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26. Comment sécher des larmes avec des dattes (2/2)

 Alexandrie bourdonne d'une agitation de ruche, les bouscule, les entraîne dans son flot enjoué en ce premier jour de festival – à l'opposé de l'humeur ténébreuse d'Ahmasis. La fillette marche tel un spectre à travers la foule, le nez rivé sur ses sandales.

Une discussion s'impose et Meidoun connaît l'endroit idéal. En bordure des luxuriants jardins de l'autel d'Hathor, un banc de pierre offre une vue imprenable sur la baie, le phare planté au bout de son île rocheuse et le balai langoureux des navires.

Il s'y pose, invite Ahmasis à l'y rejoindre. Une brise plus fraîche apporte une senteur iodée. Le vent a forci au cours de la nuit. Il déploie des écharpes dans le ciel, aussi effilochées que la laine brute d'Ouménet. Les mouettes volent bas. Meidoun a suffisamment traîné ses sandales sur le port pour savoir ce que tous les vieux marins des quais radotent en ce moment : le temps tourne, la pluie arrive, peut-être même l'orage. Pour demain ou après-demain.

Meidoun glisse une datte dans la paume d'Ahmasis et en enfourne une autre dans sa propre bouche.

— Là, nous sommes tranquilles. Alors, raconte : que s'est-il passé ?

Le chat les a suivis. Il bondit sur le banc et vient glisser sa bobine moustachue sur les genoux de sa maîtresse, comme s'il voulait savoir, lui aussi. L'apprentie prêtresse tourne le fruit entre ses doigts sans donner l'impression de savoir qu'en faire.

— Tiy..., s'étrangle-t-elle, à la limite du sanglot.

— Qui est Tiy ? Une de tes amies ? Et mange donc cette datte !

Ahmasis porte le fruit à ses lèvres, hoche la tête.

— Oui, une novice, comme moi. Ils l'ont... tuée, avoue-t-elle dans un hoquet.

Meidoun tressaille. Une lame sanglante s'abat en travers du paysage. Le fil tranche mer, phare, mouettes, même la rumeur sourde de la ville. Il s'attendait à un chagrin d'enfant, une dispute, une punition ; pas à un événement aussi radical.

Il se rapproche d'Ahmasis et passe un bras autour de ses épaules. Elle pose la tête sur sa poitrine, lèvres serrées sur sa bouchée de datte, tremblante. Comment réconforte-t-on une fillette qui vient de perdre une amie ?

— Elle est réunie à son ka, désormais. Que la pesée de Maât tourne en sa faveur, murmure-t-il en offrande dans le vent.

Meidoun n'est pas prêtre. Il ne connaît pas toutes les formules rituelles pour écarter les serpents du monde inférieur et déverrouiller les sept portes. C'est le mieux qu'il puisse offrir : quelques mots de soutien, la chaleur d'une présence, une oreille attentive.

— Qui a fait ça ?

Ahmasis ne dit rien. Il ne sait pas si elle l'entend. Ses yeux embués s'accrochent sur l'horizon, peut-être jusqu'à la barque solaire qui emporte l'âme-ba de la défunte vers le royaume du Douat. Comme elle a terminé le fruit, Meidoun lui en donne un deuxième.

Elle s'ébroue.

— C'est moi qui aurais dû mourir. C'est moi qui ai désobéi.

— Ne dis pas de bêtise. Seth frappe comme il l'entend.

— D'ailleurs, je suis déjà morte une fois.

Il la dévisage, pour s'assurer qu'elle ne lui livre pas une plaisanterie encore plus farfelue que les siennes. Aucune étincelle suspecte ne pétille dans le regard lointain. Il n'a même jamais vu une mine aussi sérieuse.

— Ce n'est pas possible, réfute-t-il. Les morts restent morts. L'âme-ba prend son envol. Elle est dévorée ou accueillie au ciel, selon la justice de Maât. Elle ne revient pas en tant que petite fille, même aussi mignonne que toi.

Le compliment rate totalement sa cible. Ahmasis se redresse avec cet air de prêtresse-qui-sait-tout que Meidoun préfère encore mille fois à la fontaine de larmes.

Il va ajouter quelque chose, peut-être une plaisanterie, mais une froideur dans les prunelles le retient. Sans prononcer un mot, sans le lâcher des yeux, elle déroule son foulard. Au-dessus des deux épaules encore frêles, sur le cou offert pour la première fois à sa vue, s'étale une longue cicatrice blanchâtre.

Impossible de s'y méprendre. Ce n'est pas juste une marque superficielle, de celles qui s'effacent avec le temps. C'est un coup de lame, voulu pour tuer, ancien et profond.

Meidoun déglutit. Qui survit à une telle blessure ?

Ahmasis le défie encore du regard, le temps d'une voltige de mouettes, puis replace le foulard et remonte les genoux sous son menton, comme pour se barricader du monde extérieur, de sa violence, de son injustice. L'épingle glacée s'efface de ses prunelles, remplacée par une teinte plus nostalgique.

— Mon père est pêcheur, mon frère aussi. Ma mère vend leur poisson sur le marché, entame-t-elle.

