2. Une éponge à nervosité
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Gustave fait la gueule à Barnabé. Il s'est enfermé dans la chambre d'ami de chez moi. Le Barnabé concerné est à mes côtés en train d'attacher ses cheveux ondulés en un chignon. Tatave m'a dit de ne pas trop l'approcher sinon je me mettrais à croire qu'il veut coucher avec moi. C'est ce qu'Agabin disait à chaque fois qu'il le croisait. Et je crois en tout ce qu'Agabin croit.
- Pourquoi vous vous faites la gueule déjà ? demandé-je.
Barnabé soupire.
- J'ai les cheveux gras et il veut pas baiser si j'ai les cheveux gras. Et j'ai dit que moi je faisais des efforts avec ses cheveux pas doux et maintenant il me fait la gueule parce que c'est un sujet sensible. Ouais, le sexe, les cheveux et nous, ça craint.
Je me suis mise à rire naturellement, sans pouvoir m'arrêter.
- Vous m'étonnerez toujours. Va lui parler mais baisez pas s'il vous plaît, je vous prête mes draps pour ce soir je vous rappelle. Vous pouvez prendre une douche au pire. Évitez de me gêner par contre, j'entends tout du salon ou de ma chambre, les murs sont super fins.
On s'est fait un tope là et le gars au ciré jaune a toqué à la porte de mon cousin. Un « Pythagore » crié et un « Ferme-là Thal' » entendu, il est entré. Les deux dorment à la maison pour une nuit étant donné que Théo, mon autre cousin et grand-frère de Gustave a décidé de faire une énorme soirée nulle ce samedi soir. Il m'y a invité. Ainsi, aucune chance de s'endormir en paix pour Gustabé.
Ça fait presque trois ans et demi qu'ils sont ensembles. Plus j'y repense plus je me dis que c'est putain de goal.
***
21 heures, l'heure de me préparer à partir pour la soirée étudiante. J'ai incrusté Lina et Rosalie. Et Rosalie a bien sûr incrusté Malo, son nouveau petit-ami qu'elle plaquera évidemment ce soir parce qu'il s'en branle d'elle à un point ! mais bon, bien fait pour sa gueule d'ange, ce con. (je suis une rageuse m'enfin bon). Cette semaine, il m'a foutu cinquante vents et ne m'a pas fait la bise après avoir fait la bise aux deux autres. Je ne sais pas quel genre de rancœur il nourrit envers moi mais de mon côté, je suis prête à le trucider. Mais vu que je dois paraître inébranlable, je l'ignore du mieux que je peux.
Quand on arrive chez mon cousin à 22 heures, la fête paraît médiocre. Les gens dansent mais traînent davantage sur leurs portables. Bravo les 98. Vous nous servez de modèles pour le futur et vous n'êtes pas foutus de vous enjailler sur deux sons commerciaux.
Je regarde tranquillement Lina et Rosalie danser dans un coin lorsque Delphine me tend une bière. J'ai refusé poliment. Entre-temps, j'ai dégusté des Curly en pensant à ma solitude. C'est vrai que je me sens comme une éponge à solitude parmi tout ce monde.
Barnabé est arrivé à 23 heures, sans Gustave. Il a ramené une tonne de vodka et tout le monde s'est mis aux shots. J'ai de nouveau refusé poliment. Il est reparti trente minutes plus tard, en faisant des tapes aux fesses à ses amis et a annoncé que son con de copain l'attendait en bas allongé sur la pelouse. (by the way Gustave Allain est pas con)
J'ai soupiré en prenant Rosalie en photo. Elle est tellement torchée qu'elle a oublié de rompre avec Malo avant de s'écrouler sur le lit à 2 heures. Elle s'est endormie paisiblement et Lina a dormi à ses côtés. J'ai fermé la porte et ai mis du scotch dessus pour que les gens comprennent qu'il ne faut pas les déranger. En sortant, j'ai attrapé le reste des Curly et me suis enfouie dehors, dans un coin de la résidence, où il n'y a jamais personne : la pelouse. Barnabé et Gustave discutent pas très loin. Ils se chamaillent surtout et quelques fois ils s'embrassent. Dans ces moments-là, je me sens vraiment seule mais fangirle plus que tout. Finalement, ils se sont aidés mutuellement à se relever et sont rentrés à la maison en vélo, dans la nuit, à trois heures du matin.
Comme à toutes les soirées où je vais, je me sens seule. C'est compliqué les soirées où tout le monde boit ou fume. Surtout pour moi qui ne boit et qui ne fume pas. Puis j'ai pas les couilles d'aller danser au beau milieu de monde, sous les regards.
