6 - Le chat sous la lune
Ren arriva à l'orée de la forêt. Il n'avait croisé personne, et tant mieux ! Il grimpa à un arbre sous sa forme féline et s'assit sur la plus haute branche. La fraicheur nouvelle traversait son pelage, l'hiver approchait peu à peu. Son pelage blanc allait bientôt se fondre dans la neige.
Pourquoi l'avaient-ils empêché de tuer Tora ? Il était méchant, il méritait bien ça. Surtout que Léo était mal placé pour l'empêcher de faire ça. Lui-même était assassin et lui apprenait la chose. Alors pourquoi lorsqu'il mettait en application ses leçons, il l'arrêtait ! Tout cela est absurde, il ne comprenait pas.
Il avait tué sa mère, au fond, il était encore plus mauvais que son frère. Lui non plus ne méritait pas de vivre. Tora l'avait clairement dit, et il avait raison. Il partira sans rancune si on le tue au moins.
Il avait failli tuer son frère pour une simple colère, un simple coup de tête. Il ne se serait jamais cru capable de faire ça. Mais il y a cette chose qui est monté en lui. Comme de la haine. Il n'aimait pas les gens qui s'énervaient, à vrai dire, il en avait peur. On se sait jamais ce qu'ils peuvent faire. Et lui, il avait perdu le contrôle de ce qu'il faisait. Il ne valait pas mieux que les autres, aussi stupide. Il s'était énervé parce que Tora l'avait blessé, c'était là une belle preuve d'égocentrisme. Au fond, pourquoi les autres n'auraient pas le droit de lui faire du mal s'il leur en avait déjà fait avant ? Ren est égoïste, tout doit aller dans son sens. Oui, Ren était le nom de cette chose odieuse qui ne pense qu'à elle et qui tue pour arriver à ses fins. Ren, c'était cette folie sanguinaire qui veut anéantir son adversaire, l'envoyer dans l'autre monde. C'est son nom, Ren. Dès que Léo lui a donné un nom, elle a existé. Tout ce qui a un nom existe. Ren, c'est cette voix qui lui soufflera de tuer chaque personne qu'il croisera, qui lui suggérera de répandre le chaos là où il irait. Ren était un horrible monstre solitaire. Un monstre qui refuse que les autres existent, qui veut être seul dans son monde. Les autres sont sources de guerres et de conflits. Lorsqu'il n'y aurait plus personne, Ren dormira en paix. Le monde sera mort, Ren l'aura détruit. Ren mourra seul.
Non ! Il ne pouvait pas se résoudre à être un simple monstre. Les gens doivent vivre, quel intérêt de vivre sans eux ? S'il tenait vraiment à être seul, il n'avait qu'à se perdre dans le bois et mourir de faim avec les bêtes sauvages, mais il fallait laisser le monde courir dans les plaines vertes de la vie. Parfois, le monde s'effondre, peine à se relever, mais finit toujours par reprendre fièrement sa course. La paix reviendra d'elle-même, il devait juste faire preuve de patience ! Il n'avait pas le droit de perturber l'équilibre des choses. Tout est lié, tranché ces liens, ce serait briser les ponts entre les choses. Chaque chemin mènent à un autre chemin mais toutes les routes mènent à Rome. Tout devait son existence à une autre chose et tout s'emboîtait comme des poupées russes à l'infini. On peut dessiner le monde avec des flèches. Chaque chose en entraîne une autre. Tout ce qu'il avait à faire, c'est sourire et avancer. Tout finirait par s'arranger et Ren s'endormit.
Ren pouvait tout changer en levant un couteau. Mais les choses doivent changer d'elles-mêmes. La vie est un long fleuve tranquille...
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Léo ne trouvait pas le sommeil, inquiet pour Ren. Il espérait qu'il aille bien et que les gens qu'il avait croisé aussi sinon ça lui ferait une belle jambe. Et puis, l'albinos n'était pas encore prêt pour tuer. Il n'avait pas fini de réfléchir. À vrai dire, le brun s'en voulait de l'avoir emmener si tôt chez le roi. Il était obligé de lui obéir à présent, sinon c'est la peine de mort qui l'attendait. Tout ça, c'était de sa faute, et c'était trop tard pour changer le cours des choses. Un assassin était né et il fallait le discipliner. S'il abandonnait maintenant, c'est un hors-la-loi qui trainerait dans les rues. Il devait à tout prix cadrer Ren. Il devait lui apprendre à canaliser ses émotions.
