Chapitre 8 : A toute balle
Et parce que je me sens d'humeur généreuse, un autre qui est tout aussi court (et qui correspondait originellement à la deuxième partie du précédent). Bonne lecture again !
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Chapitre 8 : A toute balle.
-Et le souafle est à Scampers, qui le passe à Watson ... Ah, une alerte Vif d'or pour Potter ? – c'est tellement étrange d'appeler les cousins par le nom de famille.
-Concentre-toi, trésor, parce que Bennett a repris le souafle à Dubois ...
-Argh, et Bennett qui s'avance vers les buts de Weasley ... ET OUI ! Roxanne Weasley tu es la meilleure, elle bloque le souafle ! Quel arrêt ma belle !
-Et de ce fait toujours 130 à 50 en faveur de Gryffondor ! Trésor, on devrait s'inquiéter pour le match suivant, ton cousin a constitué une très belle équipe !
Lucy écoutait les commentaires de Dominique et Lorcan, un sourire désabusé aux lèvres. Juste pour cela, ça valait le coup de venir aux matchs de Quidditch. C'était une semaine après la sortie à Pré-au-Lard, et la saison de Quidditch commençait enfin avec le match opposant Gryffondor à Poufsouffle. Jina et elle étaient assises sur les plus hauts gradins, à l'écart des autres, pour commenter le match entre elles en tant que Capitaine d'équipe adverse. Lucy soupira, heureuse de retrouver les plaisirs simples du Quidditch. Elle adorait cette position, celle de l'observatrice où la pression n'était pas sur ses épaules mais qu'elle pouvait apprécier le beau jeu.
-Lorcan n'a pas tort, Serdaigle peut s'inquiéter, commenta Jina en fronçant les sourcils. Adam est sacrément bon, il a une belle complémentarité avec Lizzie Dubois ...
-Ça va, commenta distraitement Lucy en s'efforçant de ne pas fixer le poursuiveur de Gryffondor. Depuis quand Lorcan est impartial ?
-Depuis que McGonagall lui a passé un savon l'an dernier quand il a traité les Poufsouffle de Triple-Snagalouf en leur promettant de les donner en pâture aux Ronflaks Cornus et de jeter sur eux une nuée de Joncheruine.
-Lorcan tout craché.
Le cri étranglé du stade quand un cognard frappa Stephen Bennett de plein fouet les interrompit. Les deux filles grimacèrent de compassion.
-Outch ... Il n'a pas dû faire du bien, celui-là, commenta Dominique. Mais du coup, c'est Gryffondor qui a remis la main sur le souafle avec l'accélération de Scampers... ouuuuh la magnifique passe en revers de Scampers pour Lizzie Dubois ! Jolie coordination, Dubois évite un cognard lancé par Wellington ...
-Très beau coup du batteur, soit dit en passant, dommage que Dubois ne le soit pas pris ...
-Lorcan, quel sadisme ... Tu sais que c'est ce que je préfère chez moi ?
-Weasley ! la réprimanda le professeur McGonagall, assise non loin d'eux, avec lassitude.
-Excuse-moi, je vais vomir, gémit Jina à l'adresse de Lucy en se prenant la tête entre les mains. Ils ne sont pas tous les deux de ma Maison. Du tout du tout.
Elle secoua la tête avec obstination, et Lucy éclata de rire. Elle adorait regarder les matchs de Quidditch : il y avait parfois plus de commentaire à faire sur les commentateurs que sur le match lui-même.
-Dubois à Scampers, et ... WAHO !
-OUI ! Quel magnifique coup de Scampers ! Il n'a laissé aucune chance au Gardien ...
-Oh, tiens, Roxanne fait de jolies loopings pour manifester sa joie ... Je crois que son cerveau est plein de Joncheruine. Tu crois qu'elle va se prendre un but parce qu'elle fait la folle ?
-C'est possible parce que Poufsouffle est à nouveau à l'attaque avec Bennett – sérieusement, quel homme, l'âme de l'équipe à lui tout seul ... Oh Lorcan, ne me regarde pas comme ça ! Bref, il tente de faire une passe et ... C'est intercepté par Dubois, qui vole vers les buts et ... JIM ! Par le caleçon de Merlin qu'est-ce que tu fous ?
-Il vient de couper la route à son propre Poursuiveur, je crois bien ...
-Merci Lorcan, j'ai vu, ma question est : Jim Potter par le caleçon de Merlin pourquoi tu as fait ça ?
-WEALSEY ! hurla McGonagall. Votre langage !
