calmé, et je me massais la cheville.
- J'imagine que vous ne voulez pas visiter le château, nous lança ma mère.
- Oh, pitié ! lâcha Antoine.
Nous riions tous, et descendîmes les marches de l'escalier devant la place de l'église, qui menait à la grande rue principale, celle qui bordait la rivière.
Avant que je n'atteigne le sol, Antoine se plaça devant moi, dos à moi.
- Grimpe, dit-il simplement.
- Pardon ?
Il tourna la tête vers moi en souriant.
- Si tu penses que je n'ai pas remarqué que tu boitais. Monte ou je t'appelle Jambe de Bois.
Je roulai des yeux et montai sur son dos en souriant, en passant mes bras autour de son cou et mes jambes entre ses bras et sa taille.
- Ça ne fait pas si mal que ça, tu sais.
- Tais-toi et laisse-moi être ton chevalier servant, Princesse-Jambe de Bois.
Je ris, et posai ma tête contre la sienne. Mes pieds se balançaient à chacun des pas d'Antoine, me berçant lentement.
Je l'avais enfin retrouvé.
Mais je n'osais toujours pas lui dire qu'il m'avait manqué. De toute façon, il avait bien du le comprendre ; cependant, je pensais que, tant que ni l'un ni l'autre n'avait avoué ce qu'il avait réellement sur le cœur, ça n'allait jamais être comme avant. Même si nous le pensions tous les deux, tout bas, il fallait se le dire, haut et fort.
Les ombres commençaient à s'allonger sur le sol lorsque nous partîmes de Vogüé. Il était presque vingt heures quand nous sommes rentrés à la maison, nous nous étions arrêtés au Grain de Malice boire un verre. Sonia ne travaillait pas le dimanche. Ça m'avait soulagée qu'elle ne soit pas là, mais je ne saurais pas dire pourquoi.
Le temps d'allumer le barbecue, Antoine était parti nager dans la piscine. J'avais aidé ma mère à préparer le repas, qui était essentiellement constitué de restes. Elle m'avait demandé comment ça allait avec Antoine ; je lui avais répondu que ça allait beaucoup mieux. Mais ma réponse n'avait pas eu l'air de lui plaire, car elle s'était montrée très insistante à ce sujet. J'avais du rejoindre Antoine pour qu'elle change de disque, mais elle continuait à me regarder, suspicieuse.
Plus tard dans la soirée, après le dîner, Antoine, mon père, Pierre et moi étions dans la véranda. Nous jouions au poker, quand ma mère débarqua avec un prospectus à la main.
- C'est la nuit des étoiles, ce soir ! On y va ?
- C'est où ? demanda mon père en levant pour la première fois les yeux de son jeu.
- À Chassiers, ce n'est pas loin d'ici.
Il me semblait que c'était là où Simon passait ses vacances. Je ne savais pas si j'avais spécialement envie de le revoir ou non.
- Je ne me sens pas de conduire, dit mon père. Et toi Pierre ?
Il haussa les épaules.
- Peu importe. Antoine, ça te branche ?
- Pas envie de bouger, dit-il en mâchouillant le cordon de son sweat-shirt.
Il n'avait donc pas perdu cette mauvaise habitude.
- Et tu bluffes, papa, ajouta Antoine en levant le menton vers lui.
Pierre jeta ses cartes au milieu de la table.
- Mais comment tu fais à chaque fois ? s'exclama-t-il.
- Un magicien ne dévoile jamais ses secrets, sourit Antoine, toujours le cordon en bouche.
- Flo, tu veux y aller ? me demanda ma mère.
- C'est à Chassiers, c'est ça ? demandai-je.
- Vous êtes bien stressée, Miss Florence, remarqua Antoine en souriant.
Je lui lançai un regard ce-n'est-pas-ce-que-tu-crois que seul lui pouvait comprendre. Il fronça les sourcils.
- Pourquoi on ne regarderait pas les étoiles dans le jardin ? proposai-je. Il me semble qu'il y a une carte du ciel dans votre chambre.
Je posai mes cartes face contre table et montai dans la chambre que mes parents occupaient. C'était la chambre la plus spacieuse, qui avait une salle de bain privée, que mes parents et moi utilisions. Antoine et Pierre utilisaient une autre salle de bain accessible depuis le couloir ; en revanche, ce dernier disposait d'un balcon dans sa chambre.
Je cherchai la carte du ciel dans les tiroirs d'un petit bureau, sur laquelle j'étais déjà tombée en fouillant le meuble avec Antoine, quelques années plus tôt.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
Je sursautai, et me retournai immédiatement vers Antoine. Il s'était adossé à l'encadrement de la porte, et me regardait chercher la carte. Je soupirai, et repris mes recherches.
- Je n'ai pas envie d'aller à Chassiers, c'est là où Simon est en vacances.
- Je vois.
J'ouvris le troisième tiroir, et trouvai enfin la carte.
- Ce n'est pas que je n'ai pas envie de le voir... continuai-je en sortant de la pièce.
Antoine haussa les sourcils et ferma la porte de la chambre.
- Enfin, il était sympa. Mais je ne veux pas lui faire de fausses idées.
- De fausses idées ? répéta Antoine en riant. Tu lui en as fait, des fausses idées, quand tu étais en train de l'embrasser. Il a vraiment cru qu'il allait baisé hier soir, dommage pour lui.
