Je pousse avec un immense plaisir la porte d'entrée de mon appartement, avec une seule hâte, pouvoir enfin me poser. J'ai l'impression de ne pas avoir eu une seule minute pour moi aujourd'hui. Heureusement que ma journée est terminée et que mes problèmes sont réglés. Enfin, à moitié.

La discussion avec Thomas m'a été bénéfique. J'ai pu y repenser et l'assimiler durant mon trajet entre le bureau et la maison. J'ai essayé de peser le pour et le contre, tout en tenant compte de ce que me dicte cœur et non ma raison. J'en suis venue à la conclusion que Lisandro est le bon. Les doutes qui me hantaient ces derniers jours étaient dus au retour inattendu de Thomas, ce qui m'a fait angoisser et sans mentir, remonter mes sentiments d'il y a dix ans. Mais je ne peux pas oublier le soutien de Lisandro durant les dix ans pendant lesquels Thomas et moi avons été séparés. Lisandro a été là pour moi, il m'a soutenu lorsque Thomas s'est peu à peu évaporé de ma vie. Lisandro est mon fiancé et je l'aime. A présent j'en suis sûre et certaine et rien ne pourra me faire changer d'avis.

Je pose mes affaires à l'entrée et retire mes talons hauts. Je me dirige ensuite dans le salon où je découvre Lisandro avachi sur le canapé, en train de regarder la télévision.

—Bonsoir, chantonné-je en m'approchant du canapé.

Aucune réponse. Je m'installe à côté de lui et me love contre son torse. Aucune réaction de sa part... Je soupire légèrement et essaye de m'intéresser à son film. Je le questionne :

—Qu'est-ce que c'est ?

—De la science-fiction.

Mais encore ? Je prends sur moi pour ne pas m'énerver et poursuis :

—D'accord, mais quel est le nom du film ? De quoi ça parle ?

Après un long soupir d'agacement, Lisandro met le film sur pause et souffle :

—C'est un film de science-fiction sur des humanoïdes. Cela ne t'intéressera pas.

Super la discussion.

Je me lève, afin de lui faire comprendre que sa réaction était blessante, mais au lieu de me retenir et présenter ses excuses, il remet son film.

Je me rends dans la cuisine, me servir quelque chose à boire, histoire de faire passer la pilule. En ce moment, le comportement de Lisandro est étrange, il est plus distant avec moi et je ne peux m'empêcher de penser que j'ai fait quelque chose de mal. Il doit être au courant pour la présence de Thomas à New-York. Il sait peut-être qu'il travaille dans mon entreprise.

Je bois mon verre d'eau d'une traite et tente de chasser ces pensées de mon esprit. Je n'ai rien à me reprocher. La présence de Thomas, je ne l'ai pas souhaitée. Je n'y peux rien. La seule chose que je peux me reprocher c'est ce baiser qu'il y a eu entre nous, lorsque Lisandro était à Tokyo. D'un autre côté, c'est Thomas qui m'a embrassé, sans que je ne demande quoique ce soit. De plus, je me suis sentie coupable après, donc techniquement, je ne suis pas une si mauvaise personne que ça... Non ?

Alors que je me ressers un second verre d'eau, Lisandro me surprends en me pinçant gentiment la taille. Je fais volte-face pour admirer son visage, à présent détendu et enclin à la discussion.

—C'est fini.

—Pardon ?

Une montée de stress affole mon cœur. Ai-je réfléchi à voix haute ? Va-t-il sincèrement rompre de la sorte avec moi ? Je dois avoir une expression faciale amusante, car Lisandro rigole de bon cœur et m'éclaire :

—Le film, Princesse. Mon film est terminé. Détends-toi.

Je souffle de soulagement et le prends dans mes bras. Lisandro me rend mon étreinte, mais ne la fait pas durer très longtemps. En se séparant de moi, il me regarde droit dans les yeux et je reconnais immédiatement l'expression de ce regard. Je m'inquiète :

—Qu'y a-t-il ?

—Cela ne va pas te plaire...

Je soupire et d'un geste de la main, je l'encourage à continuer, ce qu'il fait :

—J'ai un nouveau voyage d'affaire au Japon.

Je manque de m'étouffer. Encore ? Mais il m'avait assuré que les voyages d'affaire étaient au plus, tous les deux mois et cela fait à peine quarante-huit heures qu'il est revenu à New-York.

—Je suis désolé, Princesse, mais au boulot, nous...

—Je t'accompagne, lui proposé-je sans même y réfléchir.

Il semble surpris de cette proposition. D'ailleurs, je le suis aussi. Je ne pourrais sûrement pas, étant donné la montagne de travail que j'ai, surtout à l'approche de la Fashion Week. Mais cette proposition est pertinente. La réponse de Lisandro me permettra d'éteindre certains doutes qui persistent. Je vois ça comme une sorte d'épreuve.

—Tu ne peux pas, finit mon fiancé par répondre.

—Et pourquoi donc ? insisté-je.

Il a intérêt à trouver une excuse crédible, car je commence déjà à angoisser et les suppositions d'Antonio refont surface et résonnent dans ma tête.

Le visage, auparavant détendu, de Lisandro se durcit instantanément. Presque sur le point de me gronder, il me rétorque sèchement :

—Parce que ça va te soûler. Reste à New-York.

—Je veux venir avec toi.

—Non, tu ne peux pas. Je ne passerai pas de temps avec toi, je serai toujours au boulot.

Je souffle et continue d'insister :

—Ce n'est pas grave, je visiterai la ville la journée et je profiterai de toi, après ton travail.

—Non, c'est non Cassandra !

Je sens mon cœur se décomposer, tandis que je lutte pour ne pas exploser. Je suis tiraillée entre la rage et la tristesse, mais le premier sentiment semble l'emporter.

Lisandro fait demi-tour pour sortir de la cuisine. Je sers fort mes poings pour contenir ma colère, mais je ne peux pas retenir une fois de plus mes émotions. Alors, je bluffe :

—Je suis au courant pour Tokyo.

***

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