-Désolée professeur, mais j'aimerais savoir pourquoi ...
-Peut-être parce qu'il a vu le Vif d'or ?
-Mais qu'est-ce que tu racontes ?
-Bah, je ne sais pas, mais quand deux Attrapeurs sont côte à côte le bras tendu, c'est que ...
-Quoi ? Mais oui, tu as raison, trésor, excuse-moi ! Course folle entre Potter et Smith ! Bien voilà, Jimmy, il suffisait de le dire que tu avais une bonne raison ...
-WEASLEY !
-Elle s'excuse, professeur ...
-Dragonneau, ce n'est pas à vous que je parl ...
-OOOOOOOUI ! James Potter attrapé le Vif d'or in extremis au nez de Smith ! Whao, quel suspens ! Désolé de vous avoir couper, professeur !
-Bravo mon cousin, quel joli geste qui permet à Gryffondor de gagner le premier match de la saison en battant Poufsouffle 290 à 50 ! Premier test concluant pour l'équipe de Gryffondor !
Ah, ça, il l'était. Gryffondor avait littéralement roulé sur Poufsouffle – mais il fallait dire que l'adversité de Poufsouffle était réduite à Stephen Bennett, « l'âme de l'équipe à lui seul » comme l'avait justement fait remarquer Dominique. L'autre satisfaction était Zoey Londubat dans son rôle de Batteuse et promise à prendre la suite de Stephen au Capitanat – mais à eux deux, ils ne suffisaient pas à mettre le moindre grain de sable dans la machine parfaitement huilée de Gryffondor. L'équipe était presque inchangée depuis deux ans, les mécanismes naturels : ils se connaissaient par cœur. Mais Lucy espérait bien être justement ce grain de sable – et qu'elle atteindrait Adam Scampers en premier.
-Et la semaine prochaine on aura aussi un nouveau baptême avec le match de Serpentard contre Serdaigle ! poursuivait joyeusement Lorcan.
-Jina Kane et Lucy Weasley comme Capitaine, baptême du feu pour ma petite cousine face à ma Maison.
-Désolé, Lucette ...
-...Mais cette fois, nous serons contre toi !
-Weasley ! Dragonneau !
Ce fut au tour de Lucy de se frapper la paume de la main contre le front par désespoir. Elle adorait les commentaires. Surtout quand ça ne la concernait pas.
-Vous êtes gentils, j'avais deviné, grommela Lucy alors que Jina éclatait de rire. Il est obligé de m'appeler Lucette devant toute l'école ?
-C'est toujours mieux que le jour où il a appelé Molly « Mollynette ». J'ai bien cru qu'elle allait escalader les gradins pour l'écorcher vif. Et je n'en reviens toujours pas qu'elle sorte avec mon frère, du reste. Drôle de couple.
-Pas pire que ces deux-là, fit remarquer Lucy en montrant les gradins où Lorcan et Dominique se disputaient avec le professeur McGonagall.
-Ces deux-là, on n'en parle pas. Leurs « trésors » me font littéralement vomir. On y va ?
Lucy se leva et elles redescendirent les gradins. Au coup de sifflet finale de la vieille Madame Bibine, toujours en forme pour une femme de son âge, tous les Gryffondor s'étaient rués sur le terrain pour féliciter leur équipe, et Louis et Roxanne avaient réussi à hisser James sur leurs épaules, qui levait les deux bras face à la foule en signe de triomphe. Jina renifla avec mépris.
-Comment ça se fait qu'ils arrivent encore à le porter, avec la tête enflée qu'il a ...
-Et ce triomphe ne va rien arranger, confirma Lucy en hochant la tête. Un jour, il ne saura plus décoller de son balai.
-Oh, pitié, faites que ce jour arrive avant qu'il affronte Serdaigle ! pria la capitaine en joignant ses deux mains au niveau de son cœur. Pas que j'ai peur de l'affronter, non, non ...
Lucy dressa un sourcil, l'air suggestif, et son amie lui donna un coup de poing dans le bras. Jina était pourtant l'unique Attrapeuse invaincue de Poudlard. Jamais le Vif d'or ne lui avait échappé : même contre James. Montague, Eléonore et Will choisirent tout trois ce moment pour se matérialiser aux cotés des deux capitaines, couverts de leur écharpes vertes et argents, la mine sombre.
-Moi qui pensais que perdre un Poursuiveur les handicaperait autant que ça a été le cas pour nous, grommela Montague.