L'albinos était quelqu'un de gentil et de sérieux mais s'il s'emportait, c'était une autre histoire. Sorah avait dit "Zuri ou Ren". Le sorcier faisait clairement la distinction entre les deux, comme s'il considérait qu'il y avait deux personnes dans un même corps. Devait-il en faire de même ? Ou toujours traiter Ren comme une seule et même personne ? Comment devait-il le traiter tout court ? Comme le monstre fou qu'il venait de voir ou comme n'importe quelle personne ? D'un point de vue assassinat, la colère de Ren était un atout mais il ne se contrôlait plus. Si Sorah l'avait lâché avant qu'il lui ai enlevé le couteau, le garou aurait bien été capable de le blesser avec dans sa colère. Cette dernière devait devenir une arme parfaitement maitrisée, pas une peur. Et le premier à pouvoir l'aider, c'était lui. Il ne devait pas avoir peur de lui. Voir Ren se mettre dans des états pareils l'avait surpris. Il n'aurait jamais cru ça de l'enfant silencieux qu'il avait accueilli. Maintenant qu'il savait, il ne se laisserait plus surprendre. Et puis, il ne faudrait plus laisser Ren seul, s'il recroisait son frère, il le tuerait sûrement pour de bon. Il restait des parts d'ombre dans l'histoire de l'albinos, notamment avec sa famille. Ce qui était sûr, c'est qu'ils n'entretenaient pas de bonne relation. Mais ça il le savait depuis le début, depuis que Ren avait grogné lorsqu'il avait parlé de ce sujet. Il fallait qu'il sache, sinon il ne pourrait pas faire grand-chose pour aider son élève. Lorsque Ren rentrera, s'il rentre, il sera sûrement fatigué, il le laissera tranquille, il le questionnera quand il se réveillera.
***
Léo se réveilla plus tard que d'habitude, ayant mis plus de temps à s'endormir que d'habitude. Son premier reflex fut de regarder dans la chambre de son élève pour voir s'il était rentré... mais non. Ren était toujours dehors. Il soupira et fit son train train quotidien.
Soudain, on frappa. Léo espérait que ce soit Ren et alla ouvrir la porte plus vite qu'à l'ordinaire.
« Bonjour !!
- Bonjour Sorah.
- Il est rentré Zuri ?
- Non.
- Il va rentrer avec un bon rhume, il a fait drôlement froid cette nuit !
- Rentre toi aussi avant d'attraper froid !
- Merci ! »
Le sorcier rentra, Léo referma la porte derrière lui. Le brun lui fit signe de s'asseoir, celui-ci s'exécuta, jetant des regards circulaires à la pièce.
« Tu veux boire quelque chose ?
- Non merci ! Y'a plus d'eau que d'autres choses dans les soupes maintenant. M'enfin je suis pas venu pour me plaindre. Il s'asseyait comment Zuri ?
- Ben normalement, comment tu veux qu'il s'assoit ?
- Je ne sais pas. C'est intéressant de regarder les positions des gens quand ils sont assis, c'est pour ça que j'aime pas les chaises.
- Tu as des centres d'intérêt peu commun.
- C'est pas un loisir non plus, mais ça témoigne de l'état d'esprit dans lequel les gens sont souvent.
- Ah bon ?
- Lorsque quelqu'un est de bonne humeur, il aurait tendance à se mettre en tailleur. Au contraire, si quelques choses va pas, on a tendance à faire du genoux poitrines !
- Jamais fait attention.
- J'aime bien regarder les détails insignifiants qui en disent beaucoup ! »
Sorah rit doucement et s'apprêta à reprendre la parole, lorsqu'on frappa à nouveau à la porte. Le sorcier se tourna vivement vers la porte. Peut-être Zuri ? Léo alla ouvrir.
« Tiens, un revenant !
- Zuri !! »
Le sorcier courut vers la porte et se jeta au coup de l'albinos, tout joyeux. Celui-ci faillit perdre l'équilibre, surpris.
« Comment ça va ? T'as pas eu froid c'te nuit ? Arthur a pas arrêté de claquer des dents ! Du coup Hélio râlait, c'était trop drôle !
- Sorah... tu me fais mal.
- Oh pardon ! »
Le sorcier desserra son étreinte sans perdre son sourire.
« Si, il faisait froid.
- T'as pas attrapé de rhume rassure moi ?
- Je ne crois pas.
- Tant mieux, c'est contagieux ce truc là !
- Rentrez avant de l'attraper alors ! »
Les deux garçons rentrèrent et ils s'installèrent autour de la table. Sorah s'assit en tailleur sur sa chaise, fixant Zuri, ravi de son retour.
« Tu as réussi à dormir ?
- Un peu. Pourquoi ?
