— C'est fabuleux, disait Hanma.

— Je vois pas c'qui est fabuleux, grognai-je.

— Arrête de bouder et profite un peu du spectacle.

Wow, super, quel spectacle de malade, des gens qui se tapent dessus. Haha trop drôle un mec à terre et l'autre qui lui fait bouffer ses chaussures. Fabuleux comme il dit, fabuleux. Je grimaçai en voyant un énième mec cracher du sang.

Car oui, Izana et ses compagnons m'avaient traînée au port numéro sept de Yokohama pour assister au règlement de compte entre le Tenjiku et le Tokyo Manjikai. Le chef du premier gang tenait à ce que je sois témoin de sa victoire écrasante, moi qui prenais la défense du Toman. En fait, la vérité c'est que j'en avais rien à faire de leurs petites histoires de gang. Je trouvais juste que Izana prenait un peu trop à cœur son problème avec Mikey, et qu'il ferait mieux de le laisser tranquille s'il ne voulait pas se faire démonter. Pour moi, personne sur Terre n'égalait le blond.

Bref, on m'avait emmenée là en tant que spectatrice, malgré les protestations de certains.

Quelques heures plus tôt...

— Qui a ramené une collégienne ? s'était plaint un mec avec une crête ridicule.

— Ta gueule Madarame, avait répliqué celui à la cicatrice et aux yeux vairons. C'est la cousine du boss.

— Sérieux qui ramène une meuf sur un champ de bataille ?

Les "rois célestes" du Tenjiku étaient vraiment flippants, avec leur style plus excentrique les uns que les autres. Surtout celui aux nattes qui me lorgnait avec insistance. Mais le plus effrayant, c'était Izana. Assise aux côtés de Hanma sur de gros containers, j'écoutais distraitement le discours de ce dernier. Il parlait de dominer tous les gangs de Tokyo, de rentrer dans la pègre. Plus il parlait, plus je me rendais compte qu'il avait un léger pète au casque. Je me demandais ce que je faisais à ses côtés. Mais, après tout, c'était un de mes seuls liens avec Shinichiro, alors je le pardonnais.

Une rangée de mecs tabassés par Izana s'agenouillait, la tête basse. Il s'agissait des chefs des soit disants meilleurs gangs de la capitale. Je leur jetai un regard compatissant.

Le mec aux tresses s'est approché de moi sous le regard exaspéré de son compagnon aux mèches bleues. J'étais toujours assise sur le bloc, et Hanma discutait non loin avec Kisaki et Izana.

— Voici donc la princesse du Tenjiku, dit-il en s'inclinant poliment.

— Euh tu peux faire encore plus cliché comme approche steuplait ? lui répondis-je exaspérée.

Le deuxième a soudainement pris la parole depuis son perchoir.

— Elle a quinze ans frérot, lui signala-t-il.

— Quinze, dix huit, quelle différence Rindo ? déclara mon interlocuteur.

— T'es un putain de pédophile Ran, répondit celui qui était donc son frère —ah, oui, les frères Haitani.

Ok, Ran était mignon dans le genre psychopathe aux cheveux longs, mais il faisait aussi vachement peur, toujours dans le même genre. Je n'ajoutai pas un mot, attendant avec inquiétude que Hanma revienne. Ils avaient tous sans exception l'air un peu taré (Hanma compris). Sauf peut-être celui à la cicatrice, que je devinais proche d'Izana. D'ailleurs, celui-ci vint me voir après cette petite altercation.

— Excuse leur comportement, ils sont majeurs mais c'est toujours des gamins dans leur tête, m'expliqua-t-il avec un sourire gêné.

— C'est pas grave j'ai l'habitude, répondis-je en pensant à Hanma qui était censé avoir seize ou dix sept ans.

Il regarda l'endroit où le Toman devait arriver depuis une heure avec inquiétude. Je suivis son coup d'œil, quelque peu soulagée qu'ils ne se pointent pas. Je n'étais pas non plus une grande fan des bains de sang.

— Je comprends toujours pas c'que je fous ici, pensai-je à haute voix.

— Le chef veut sûrement mettre toutes les chances de son côté pour déstabiliser Mikey, si jamais ce qu'a fait Kisaki n'a pas marché.

— Super, donc je suis un moyen de pression... Et qu'est-ce qu'il a fait, Kisaki ?

Il me regarda avec des yeux ronds.

— T'es pas au courant ?

Je ne répondis pas, l'air interrogateur.

— Il a rien fait, t'inquiète, se reprit-il en regardant ailleurs.

— Non, dis-moi !

— Tu devrais rester près de Hanma, le Toman va arriver, m'a-t-il conseillé en s'éloignant sans que je puisse répliquer.

Je restai là, comme une idiote, me demandant ce que ce putain de Kisaki avait encore fait. Puis, Hanma m'appela, et je le suivis gentiment alors que nous grimpions sur des blocs un peu plus hauts pour avoir une vue d'ensemble. Je jetai un coup d'œil à l'armée de types en rouge, tous prêts à en découdre.

C'est comme ça que je me suis retrouvée là, les jambes dans le vide, à assister à la bataille comme on assiste à un match de football. Kisaki se tenait debout non loin de nous, et Izana sur un autre bloc en contrebas. Les combattants s'attrapaient par le col, se roulaient par terre, se cognaient avec véhémence. Je regrettais d'avoir cédé et d'être venue pour faire plaisir à mon cousin. Tout ça pour Shin.

— J'aime pas ça, lâchai-je à l'attention de Hanma. J'ai peur.

