- Tu es certaine de ce que tu fais ? s'assura Charlotte en jetant un regard à Margot-Justine dans le miroir.

- Oui, fais-moi confiance. Je le fais régulièrement sur moi.

Charlotte donna son accord final et laissa MJ opérer la magie. Elle étala cette pâte colorée aux allures de peinture sur ses cheveux.
La jeune fille ferma les yeux et confia sa chevelure à son amie.

Cela faisait quelques jours maintenant qu'elle logeait chez son amie. Elle n'était pas rentrée chez elle et ce malgré les messages de sa sœur. Sa mère avait accepté l'idée qu'elle passe du temps chez MJ, après tout, elle avait d'autres choses à penser.
Charlotte refusait de remettre les pieds là-bas tant qu'il y aurait un risque de croiser son père. Elsa avait beau lui assurer qu'il n'était jamais revenu, la jeune fille ne voulait pas tenter. Et puis, au fond, elle n'en avait aucune envie.

- J'ai fini, déclara MJ une petite demi-heure plus tard.

Charlotte ouvrit lentement les yeux, légèrement effrayée par ce qu'elle allait voir.

Face à elle se trouvait son reflet. Les mêmes yeux, les mêmes traits mais désormais entourés de mèches bleu nuit. Cela lui donnait un air plus sérieux, plus âgé. Sur le coup, elle eut un mouvement de recul puis se rapprocha du miroir. Elle attrapa ses cheveux et glissa ses doigts dedans. Le bleu était sa nouvelle couleur et après plusieurs minutes de contemplation et d'adaptation, elle remercia Margot-Justine.

- Y'a pas de quoi. Tu veux une clope ?

- Non pas maintenant.

- Ok, si tu me cherches je suis dehors.

Charlotte détacha son regard de la nouvelle elle et tourna en rond dans la chambre. Son téléphone affichait un message de Ross, l'organisateur de la soirée de l'autre jour.

On peut parler ?

Si tu veux. Quand ?

Maintenant ? Au parc près de chez Margot.

J'arrive.

- Je sors ! cria Charlotte à l'intention de MJ.

- Ok ! Amuse-toi bien !

Charlotte traîna des pieds jusqu'au parc. Elle n'avait que des bribes de souvenirs de la soirée et encore, elles étaient très floues, confuses et désordonnées. Elle se demanda même si elle n'avait pas fait une bêtise dont elle avait oublié l'existence.

Ross l'attendait, assis sur un banc. Le ciel n'était pas des plus bleus et reflétait plutôt l'automne avancé avec ses nuages gris. L'adolescent eut une magnifique expression de surprise en voyant Charlotte arriver.

- Salut, dit-elle sans grande conviction.

- Sa... salut ! bafouilla Ross. Depuis quand as-tu les cheveux bleus ?

- Depuis aujourd'hui. Pourquoi ?

- Ça te va à ravir.

Charlotte ne rétorqua rien et se contenta de s'asseoir.

- De quoi est-ce que tu voulais parler ? demanda-t-elle de but en blanc.

- Tu n'as pas une petite idée ?

- Non, sinon je ne te poserais pas la question.

- Donc tu ne te souviens pas ?

- De quoi ?

- De ma soirée.

- C'est donc de ça qu'il s'agit, soupira Charlotte en riant. Je vois. Non je ne me souviens pas bien de ta soirée. J'ai trop bu, c'est tout ce dont je peux te parler. J'ai eu un mal de crâne insupportable pour en témoigner.

Ross eut l'air déçu. Il baissa la tête et n'osa plus regarder Charlotte dans les yeux.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu veuilles absolument m'en parler ?

Il ne répondit pas tout de suite. Son silence en disait trop pour que Charlotte soit incapable de créer des liens et conclure des choses.

- Je t'ai fait quelque chose, déduisit Charlotte. Quoi que ce soit, j'en suis désolée. Je n'étais pas de mon état de lucidité.

- Tu n'as rien fait de mal. En plus, c'est moi qui ai pris l'initiative de t'embrasser.

L'adolescente resta muette quelques secondes, le temps d'intégrer l'information.

- Attends ! On s'est embrassés ?

- Oui, et c'est de ça que je voulais parler. Mais apparemment tu ne t'en souviens pas.

- Non je ne m'en souviens pas. Et pourquoi voudrais-tu m'en parler ?

- Parce que c'est une réaction normale. Parler de ce qu'il y a entre nous.

- Il n'y a rien entre nous, le contredit Charlotte. Si je t'ai embrassé, c'était une erreur. Je ne sais même pas comment j'ai pu le faire.

- Je pensais que tu ressentais la même chose que moi, soupira Ross.

- Je ne ressens rien pour toi. Pour personne d'ailleurs.

Son ton était tranchant, sec et des plus désagréables.

- J'ai eu tort, avoua Ross. Je pensais que tu étais une fille sympa et compréhensive. J'appréciais cette image mais en réalité tu n'es qu'une connasse insensible.

- Quoi ? s'exclama Charlotte.

- Tu n'as pas de cœur Charlotte ! Les gens m'avaient prévenu mais j'ai préféré y croire. Ton frère avait raison, tu n'es pas capable de comprendre les sentiments des autres et les relations qui les unissent. Je suis content de m'en être rendu compte avant de t'étaler mes sentiment, tu les aurais réduit en bouillie.

- Je...

- Ne te trouve pas d'excuses, tu n'en as aucune. Bonne fin de vacances Charlotte.

Ross se leva et ne se retourna pas. Charlotte grogna.

Elle rentra chez MJ un peu confuse et très énervée.

- Alors ? demanda son amie. Comment c'était ?

- Nul ! Ross m'a fait comprendre que je n'étais qu'une connasse.

- Tu n'es pas une connasse. Tu es juste coupante. Moi je t'aime bien pour ça. Tu ne te laisses pas marcher dessus.

- Si tu le dis.

🍃🍂🍁

Charlotte ne trouva pas le sommeil le soir-là. Dans l'obscurité de la chambre, elle tâtonna pour trouver son portable. Il affichait un grand nombre de sms provenant de sa sœur. Et parmi eux, il y avait le prénom de Charly qui s'affichait. Par curiosité et par aigreur, elle ouvrit le message. Il n'y avait aucune légende, juste une photo d'un dessin d'enfant.

Elle agrandit l'image pour mieux voir. Les couleurs étaient criardes, les traits maladroits et tordus. Ils représentaient un petit garçon avec trois cheveux dressés sur le crâne et une fillette aux mèches raides et jaune qui se tenaient la main. D'une orthographe approximative, il était écrit en haut : "jumeaux pour toujours : Charlotte et Charly"

L'adolescente se mit à pleurer. Oui à pleurer. Elle réalisa la portée des mots de Ross un peu plus tôt et la vérité qu'ils transcrivaient. Charlotte s'était enfermée et retirée du monde extérieur pour cacher ses souffrances et celles des autres. Elle en avait oublié que sa famille vivait la même chose et qu'il était normal de ressentir de la peine.

Le cœur serré, elle éteignit son portable en se promettant de rentrer chez elle le lendemain : sa mère, Elsa et Charly avaient besoin d'elle.

Fun fact, je me suis rendue compte que j'appelais MJ Marie-Justine au lieu de Margot-Justine. Je suis un boulet.

Bref, j'espère que ce chapitre vous a plu. Charlotte comprend enfin que ce qu'elle fait n'est pas bien. Elle va peut-être changer dans le bon sens. Lentement probablement mais sûrement.

Je suis en train de finir l'histoire de Noémie ( à la place de celle d'Eliott ) et ensuite je verrai.

Bon dimanche