"Dis-moi Eliott, commença la conseillère d'orientation, qu'est-ce que tu veux faire après le bac ? Tu as déjà des idées, des projets ?"

Eliott n'osait pas la regarder. Ces rendez-vous imposés par ses professeurs principaux à tous les élèves l'agaçaient plus qu'autre chose. Il ne voulait pas penser à son avenir, il préférait profiter du présent avant d'être enfermé là où il ne voudra pas être.

"Je compte faire des études de droit pour devenir avocat, exposa-t-il sans lever les yeux, à la limite du soupir agacé.

-Eliott. Regarde-moi."

Le jeune homme releva les yeux et fixa un point derrière la COP.

"Eliott, je suis sérieuse. Mon but est de t'aider à trouver ta voix, pas de te faire raconter ta vie. Si tu n'y mets pas du tien, on n'avancera pas et tu seras obligé de revenir plus de fois que les autres.

-Je ne veux pas parler de mon avenir, déclara-t-il sans filtre. Mes parents ont décidé que je deviendrai avocat alors c'est ce que je ferais, point final.

-Donc ce n'est pas ta vocation.

-Et alors ? soupira-t-il, résigné.

-Qu'est-ce que tu aimerais faire, toi ?

-Rien de réalisable.

-C'est à dire ?

-Un rêve pas une réalité.

-Quel est ton rêve dans ce cas ?"

La conseillère d'orientation avait un regard sincère et son attitude poussait à la discussion. Eliott ne voulait pas pour autant lui raconter sa vie.

"Quel était le vôtre à mon âge ? demanda-t-il en retournant la question.

-Je vois, tu ne veux pas parler de toi. Pour te répondre, je voulais être psychologue et aider les autres. Maintenant à toi de me dire quel est ton rêve ?"

Eliott se mordit les lèvres jusqu'à ce qu'elles saignent. C'était son tic lorsqu'il était stressé.

Il n'avait aucune envie de dire à voix haute ce qui composait son futur onirique. Il n'avait jamais prononcé les mots qui brûlaient ses lèvres. Alan y comprit ne connaissait pas ses rêves car, Eliott ne croyait plus en ses rêves depuis longtemps et il préférait les garder en lui plutôt que quelqu'un d'autre les démantèle.

"Eliott ? Tu es sûr que ça va ? demanda-t-elle avec une lueur d'inquiétude dans la voix.

-Oui, répondit-il d'un ton aussi neutre que possible. De toute façon, les rêves ne servent qu'à nous torturer.

-Eliott, tu as l'air d'être quelqu'un d'intelligent et logique mais au point de caser les rêves dans une poubelle, je n'y crois pas. Qui t'a dit que les rêves n'était que de la torture ?

-Moi-même. Cela fait longtemps que je n'y crois plus.

-Pourquoi ?"

Pourquoi refusait-il de croire en ses rêves ? Parce que depuis tout petit son père s'efforçait de le ramener sur terre en brisant ses rêves d'enfance. Alors oui, aujourd'hui il refusait d'en parler car il ne voulait se retrouver à croire des choses que les autres détruiraient par la suite.

"Tu sais Eliott, je suis aussi psychologue donc si tu me demandes de t'aider en tant que psychologue, ce que tu me diras sera soumi au secret médical.

-C'est vrai ? s'étonna le musicien.

-Si je te le dis. Et même si je ne l'étais pas, tu peux demander aux autres de garder le silence. Du coup, es-tu prêt à parler ?"

Eliott hésita encore un peu puis hocha la tête. Il déballa enfin tout ce qu'il avait sur le cœur.

"Être avocat, c'est ce que mon père espère pour moi. Ça ne m'intéresse pas du tout, avoua Eliott. Mon rêve, ça serait d'être pianiste au sein d'un groupe.

-C'est un beau rêve, le rassura la conseillère d'orientation. Tu n'as pas à en avoir honte."

Eliott haussa les épaules.

"J'aimerais t'aider à l'accomplir mais il va falloir que tu m'en dises plus et que tu acceptes de me revoir.

-Vous pensez que c'est réalisable ?

-On peut essayer. Il suffit d'y croire."

"Safia, tu peux me passer les partitions, dit Julien en installant sa batterie.

-Je m'appelle Sofia, répéta-t-elle pour la douzième fois depuis le début de leur répétition à l'école de musique. Tiens !"

Elle lui donna les feuilles et continua de ranger la pièce de répétition qu'on leur avait prêté. Les garçons avaient un cours en milieu d'après-midi et ils avaient demandé à pouvoir avoir accès à une salle pour patienter musicalement jusqu'à l'heure.

Eliott aidait Alan à brancher les différents câbles lorsque Sofia s'énerva.

"Arrête de m'appeler Safia ! Mon prénom c'est Sofia !

-Ok Safia, répondit Julien en la provoquant.

-Tu es vraiment con ! Tu me casses les pieds !"

Sofia sortit de la pièce, furieuse, et claqua la porte derrière.

"Tu es sérieux Julien ? s'agaça Alan. Sofia a une patience d'ange et tu as réussi à la faire sortir de ses gonds. La dernière fois que c'est arrivé, elle s'est fait une entorse au poignet.

-Je vais aller lui parler, proposa Eliott. Continuez de préparer la salle."

Alan acquiesça et Eliott partit à la recherche de Sofia. La jeune fille était sortie et tournait en rond sur le trottoir devant l'école. Elle serrait les poings et jurait sans s'arrêter.

"Sofia ? l'interpella Eliott.

-Je ne veux pas de ses excuses, cracha-t-elle.

-Je suis venu t'aider à te calmer pas te présenter des excuses. Assieds-toi !"

Il désigna les marches sur lesquelles il était lui même en train de s'asseoir.

"Tu peux me dire ce qui a fait que tu t'es énervée ?

-Je ne sais pas, admit-elle. C'est juste que ça m'énerve qu'il fasse exprès de se tromper de prénom. Comme si son but était de m'énerver.

-Connaissant Julien, ce n'est pas ce qu'il recherche.

-Alors pourquoi il continue à le faire ? râla Sofia.

-Parce que Julien n'est pas très doué avec les filles et les gens en général. Il lui a fallu du temps avant d'arrêter de me charrier ou d'embêter ton frère. C'est une façon de se protéger en présence de ceux qu'il ne connait pas. Je pense qu'il essaye simplement d'attirer ton attention pour que tu apprennes à le connaître et que lui décide si tu mérites sa confiance.

-Ce n'est pas en changeant mon prénom que je vais vouloir lui parler.

-Laisse lui un peu de temps et apprends à le connaître. Tu verras, il ne veux pas te faire de mal. Julien est un grand timide au fond, il le transforme simplement en humour raté pour se donner confiance en lui. Je m'enferme dans le silence et lui exagère tout ce qu'il peut. C'est comme ça, tu ne pourras pas nous changer.

-Merci Eliott, tu es vraiment quelqu'un de bien. Je comprends pourquoi mon frère t'aime autant."

Eliott rougit timidement tandis que Sofia lui sourit joyeusement.

Une petite douceur matinale.

La semaine dernière je vous annonçais que je n'avais presque plus de chapitres. Problème presque résolu puisque j'en ai écrit quasiment 2 cette semaine.

J'espère que celui-ci vous a plu