Dans un salon de réception, quelqu'un écoute le rapport de son serviteur.

Les nouvelles l'indisposent, bouleversent un plan établi avec une précision méticuleuse sur les années passées, demandent une réorganisation rapide. Cette personne pourrait se mettre en colère. D'autres, plus sanguins, ne s'en priveraient pas. Casser l'un des vases précieux sur son piédestal, par exemple, faire bastonner l'incapable, tempêter d'un poing levé. Le visage reste de marbre. L'individu n'aime pas dévoiler ses sentiments. Rager contre ce qui est advenu ne sert à rien ; seul l'avenir repose entre les mains des hommes.

— Voilà tout ce que je peux dire.

Le serviteur s'incline, l'échine trop raide. Il est fier, celui-là. L'obéissance ne lui vient pas facilement.

— Donc, tu as échoué.

— Je n'ai pas échoué. Drakôn a été invoqué.

— Où est-il, alors ?

— Il m'a malheureusement échappé.

— Échappé ?

— Pour l'instant. Mais il est en ville, je le sais, je le sens. Il se terre.

Certitude et arrogance transparaissent dans son timbre. Le serviteur se permet trop de libertés – de mauvaises habitudes prises. Il nourrit la fausse impression que son âge lui donne l'ascendance, que leurs années de vie commune lui procurent des privilèges. C'est faux, bien sûr. Ils n'appartiennent pas au même monde.

L'individu réfléchit. Tout peut encore revenir dans le droit chemin, avec une bonne stratégie – ce quelqu'un se targue de s'y connaître en stratégie. L'échéance se rapproche, chaque heure doit être mise à profit. Hors de question de retarder le plan, l'attente a déjà été assez longue ainsi. Les années passent et nul ne rajeunit. Non, tout doit basculer maintenant. Ainsi a prédit l'oracle.

— Très bien. Il est en ville : trouvez-le. Peu importe comment.

Nouvelle inclinaison du buste, légère crispation de mâchoire. Le serviteur s'apprête à partir.

— Les prêtres d'Isis le cherchent également, d'après mon contact sur place. Ils ne doivent pas mettre la main sur lui avant nous. Est-ce bien clair ?

— Très clair. Je le retrouvai. Soyez sans crainte.