"Cette année vous passez le DNB, commença Mme Drouot.

-Le quoi, demanda un élève qui semblait perdu.

-Le brevet, répéta-t-elle en soupirant. Vous avez intérêt à travailler."

Noémie n'écoutait qu'à moitié les explications de la professeur concernant les papiers qu'ils devaient remplir. Clara était derrière elle donc elle ne pouvait décemment pas se retourner pour voir ce qu'elle pensait de ce discours qu'ils allaient entendre tout au long de l'année. Elle ne savait pas quoi lui dire lorsqu'elles étaient seules dans leur chambre. Des banalités sortaient naturellement à tel point que ce matin Noémie avait répondu "ça va et toi ?" avant même que Clara ne lui pose la question.

"Prenez une demi-feuille, ordonna Mme Drouot. Et dans le sens de la hauteur vous allez écrire les informations que je vous demanderai."

Le nom, prénom, date de naissance faisait partie des basiques mais dès qu'on demandait son adresse, les numéros de ses responsables légaux ainsi que leurs métiers, Noémie se bloquait et préférait ne rien écrire.

"J'ai dit dans le sens de la hauteur, soupira la professeur en prenant la feuille de Noémie. Comme votre camarade Noémie."

Elle eût un instant de silence en lisant la fiche de la jeune fille, surprise de rien n'y trouver.

"Pourquoi n'as-tu rien mis ? s'agaça-t-elle. Tu ne connais pas la profession de tes parents ? Ça fait trois ans que tu es au collège, ne me dis pas que c'est la première fois que tu dois remplir ce genre de renseignements."

Noémie ne réagit pas. Que pouvait-elle lui dire sans l'insulter ? Qu'il valait mieux demander gentiment plutôt que de tout de suite s'emporter pour un détail sans la moindre importance.

"Noémie ne connait pas ses parents, déclara Clara pour éviter que la prof s'énerve encore plus face au mutisme de sa colocataire.

-Oh, se reprit Mme Drouot, gênée. Je... Tu passeras me voir à la récré."

Une heure plus tard, alors que tous ses camarades s'en allaient prendre l'air en cette journée d'été, Noémie devait rester dans la salle avec sa professeur principale.

"Je suis désolée pour ma maladresse devant la classe. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise.

-Ce n'est pas grave, dit la jeune fille d'un ton neutre. Vous ne saviez pas.

-Est-ce que je peux être indiscrète ?

-Allez-y.

-Comment est-ce que tu le vis ? Tu arrives à te faire des amis malgré ta solitude que j'ai remarquée ?

-...

-Excuse-moi. Je ne voulais pas te rendre triste. Je veux juste que tu saches que je suis là si tu as besoin de parler. N'hésite pas.

-Merci, répondit poliment Noémie.

-Je suis sérieuse. Ma porte est ouverte à tout instant pour toi."

Noémie n'eût même pas le temps de sortir de la salle, la sonnerie retentit aussitôt et avec elle, la suite du baratin de rentrée habituel.

La journée était presque finie et Noémie rejoignit la cantine en dernier. Elle n'avait pas très envie de parler, d'autant que Mme Drouot avait remué des douleurs enfouies que la jeune fille évitait d'exposer trop souvent. Elle s'installa avec son plateau à une table, seule. Un peu plus loin dînait Clara et ses amies. Noémie n'avait aucunement le courage de s'installer à ses côtés. Leur relation était bancale depuis qu'elles s'étaient embrassées et Noémie ne voulait pas aborder le sujet. Alors elle se contentait de rêvasser pour oublier ses idées confuses.

"Je peux m'asseoir avec toi ? demanda une voix qu'elle ne connaissait pas mais qu'elle avait déjà entendue quelque part.

-Oui."

Un jeune homme plus âgé qu'elle s'installa en face d'elle. Il devait être lycéen car elle ne l'avait jamais croisé dans les couloirs du collège. Il lui souriait et Noémie ne savait pas trop comment réagir.

"Tu es bien Noémie, s'assura-t-il.

-Oui.

-Je suis Anthony, le frère de Clara.

-Ok, répondit Noémie avec la neutralité la plus totale, puis elle ajouta. Je me souviens de t'avoir vu chez vous pendant les vacances.

-En effet. Tu ne manges pas avec ma sœur ?

-Je crois que ça se voit, non ?

-Je peux te demander pourquoi ?

-Tu viens de le faire."

Noémie n'aimait pas vraiment parler, c'était un autre trait de son caractère. Cela lui évitait de s'attacher aux autres.

"Pourquoi ? répéta Anthony d'un ton amical et posé.

-Tu n'as qu'à lui demander.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé entre vous ?

-Tu le sais, déclara Noémie calmement.

-C'est parce que vous vous êtes embrassées ? chuchota-t-il.

-Oui.

-Vous n'en avez jamais reparlé ? s'étonna l'anglais.

-Non, dit-elle en secouant la tête.

-J'avais dit à Clara que vous deviez en parler.

-On ne l'a jamais fait.

-Je vais lui en parler.

-Si tu veux, dit Noémie en haussant les  épaules. Mais de toute façon, ça ne changera rien, c'est à elle d'en parler pas à toi de la forcer.

-Et toi ? Tu en penses quoi ?

-Rien, je préfère ne pas me casser la tête sur des choses insolubles.

-Ce n'est pas un problème de maths tu sais.

-C'est tout aussi prise de tête."

Noémie se leva et attrapa son plateau.

"De toute façon, ça finit toujours mal lorsque je m'attache à quelqu'un. Ce n'était qu'une question de temps avant que notre amitié ne parte en fumée."

La jeune fille laissa Anthony et retrouva le silence de sa chambre. Ce n'était pas plus mal, la journée avait été longue et harassante. Elle était épuisée à tel point qu'elle ne pensait qu'à une seule chose : dormir.

Un peu plus tard, alors qu'elle cherchait le sommeil, Clara rentra dans la chambre. Noémie ne réagit pas, elle avait eu sa dose de conversation pour aujourd'hui.

"Nono ? l'interpella l'anglaise. Tu dors ?"

Elle ne répondit alors Clara fit tout son possible pour être discrète et ne pas réveiller sa colocataire. La jeune fille s'installa dans son lit à son tour. Les deux soupirèrent et dos tournés, elles cherchèrent le sommeil en silence. Noémie était partagé entre son cœur qui lui criait de discuter avec Clara et sa raison qui lui répétait qu'elle n'allait faire que souffrir si elle demandait des réponses. Dans le noir muet de la nuit, Noémie laissa s'écouler une larme le long de sa joue. Cela faisait cinq ans qu'elle ne l'avait pas fait.

Hello !

Voici le retour de Noémie et sa résignation. J'adore ce personnage. Elle est tellement touchante.

Et vous ?

Je vous souhaite un bon dimanche.