Chapitre 8 : Les Chasseurs de Rêves
Lorsque je me réveillais, j'étais ligotée et bâillonnée, les mains attachées vers le haut, et je ne pouvais que voir. Nous étions dans une grotte, éclairée par du feu. Comme elle n'était pas très profonde, je pouvais voir à l'extérieur, une multitude d'arbres. Donc, j'étais ligotée et bâillonnée, ne pouvant pas bouger d'un pouce sans que j'eusse mal, à l'intérieur d'une grotte dans une forêt, et sans que personne ne sache où j'étais.
Puis, je vis Alexandre, réveillé, lui aussi, qui était dans le même état que moi, sauf qu'il était torse nu, et semblait avoir été poignardé. Par terre, proche du feu, un vieil homme jouait du tambour et une femme chantait soprano, tandis qu'un autre en capuche noir avec un couteau ensanglanté - du sang d'Alexandre - dans les mains se tenaient à côté de lui. Alexandre était en train d'hurler, tellement fort que je me demandais comment j'avais pu ne pas être réveillé. De plus, il n'était pas bâillonnée, lui. Un autre Chasseur de Rêves lui criait dessus :
- Dis-moi le Secret des Rêves ! Dis-le moi !
- Laissez-moi, je ne sais même pas de quoi vous parlez !
- Menteur ! Tu es un des leurs ! Si tu ne le dis pas, je te jure que je vais te...
- Eh, patron ! La fille s'est réveillée ! s'exclama un autre.
Celui qui criait sur Alexandre se retourna et me regarda, menaçant.
- Enfin ! Il était temps !
Il s'approcha de moi, et me prit le menton. Alexandre se débattit contre les liens qui le resserraient, malgré la douleur.
- Non ! Ne crois pas un mot de ce qu'ils vont te dire ! Ce sont des Chasseurs de...
- Bâillonnez-le, ordonna le chef.
Les Chasseurs lui obéirent, malgré les protestations d'Alexandre.
- Non, ce sont des Chasseurs de Rêves, ils...
Le chef eut un sourire gêné, puis enleva le torchon qui couvrait ma bouche :
- Navré, Mademoiselle, ce n'est pas dans notre habitude que nous avons de...
- Pas la peine de mentir, je lui crachais. Je sais déjà qui vous êtes.
Le Chasseur enleva sa capuche. On aurait dit qu'il avait la vingtaine, à peu près. Il était brun, aux yeux noirs, avec des cheveux bouclés et assez longs. Il me rappelait quelqu'un, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus.
- Intéressant..., murmura le Chasseur. Tu es nouvelle, et tu sais déjà ce qu'est un Chasseur.
- On... on me l'a expliqué. Et comment savez-vous que je suis nouvelle ?
- Peut importe. Si tu le sais, tu dois certainement être de bonne famille.
- Que... que racontez-vous ?
- Je raconte que je sais que tu sais le Secret des Rêves !
- Le... le quoi ?
- Ne fais pas semblant. Dis-moi qu'est-ce que le Secret des Rêves... et je vous laisserais peut-être la vie sauve, à toi et à ton petit ami !
- C'est pas mon petit ami ! je protesta.
- Ne leur dis rien, Julie ! me cria-t-il.
Julie ? Je rêve ou il ne connaît pas mon prénom ? C'est alors que ça voix résonna dans ma tête :
C'est pour éviter qu'ils te recherchent, si on s'échappe !
Comment ça ?
Dans les classes, ils nous ont dit que des traîtres travaillent au sein du gouvernement Morphée !
Quoi ?!
Oui, je sais, c'est pour ça qu'ils ne doivent absolument pas connaître ton nom ! Et comment pourrais-je oublier ton nom si splendide ?
Arrête de rire ! C'est pas le moment ! Et comment veux-tu qu'on puisse s'échapper ? Mon père m'avait dit que personne ne s'était échappé des Chasseurs !
Sauf si on utilise Fluffi !
Fluffi ?
Bah oui. Notre lion !
Et tu l'as appelé Fluffi ?
Tu préfères quoi sinon ?
Tout mais pas ça !
Boule de poils ?
Arrête ! C'est pas drôle ! Je préférerais un nom plus... populaire.
Bon, comme quoi ?
- Mais qu'est-ce que vous traficotez, tous les deux ? demanda le chef. Pourquoi vous vous regardez dans les yeux sans parler ?
- Les Maîtres peuvent être bizarres, parfois ! lui répondit un autre.
- Si vous voulez donner un prénom à un lion, vous préféreriez quoi ?
Mais t'es malade ! On ne va pas donner à notre lion un nom venant d'un criminel !
- Pascal ? me répondit le crétin qui tenait le couteau ensanglanté.
