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6. La fine ciselure du bronze (2/2)

L'échalas plante ses coudes pointus sur le comptoir comme si la maison lui appartenait. Ses deux mèches tressées lui encadrent le visage. Si son sourire s'élargit encore, il risque d'en perdre les oreilles. Calyx se recule légèrement. L'impression de mauvaise graine se renforce, assortie d'une pointe d'agacement. Elle en a vu défiler, des gaillards comme lui, persuadés de leur charme irrésistible et de leur humour indétrônable. Tout dans l'ego, rien dans la tête. Elle peut parier qu'il va tenter une plaisanterie vaseuse avant la fin de la conversation.

Elle lance un coup d'œil vers le rideau séparateur : son père et son frère se sont remis à l'ouvrage et la laissent gérer la boutique. Qu'à cela ne tienne ! Elle sait remettre les malotrus à leur place.

— Bien, que puis-je pour vous, messieurs ?

— Ensoleiller ma journée d'un sourire, déclame l'idiot d'un battement de cils.

Calyx roule des yeux. Gagné ! Elle ne pensait pas avoir raison si vite. Sur ses lèvres, le sourire poli rétrécit. L'hypothèse qu'ils puissent être envoyés pour une requête sérieuse s'éloigne.

— Désolée, je crois que l'orage s'annonce. Vous devriez rentrer vous mettre à l'abri avant le déluge.

D'un mouvement de menton, elle désigne l'atelier où les hommes s'affairent à coups de marteau, de soufflet et d'exclamations. Même le plus obtus des indésirables comprendrait le message.

L'Égyptien rit. Ferme-t-il la bouche de temps en temps, celui-là ?

— Ah, j'accepte de risquer quelques gouttes. Mon ami a malheureusement cassé son pendentif, peux-tu le réparer ?

Happé par la main de son comparse, le dénommé Ériphos rejoint le comptoir d'un trébuchement. Il y dépose deux moitiés d'un bijou, brisé.

Calyx penche le nez. Son intérêt refleurit. Elle attrape les morceaux – un scarabée, une paire de bras stylisés –, les inspecte. La cassure franche a suivi la ligne de soudure initiale. Qu'est-ce qui a pu brutaliser le pendentif de la sorte ? Son index épouse la patine du bronze, glisse sur les incrustations de lapis-lazuli des élytres, frotte les fines ciselures. Du beau travail, un ornement de prix. La réparation peut s'avérer complexe pour ne pas gâter les gravures initiales.

— Je vais le mettre de côté, conclut-elle. Mon père s'y essaiera après les jeux. Nous avons beaucoup de commandes à fournir en ce moment.

Le Grec baisse la tête, épaules voûtées. Ses boucles lui taquinent maintenant le bout du nez. L'autre le dévisage avec une grimace embêtée, se gratte le cou, puis revient à la charge, sourire en avant :

— C'est que... mon ami en a besoin pour les jeux, tu vois ? Il chante au concours et peut pas tenir sa cithare sans ses bras, hein.

L'idiot mime les deux bras à angle droit, dressés vers les poutres, à l'image des effigies qui tapissent les temples égyptiens. Il appuie le tout d'un clin d'œil grotesque, comme si elle avait un peu de mal à comprendre toute la subtilité de sa farce.

— Vous ne pouvez pas, je sais pas, juste glisser ça entre deux commandes ?

Il ne sait pas, ça non. Il ne sait sûrement pas grand-chose. Calyx ignore sa plaidoirie pour se concentrer sur le garçon plus discret.

— Est-ce vrai ? Vous participez au concours de chant ?

L'autre relève la tête à l'adresse directe et rabat ses boucles en arrière. Il a de jolis yeux, quand il daigne les montrer. Gris et mélancoliques. Ils évoquent ces criques du lac Maréotis, perdues entre les papyrus par un matin humide. Un regard de poète. Lui, il sait sûrement, même s'il parle peu. Par certains côtés, il lui rappelle un peu Calléas. Discret, touchant.

— Euh, oui. Enfin, mon maître participe. Je l'accompagne, avec un autre apprenti. Nous allons chanter la guerre de Troie et la colère d'Achille, selon L'Iliade, d'Homère.

Il a une voix mélodieuse et Calyx ne doute pas de la véracité de l'affirmation. Depuis qu'elle accueille les clients, elle estime avoir une bonne notion de ceux qui embellissent facilement la réalité, ceux prompts à la colère et ceux, comme lui, incapables de proférer le moindre mensonge sans rougir jusqu'aux oreilles. D'ailleurs, pour appuyer ses dires, il porte une sorte de flûte en bandoulière, un assemblage de petits roseaux. Plus un jouet d'enfant qu'un véritable instrument, mais un signe qu'il apprécie la musique.