En quelques mots trop âpres, elle résume une sombre histoire : le jeu avec le chat, les profanateurs surpris à la sortie du temple d'Alexandre le Grand, le fer sur sa gorge.

— Quand j'ai rouvert les yeux, j'étais dans le temple d'Isis. Des passants m'y avaient porté, pour me remettre entre les mains de la déesse.

Meidoun lui tend des dattes à mesure, qu'elle grignote sans y penser. Lui, bizarrement, n'a plus faim du tout.

— Isis m'a offert une seconde vie ; Isétemkheb m'a apporté Méaâ pour que je me tienne tranquille, le temps de guérir. En remerciement, mes parents m'ont confiée au temple, pour que j'étudie et devienne prêtresse. Depuis, je vis là-bas. C'est ma maison. Je suis la fille de la déesse. Au début, mon frère venait me rendre visite, mais je me cachais : il n'est plus vraiment mon frère, tu vois. Maintenant, il ne vient plus du tout.

Sa lèvre tremble un peu sur ce dernier aveu. Malgré tout ce qu'elle proclame sur une seconde vie, fille d'Isis et compagnie, Meidoun devine que certains liens sont plus difficiles à trancher que d'autres.

Il remonte le fil de l'histoire et réfléchit à voix haute :

— Tu avais vu le visage de ces profanateurs. Ils ont tenté de te tuer.

Une vie peut basculer sur un hasard, en entraîner d'autres dans sa chute. Il suffit d'un rien : un chat qui court dans la nuit et rentre dans le mauvais temple ; un rivet mal fixé sur une roue de char.

Il se souvient, oh oui.


C'était une course sans grand enjeu, un simple entraînement pour un aurige aussi réputé que Nebrê, mais Meidoun ne ratait aucune occasion d'encourager son père et ce jour-là, Ouménet et Samout l'avaient accompagné.

Les chars s'étaient élancés au signal sous un ciel radieux. Dès le second tour, Nebrê avait pris la tête. Puis est venu le virage. Comment oublier ? Meidoun était tout près, sur sa balustrade favorite. Le char a tourné dans un nuage de sable ; la roue droite a poursuivi sa route toute seule.

Elle cahote encore, cette roue maudite, sur la piste de son imagination. Il ne la rattrape jamais.

Privé de soutien, le char a basculé, au ralenti, s'est renversé, engloutissant son fier aurige. Les chevaux ont fini par s'arrêter. Les autres concurrents sont passés en trombe. Meidoun suppose qu'il y avait des cris, des hennissements, le tumulte d'une course encore en marche. Tout est silence dans son souvenir.

Il a sauté de la balustrade. Il a couru. Une flaque sombre s'étendait sur la piste, sous les débris de bois, autour d'un corps immobile. Son père l'a vu – Meidoun en est certain. Il l'a vu et il l'a accueilli d'un sourire.

Le dernier qu'il lui ait adressé.


Meidoun s'ébroue. Après l'accident, tout a changé. Samout a rencontré Paosis. Il passait moins de temps à la maison, buvait plus de bière, pariait. Les fils gris ont envahi les cheveux d'Ouménet. Elle ne rit plus comme avant.

Un hasard, une bascule.

Ahmasis s'agite sur le banc.

— Tiy aussi a vu ce qu'elle ne devait pas voir.

D'une voix un peu hachée, elle enchaîne sur la tâche qui leur était confiée, leur séparation la veille au soir, son retour dans la nuit et la conversation surprise au milieu des rochers.

À la fin, elle lève des yeux mouillés d'incompréhension.

— Isis ne l'a pas protégée. Pourquoi ?

Meidoun enroule une mèche nattée autour de son doigt. Il se sent bien incapable d'expliquer la volonté des Dieux. Une fille survit, l'autre périt. Les prêtres analyseront tout cela bien mieux que lui. Un autre aspect du récit le chiffonne bien plus.

Certes, Meidoun n'a rien d'un érudit – d'ailleurs, il ne sait même pas lire –, il n'est pas instruit des arcanes du pouvoir, n'aura probablement jamais l'occasion de croiser le pharaon, encore moins de lui serrer la main. La plupart du temps, il ne se casse pas la tête, porte les sacs qu'on lui demande de porter, astique les dalles qu'on lui désigne et ne s'intéresse guère à ce qui se passe plus loin que Canope. Cependant, les situations qui puent, ça, il connaît. Et là, toute l'histoire dégage un fumet de latrines en plein soleil.

Des Séleucides débarqués de nuit sur la côte, prêts à tuer une enfant pour cacher leur présence ? Tout cela ressemble à un coup ennemi foireux. Il faudrait avoir vécu dans une grotte ces dernières années pour ignorer que Ptolémée et Antiochos se font la guerre.

Meidoun ignore ce qu'il convient de faire, mais il connaît une personne à sa portée, bien plus instruite et intelligente que lui, avec la tête sur les épaules, volontaire, assurée, qui, elle, saura forcément.

Il se lève, tend la main vers Ahmasis.

— Viens, il faut qu'on parle à Calyx.

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