— Ferme les yeux, m'a-t-il dit alors que je le regardais en levant un sourcil. De toute façon, t'es avec nous. Il peut rien t'arriver.

Comme je ne répondis pas, il passa son bras autour de moi puis posa ma tête contre son torse. Je me laissai faire, ne voyant plus rien d'autre que le rouge de son uniforme. Je sentais le regard de Kisaki me fusiller. Quoi, t'es jaloux ?

Je sentais son torse se soulever régulièrement et sa douce odeur de cigarette. C'était agréable, bien plus que la vision du carnage. Les mains toujours posées sur mes jambes, je n'osais bouger d'un pouce.

— Tu vas les rejoindre ? demandai-je à deux doigts de m'endormir.

— Non, j'ai la flemme, répondit-il en caressant mes cheveux.

Finalement, je m'endormis contre son torse chaud, respirant de plus en plus lentement et profondément.

***

J'aurais voulu ne pas me réveiller. Non, franchement, c'était pas la peine d'ouvrir les yeux pour voir ça. Ça a commencé quand j'ai doucement émergé de mon long sommeil. Je me suis frottée les yeux, et ai voulu me défaire de l'emprise de Hanma, mais il m'a maintenue fermement contre lui et m'a dit de ne pas regarder. Je lui ai ordonné de me relâcher, énervée, et il a obéi. Puis, j'ai balayé la scène du regard. Est-ce que c'était Izana, que je voyais baigner dans son propre sang au côté de son acolyte à la cicatrice ou est-ce que je rêvais encore ?

Bouche bée, j'ai commencé à désescalader difficilement les containers sous les protestations de Hanma. Après quelques minutes, je parvins au sol. Je m'élançai vers les deux corps à terre, et Ran Haitani tenta de me retenir par le bras mais il ne réussit pas à m'attraper alors que j'accélérais. Tout le monde avait l'air choqué.

— Kanzaki ? m'appela Mikey en me voyant débarquer. Depuis quand t'es là ?

Je m'accroupis. Son corps était criblé de trois trous érubescents. Le liquide rouge qui se répandait sous son corps formait une piscine de sang. J'attrapai sa main inerte, gelée comme de la pierre. Ce n'était pas possible, pas vrai ? Izana ne pouvait pas mourir alors qu'on venait à peine de se retrouver ? Il était mon lien le plus fort avec Shinichiro. Il était ma réminiscence, il faisait vivre son fantôme à travers ses paroles. Il ressuscitait mon premier amour.

Des larmes de chagrin dévalèrent mes joues sous mon front plissé. Ses joues à lui aussi étaient humides. Est-ce qu'il avait souffert ? Il tenait la main de son ami.

— Crackhead, on doit se casser, me criait Hanma qui courait vers moi.

— Il est pas mort seul, pas vrai ?

— Bouge, m'ordonna-t-il en me tirant par le bras alors que tout le monde commençait à partir.

J'entendis l'alarme de la police et de l'ambulance se rapprocher. Mikey me disait également de m'en aller mais je ne pouvais rien entendre.

— Est-ce qu'il est vraiment mort ? continuai-je en posant ma main sur son torse ensanglanté, les yeux écarquillés. Il respire encore, non ? Heho, Izana, réponds.

— Kanzaki je rigole pas il faut vraiment qu'on se casse ! Dépêche toi si tu veux pas que je te bouge de force !

— Laisse-moi tranquille, Hanma, je veux rester avec lui.

Je m'entêtais à résister à son accroche mais il ne voulait pas me faire mal. Je ne le regardais même pas.

— Pourquoi est-ce que tu ne me laisses pas tomber ? demandai-je soudainement. C'est ta peau que tu devrais sauver, pas la mienne, non ? Tu devrais pas t'en faire pour moi, tu devrais être égoïste et cruel. Pourquoi tu fais ça ? Izana m'a dit que tout le monde finirait par m'abandonner. Pourquoi tu restes ?

Il m'attrapa les épaules de façon à ce que je plante mes yeux dans les siens.

— Parce que je t'aime, imbécile, déclara-t-il très sérieusement.

J'eus l'impression de sortir la tête de l'eau et de revenir à la réalité. Mon cœur rata un battement. Quoi ?

— Hanma, si tu continues comme ça, je vais te jeter comme un jouet usagé, le menaça une voix derrière moi. Maintenant dégage ou on va se faire coffrer.

Je savais très bien qui avait parlé.

— Ta gueule, Kisaki, répondit l'intéressé à ma plus grande surprise. Va chialer ailleurs.

Il sembla sous le choc également puisque j'entendis des syllabes orphelines sortir de sa bouche.

Et là, je ne sais pas ce qu'il s'est passé avec son corps, mais il a agi de lui-même. J'ai obéi à ce qu'on me criait depuis tout à l'heure, et je me suis enfuie, seule, loin d'Izana, loin de Hanma.

***

Quand Kanzaki est partie, Hanma s'est précipité sur sa moto. Il a enclenché le moteur, mais son regard se baladait de gauche à droite. D'un côté, la fille qu'il aimait prenait ses jambes à son cou, et de l'autre, le type qu'il suivait, son maître, était en danger de mort. Il avait vu le terrible regard de Mikey à son encontre. Il risquait de passer un sale quart d'heure. Alors, le garçon fit rapidement un choix, et roula à toute vitesse dans la direction de Kisaki. Il l'attrapa au vol, et la suite de l'histoire, vous la connaissez déjà. À un détail près.

________________________

Oui Kanzaki se fait draguer par la Terre entière mais ct juste trop drôle mdrr
J'espère que vous avez bien crié devant ce chapitre