-Hé non, soupira Eléonore en se mordant la lèvre. Sacrée équipe, Gryffondor, cette année. Peut-être même meilleure que l'année dernière, tu as vu comment Watson s'est intégré au truc ? Et je ne parle pas de l'amélioration d'Adam !
-Peut-être que du coup il n'aura pas besoin de jeter Capitaine à bas de son balai, plaisanta Will. T'en penses quoi, toi, Kane ?
-Que je vais te bouffer tout cru au prochain match, McColley, répliqua l'attrapeuse avec un sourire carnassier.
Will parut ne rien trouver à répondre, et Lucy vit sa pomme d'Adam remonter et descendre nerveusement. L'année dernière, c'était Jina qui avait attrapé le Vif d'or contre lui, et depuis elle ne cessait de le chambrer là-dessus.
-Qu'est-ce que tu en sais ? rétorqua Lucy pour venir au de secourt de son attrapeur. Mon équipe aussi s'est améliorée !
-En même temps, on pouvait faire que ça, grommela Eléonore assez bas pour que ça échappe aux oreilles de Jina.
Celle-ci eut un nouveau sourire inquiétant, et ses yeux sombres pétillèrent.
-On verra ça la semaine prochaine, pucette. Allez, on se retrouve dans la Salle Commune des Gryffondor pour la fête, moi je vais faire le débriefe avec Charles et Juliet. A plus les Serpentard, tremblez bien !
-Cours toujours, marmonna Montague en lançant un regard mauvais à la nuque de la Serdaigle. Ce n'est pas vraiment elle que je crains. Elle reste la seule bonne joueuse de son équipe ...
-Ô joie, gémit Will en déglutissant.
-Je ne sais pas, fit lentement Lucy en fronçant les sourcils. Juliet Davies est douée ... Mais tu as raison, Serdaigle ce n'est pas le pire. Le pire, ce sera Gryffondor.
-Oh par Merlin, sourit Eléonore en levant les yeux au ciel. Ne dis surtout pas ça à Potter.
Lucy partit d'un petit rire. Jamais elle ne dirait à James qu'elle le craignait – ou sinon, son balai ne pourrait décidemment plus le porter. Et sa fierté en prendrait un sacré coup.
-Aucun risque, la rassura-t-elle. Allez, on reparlera de ça plus tard, on a une séance mardi. Norie, tu sais où est ...
-Il m'a dit de te dire qu'il t'attendait, et que tu saurais où, répondit la Poursuiveuse avec un sourire entendu. Toujours aussi elliptique, je suis persuadée qu'il a peur que je le suive...
-En même temps, tu n'arrêtais pas de le faire quand il était en première année, fit remarquer Montague.
Lucy éclata de rire quand Eléonore fit mine de rien, l'air angélique, et salua les membres de son équipe pour descendre les gradins. Tout le monde commençait à refluer, commentant le match (ou, le plus souvent, les commentaires de Lorcan et Dominique). Dans sa précipitation, elle rentra dans un groupe de première année, et se rattrapa de justesse et glissant sur un des bancs.
-Par Merlin ... Gethin, tu ne pourrais pas grandir un peu pour que je te vois quand je marche ?
Le petit Gryffondor rougit jusqu'à la racine de ses cheveux couleur rouille, et Lucy s'en voulut d'avoir été si hâtive quand elle vit ses camarades ricaner autour de lui.
-Mais ce n'est pas grave, si tu veux j'irais voler du Poussos pour toi, plaisanta-t-elle finalement en lui ébouriffant les cheveux.
Gethin eut un sourire timide sans rien dire, embarrassé, et Lucy réprima le sourire attendri qui lui venait spontanément aux lèvres. Elle ébouriffa une nouvelle fois les cheveux soyeux du Gryffondor, et acheva de descendre les gradins en prenant garde cette fois de ne bousculer personne.
-Lucy, attends !
Elle se retourna vivement, et vit Gethin se précipiter vers elle, sous le regard perplexe de ses amis. Il arriva devant elle, hors d'haleine, et Lucy dressa un sourcil.
-Oui ?
-Je voulais te remercier. De n'avoir rien dit à Adam. Tu sais, pour ...
Il jeta des regards fugitifs autour de lui, et Lucy se retourna sur le terrain. Adam fêtait toujours sa victoire avec son équipe, un grand sourire aux lèvres, son balai dans une main et le souafle dans l'autre. Le soleil arrachant des éclats de feu à ses cheveux, comme s'il n'avait que lui pour faire ressortir cette teinte typiquement galloise ... Sans s'en rendre compte, Lucy passa distraitement ses doigts dans ses cheveux roux et se dépêcha de s'intéresser de nouveau à Gethin.
