Chapitre 13
— Tu veux venir chez moi ? proposa-t-il de nulle part.
— Hanma, je crois pas que c'est le bon moment pour draguer.
— Non mais, t'as dû flipper, je me dis que t'aimerais bien un peu de compagnie. Mon daron est pas là ce soir.
— D'accord... Merci pour tout.
***
J'étais enfin sortie de cet immeuble de malheur. De l'extérieur non plus, il ne payait pas de mine. J'imaginais qu'il allait être démoli sous peu pour faire place à quelque chose de plus neuf, peut-être un Open Space. D'ailleurs, je n'avais aucune idée d'où nous nous trouvions. Je pariais sur Shibuya, au vu de ce qu'avait dit le chef de Chisenko. Mais je ne pouvais pas être sûre, puisque ces gars là avaient dû m'assommer avant de me transporter ici. Je me demandais comment ils avaient pu me déplacer sans éveiller les suspicions.
Je passai une main sur mon front : une bosse s'était en effet formée. Je ne me souvenais de rien, à part que je rentrais de l'école.
J'attrapai soudainement mon téléphone maintenant cassé, que j'avais récupéré précédemment sur le sol. Je l'allumai. Ouf, il fonctionnait encore. J'en profitai pour envoyer un message à ma mère et lui dire que je dormais chez Hina ce soir.
Hanma me dit de me dépêcher. Nous marchions à travers des rues qui m'étaient totalement inconnues que je devinais être de Shibuya, moi derrière et lui qui menait.
— T'es garé encore loin ? demandai-je à bout, mon corps entier me faisait souffrir.
— J'suis pas venu en moto aujourd'hui. Elle est à réparer, je l'ai pétée pendant une course poursuite.
— T'es venu en métro alors ?
— Non, ça prenait trop de temps. Je suis venu en courant puisque j'étais dans le coin, dit-il nonchalamment comme si c'était tout à fait normal.
Je faillis tomber en me rendant compte que nous descendions à présent les marches de la station. Je repris mes esprits et le suivis à travers le dédale de couloirs marqués de signalisations colorées, de chiffres et de lettres. Hanma dut s'y prendre à plusieurs fois pour emprunter la bonne voie, c'était un vrai bordel de flèches et de couleurs. Enfin, nous passâmes les portiques —bien évidemment il frauda en passant derrière moi, et arrivâmes sur le quais.
Les portes automatiques s'ouvrirent quand le métro s'arrêta et nous entrâmes dans le wagon. C'était plein à craquer. Peu à l'aise, je tentai de me frayer un chemin à travers la foule de gens qui rentraient du travail. On crevait de chaud et l'idée d'être collée à autant de gens me dégoûtait. De plus, ma taille moyenne faisait que je me noyais dans la foule.
Je ne prenais pas le métro très fréquemment, j'avais plutôt tendance à marcher.
Hanma sembla remarquer ma gêne puisqu'il me tira dans un coin et se plaça entre moi et les autres passagers avec sa grande taille, un bras appuyé contre le mur. Il détourna le regard.
Serrée à lui, le trajet fut plus agréable qu'au premier abord. Son odeur de cigarette et de parfum était rassurante. Je fermai les yeux.
— Debout crackhead, me réveilla le bicolore.
Je rouvris soudainement mes paupières, je venais de me rendre compte que je m'étais endormie debout. Il me prit le bras et m'extirpa de la marée humaine entassée dans le wagon.
Quand nous débouchâmes dans la rue, il se mit à pleuvoir. Problème, aucun de nous n'avait de parapluie, et je n'avais même pas de capuche, contrairement à lui. J'essayais de protéger mes affaires de cours dans mon sac pour ne pas qu'elles soient mouillées.
— T'es prête à sprinter ?
— C'est parti !
Et nous nous mîmes à courir comme des enfants sur les trottoirs de Shinjuku, éclaboussant volontairement l'autre dans les flaques d'eau. Euphorique, je ne pouvais m'empêcher de rire. Je remarquai le sourire sincère sur ses lèvres.
Mes chaussettes étaient complètement trempées, et mes chaussures, transformées en piscines, pesaient le double de leur poids. Ma peau était couverte de chair de poule, alors je courus un peu plus vite pour me réchauffer. Je tentais de suivre le rythme de Hanma mais c'était peine perdue puisque ses jambes faisaient deux fois la taille des miennes.
Enfin, nous arrivâmes devant son immeuble. Ma tension montait, j'allais enfin voir là où il vivait. Après avoir passé l'entrée, nous pénétrâmes dans l'ascenseur sans un mot pour accéder au quatrième étage. Il passa ensuite son pass dans l'encoche métallique et nous entrâmes en nous essuyant les pieds sur le paillasson.
— Bienvenue chez moi, fit-il en refermant la porte.
C'était... plutôt en désordre. Ouais, c'était carrément le bordel peu importe où je posais les yeux. Des sacs poubelles jonchaient le sol à tel point que je me demandais comment l'odeur de l'appart pouvait être à peu près normale. Il se gratta la tête en s'excusant.
— Tu veux que je te prête des vêtements secs ? proposa-t-il.
— Non t'inquiète pas pour ça, refusai-je trop gênée pour accepter.
— C'était pas une question en fait, tu vas mouiller mon lit sinon.
— Qui te dit que je vais dormir dans ton lit ? répliquai-je.
— Allez, dit-il sur un ton autoritaire, et va te laver aussi tu pues.
