Épilogue
Je devais faire tâche dans ce cimetière avec mon énorme robe blanche parée de volants translucides et de dentelle. Un mariage, le début d'une nouvelle vie, et la mort, la fin de tout. Pas totalement la fin, puisque des années après, je venais encore fleurir la tombe de Shinichiro.
Je m'assis devant la sépulture, flottant dans mon épaisse robe. Emma allait être furieuse si je la salissais, mais tant pis. Elle n'avait qu'à pas me la faire enfiler aussi tôt. D'accord, j'avais peut-être une part de responsabilité puisque je m'étais enfuie de la maison pour prendre l'air, étouffée par tous ces préparatifs. Je pense que je n'aurais jamais pu faire un mariage digne de ce nom sans mes amies.
— Comment ça va, depuis l'au delà, Shin ? dis-je à la tombe. Moi, ça va très bien. Je vais me marier aujourd'hui, je voulais te le dire. Ça fait plusieurs mois qu'on est fiancés et c'est enfin le jour de notre mariage. Bien sûr, je sais que le mariage n'est pas l'objectif de toute vie, c'est un peu vieillot comme vision. Je suis juste heureuse de pouvoir être liée à la personne que j'aime.
Je pris un temps pour contempler le bout de pierre où était inscrit le nom de Shinichiro.
— J'ai invité Izana, mais il n'a pas voulu venir. Je crois qu'après avoir réalisé ce qu'il avait fait, il s'en voulait trop pour me revoir. J'aurais tellement aimé que tu viennes, je suis sûre que tu serais fier de moi. Au début, tu n'aurais pas apprécié Shuji, protecteur comme tu es, mais tu aurais fini par l'accepter dans la famille.
— Encore heureux qu'il m'accepterait !
Je tournai subitement la tête. Il m'avait fait peur, cette enflure. Shuji me regardait, les mains dans les poches de son costume à rayures, avec ses lunettes rondes et ses mèches blondes ondulées.
— Alors comme ça tu parles à une tombe ? lança-t-il avec le même air sarcastique qu'il y a dix ans.
— Qu'est-ce que tu fais là ? répliquai-je.
— Je savais que tu serais là.
Je levai un sourcil, non convaincue.
— Et, j'en ai profité pour passer voir Kisaki.
Je soupirai. Avec un peu de recul, je m'en voulais un peu d'avoir pensé qu'il était mieux mort, surtout après que le copain de Hina me raconte son histoire. Et comme je ne voulais pas m'énerver le jour de mon mariage, je décidai de ne pas m'embrouiller avec Shuji.
Shuji me tendit élégamment son bras.
— Si mademoiselle veut bien retourner aux préparatifs.
— Avec plaisir, monsieur, répondis-je avec un grand sourire.
***
J'avais raison, quand je disais que Emma serait furieuse. Mais l'état de ma robe n'était pas la seule raison. Cela faisait bien dix minutes qu'elle nous engueulait tous les deux parce que le mariage débutait dans moins d'une heure. En plus, Shuji n'avait même pas enfilé son costume noir. Elle disait être désespérée par notre comportement enfantin alors qu'elle portait tout sur ses épaules. Draken avait bien essayé de la calmer, mais elle l'avait foutu à la porte. Je pense qu'elle était énervée aussi parce que ce dernier ne l'avait toujours pas demandée en mariage.
L'atmosphère se détendit quand nos deux adorables animaux de compagnie rentrèrent à la suite dans la salle de bain.
— Qui a mis à Batman et Robin ces putains de nœuds papillon ? demanda Shuji.
— Sen et Haku tu veux dire ? le corrigeai-je. C'est moi. Ils sont trop mignons, pas vrai ?
— C'est ridicule, enlève ça, répondit Shuji.
Il se baissa pour tenter de détacher le nœud papillon rouge de Haku, notre carlin, mais je me jetai dessus pour l'en empêcher. Sen, notre petit chat noir qui se faisait vieux à présent, s'enfuit à cause de notre boucan.
Emma finit par virer Shuji de la pièce, car selon elle, il me déconcentrait. Une fois qu'il fut parti, je m'installai sur la chaise en face du miroir. Mon amie se mit à brosser délicatement mes cheveux, pour attacher la partie supérieure avec une jolie broche à perles blanches. Alors qu'elle s'attaquait au maquillage, elle lança la conversation.
— Je suis vraiment heureuse pour toi, Kanzaki.
Je souris en guise de merci.
— Je me souviens quand tu étais petite et que tu tombais amoureuse de chaque garçon à qui tu parlais. Un vrai cœur d'artichaut !
— Eh, on est pas obligés de parler de ça ! rétorquai-je.
Elle rit doucement.
— Mais ça me fait vraiment plaisir que tu aies trouvé un mec bien comme Shuji. Je suis sûre qu'il te traitera bien, et si c'est pas le cas, tu sais que Yori, Hina et moi, on laissera rien passer.
