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30. Tel un orage dans les cœurs (2/2)

 La voie s'est miraculeusement dégagée devant lui, Ériphos s'y engouffre, fonce, boucles aux vents, la tête vide de tout – surtout, ne pas penser à ce qui vient de se produire. Une poigne le rattrape par la bretelle du chiton au moment une patte de la taille d'un pilastre s'abat près de lui. Il évite de justesse l'empalement sur une défense d'ivoire et rabat ses boucles en arrière pour se dégager une vue imprenable sur un ventre gris furieux. Une longe flotte à l'abandon. Le pilote gît sans doute quelque part entre les coupelles et paniers renversés – Ériphos épargne une pensée émue pour le pauvre homme.

Meidoun s'élance, attrape la rêne de cuir, s'arc-boute. Il pourrait aussi bien tenter d'arrêter un temple en marche, avec son fronton dentu et ses quatre colonnades. L'animal semble avoir jeté son dévolu sur la tribune rutilante. Un vent de panique chasse dignitaires, serviteurs et membres de la famille royale dans un cliquetis de bijoux. Le pharaon s'est levé de son trône.

Des gardes se précipitent, lance au poing, bouclier en avant, mais l'éléphant enfonce leur rang.

— Fais quelque chose ! hurle Meidoun, suspendu à son bout de cuir.

Ériphos n'a pas bougé d'un cheveu. L'horreur et la démesure de la scène l'enracinent jusqu'aux mondes infernaux. C'est lui qui a provoqué ça ? Un goût aigre lui remonte à la bouche.

— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? s'ébroue-t-il.

— Je sais pas ! C'est toi le foutu charmeur de fantômes ! Joue, danse, comme tu veux, mais fais-le vite !

Ériphos a envie de rire – un rire grinçant d'amertume. La suggestion est tout simplement absurde. Il n'a pas d'autres solutions à proposer, en revanche. Alors, au point où il en est, il porte la syrinx à ses lèvres et rabat les paupières sur l'ensemble du désastre. Peut-être qu'il va se réveiller dans son lit ?

Les premières notes s'échappent, aussi bourdonnantes et nerveuses qu'un essaim d'abeilles. Puis, à mesure que la musique l'enveloppe, les battements s'apaisent contre ses côtes. Il imagine la mer moutonneuse à ses pieds, le vent du large dans ses cheveux, et le phare, solide sur son rocher, la flamme toujours allumée. Une inspiration, une autre. Les notes ralentissent sur un ressac, une caresse, un baume sur sa panique.

Jouer a toujours eu cet effet sur lui. Aujourd'hui, il a l'impression qu'une trame invisible s'anime sous ses doigts. Peu à peu, il prend conscience que le calme revenu n'est pas qu'une sensation intérieure. Il n'entend plus de barrissements, plus de piétinements, plus de cris. Il n'entend que le silence en toile de fond de sa mélopée. Le monde s'est-il effacé ?

Ériphos entrouvre un œil et découvre un spectacle improbable : au milieu des décorations piétinées, des châles abandonnés et des gardes dispersés, Meidoun tapote la patte d'un éléphant apaisé, le visage tranché de son sempiternel sourire. Sur la tribune royale, il n'y a plus que le pharaon, toujours debout. Il n'a pas bougé. Il le regarde.

Ériphos s'étrangle. Les prunelles noires lui remontent dans la gorge. Il lâche sa syrinx et aurait certainement détalé tel un lapin si ses jambes ne flageolaient pas comme de la couenne de lard.

Avec l'arrêt de la musique, le monde se remet en mouvement. Les gardes du pharaon envahissent la tribune. Le cornac revient vers sa bête en clopinant – il ne s'est donc pas rompu le cou, une bonne nouvelle au milieu du chaos ! Des passants se relèvent, ramassent leurs effets ou des fruits égarés. Des prêtres se rassemblent autour de leurs chars. Les conversations enflent sur un brouhaha inintelligible. Ériphos grimace et glisse subrepticement la syrinx sous son chiton. Les boucles retombent dans ses yeux. Peut-être qu'il peut disparaître ainsi, dans la foule anonyme qui se reforme déjà ? Invisible, un fantôme.

Sur l'estrade, le pharaon s'est rassis.

Meidoun revient d'un pas chaloupé, pivote sur lui-même et écarte les bras.

— Je crois qu'on les a perdus.

Ériphos confirme la triste conclusion d'une grimace à la ronde. Les hommes et leurs paniers ne sont nulle part en vue. Ils se sont sûrement fondus dans l'une des rues qui sillonnent le quartier du Bruchéion. Impossible de les retrouver, désormais.

— Ah ! Vous voilà !

Un pas décidé se glisse jusqu'à eux, suivi d'un trottinement plus court sur pattes. Ériphos ne saurait dire si Calyx est fâchée ou soulagée. Difficile d'interpréter l'étincelle dans ses prunelles. Dans le doute, il baisse le nez vers la frimousse qui l'accompagne.

— Désolé, Ahmasis, ils nous ont échappé.

L'apprentie prêtresse hoche la tête, l'œil sec et la moue déterminée. Elle semble avoir retrouvé un voile de sérénité. Par un tour de passe-passe qu'il ne s'explique pas, la salamandre est perchée sur son épaule. Les taches orange ne luisent plus et aucun crépitement suspect ne franchit la bouche arrondie. L'innocence incarnée.