Une vingtaine de minutes plus tard, j'ai envoyé un message à Malo en lui demandant si Rosalie et Lina n'avaient pas été dérangées dans leurs sommeils parce que j'étais en bas et que j'avais la flemme de monter pour vérifier.
Et vu que c'est la seule personne qui ne dort pas qui est arrivé avec la bande à la soirée, je lui ai demandé de me ramener des Curly parce que je n'en avais plus. En temps normal, c'est le rôle de Lina mais bon, ce soir Lina a aussi bu.
Malo n'a pas répondu, il est juste descendu. J'ai reconnu sa silhouette dans le noir, grand, épaules larges, bonne morpho'. Il avait deux bouteilles de cidre dans les mains et un paquet à moitié terminé.
- Tiens.
J'ai accepté le cidre avec hésitation et ai attrapé sauvagement le paquet de Curly. Je me suis sentie bien, à manger au clair de lune avec un inconnu. Il allait repartir. Et j'allais le laisser repartir quand je me suis souvenue que je ne savais pas ouvrir ma bouteille de cidre. Il est revenu et l'a fait avec la coque de son portable. J'aurais bien applaudi d'admiration mais dans cette situation où faut être surtout nonchalant, je l'ai juste remercié en soupirant. Il s'en fiche du fait que je m'en fiche, on gagne du temps à s'en foutre de l'un et l'autre.
Mais vu qu'il fait nuit et qu'il n'y a que lui dans les parages, les émotions ont repris le dessus et j'ai repensé à Rosalie et l'ai pris en pitié.
- T'aimes beaucoup Rosalie ? demandé-je en faisant du mieux que je peux pour prendre un ton innocent.
Il m'a regardé et un blanc s'est incrusté.
- Ouais, elle va casser, j'ai deviné. Dommage, c'était une bonne distraction.
Mes yeux se sont écarquillés à l'entente de sa réponse.
- Parle mieux de Rosalie, c'est pas juste une « distraction », c'est une personne à part entière, je défends vigoureusement.
Il s'est assis à côté de moi et j'ai bougé légèrement pour ne pas être trop près de lui. Les garçons me stressent et Malo sait faire stresser les gens. Me rendre nerveuse ça craint particulièrement.
- Vous m'appelez « Baobab » donc bon je dis ce que je veux, affirme-t-il en haussant un sourcil.
J'ai bu une gorgée pour m'échauffer la voix.
- Excuse-moi mais « Baobab » ça te désigne que provisoirement, bientôt, tu deviendras un « Saule pleureur » parce qu'à nos yeux les ex' apportent la poisse, vu que certains chialent tout le temps.
Malo fronce les sourcils.
- J'ai une tête à chialer pour une fille ?
J'ai ricané.
- Non, t'as surtout une tête à chialer quand on te fait des points de suture.
Il a ricané à son tour.
On ne s'entend pas très bien mais pour l'instant, il ne s'est pas encore moqué de moi.
- T'aimes vraiment bien te poser loin des autres en soirée ? Non parce que ça craint ta cachette, remarque-t-il en terminant sa bouteille.
On ne répond pas dans l'ordre mais la conversation reste fluide. Il y a des blancs mais on fait tous les deux des efforts pour discuter sans irriter l'autre : un exploit. J'ai terminé mon cidre et lui ai trinqué sa bouteille vide.
- Tu veux vraiment taper la discut' ? questionné-je avec un sourire.
Il a haussé les épaules. J'ai haussé les miens. Et je me suis rendue compte que je ne le connaissais absolument pas. Qui est ce gars ? OK, c'est Malo mais je ne sais rien de lui finalement. Rien de rien. À part qu'il vient de Saint-Malo, et ça, ce n'est pas vraiment dingue comme information.
Lui non plus ne me connaît pas. Il sait que j'aime les Curly et les Freedent White, mais sinon c'est nada.
- T'es pas très cool comme nana, remarque-t-il.
Je le prends comme un compliment.
- Je cherche pas à être cool. Surtout que venant d'un gars pas cool qui se considère cool, je me sens plus plus cool que toi là.
Il lève les yeux au ciel en attrapant une poignée de Curly.
- Bon bah je remonte, je veux encore boire du cidre moi.
Il est reparti maussadement et j'ai senti mon cœur tambouriner. Mauvais signe. Depuis quand mon cœur tambourine ? J'ai fini mes Curly avec la mauvaise impression d'avoir fait quelque chose de mal, la culpabilité sur mes épaules.
Est-ce que j'ai flirté ouvertement avec un gars en couple sans m'en rendre compte ? Non parce que je ne sais pas flirter et que ça m'étonnerait que je puisse flirter si facilement.
