Lisa monologuait depuis près de quinze minutes et Héloïse commençait à se lasser.

"Non mais tu y crois toi. Il a une meuf ! Franchement je suis trop jalouse. Je suis folle amoureuse de lui."

Héloïse ne l'écoutait qu'à moitié. Elle n'avait pas très envie d'entendre son amie se plaindre du râteau qu'elle avait pris. Au fond elle l'avait cherché : elle avait été hyper directe et sans préambule elle l'avait embrassé. Ce n'était une surprise pour personne que Jean l'ait repoussée.

"Je suis dégoûtée. J'ai pleuré toute la soirée après ça."

Lisa en rajoutait des couches et Héloïse le sentait.

"D'ailleurs, pourquoi tu ne m'as pas ouvert quand je suis passée chez toi ?

- J'étais malade, expliqua la jeune fille. Tu n'as pas remarqué que j'étais absente toute la journée apparemment."

Lisa ouvrit la bouche comme un poisson puis la referma.

"Ça va mieux ?

- Oui. Merci de t'en soucier près d'une semaine après.

- Désolée, mais mon cœur brisé m'a fait oublier le reste.

- Je vois ça.

- Désolée Élo, répéta-t-elle en lui déposant un bisou sur la joue. Tu me pardonnes ?"

Une voix dans sa tête la poussait à dire non mais elle finit par acquiescer.

"Je te laisse je dois aller en cours !"

Lisa lui fit une bise rapide puis s'éclipsa de la cantine en trottinant. Héloïse ne resta pas très longtemps après le départ de sa meilleure amie et retrouva le vent faisant les feuilles et ses cheveux.

"Héloïse ? demanda Victoria en la rattrapant. Je peux te parler ?

- Oui bien sûr. Maintenant ?

- Si possible.

- Viens, on va trouver un banc."

Héloïse et Victoria s'assirent côte à côte.

"Je crois que j'ai fait une bêtise, annonça Victoria.

- C'est-à-dire ?

- J'ai envoyé une photo de Jean embrassant Lisa à sa copine.

- Quoi ? s'exclama Héloïse. Mais comment ?

- Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Je crois que l'amour me dégoûte maintenant. Je ne suis même plus sûre que cela existe depuis que mes parents divorcent. J'ai été prise d'un élan de colère et aujourd'hui mon frère en souffre.

- Il sait ce que tu as fait ?

- Non.

- Bah pourquoi est-ce qu'il... oh non, me dit pas que sa copine a rompu.

- Si..."

Victoria se mit à pleurer. Héloïse la serra dans ses bras pour la consoler.

"Il faut que tu lui dises. C'est ton frère, il te pardonnera même si ça risque d'être difficile.

- J'ai peur. Jean m'a toujours soutenue et moi je l'ai trahi. Je n'aurais jamais dû envoyer cette photo.

- Lisa n'aurait surtout pas dû embrasser ton frère sans son consentement.

- Pourquoi l'a-t-elle fait ? demanda Victoria en essuyant ses larmes.

- Parce qu'elle est persuadée que le monde se pliera à toutes ses volontés. Elle est amoureuse de lui depuis quelques semaines et veut absolument qu'il lui appartienne. Lisa est possessive.

- Tu dis ça comme si tu la détestais. Pourquoi est-ce ton amie dans ce cas ? Tu la détestes ou pas ?

- Je... je ne sais pas. Lisa m'a aidée au collège lorsque j'avais des ennuis. Elle a été ma seule amie pendant ces années-là. C'est ma meilleure amie.

- Pourtant, dans tes propos on dirait que tu ne la supportes pas. Tu es sûre qu'elle est vraiment ton amie parce que là, j'ai des doutes.

- Je n'ai qu'elle en vérité. Personne ne me connaît aussi bien qu'elle.

- Et moi ? demanda Victoria.

- Tu n'étais pas là pendant le collège et la seconde. Tu ne sais pas ce que j'ai vécu.

- Certes. Mais je vois très bien que ta relation avec Lisa n'est pas saine. Je ne dis pas ça par jalousie mais par constat. J'ai l'impression qu'elle te détruit sans que tu t'en rendes compte."

Héloïse y réfléchit un instant mais préféra se rassurer en se répétant que Victoria avait tort.

"Dis-moi Héloïse, est-ce qu'elle s'intéresse à toi autrement que pour son intérêt ? Est-ce qu'elle te pose des questions sur toi ? Sur ta vie ? Est-ce qu'elle t'écoute ?"

La jeune fille se rendit compte que Lisa ne faisait rien de ce que Victoria évoquait.

"Je pense que votre amitié est toxique. Elle va finir par te détruire à petit feu si tu ne prends pas garde. Tu le sais, tu n'es peut-être juste pas prête à l'admettre. En tout cas, je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit."

Héloïse murmura un "merci" qui fut étouffé par la sonnerie.

"Allez, l'encouragea Victoria. Il faut qu'on aille en français ! Rendez-vous avec Ponge et ses poèmes."

Héloïse grimaça un sourire et suivit son amie en cours.

🍂🍃🍁

Son bureau était désormais recouvert de post-it. Des taches à réaliser dans les plus brefs délais qu'elle reportait quand le temps venait à manquer.

Ranger mon armoire.

Ça devenait contre productif à cet stade. Il y en avait trop pour réussir à tout faire.

Acheter de la colle.

Certains étaient même en double. Preuve de l'inefficacité de cette méthode. Elle tria les morceaux de papier étalés sur son bureau tout en essayant de chercher une solution à ce bazar désorganisé.

Elle se posa deux minutes pour demander son avis à Internet. Un mot revenait régulièrement : Bujo, l'abréviation pour Bullet Journal. Il s'agissait d'une méthode d'organisation qui consistait à se faire des to do list quotidiennes et à gérer ses journées. C'était aussi un moyen de se poser cinq minutes dans sa journée pour programmer ou se détendre en griffonnant.

Héloïse sortit un vieux carnet à peine utilisé et y inscrit son nom sur la première page. Elle regarda quelques vidéos sur YouTube afin de trouver de l'inspiration.

À la fin de la journée, Héloïse avait enfin pris du temps pour elle et ses post-it avaient disparu au profit d'un simple carnet. Elle avait pris du retard mais elle s'en fichait : elle allait mieux. Sa nouvelle liste de choses à faire comportait des taches simples comme "faire les courses" ou "trier les papiers dans le bureau de Louise" mais aussi des objectifs pour sa santé mentale tels "prendre cinq minutes pour souffler quotidiennement" et surtout "arrêter de fréquenter des personnes toxiques : Lisa".

Chapitre du dimanche !

J'espère que ça vous a plu

À la semaine prochaine