À côté, l'olibrius ne peut s'empêcher d'ouvrir sa grande bouche pleine de dents :

— Tu sais : l'affrontement contre Hector, le choc des lances et des chars. J'en ai entendu une partie, hier soir. Moi, si je participais, ce serait au téthrippon : un char, quatre chevaux, douze tours de boucles, une lutte sans merci. Tu as déjà assisté à une course ?

Le Grec lui coule le genre de regard alarmé que Thibrôn réserverait à un aide sur le point de se lâcher un fer brûlant sur le pied. Calyx ignore ce qu'il peut bien redouter et se contente d'ignorer l'interruption.

— Vous n'êtes pas d'ici, cela s'entend à votre accent.

— Je suis Athénien.

Calyx a suffisamment parcouru les rayonnages de la grande bibliothèque, feuilleté les papyrus des sages, rêvé devant les cartes pour que le nom évoque aussitôt un bouquet d'images colorées. Le sourire revient se percher sur ses lèvres, sans rapport avec une quelconque politesse d'artisan à client.

— Oh, Athènes, la patrie de Platon, maître du grand Aristote, lui-même maître d'Alexandre le Grand ! L'Acrople, le temple d'Athéna et d'Héphaïstos. Ce doit être magnifique ! Moi, je ne suis jamais sortie du nome.

Le temps d'un soupir, ses pensées embarquent sur l'un de ces puissants navires à l'ancre dans le port, fendent les vagues et rejoignent un pays de collines verdoyantes surmontées de colonnades, de temples et de théâtres. Elle les rattrape d'une main ferme. Comme dirait son père, rêvasser n'a jamais fait tourner le monde.

Elle rebaisse le nez sur le bijou, se reconcentre sur la demande qui l'amène ici, s'étonne, aussi :

— Un scarabée et le symbole du ka. Le devenir et la magie. Typiquement égyptien. C'est un cadeau ?

Une rougeur suspecte s'empare des oreilles du jeune client et sa forêt de boucles lui retombe dans les yeux. Il bredouille une réponse qu'elle ne comprend pas. Inutile d'insister. Entraînée par une familiarité mal placée, elle s'est montrée indiscrète.

Elle repose le bijou cassé, le pousse en direction du garçon.

— Je suis vraiment désolée, mon père n'aura pas le temps de traiter votre demande avant plusieurs jours. Si vous êtes pressés, vous pourriez...

Elle s'interrompt net. Elle pourrait leur recommander un confrère, sur le port peut-être, ou même dans le quartier de Rhakôtis. Plusieurs noms lui viennent à l'esprit, capables d'un travail de précision. Elle pourrait. C'est le plus raisonnable. Ou bien...

Ses pensées moulinent à toute allure. Un maladroit risquerait de tout gâter. Impossible de chauffer directement le bijou, trop délicat. Alors ? Enhardie par son récent succès, elle débroussaille des voies d'approche, explore des solutions, pèse leur intérêt. Elle s'orienterait plutôt vers une soudure. Avec un métal à basse fusion. De l'argent, de l'étain, un mélange des deux ? Il faudra procéder avec soin, s'assurer que la réparation reste indiscernable.

Calyx plante une dent sur sa lèvre. Ses mains tremblent un peu. Elle les replie contre sa poitrine, attrape une des perles de son collier, la roule entre ses doigts.

Osera-t-elle ?

Le matériel nécessaire est dans la forge. Patroklès ne refusera pas de l'aider, au moins pour actionner le soufflet. Prendrait-elle goût aux travaux nocturnes ? Après tout, quel mal y a-t-il à expérimenter une part de la théorie lue à la bibliothèque. L'union du geste et de la volonté pour façonner la matière. Effleurer le miracle de la création.

Parfois, les Dieux nous offrent des opportunités par de bien étranges détours. Deux garçons improbables sur un seuil au soleil de midi, une question anodine, un nouveau défi.

Osera-t-elle ?

Les deux garçons la dévisagent. L'Égyptien agaçant, le Grec poète. Ils attendent, se demandent sans doute pourquoi elle s'est arrêtée en plein milieu d'une phrase. Calyx prend sa décision d'une inspiration.

— Je vais faire une exception pour vous, parce que vous ne restez que pour les jeux. Revenez demain, dans l'après-midi, le bijou sera réparé.