-De rien. Je te l'ai dit, je ne suis pas du genre à faire des confidences à Adam Scampers. Et toi, Gethin ? Il me semblait t'avoir dit de venir me voir si quelqu'un en avait après toi. Qu'est-ce qu'elle te voulait, Laureen Bones ?
Gethin écarquilla à nouveau les yeux, et regarda autour de lui avec affolement comme un animal pris au piège. Lucy croisa les bras sur sa poitrine et tapota son bras de ses ongles avec impatiences. Elle avait pas mal de choses à faire avant d'aller à la fête que les Gryffondor donnaient sans doute pour la victoire, mais elle ne bougerait pas de là tant que Gethin ne lui aurait pas donner une réponse convenable.
-Alors ?
-Rien, elle était juste avec le garçon de Serpentard, j'ai oublié son nom ...
-Pucey. Liam Pucey.
-Voilà, lui ... Bien, il n'y a rien à dire ... il m'a embêté, je lui ai jeté le premier sort qui me venait, et comme elle était avec lui ...
Lucy haussa les sourcils, sceptique. De ce qu'elle savait, ce n'était pas dans les habitudes de Laureen Bones de trainer avec Liam Pucey.
-Quel sort ?
-Quoi ?
-Quel sort tu as jeté à Pucey ?
-Je ... C'était ...
-Geth !
Lucy rejeta sa tête en arrière et soupira profondément avec résignation. Son interrogatoire prenait fin. Elle lança un regard mauvais à la personne qui venait de les interrompre, et qui montait à présent les marches de gradins quatre à quatre. Avec toujours aux lèvres ce petit sourire qui ajoutait à son aspect angélique.
-Scampers, lâcha-t-elle du bout des lèvres, avec un léger sourire. Pas mal, ton dernier but.
-Merci, fit sobrement Adam en inclinant la tête. Un compliment de Lucy Weasley ?
-Je tiens à mes Chocogrenouilles. Et je tiens à dire que tu as deux semaines de retard.
-Je me disais bien que ce n'était pas gratuit. Rupture de stock, Daniel et Stuart ont tout mangé à notre dernière partie de Bataille Explosive. Tu torturais mon petit frère ? Qu'est-ce qui se passe, Lucy, ça te demande trop d'effort d'être gentille avec moi alors tu te déchaines sur un autre Scampers ?
Adam mit sa main à la base du cou de son frère en un geste protecteur, et même s'il souriait d'un air avenant, Lucy était certaine de distinguer une petite lueur d'inquiétude dans ses prunelles noisette. Et elle fut plus surprise en voyant le soulagement éclater dans les yeux de Gethin et le regard de remercîment qu'il adressa à son frère, comme s'il venait de le sauver. Elle haussa un sourcil.
-Ne t'inquiètes pas, Scampers, j'ai d'autres souffre-douleurs. N'oublie pas mes Chocogrenouilles pour lundi.
-Aucun risque. A tout à l'heure, Lucy.
Adam poussa son frère vers le bas des gradins, et Lucy les regarda disparaître dans la foule des Gryffondor qui avait immédiatement englouti Adam. Elle n'était pas tout à fait sûre d'apprécier les réponses elliptiques de Gethin, mais pour l'heure, elle avait d'autre souci en tête. Elle descendit enfin les gradins, et s'engagea sur le chemin, courant presque jusqu'au château. Elle franchit le Hall, monta les escaliers quatre à quatre jusqu'au deuxième étage, et traversa le couloir à grand pas avant d'apercevoir ce qu'elle cherchait. Luke l'attendait devant la porte des toilettes des filles, son pied frappant le sol avec impatience, son écharpe émeraude nonchalamment dénouée autour de son cou.
-Weasley, Weasley ...
-Oui, je sais, je suis en retard, mais j'ai fait de mon mieux, j'ai été retenue par Jina, ensuite par l'équipe, et après ... Bref, alors ?
Luke la contempla un long moment d'un air désespéré, puis secoua la tête avec résignation. Il pointa la porte des toilettes, et mit sa main en cornet contre son oreille, lui indiquant silencieusement d'écouter. Lucy fronça les sourcils en s'exécutant, et bientôt elle n'entendit que cela. De lourds sanglots. Des gémissements.
Mimi était de retour dans son fief.
Les deux préfets échangèrent un regard entendu. Ça faisait deux semaines que Mimi leur échappait : c'était l'occasion ou jamais d'aller lui demander ce qu'elle avait vu la nuit où le message avait été écrit. Luke eut un petit sourire suffisant, et fit une petite révérence à Lucy.