- Comme ça...
- Tu cherches quelque chose ?
- Je ne sais pas. J'essaie de comprendre.
- Quoi donc ?
- Ce qui se passe dans ta tête !
- Qu'est-ce que tu veux qu'il se passe ?
- Un truc. Comprends moi aussi, tu as manqué de le tuer l'autre abruti ! D'habitude tu ne te défends même pas !
- Hm...
- Tu n'as pas envie d'en parler hein ? Mais il faut ! Je suis sûr qu'on peut t'aider !
- M'aider à quoi ?
- Qu'est-ce que tu cherchais ?
- Qu'est-ce que je cherchais ?
- Oui, lorsque tu es parti ! Tu voulais trouver quelque chose en t'isolant, non ?
- Peut-être...
- Et tu as trouvé quoi ?
- Ben... euh...
- Rien ? C'est embêtant ça ! Et tu as pensé à quoi ?
- ...
- Bon, je vais essayer de deviner alors ! Tu as pensé que Tora était un abruti fini ?
- Euh... Non.
- Moi je le pense. Est-ce tu as pensé que si tu l'avais tué, tu t'en aurais voulu ?
- Non.
- Là tout de suite, tu en penses quoi ?
- Je ne sais pas.
- Tu pourrais faire un effort pour être précis ! Est-ce que tu regrettes ce qui s'est passé ?
- Hm... je ne sais pas si je regrette, mais je suis content que tu sois intervenu à temps.
- Ah... Tu ne sais pas grand-chose dit moi... bon, question pour Léo cette fois ! Est-ce qu'il a déjà tué ?
- Oui.
- Mais je ne m'en souviens pas... Holly m'a raconté ce qui c'était passé mais c'est tout.
- Noté... et tu t'étais déjà mis dans cet état où c'est ta première ?
- Première.
- Okay... t'as pas l'impression d'être un monstre ?
- Si.
- C'est formidable, n'est-ce pas ?!
- Euh... de quoi tu parles ?
- Ben de la force d'un monstre.
- Ah euh oui si tu le dis...
- Tu as l'air sceptique... enfin, tu verras un jour que c'est extraordinaire !
- D'accord... »
Sorah rit en voyant l'incompréhension de son ami. Ce dernier se demandait ce qu'il y avait de drôle et chercha une réaction quelconque de la part de Léo. Pourquoi il ne disait rien ? Est-ce qu'il lui en voulait de s'être énervé ?
S'il le tuait, il serait sûr qu'il ne lui en voudrait pas.
Il secoua vivement la tête. N'importe quoi ! Il n'en était même pas sûr alors qu'est-ce qui lui arrivait ?
« Ren ? Ça va ?
- Oui oui... je crois que je suis un peu fatigué.
- Tu peux aller te reposer si tu veux.
- Merci... »
L'albinos se leva et disparut dans sa chambre. Léo lui avait parlé normalement, comme d'habitude. Tout allait bien. C'était lui qui s'imaginait des trucs.
Léo regarda Sorah.
« Et tu as compris quoi au final de ce qu'il se passait dans sa tête ?
- Qu'il est indécis, il ne sait pas. Bon c'est pas tout, mais faut que je fasse chauffer ma soupe, sinon Arthur va le faire et je ne suis pas sûr de retrouver la cabane entière... À plus !
- Au revoir. »
Le sorcier à la chevelure verte sortit, toujours le même air joyeux. Avec lui, Ren parlait plus facilement, Léo l'avait bien remarqué. Sorah a vraiment quelque chose de spécial.
Ren s'allongea sur son lit en étoile et soupira. Tout se contredisait dans son esprit. Tuer ou ne pas tuer ? Laisser ou intervenir ? Attendre ou agir ? Pourquoi choisir devenait si difficile ? Peut-être parce qu'il n'avait pas le droit de se tromper.
***
Plus tard dans l'après-midi, Léo vint frapper à la porte de Ren. L'albinos se redressa, deux oreilles de chats étaient apparues entre-temps et étaient rivées vers la porte. Le brun rentra, Üko ne perdit pas une seconde pour se glisser dans la chambre aussi, avant que le lion garou referment la porte.
« Tu n'as pas faim ? »
L'albinos secoua la tête et fit de la place à Léo pour qu'il puisse s'asseoir sur le lit.
« Qu'est-ce ton frère t'as dis pour que tu te fâches comme ça ?
- Elle est morte et c'est de ma faute...
- Elle ?
- Notre mère.
- Pourquoi c'est de ta faute ?