L'échalas part d'un éclat de rire incrédule. Une étoile se rallume dans les yeux du plus jeune. Sans même savoir si elle va réussir, Calyx se réchauffe à ce feu sincère, évident. La satisfaction de rendre service.

Elle reprend les pièces de bronze, les emballe avec soin dans une pièce de lin.

— Cela fera cinq drachmes, ajoute-t-elle.

L'Égyptien ravale son sourire un peu trop vite et s'étrangle avec.

— Cinq drachmes ! Trente oboles ? Mais... c'est le prix de dix ballots de laines !

Calyx le détaille de plus près : le lin grossier du pagne, des taches de suie suspectes. En guise de bijoux, il ne porte que deux brassards de bronze martelé. Un simple travailleur, sans doute embauché à la journée sur les quais du port. Bien sûr qu'il ne possède pas une telle somme. Pourtant, elle n'a même pas facturé l'urgence. Après tout, en dehors des quelques travaux de finition que Thibrôn, sur son insistance, accepte de lui confier, son propre carnet de commandes est plutôt vide.

— C'est un travail de précision, explique-t-elle, comme à un enfant. Et j'aurais besoin de matière première. Si mon tarif ne vous convient pas, vous pouvez retourner à vos courses de chars... en attendant le soleil.

L'Égyptien ouvre la bouche, la referme – pour une fois à court de blagues idiotes. Il tiraille une de ses mèches nattées, l'enroule sur son doigt, glisse un œil vers son voisin. Dans les yeux gris, la trop brève étincelle s'est éteinte, soufflée par le dernier échange. Ériphos tend déjà la main pour reprendre le paquet.

Son compagnon lui attrape le poignet, repêche son sourire – peut-être un peu plus chancelant – et gonfle ses côtes saillantes :

— Non, non, ça ira. Cinq drachmes. Je peux payer demain ?

Elle valide d'un appui de menton, un peu surprise, se rend compte qu'un soulagement détend sa poitrine. Une sorte de satisfaction. Parce qu'elle va pouvoir expérimenter dans la forge ? Parce que cet Ériphos lui rappelle Calléas ? Parce qu'elle n'aime pas se sentir cause de tristesse ?

Elle range le paquet derrière le comptoir, un peu à l'écart. Personne n'y touchera.

— Demain, vers l'heure du singe. Le bijou vous attendra ici.

L'Égyptien ne la regarde plus. Il se frotte le cou, sourcils froncés, l'attention tournée vers le rideau de la forge. Calyx s'apprête à répéter ses instructions quand un mouvement furtif la distrait. Une ombre, au ras du tissu, aussitôt disparue. Un rat ? Elle retrousse le nez. Il faudra qu'elle accroche quelques bouquets de lavande pour les éloigner, ou bien qu'elle adopte l'un des nombreux chats de rue qui traînent dans le quartier.

Après une dernière salutation, les deux garçons repartent. Le plus grand passe un bras par-dessus les épaules du plus petit et lance une nouvelle fanfaronnade que Calyx écoute à peine. Son regard revient s'amarrer aux plis du rideau. Ils oscillent. Sans aucun vent. Qui a déjà vu un rideau osciller sans la moindre brise ?

Calyx avance un pied, puis l'autre, encore un pas. Les heurts et ahanements de la forge rythment sa progression. Tout est normal. Thibrôn et Patroklès lui tournent le dos, penchés sur le fourneau. Père et fils de concert. De rares sourires, des mots brefs, une proximité virile.

Calyx s'immobilise, écarte le tissu rêche. Sa nuque se hérisse d'une sensation invisible. Une prémonition lui appuie sur la poitrine – la sensation de se tenir au bord d'un gouffre, qu'un pas de plus la basculerait dans l'abîme, l'affreux doute qu'il est peut-être déjà trop tard. Elle tombe, elle ne le sait pas encore.

Son frère retourne au soufflet. Son père surveille les flammes. À côté, l'un des aides martèle le fer. Ses oreilles bourdonnent. Les peaux luisent. Aucun ne la regarde, aucun ne regarde le mur.

Une ombre s'y étale, immense, hérissée de crêtes, surmontée d'une gueule ouverte, prête à croquer.

Calyx ne sait même plus comment crier.

Une gerbe d'étincelles éclate dans le fourneau. Thibrôn recule avec un juron. Les têtes se tournent ; celle de Calyx aussi. Quand son regard revient, l'ombre s'est effacée, dissoute dans celles, familières, des instruments de forge.

Illusion ?

Sa nuque se hérisse, comme si des doigts froids marchaient dans son dos.



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