-Honneur aux dames.
-Bien sûr ..., maugréa la jeune fille en levant les yeux au ciel. De toute façon, si tu ouvres la bouche, j'enfonce ta tête dans la cuvette sans aucune sorte de procès, compris ? Hors de question qu'elle nous échappe à nouveau parce que tu manques de tact ...
-Moi, manquer de tact ? Non mais vraiment, je ne vois pas où est ce que tu as ...
-Luceris Blaise Zabini, tu as autant de délicatesse qu'un éruptif dans une boutique de porcelaine.
Luke se crispa en entendant son véritable nom au complet. Lucy s'en voulait d'utiliser une telle arme, mais elle savait que seule une allusion à sa famille et à son identité de Sang-Pur aristocrate permettait un véritable silence de sa part. Il fusilla Lucy du regard.
-Il me semble t'avoir déjà martelé que mon prénom était à jeter aux oubliettes ?
Martelé. C'était le mot, et ce depuis la première année. Il avait même été si insistant que même les professeurs s'en tenaient à son surnom, si connu qu'il passait pour tous pour son prénom officiel. L'expression de rage qui traversait son regard était telle qu'il en décourageait beaucoup à s'y risquer, Lucy comprise. Mais avec les années, elle avait fini par être anesthésier contre ce regard noir et elle haussa les épaules avec flegme.
-Si ça peut me permettre d'avoir un silence le temps de l'entretien ...
Mais le regard de Luke se prolongea, noir, furieux, lourd de toutes les mauvaises choses que sa famille pouvait déclencher en lui. Et plus il vieillissait, pire c'était.
-Ce n'est pas drôle, Weasley. Ce nom que mes parents ont choisi, c'est celui d'un de mes ancêtres, un malade qui faisait littéralement la chasse aux moldus. Alors arrête de le prononcer ou je te jure que c'est toi qui finis la cuvette dans les toilettes, tu m'entends ?
Elle était habituée au discours et à la dureté qui découpait la voix de Luke chaque fois qu'il le déclamait. Les scrupules d'avoir utilisé une telle arme commencèrent à l'assaillir. Elle pinça des lèvres devant l'intensité du regard et finit par soupirer :
-Tu sais, je suis sûre qu'il y a eu des tonnes de Lucy dans le monde qui n'ont pas été des personnes très fréquentables. Peut-être même qu'il y avait des meurtrières dans le lot, qu'est-ce que j'en sais ...
-Justement, tu n'en sais rien et heureusement pour toi, rétorqua Luke. Ce n'est pas qu'une question de prénom, c'est aussi une question de tradition – celle des Sang-Pur à donner des prénoms de consonnance grecques et latine, comme si le temps n'avait pas d'influence sur eux. Lucy, vous êtes des milliers. Des ... (Sa bouche se tordit avant qu'il ne lâche) Luceris, ils sont infiniment peu et il se trouve que l'un d'entre battait la campagne anglaise en quête de moldu à tuer et que c'est précisément en pensait à lui que ma cinglée de mère m'a appelé comme ça. Alors non, toute justification que tu pourras donner, je n'arriverais pas à l'entendre.
-Tu ne veux pas ... lui donner une autre signification ? Une autre histoire pour effacer la sienne ?
-Lucy, je t'ai déjà expliqué que je préférais – de très loin – me forger ma propre identité, loin de celle que mes parents ont voulu me donner. Ils ont voulu m'appeler Luceris ? Je préfère qu'on m'appelle Luke – avec la personnalité au charme irrésistible qui va avec.
Il servit à Lucy un sourire charmeur, sans doute destiné à casser quelque peu les mots durs qu'il avait depuis quelques minutes et qui lui ressemblaient assez peu. Luke était sarcastique, pragmatique, mais rarement froid ou déprimé et il se refusait toujours à paraître faible. Et malgré tout ce qu'il pouvait dire, cet orgueil était indubitablement les restes de son éducation de Sang-Pur.
-Sincèrement à ce stade, cesser de m'appeler Luke reviendrait à renier la personne que je suis, qui s'est construite au fil des années. L'héritage est un poids, pas un cadeau. Demande à tes cousins comment ils se sentent – James, Albus, Lily. Albus, surtout parce que lui a fait coup double – Severus ! Ton oncle a un grand sens de l'humour, même mon père trouvait que c'était un professeur injuste et exécrable en plus d'avoir été Mangemort.