- Elle était malade, et je devais trouver plus de nourriture pour elle. Sauf que je ne l'ai pas rapporté, puisque j'étais ici.
- Si elle était malade, il y avait quand même plus de chance pour qu'elle meurt.
- Raison de plus pour pas lui en apporter, ça aurait du gâchis.
- C'est pas vraiment ce que je voulais dire...
- De toutes façons, elle était méchante, c'est pas grave.
- Tu le penses vraiment ou tu te cherches des excuses ?
- Je le pense. Les gens méchants ne méritent pas de vivre.
- Tu crois ?
- Oui.
- Pas moi.
- Hm ?
- S'il n'y a pas de gens méchant, où seraient les gentils ? Et puis, c'est quoi quelqu'un de méchant ? Quelqu'un qui s'oppose à toi ?
- Quelqu'un qui fait du mal aux autres.
- On fait tous un peu du mal aux autres, sans le vouloir ou volontairement, au fond, nous sommes tous méchants ! Les gentils, ça n'existe pas Ren. Si nous sommes tous méchants, ce mot perd son sens, tu ne crois pas ?
- Mais pourquoi les gens font volontairement du mal ?
- Parce qu'ils ont envie de se venger, souvent. C'est normal de vouloir se venger tu sais. Tu n'aimes pas quand on te fait mal, alors tu essaies de faire pareil pour faire comprendre à l'autre que tu as mal. Au final, ça ne fait qu'empirer les choses mais c'est comme ça.
- Alors si ça empire, pourquoi les gens continuent ?
- Parce qu'ils ne s'en rendent pas toujours compte. Mais tout ça ne répond pas à ma question.
- Il a dit que je ne méritais pas de vivre et il m'a frappé.
- C'est ça qui t'as énervé ?
- Je crois que oui. »
Léo regarda Ren. Est-ce qu'il pouvait lui en faire dire plus maintenant ou était-ce encore trop frais dans sa mémoire ? Il ne voulait pas paraitre saoulant avec toutes ses questions et que l'albinos s'énerve une fois de plus. Il décida donc de changer de sujet.
« J'ai mes deux gamins...
- Tes ?
- Je suis papa.
- Je savais pas.
- Je disais donc qu'ils allaient venir ce week-end. Et il me manque un lit...
- Je peux aller dormir avec Sorah et les autres, si tu veux. Je peux même passer le week-end avec eux, puisque j'imagine que tu préférais que vous soyez en famille. »
La queue du chat s'agitait doucement, il ne lui en voudrait pas s'il voulait être seul avec ses enfants. Il pouvait comprendre ça.
« S'ils sont d'accord, ça me va.
- On fera comme ça alors. Ils viennent un week-end tous les combien de temps ?
- Tous les mois.
- D'accord. »
Le garou le fixait avec curiosité, pourquoi il les voyait si peu de temps ? Et la mère, qui était-ce ? À quoi pouvait bien ressembler ses enfants ? Quel âge ils avaient ? Et est-ce qu'ils prévoyaient de devenir assassin ? Il se retint de poser des questions, Léo ne voudrait peut-être pas en parler.
Le brun remarqua facilement que l'albinos voulait en savoir plus, mais ne dit rien. Si Ren voulait des réponses, il n'avait qu'à poser des questions. Il aimerai bien que le garou s'ouvre plus, c'était tout le temps lui qui allait le chercher.
« Tu peux me poser des questions si tu en as, tu sais.
- Ils ont quel âge ?
- Douze ans, ils sont faux jumeaux.
- C'est quoi faux jumeaux ?
- C'est quand c'est des jumeaux mais il y a un garçon et une fille.
- Ils s'appellent comment ?
- Axel et Akari.
- Ils sont comment ?
- Bruns, les yeux bleus. Axel est plutôt petit tendis qu'Akari est grande.
- Ils vont à l'école ?
- Oui.
- Ils apprennent quoi à l'école ?
- Lire, écrire, compter, calculer, la géographie, l'histoire... plein de truc.
- Ça leur sert à quoi ?
- Je ne sais pas. Tu aimerais y aller à l'école ?
- Pas spécialement. J'ai déjà un professeur, ça me suffit. »
Léo sourit, amusé par sa réflexion. Ren le regarda sans comprendre et ne rajouta rien, il saurait le reste plus tard. N'empêche qu'il aurait bien aimé les rencontrer, est-ce qu'ils ressemblaient au brun ? Qu'est-ce qu'ils projetaient de faire plus tard ? Est-ce qu'ils aimaient l'école ? Est-ce qu'ils étaient gentils ? Est-ce qu'ils... pouvaient comprendre les gamins des rues comme lui ?...
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