Chapitre 4 : Noémie
Noémie fermait une nouvelle fois sa valise. Elle passait son temps à la remplir et la vider depuis des années. Cette caisse colorée en rose avec des pois blancs l'accompagnait depuis ses quatre ans et ne l'avait jamais quittée. Elle était sa seule compagne qui était restée fidèle au poste tout ce temps alors qu'elle passait d'une ville à l'autre, d'une famille à la suivante. Telle était sa vie d'orpheline. Traînée telle sa valise de droite à gauche, Noémie avait vu les quatre coins de la France : de l'Alsace au patois presque allemand à la Bretagne pas si pluvieuse que ça en passant par Toulouse et Paris, la jeune fille en avait vu.
Actuellement elle était à l'internat de l'orphelinat et attendait impatiemment ses dix-huit ans pour pouvoir vivre indépendamment. Noémie semblait fragile comme cela mais elle était mieux façonnée qu'un diamant. La vie lui avait fait voir toutes les couleurs et toutes les émotions existantes. L'espoir, elle avait donné mais c'était résignée. L'abandon, plus d'une fois l'avait rejointe. Quant à l'amour et la fraternité d'une famille, elle n'y croyait plus depuis des années.
Des dizaines de famille l'avaient accueillies en leur sein mais une par une, elles avaient fini par la ramener à l'orphelinat. Les raisons étaient diverses : naissance d'un autre enfant tant attendu et inespéré, problème d'intégration, parents trop violents ou décès de l'un des deux et encore perte de moyen. À chaque fois, on lui avait rabâché les mêmes salades : "on veut t'offrir une meilleure chance d'avoir une belle vie". En attendant, cela faisait depuis ses neuf ans que personne n'était venu lui offrir cette nouvelle chance comme ils aimaient l'appeler.
Avec le temps, Noémie avait appris à ne plus s'attacher. Elle gardait ses distances pour éviter un désastre et un nouveau ravage dans son cœur. Et puis, il y avait eu Clara.
Clara était une bouffée d'air frais qui avait amené un nouvel espoir en Noémie. La jeune métisse venait de Londres et cela ne se voyait pas à vrai dire si ce n'était son accent anglais parfait. Elle l'avait vu pour la première fois le jour de sa rentrée en quatrième. Noémie restait discrète alors Clara ne l'avait pas remarquée mais le contraire n'était pas vrai. Clara dégageait une certaine aisance et un sens de la répartie aiguisé ce que Noémie rêvait d'avoir et qui l'avait captée dès la première heure. La métisse était immanquable de part son anglais impeccable qui fichait la honte à tous les élèves de leur classe qui savaient à peine prononcer le mot "tree" et qui confondaient "they're" et "there". Elle n'était pas prétentieuse mais connaissait plus d'insultes que Noémie n'avait jamais entendu. Il lui arrivait de mixer l'anglais et le français lorsqu'un mot lui échappait.
Noémie l'observait de loin, toujours dissimulée derrière ses cahiers, la tête baissée dans ses livres et un crayon greffé à la main qu'elle mâchouillait lorsqu'elle angoissait ou s'ennuyait. Elle refusait de s'approcher de Clara de peur de se brûler. L'anglaise était une étoile, plus particulièrement le soleil et Noémie savait bien qu'elle finirait par tourner autour d'elle sans plus s'arrêter si elle s'aventurait trop près. L'orpheline ne voulait pas s'attacher car elle voyait déjà la fin arriver. Si seulement ça avait été si simple car ce fût l'inverse qui se produisit : Clara s'approcha et Noémie ne pouvait pas la repousser lorsque son cœur voulait danser avec le feu à s'en brûler les ailes et les doigts. Au départ, Noémie faisait tout pour se distancer mais Clara s'accrochait et lui accordait de l'importance. C'est la première véritable personne qui la considérait comme son amie sans savoir qu'elle était orpheline. Aucune pitié n'était en jeu ce qui compliquait d'autant plus la situation du côté de Noémie qui commençait à s'attacher et prendre trop à cœur cette histoire. Parfois, elle essayait de s'éloigner mais Clara revenait.
Durant l'été, Clara avait invité Noémie à passer une semaine chez elle. Sur le coup, la française avait été ravie mais la joie fût vite éclipsée par la crainte de s'attacher encore plus jusqu'à ne plus pouvoir s'en détacher. Lorsque Noémie aimait, tout son cœur succombait. Lorsque l'amour finissait par sans aller, tout son corps lâchait.
Noémie savait très bien qu'aux côtés de Clara, elle se sentait plus forte mais elle réalisait aussi que son attachement sentimental n'était pas réciproque. Clara avait un petit ami avec qui elle passait une partie de son temps libre. Et puis même s'il s'avérait que Clara ressentait quelque chose pour Noémie ce serait une amitié très forte qu'elle ne se risquerait pas à détruire pour des sentiments éphémères qui finiraient par sans aller. Le collège était une période de ressenti et d'imagination pas de relations valant la peine d'être vécues. L'amour n'est qu'une passade, tout finit par s'évaporer et s'effacer. Voilà ce que Noémie se répétait à tue-tête chaque soir avant de se coucher. Pourtant Clara restait dans son esprit et son cœur continuait de tambouriner dans sa poitrine lorsqu'elle l'enlaçait.
La semaine était passée sans encombre mais avait pris un tournant que Noémie n'osait espérer. Clara l'avait embrassée. Ça n'avait duré qu'une poignée de secondes, le temps suffisant pour que son frère arrive et ramène Noémie à la réalité, les pieds sur terre, la tête sur les épaules. Elles n'avaient pas reparlé de ce baiser et elles étaient passées à autre chose comme rien ne s'était jamais produit. La sensation de papillons remontant dans son ventre ne la quittait pas et hantait ses rêves.
Cela faisait maintenant presque trois semaines et Noémie n'avait pas revu Clara depuis cette fameuse semaine. Les cours allaient reprendre d'ici quelques jours et Noémie ne savait pas comment aborder cette reprise et revoir Clara la faisait frissonner.
Sa valise à la main, Noémie entra dans le hall de l'internat et chercha le numéro de sa chambre sur la liste. Elle demanda à la surveillante la clé pour aller s'installer qui la lui tendit avec un sourire. Elle retrouva la familiarité des murs beiges, la fenêtre minuscule donnant à peine assez de lumière pour éclairer la pièce en milieu d'après-midi et le lit aux couvertures trop épaisses en été mais trop fines pour l'hiver. Cette année encore, Noémie partagerait sa chambre mais elle ne savait pas encore qui serait sa colocataire.
Installée à son bureau temporaire, Noémie jouait avec son stylo fétiche en réfléchissant aux mots décrivant la scène qui se déroulait dans son esprit. La porte s'ouvrit laissant à Noémie le plaisir de découvrir sa partenaire de chambre.
"Salut, lui sourit Clara."
Comme vous avez été sages (et que l'écriture avance), voici un petit chapitre.
J'ai adoré l'écrire ! Noémie est une fille tellement touchante et vous verrez qu'elle est très fragile malgré sa carapace.
J'espère que ça vous a plu.
Prochain chapitre : Eliott. Vous vous souvenez de lui ?
Bon après-midi
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