Luke venait de toucher à un point qui avait agité tout le clan Weasley pendant plusieurs années. Lucy savait que l'ancien directeur avait fini par se trouver du bon côté de la guerre, mais cela faisait-il pardonner tous ses méfaits pour autant ? Et un sourire cynique retroussa les lèvres de Luke et Lucy fit un pas instinctif en arrière.
-Et toi, au fait ... tu te sens comment de porter le nom de ta défunte tante ?
Lucy s'empourpra au détail. Lucy Eugenia Weasley, comme la sœur aînée de sa mère décédée pendant la guerre. La pétillante Eugenia, digne petite-fille de Nobert Dragonneau à qui, d'après Audrey, Lucy ressemblait beaucoup. Et chaque fois, elle devait admettre que l'idée lui mettait l'estomac en vrac – mais c'était davantage dû au fait qu'elle aurait adoré connaître sa tante et ses aventures. A défaut, elle écoutait celles de son parrain Charlie.
-Ce n'est pas pareil, ma tante est morte, répliqua Lucy avec aigreur. Je n'ai pas envie qu'elle vive à travers moi.
-Ah ... Et bien moi je n'ai pas envie qu'un fou-furieux vive à travers moi, ne serait-ce que nominalement. Je trouve même que je fais une excellente action en tuant ainsi son prénom. Alors maintenant, arrête des sombres machinations pour faire de moi un muet une fois qu'on sera entré dans ses toilettes.
Lucy eut un sourire coupable.
-Ce n'est pas ma faute si tu es incapable de résister au sarcasme. Ce qui est, je présume, l'un des charmes irréductibles de ta personnalité ...
-Evidemment. Comment tu veux que j'emballe Mimi sans ça ?
Lucy laissa échapper un petit rire, rassurée de trouver un terrain plus familier. Elle devait l'admettre, la conversation qu'elle avait elle-même provoquée avait fini par prendre un cours qu'elle appréciait fort peu, entre le souvenir de sa tante et l'amertume de Luke.
-Luke, trouve des filles du côté des vivants ... Et peut-être que tu as raison, laissons les morts où ils sont et soucions-nous de notre vie. Maintenant, puis-je avoir la certitude que je mènerais l'entretien ?
-Et que je resterais dans ton ombre ? Tu me prends pour qui, Lucy Eugenia Weasley ?
Lucy retint un grognement devant la vengeance manifeste de son ami, dont les prunelles sombres étincelaient. Il était temps de mettre fin au jeu avant qu'il ne lui échappe.
-Oh, Luke, contente-toi de la fermer, OK ?
Les yeux du préfet roulèrent dans leurs orbites, mais son silence indiqua à Lucy qu'il daignait lui obéir. Ils s'avancèrent alors prudemment de la porte, et hésitèrent un instant avant que Luke ne prenne fermement la poigné pour l'ouvrir. Aussitôt, le son des robinets grands ouverts et déversant des trombes d'eau dans les vasques des éviers devint leur seule réalité. Lucy faillit refermer la porte avec défaitisme, mais Luke la força à entrer. Effectivement, tous les robinets étaient ouverts, et les vasques s'apprêtaient à déborder. Mais le bruit de l'eau contre le marbre ne couvrait pas le moins du monde les sanglots qui parvenait d'une des cabines.
-Mimi ?
-Allez-vous-en ! hurla une voix stridente.
Luke grimaça, et fit mine de vouloir porter ses mains aux oreilles, mais le regard acéré de Lucy l'en dissuada.
-On s'en ira dans deux minutes, promit-t-elle en s'avançant prudemment vers les cabines, tentant d'ignorer l'eau qui inondait maintenant le carrelage. Je te jure, j'ai juste deux petites questions à te poser ...
-Plus de deux, souffla Luke derrière elle.
Lucy lui lança un regard féroce, et articula silencieusement « cuvette ». Les sanglots cessèrent, et les deux préfets échangèrent un regard.
-Qu'est-ce qu'il fait là, lui ?!
Ils firent un véritable bond en arrière et Lucy laissa échapper un cri de stupeur. La tête de Mimi venait de brusquement traverser la porte de la cabine, et ses yeux humides lançaient des éclairs derrière ses épaisses lunettes.
-Ce sont les toilettes des filles, ici ! Pourquoi est-ce que tu es revenu ? Redire que les lunettes me font ressembler à un insecte ? Te moquer encore plus ?
-Ce n'est pas ...