Je lui ai juste adressé deux trois mots seulement. Rien de fou. Et pourtant, lorsqu'il revient une dizaine de minutes plus tard avec deux autres bouteilles de cidre, je ne dis pas non et oublie toutes ces méchantes réflexions.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu voulais rester là-haut... lâché-je en le voyant décapsuler ma bouteille.
Il hausse les épaules autant que je fronce les sourcils.
- J'ai pensé à une fille seule sur de la pelouse crade. J'ai eu pitié tu vois. Normalement je m'en fiche mais Lucien me tuerait si je ne vole pas à ton secours.
Malo m'a tendu la bouteille comme si de rien était. Mais nos doigts se sont frôlés et prude comme je suis, mes oreilles ont rougi. On se calme Ambre, c'est qu'un Breton qui t'offre du cidre.
- Je n'ai besoin du secours de personne en soirée.
Il m'a cloué le bec en sortant son portable et en me montrant le message affiché à l'écran : « S.O.S. apporte des Curly, je suis en bas. »
- Tu m'as appelé à l'aide tout à l'heure avec ton « S.O.S. », réplique-t-il.
Je me suis tue et ai dévoré les derniers Curly en faisant le plus de bruits possibles pour le dégoûter.
- Je te dégoûte ?
Il sourit.
- Non je m'en fous des filles qui me dégoûtent. Donc ouais tu me dégoûtes.
J'ai terminé les Curly grossièrement pour le défier. Il a sorti son portable et a sûrement envoyé un message à quelqu'un.
- Tu romps avec Rosalie ? anticipé-je.
Nouveau haussement des épaules.
- Pas tes affaires.
On ne s'est pas reparlé après sauf pour se montrer des vidéos youtube. Il a sorti ses écouteurs et j'ai regardé Pewdiepie à l'écran. On est remonté vers cinq heures, j'avais la bouche pâteuse et je le regardais étrangement. Comme si Malo est devenu quelqu'un de bien et fréquentable soudainement.
Une fois il a ri et j'ai trouvé son rire particulièrement adorable. Non sérieusement, ça lui ferait du bien de rire plus souvent comme ça à la place de ricaner comme un con.
Vers six heures, j'ai réveillé les filles. On est sorti une trentaine de minutes plus tard parce que Rosalie prend toujours trois mille ans à mettre ses collants. J'ai croisé Malo dans le couloir alors qu'il rangeait quelques bouteilles pour aider.
- Hé Malo, appelé-je.
Il s'est retourné et m'a dévisagé avec amusement.
- Viens, que je te fasse la bise pour une fois ! poursuivis-je en souriant franchement.
Il a levé les yeux au ciel, je lui ai fait un doigt, il m'a répondu avec un autre doigt et je l'ai abandonné pour sortir avec les filles de la maison. On ne s'est pas fait la bise mais ça compte comme. J'ai soupiré en voyant le soleil qui se lève trop lentement et me suis jurée de ne plus jamais rester trop longtemps chez mon cousin en soirée. Les gagnants dans l'histoire restent Gustave et Barnabé, eux, ils ont tout compris à la vie.
- Je rêve où le mec qui a rompu avec moi t'a souri en partant ?
C'est Rosalie qui a lâché la remarque dans la rue. Lina a hoché la tête de haut en bas.
- Et toi tu lui as souri aussi !
J'ai toussé bruyamment pour faire comme si je n'avais rien entendu sortir de leur bouche.
- Moi sourire à Malo de Saint-Malo ? Jamais ! répliqué-je après avoir compris que mon plan « tousser pour éviter » n'a pas marché.
Lina m'a serrée dans ses bras et Rosalie m'a câlinée.
- Finalement Ambre, je t'autorise à l'avoir comme Baobab à la place de le foutre en Saule pleureur, c'est cool le recyclage.
Lina a chanté du Jacques Brel. Rosalie s'est ramassée par terre au niveau d'un passage piéton. On a éclaté de rire tout en enchaînant avec des pleurs de douleur lorsque je nous ai faites rentrer dans un poteau. Au final, on est arrivée chez moi saine et sauve.
Allongée dans mon lit entre les filles, je lui ai envoyé un message, pour flirter ouvertement cette fois-ci, sous les directives de mes deux amies :
« On m'a autorisé à te donner la chance d'être un de mes Baobab, ça te tente ? »
Il a répondu la seconde qui a suivi :
« Autant que tu me dégoûtes. »
Il était assez beau pour plaire mais pas assez futé pour séduire.
Ce n'était pas très sympa mais ça comptait comme un grand oui et j'ai compris que Malo ne sait vraiment pas parler aux filles.
Comme moi, qui n'a aucun tact avec les garçons.
nda: désolée mais moi je shippe
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