Je baissai le regard vers la carte du ciel. On y répertoriait toutes les constellations visibles dans le ciel de l'hémisphère nord.
- Couvre-toi, il fait frais dehors.
Puis Antoine regagna les escaliers. Avant de descendre à mon tour, je passai dans la chambre et enfilai un gros pull au-dessus de mes vêtements. Puis je les rejoignis tous dans le jardin, où ils avaient disposé les transats au milieu de ce qui avait été le terrain de foot des garçons mercredi.
Je m'installai sur l'un d'eux, entre ceux de ma mère et Antoine, et regardai le ciel. Jamais je ne voyais un ciel aussi clair et étoilé ailleurs qu'en Ardèche : il n'y avait pas beaucoup de lumières pour polluer la vision des étoiles, à contrario des grandes villes.
C'était magnifique. Il n'y avait pas d'autre mot. Un drap noir tacheté de minuscules points fluorescents.
- Flo ? murmura Antoine.
Les parents étaient en train de chercher la constellation du Cygne. Je tournai la tête vers lui. Sous la lumière des étoiles et de la lune seulement, je le distinguais légerement, il me regardait.
- Oui ? chuchotai-je.
- Pourquoi on s'est éloigné comme ça ?
Je soupirai, dirigeant mon regard vers les étoiles. Je fixai l'étoile polaire, juste au-dessus de nos têtes.
- Je n'en sais rien, Antoine.
- Je pense que ça a un rapport avec le fait qu'on ne s'était pas vu depuis trois ans.
- Sans blague ? ironisai-je.
- Je déconne pas, rit Antoine.
Une étoile filante. Avec une trainée longue et fine, comme je les aimais.
- Tu as vu l'étoile filante, Flo ?
- Oui maman.
- Tu as fait un vœu ? me demanda Antoine.
- Je ne crois plus trop en ces choses-là.
- Avant tu y croyais.
- Sauf que j'ai changé Antoine. Et toi aussi. Nous avons tous les deux changé, et je ne crois plus aux souhaits exaucés par les étoiles filantes.
Il ne dit rien. J'avais déjà retrouvé quatre constellations : la Grande Ourse et la Petite Ourse, les deux casseroles, puis Cassiopée, qui était plus à l'Est, et une dont j'avais oublié le nom mais qui était en forme de théière.
- Flo ?
- Oui Antoine ?
- Tu veux savoir un vœu que j'avais fait, quand j'étais gosse ?
Je tournai la tête vers lui.
- Ça ne va pas l'annuler ?
- J'avais souhaité que toi et moi, on ne soit jamais séparé, continua-t-il en ignorant ma remarque. Qu'on soit toujours ami. Mais ça n'a pas empêché qu'on ne se voit plus pendant trois ans, et qu'on ne se parle plus, même en étant dans la même pièce. Et tu vois, jusqu'ici, j'avais laissé faire. Mon étoile filante se chargeait de notre amitié.
- Alors pourquoi tu m'as dit ton vœu ?
- Parce que de toute façon, ça n'a pas marché, et puis je me rends compte que ça ne doit pas marcher tout seul. Que ce n'est pas une étoile filante qui va choisir si oui ou non tu voudras encore de moi dans ta vie.
- Antoine...
- Flo, tu m'as horriblement manqué, me dit-il enfin. Trois années entières sans toi, non mais te rends-tu seulement compte ? J'ai haï cette étoile, Flo, tu ne peux pas savoir à quel point. Et puis tu as tellement changé. Tu ne ressembles plus à la petite fille avec qui je jouais tous les étés, tu es devenue une vraie jeune femme, tu...
- Mais je resterai toujours cette petite fille, Antoine. Je te l'assure.
- Oui, une partie au fond de moi le sait. Mais physiquement... je ne sais pas si tu te rends compte à quel point tu es devenue belle, par exemple.
Je rougis jusqu'aux oreilles, gênée.
- Tu n'es pas mal non plus, répliquai-je.
Il rit, puis continuait à me sourire.
On se regarda longtemps ainsi, les yeux dans les yeux. Longtemps. Les siens étaient noirs dans l'obscurité. Alors, eux aussi changeaient, finalement.
Mais, quoi ? c'étaient toujours ses beaux yeux noisettes. Ce n'était que physique, dû à la noirceur des environs. S'il faisait jour, ils seraient toujours noisettes. Mais avec le temps... peut-être qu'ils changeraient. Ou peut-être pas. Mais moi, je savais qu'ils seraient toujours les mêmes, peu importe ce qui leur arriverait. Ils auraient toujours la même importance pour moi.
Je souriais. Une autre étoile filante.
Non, je n'allais pas faire de vœu. Pas cette fois non plus ; l'important ce n'était pas de souhaiter les choses, mais de bouger et faire en sorte de les obtenir.
Je levai le bras vers Antoine et le dirigeai vers sa main. Il attrapa la mienne et comme dans la matinée, nos doigts s'entrelacèrent, comme s'ils étaient fait pour se retrouver, comme les pièces d'un puzzle. Mes yeux rejoignirent les siens.
- Tu m'as manqué, lui murmurai-je.
- Toi aussi, chuchota-t-il.
Et c'en fut tout de nos retrouvailles. Pas d'embrassades, pas de sourires, pas de pleurs : juste un échange, juste trois mots. Une banalité, au fond.
Mais c'était tout ce dont je voulais.
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