Il sortit une serviette ainsi que des vêtements d'une armoire, me les mit dans les bras, et me poussa en direction de la salle de bain. Je fermai la porte à clé en lui précisant bien de ne pas tenter de rentrer. Il acquiesça en ricanant.
Je me retrouvai face au miroir, et me déshabillai. Tout en faisant couler l'eau chaude, j'observai les grains de beauté qui constellaient mon corps. Longtemps, ceux-ci m'avaient complexée. Me montrer en maillot de bain m'était impossible. Maintenant, j'arrivais plus ou moins à les tolérer.
Quand je vis de la vapeur s'échapper du robinet, je me jetai dans la douche et activai l'eau. C'était toujours bizarre de se doucher chez quelqu'un d'autre.
Quand je ressortis, tous les sacs poubelle avaient disparu et la maison voyait enfin un semblant d'ordre. Hanma s'approcha en reniflant l'air.
— Tu sens mon odeur.
— C'est normal j'ai mis ton gel douche et tes fringues.
— Ça te va plutôt bien.
Il m'avait passée ce qui selon lui était son plus petit haut, un immense t-shirt noir avec un petit logo blanc, et un jogging crème qui lui datait de la sixième.
— Faudrait que tu te débarrasses de tes vieux vêtements un jour, pensai-je à haute voix.
— J'te les donne, affirma-t-il sans même y réfléchir.
— C'est trop d'honneur, dis-je en m'affalant sur le canapé.
Il se pencha sur le dossier à quelques centimètres de ma tête.
— Bon, tu vas me faire à manger, femme ?
— Dans tes rêves.
Je lui fis un doigt et il partit en direction de la cuisine faire je ne sais quoi. En attendant, j'attrapai le journal TV à la recherche d'un film. Je regardai la pluie tambouriner à la fenêtre.
L'espace était plutôt petit, mais ça rendait la pièce chaleureuse, j'imagine. Je le voyais bien vivre seul avec son père, les deux hommes n'ayant rien à foutre de la propreté de l'endroit.
Cinq minutes plus tard, Hanma revint avec des nouilles instantanées dans les mains. Nous nous installâmes sur la table basse et j'allumai la télé. Le film avait déjà commencé depuis un moment, on ne comprenait rien du tout à ce qu'il se passait.
— Attends mais il est mort lui ? dit Hanma avec une surprise exagérée. Aki, il est mort ?
— Qu'est-ce que j'en sais j'ai jamais vu ce film !
— Suis un peu alors !
— Toi suis !
J'engloutis bruyamment une grande quantité de nouilles. Ma mère serait peu fière de moi. Comme les épices arrachaient, je lançai :
— Ça pique sa mère.
— Faible.
— Psychopathe.
Nous finissâmes notre repas industriel en tentant désespérément de capter quelque chose à ce téléfilm de romance et en échafaudant des théories. Hanma était persuadé que Britney était la sœur cachée de Sabrina, mais y'avait pas moyen, elles ne se ressemblaient pas du tout. Il arguait que ce n'étaient que des actrices mais je n'y croyais pas un mot. Ce mec ne se taisait jamais, il me gâcha le film entier avec ses bavardages incessants.
— Aki ?
— Ta gueule un peu, finis-je par lâcher.
— Aki, comment tu t'sens ?
Je levai un sourcil interrogateur. Il n'avait pas retiré ses yeux de l'écran.
— Bien mieux, merci. Mais je crois que maintenant je vais flipper dès que je me retrouverai seule dans une rue.
— T'inquiète, je t'apprendrai à te défendre.
— J'aimerais bien voir ça.
— Lève-toi, ordonna-t-il en faisant de même alors que le film n'était même pas terminé.
J'obéis car il ne voulait rien entendre à mes protestations.
— Frappe moi.
— Quoi ?
— Frappe moi, j'ai dit.
— Je savais pas que t'étais dans le BDSM, mais let's go je suppose.
J'envoyai mon poing dans son torse sans plus de préambules. Il ne bougea pas d'un pouce et éclata de rire.
— C'était quoi cette force de moucheron ?!
— Attends, laisse-moi réessayer, demandai-je vexée.
— Essaie d'utiliser ton poids ça va combler ton manque de-
Je ne le laissai pas finir, pris mon élan et décochai mon meilleur coup de poing dans son ventre. Cette fois-ci, j'avais basculé ton mon poids sur lui comme il avait demandé. Surpris, il se tordit de douleur en laissant échapper un gémissement grave.
— J'étais pas prêt putain j'ai pas contracté !
— Ça veut dire que j'ai réussi ?
— T'as triché enflure, répondit-il en repartant vers la cuisine pour débarrasser nos bols.
Par la suite, Hanma m'apprit plusieurs prises, et quelques techniques comme mettre un briquet dans ma main, viser le derrière du genou pour déséquilibrer la personne, ou même viser l'entre jambes. Au fur et à mesure, nos interactions ne me faisaient même plus rougir.
Quand nous eûmes fini, je m'étalai sur le canapé, épuisée.
— Bouge tes fesses de là, dit-il en me poussant pour se faire une place.
Il tira une clope de sa poche, à croire qu'il en avait toujours en sa possession, et l'alluma avec un briquet. J'hésitai à lui dire qu'il ne devrait pas fumer en intérieur mais ce n'était pas mes oignons.
Il tourna la tête pour que je ne reçoive pas la fumée en pleine face. Je regardai sa mâchoire bien découpée s'éloigner de moi, et sa fine bouche qui exhalait la brume grise.
La pièce s'illumina une micro seconde. Soudain, un formidable coup de tonnerre retentit, résonnant dans toute la ville.
Hanma se figea.
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