-C'est ça ! (Les yeux de Mimi se remplirent de larme). Je sais tout ce qu'on dit sur moi ! Mimi la moche, Mimi la boutonneuse, Mimi Geignarde ...
-On dit surtout que tu es très sensible, Mimi, tenta Lucy d'une voix douce. Et que ...
-Sensible ! Un autre mot pour dire geignarde ?
-Non, sensible à ce qui t'entoure. Tu es attentive à ce qui se passe autour de tes toilettes, non ?
Mimi plissa ses petit yeux, l'air d'évaluer la sincérité sur le visage de Lucy. Finalement, tout son corps traversa la porte, et elle s'éleva dans les airs pour s'installer sur le rebord de la fenêtre, longeant son menton pointu dans sa main.
-Huuum. Effectivement... Alors ce sont des informations que tu es venue chercher ?
Lucy fut rassurée d'entendre le changement complet de ton dans la voix du fantôme et cessa d'avancer courbée. Elle savait que Mimi aimait se sentir utile, valorisée – et c'était ce qui la rendait si susceptible.
-C'est ce qu'on a tenté de te dire, il y a deux semaines ...
-Oui, je me souviens, gronda le fantôme en dardant un regard noir sur Luke. De toute façon, c'est toujours pour ça que vous venez ici... Soit pour vous moquer, soit pour avoir des informations ...
Lucy se trémoussa, embarrassée par le ton désespéré de Mimi. Elle attendit que le fantôme ait fini de fusiller Luke du regard pour reprendre en s'éclaircissant la gorge.
-Hum ... euh, tu étais dans tes toilettes, il y a trois semaines ? C'était un lundi soir ...
-Oh, non mais vraiment ! soupira Mimi, ses yeux roulant théâtralement dans leurs orbites. L'autre garçon m'a posé exactement la même question ...
-L'autre garçon ? s'étonna Luke en fronçant les sourcils.
Lucy lui donna un discret coup de pied mais Mimi ne parut pas outrée par l'intervention de celui qui l'avait insulté.
-Oui, fit-t-elle, les yeux levés d'un air rêveur. Un garçon mignon, du reste ...
-Tu sais qui c'était ?
-Non, il ne m'a pas dit son nom ... Mais il était à Gryffondor.
Le regard de Lucy croisa celui de Luke. Tous les membres de sa famille avaient pu deviner avant eux l'importance de Mimi, bercés par les histoires familiales, et si on ne prenait que les garçons, seuls Louis et James ressortaient. Mais ça pouvait être n'importe qui d'autre.
-Et, poursuivit Lucy avec lenteur, qu'est-ce que tu as dit au ... garçon ?
-Que je n'avais rien vu.
Luke et Lucy échangèrent un regard chargé de déception. Ils s'étaient attendus à mieux que cela. Puis Mimi eut un grand sourire, et pencha la tête d'un air conspirateur pour minauder :
-Mais j'ai entendu.
-Qu'est-ce que tu as entendu ? s'enquirent-ils immédiatement.
Mimi semblait se délecter de leur impatience. Ravie d'être ainsi au centre de l'attention, elle flotta tranquillement dans les airs avec un soupir de contentement.
-Des bruits de pas. Une dispute devant ma porte. J'ai eu du mal à distinguer les voix, mais si j'ai bien compris, l'un des deux a dupé l'autre. C'est tout ce que je peux vous dire.
Mimi s'étira paresseusement.
-Toute cette agitation ... j'ai l'impression de me retrouver il y a des années ... Quand il venait de me rejoindre dans mes toilettes ...
-Qui ça, « il » ? demanda distraitement Lucy alors qu'elle cherchait quelque chose dans ses poches.
-Harry Potter, susurra Mimi avec un air de délice. Fut un temps où il venait chaque semaine ... Tu es une Weasley ? (Elle contempla le visage de Lucy et renifla d'un air méprisant). La rousseur ne trompe pas.
-C'est vrai, admit la jeune fille. Par Merlin, où est ce que ... Ah ! (Elle sortit triomphalement la photo trouvée par Gethin). Mimi, une dernière question, tant qu'on parle d'oncle Harry ... Tu aurais vu quelqu'un coller ça à ta porte, au tout début d'année ?
Le fantôme de la jeune fille soupira profondément, puis se redressa pour voler jusque Lucy et examiner la photo. Son visage couvert de vilaine acné se crispa.
-Oh.
Les sourcils broussailleux de Mimi se rejoignirent au-dessus de son nez, puis un petit sourire éclaira son visage.