— On devrait peut-être bouger d'ici, intervient Meidoun.

Quelques regards s'attardent sur leur petit groupe. Ériphos a l'impression que les conversations enflent en leur présence. Plus loin, les prêtres d'Isis semblent chercher quelque chose – ou quelqu'un – dans la foule. Une haute figure drapée de léopard se hisse sur le chariot, sourcils froncés, main en visière.

Ahmasis arrondit le dos et tire un pan de foulard sur ses tresses.

— C'est Isétemkheb, la grande prêtresse. Si elle me voit, elle voudra tout savoir. Elle tuera le visiteur. Je... Je ne sais pas si je suis encore digne d'Isis. Peut-être que je me suis trompée, mais je ne peux pas abandonner l'âme-ba de Tiy, ni le serviteur de Ptah.

— Venez, par là !

Lèvres pincées, Calyx les entraîne en bordure du défilé, vers un obélisque qu'Ériphos reconnaît. Il ne sont pas loin de la forge. Bientôt, la pression des regards se relâche en même temps que celle de la foule. Ils s'extraient des derniers badauds, tournent entre deux propriétés plantureuses et trébuchent sur des pavés divinement dépouillés de tout regard inquisiteur.

Meidoun passe un bras protecteur autour des épaules d'Ahmasis.

— Si tu ne veux pas retourner tout de suite à ton temple. Tu peux rester chez moi. Ma maison est ta maison. Ma mère ne dira jamais non et tu pourras prendre la natte de Samout, mon frère. Il... n'habite plus avec nous.

Un soleil se ravive dans les prunelles de l'apprentie prêtresse, capable de fondre tous les cœurs. Elle paraît si jeune avec ses tresses collées et ses légères fossettes. Ériphos grimace. Est-ce qu'ils ne sont pas tous trop jeunes pour se lancer sur la piste d'une troupe ennemie infiltrée en ville ? Ils ne connaissent rien en stratégie militaire. Rétrospectivement, était-ce la meilleure idée que de foncer ainsi ? À part provoquer des catastrophes, qu'ont-ils accompli ?

Il s'adosse au mur et tente de remettre un semblant d'ordre dans sa toison.

— Au moins, ils n'ont pas attaqué la tribune royale, se rassure-t-il à voix haute.

C'est une petite victoire, non ?

Calyx se tapote les lèvres, le regard perdu dans le lointain. Il commence à la connaître et devine que les pensées s'enchaînent derrière le front fier, sans doute bien plus intelligentes que les siennes.

— Ou peut-être qu'ils n'en voulaient pas à Ptolémée, finalement.

Ériphos s'ébroue. Les quelques mots déversent un filet froid désagréable entre ses omoplates.

— Mais que voulaient-ils alors ? intervient Meidoun.

Ahmasis retrousse une lèvre songeuse. Calyx tourne en rond, le front plissé. Ériphos se gratte derrière l'oreille sous la démangeaison d'un bourgeon d'idée. Il n'arrive pas à l'attraper ou à la formuler. Des pans différents se mélangent dans sa tête, leurs aventures, les chants de l'Iliade, une ville imprenable, la rouerie d'Ulysse.

— « Et nous, Achéens, nous te rendrons le triple et le quadruple, si jamais Zeus nous donne de détruire Troie aux fortes murailles », murmure-t-il à la poursuite de sa pensée.

Les trois autres le dévisagent. Il tente de s'expliquer, d'habiller de mots son intuition, le sentiment croissant d'une ombre au cœur d'Alexandrie, qui ronge, dévore, menace la paix des habitants.

— Les Troyens se croyaient bien protégés derrière leurs épais remparts, mais ils ont ouvert la porte au cheval piégé. Ici aussi, l'ennemi a pénétré dans la ville, à l'insu de tous. Plus personne n'est plus à l'abri.

Un nuage d'orage assombrit les prunelles de Calyx. Même Meidoun en a perdu le sourire. Ahmasis écarquille les yeux vers la foule qui poursuit son balai bruissant, à quelques pas de là. Ériphos comprend leur inquiétude. Il le comprend dans le nœud de ses tripes, dans un serment enfantin, dans le souvenir d'un scarabée à son cou. Il a connu la guerre dans sa cité, et ne la souhaite à personne.

Ahmasis serre deux poings le long du corps.

— Il faut les chercher, les retrouver ! Avant qu'ils n'aient fait plus de mal !

Calyx secoue la tête et roule une perle rouge entre ses doigts.

— Ils peuvent se cacher n'importe où. Dans un parc, au fond d'une cour, sur un toit. Il faudrait toute la milice de la ville pour retrouver leur trace et les débusquer. Une seule personne peut donner un tel ordre. Pas nous.

Meidoun croise les bras sur un rictus buté.

— Très bien ! Alors, il n'y a qu'une solution.

Trois paires d'yeux le dévisagent. Il bombe le torse, très fier de lui.

— C'est simple. Demain a lieu la course de chars. Le vainqueur est couronné par le pharaon lui-même. Demain, je gagnerai. Demain, je parlerai à Ptolémée et je l'avertirai.

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