— Je vous interdis de faire du mal à mon futur mari !
Nous explosâmes de rire toutes les deux, comme à l'époque.
Quand j'ai déménagé, on s'est promis de se voir autant que possible, mais au fur et à mesure, on a fini par s'éloigner. C'était trop compliqué, trop coûteux de se voir régulièrement, et puis nous commencions chacun à développer notre vie en dehors de l'autre. Puisqu'il n'était plus constamment avec moi, Shuji s'était fait de nouveaux amis, et tant mieux.
Mais, une fois que Shuji se trouva je ne sais commun un emploi stable dans l'immobilier, et que j'eus fini mes études de lettre, il revint vers moi et nous emménageâmes ensemble. Bien sûr, certaines choses avaient changé. Nous étions plus matures qu'avant, et c'était bizarre de se retrouver après tant d'années, mais la passion de nos premiers jours ne nous avait jamais quittés.
— Voilà, tu es magnifique Aki !
Je jetai un coup d'oeil au maquillage discret et élégant qu'avait appliqué Emma sur mon visage. C'est là que je réalisai que j'allais me marier avec celui que j'aime et que mon cœur se mit à battre tellement fort que je le sentais dans tout mon corps.
***
Il n'y avait pas énormément d'invités, car Shuji et moi n'étions pas des personnes particulièrement sociables, mais il y avait tous ceux qui comptaient pour nous. Je dus faire le tour des invités, et recevoir toutes leurs félicitations. Mikey s'était pointé avec sa petite copine, Takagawa Madoka, que je n'avais aperçue que quelque fois auparavant. Emma avait bien sûr ramené Draken, et Yori était accompagnée de Yuzuha, bien que ces deux là ne s'étaient jamais déclarées. Il y avait aussi son frère, Hakkai, et le couple de Hina et Takemichi.
Quand vint le tour de Mitsuya et de ses deux petites sœurs Mana et Luna qui avaient maintenant respectivement dix sept et dix neuf ans, la première me regardait avec de grands yeux émerveillés.
— Est-ce que moi aussi je pourrai faire une grande fête pour mon mariage ? Et je pourrai mettre un costume noir ? demanda-t-elle.
— Quand tu seras grande, tu feras tout ce que tu veux, lui répondis-je.
J'accueillis également les nouveaux amis de Shuji, et ceux que j'avais rencontrés à Sapporo, qui comptaient quand même une petite quinzaine de personnes. Enfin, vint le tour de mes parents. Cela faisait une éternité que je ne les avais pas vus ensemble. Tous les deux me regardaient avec ce même air attendri et de fierté.
Yujin —enfin, mon père, posa une main paternelle sur mon épaule.
— Alors ma petite future mariée, commença ma mère, tout se passe comme tu le souhaites ?
Je hochai la tête, le sourire aux lèvres.
— Merci d'être venus, leur dis-je.
— Pour rien au monde on raterait ça, répondit mon père.
Après ce moment fort en émotions, je remarquai que le père et la mère de Shuji avaient tous les deux répondus à notre invitation. Bien sûr, Rei était habillée d'une robe très... décolletée, et Shinji avait revêtu une veste de costume avec un jeans. Tous deux nous félicitèrent, et Shinji fit même un câlin à son fils. Je n'étais pas si étonnée que Rei accepte de venir, puisque que Shuji et elle avaient repris contact il y a quelques années. Elle avait enfin réussi à se sortir de la prostitution pour trouver un boulot plus stable de secrétaire.
Une fois le tour des invités effectué, il était temps d'aller à la mairie. Nous nous installâmes dans la voiture —et je peux vous assurer que s'asseoir avec une énorme robe de mariée n'est pas aisé, et ma mère au volant démarra.
Une vingtaine de minutes plus tard, nous entrions dans la mairie, accompagnés par le cortège d'invités qui nous jetaient des confettis en forme de cœurs. Nos familles et nos amis s'installèrent sur les chaises prévues à cet effet, et nous encadrâmes le maire. Après un discours interminable, nous prononçâmes enfin les mots éternels.
— Vous pouvez embrasser la mariée ! déclara le maire.
Pour une fois, je ne pleurai pas. En grandissant, j'avais quitté cette mauvaise habitude, et maintenant je souriais de toutes mes dents.
Shuji m'attrapa dans le dos, et m'embrassa d'abord tendrement. Puis, il intensifia le baiser, me forçant à me pencher en arrière. Je sentis sa langue s'infiltrer dans ma bouche : oui, il me roulait une putain de galoche pour notre mariage. J'imaginais bien la tête décomposée de mes parents face à si peu de pudeur.
Je finis par perdre l'équilibre sous son poid, et nous tombâmes tous les deux à la renverse. Ce n'était pas pour autant qu'il arrêtait de m'embrasser langoureusement, provoquant l'hilarité du public.
Je ne pouvais pas rêver de meilleure fin à notre histoire.
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