-Qui l'a déposé sur ma porte, aucune idée. Mais j'ai vu une ou deux photos de ce genre ces temps-ci, des photos d'Harry pendant qu'il était à Poudlard, de ci, de là ... Mais dès que je repassais une seconde fois à l'endroit en question, elle n'était plus là. Quelqu'un les a sans doute ramassés comme tu l'as fait.
Lucy fronça les sourcils, et ses yeux tombèrent sur l'image, où la version plus jeune de ses oncles et tantes continuait de lancer des regards affolés au sinistre « Ennemis de l'Héritier, prenez garde ».
-D'autres photos ?
-Oui. Je n'ai pas reconnu les scènes ... Mais Harry je le reconnaitrais entre mille, soupira Mimi d'un air rêveur en s'élevant de nouveau dans les airs.
-Tu en étais amoureuse ou quoi ? ricana sombrement Luke. Waho, il a dû être soulagé quand il a rencontré ta tante, Weasley ...
-Luke, siffla Lucy sur le ton de l'avertissement.
Mais évidemment, c'était parvenu aux oreilles de Mimi. Les yeux du fantôme se plissèrent dangereusement, et ses poings translucides se serrèrent.
-Soulagé ? Pourquoi, parce que je suis boutonneuse ? Parce que c'est une honte pour une fille comme moi de ...
-Non Mimi, ce n'est pas ce qu'il a voulu ...
-Ne me fais pas rire ! (Les yeux de Mimi se remplirent à nouveau de larme). Je sais bien ce que tous les garçons pensent de moi ! Mimi la moche, Mimi la râleuse, Mimi geignarde, j'ai tout entendu !
-A priori, pas tout puisque tu n'as pas changé d'un pouce.
-Luke !
Mimi ouvrit la bouche pour répliquer, mais le seul son qui en sorti fut finalement un gémissement aigue et pitoyable. Elle s'éleva alors brusquement dans les airs pour replonger aussi sec dans un des toilettes afin de se réfugier dans la tuyauterie, le tout avec un long gémissement strident qui fit grincer les dents des préfets. Ils contemplèrent quelques secondes les toilettes par lesquelles le fantôme avait disparu. Lucy rongea son frein un instant, avant de se tourner vers Luke, le feu dans les yeux. Celui-ci leva un regard indifférent sur sa camarade.
-Quoi ? Je n'y peux rien si elle est hyper susceptible ! Et puis, on les a eues, nos réponses !
-Luke. Qu'est-ce que j'avais dit qu'il arriverait si tu oser ouvrir la bouche ?
Le préfet fronça les sourcils, et Lucy désigna la cabine d'un bref mouvement de menton. Luke la fixa, avait de revenir sur la préfète, puis la cabine, puis de nouveau la jeune fille. Un sourire narquois naquit sur ses lèvres.
-Fais ça, et je te fous en retenue.
-Je peux faire la même chose, tu sais.
-J'enlève des points à Serpentard.
-Jina et James seront ravis.
-Je te jette un sort ?
-Luke, la dernière fois que tu as essayé de me jeter un sort, tes oreilles ont triplé de volume, tu veux vraiment recommencer ?
Luke observa le visage de la jeune fille, et la cabine de toilette qui semblait lui ouvrir les bras, l'air d'examiner ses options le plus sérieusement que possible.
-Bon ..., finit-t-il par lâcher du bout des lèvres. Je suppose qu'il ne me reste plus qu'à ... courir.
-Exactement. Tu as ... (elle consulta sa montre) trente secondes d'avance ... Trente ... Vingt-neuf...
Luke laissa échapper un petit rire, et se dirigea d'un pas nonchalant jusque la porte des toilettes. Quand il l'ouvrit avec lenteur, Lucy, agacée, ne put retenir un :
-Et si je te rattrape, je te jure que ton joli minois ira rejoindre Mimi !
-Sûr qu'il préfère rejoindre Mimi que de trainer avec toi ..., glissa-t-il sournoisement en passant la porte.
Lucy tiqua, et contempla le visage taquin de son ami, dont les yeux pétillaient de défi. Elle sentit un grondement sourd lui monter à la gorge, et Luke consentit enfin à prendre la fuite.
-OK, Luke Zabini, zéro seconde d'avance ! vociféra Lucy en s'élançant à sa poursuite, la baguette à la main.
Le rire de Luke se répercuta dans le couloir, et Lucy sentit un sourire naitre sur ses lèvres alors qu'elle accélérait dans un virage. Ils avaient quinze ans, et ils étaient tous les deux préfets. Mais au fond, ils ne cesseraient jamais d'être des gosses.
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