- Parfait ! je le remercia. Bon, c'est bien comme ça ? je demanda à Alexandre.
- Mais t'es folle !
- Dans trois, deux, un...
- Mais non, enfin ! protesta Alexandre.
- C'est ça ou la mort ! dis-je, avant de crier : PASCAL !
Il ne vint pas. Ce fût que quand Alexandre soupira et murmura un : Pascal ! à peine audible que le lion arriva. Les Chasseurs n'en crûrent pas leurs yeux. Leur chef frappa celui qui m'avait donné le nom de mon lion.
- Imbécile ! Attrapez-le !
Heureusement, les autres Chasseurs, tout aussi stupide, crurent que leur chef voulait parler de l'autre, et ils se mirent à attaquer le pauvre Chasseur qui m'avait donné l'idée. Celui-ci cria et courut, les autres à sa poursuite, pendant que l'animal totem se bataillait sauvagement avec le chef. Mais, sans armes, ce dernier ne pouvait pas se défendre, et dût grimper dans un arbre pour ne pas être réduit en lambeaux... enfin, pour ne pas être réduit en lambeaux complètement. Alors, Pascal s'approcha de moi, se mit à deux pattes et griffa les liens qui serraient mon poignet. Je me baissa pour enlever ceux qui attachaient mes jambes et lui murmura :
- Va aider Alexandre, il a plus besoin d'aide que moi.
Le lion trottina vers lui et lui enleva les cordages de la même façon qu'il l'avait fait avec les miens. Trop épuisé, il tomba par terre, mais je le retins, ce qui nous mettaient tous les deux dans une situations qui auraient été embarrassante dans d'autres circonstances : il était carrément sur moi, ses deux mains par dessus mes épaules, les miens sous son aisselle, se refermant sur son dos nu.
- Je te le fais, pas dire, Julie, me chuchota-t-il, en me caressant les cheveux. Cette situation est assez délicate.
- Ce qui est délicat aussi, c'est que tu lises dans mes pensées, je lui répliqua, en colère.
- Eh ben dit donc ! Quelle... hum, allure !
Je soupira d'agacement, avant de le faire tomber sur le lion.
- Aïe ! grogna-t-il, en s'asseyant à califourchon sur le fauve. Fais attention, je suis fragile !
- Moi qui croyait que tu n'avais peur de rien ! je me moqua.
- Sauf que c'est pas toi qu'on a torturé ! D'ailleurs, il faudrait vraiment que j'aille à l'hôpital.
- Et comment on fait ? je demanda, à présent inquiète.
- Ne t'affole pas ! me dit Alexandre. Viens, assieds-toi, me demanda-t-il, en tapotant l'encolure du lion.
Je ravala ma salive et m'assis devant lui. Il me câlina, et je me crispa.
- Oh, c'est juste pour que tu ne tombes pas !
- C'est plutôt toi qui tomberas ! Tu es affreusement blessé !
- T'inquiète, j'ai l'habitude ! me dit-il, en me faisant un clin d'œil.
Il regarda en arrière de lui.
- Wow, on dirait qu'on va avoir de la compagnie si on ne déguerpis pas tout de suite ! Bon, à trois, Julie, on dira...
- Tu peux m'appeler par mon vrai nom, d'abord ? je lui demandais, agacée.
- Bon, d'accord Artémis, à trois, on dit "Direction Hôpital Grande-Étoile, d'accord ? Un, deux, trois...
- Direction Hôpital Grande-Étoile ! nous criâmes, tous les deux en même temps.
Le félin poussa un rugissement effroyable, et courut hors de la grotte, avant de bondir très haut, à au moins 3 ou 4 mètres du sol (après tout, dans un rêve, tout est possible). Mais, alors qu'il descendait, un portail, le même que j'ai vu dans le miroir de la classe, se dessina, et nous nous retrouvâmes tous les trois plonger dedans.
Et je me retrouva encore dans l'espace lointain. Mais, étrangement, je n'allais plus aussi vite que la dernière fois. Peut-être à cause du lion ?
- Ce n'est pas à cause de lui, intervint Alex. C'est moi qui lui ai demandé d'aller moins vite que la normale. Je savais que tu as des questions, et je ne sais pas s'ils acceptent les visiteurs autres que la famille à l'hôpital où on va. Et, en tant que ton premier ami ici, il est de mon devoir de te répondre à quelque question... enfin, celles dont je connais la réponse.
- Mais et tes blessures !
- On a le temps, ne t'inquiète pas. Alors ?
- Bien, alors ma première question, c'est...
- Je la connaîs déjà, et oui, il y a bien une façon pour que j'arrête de lire dans tes pensées.
Il se tût, avant de continuer.
- Il faudrait que tu deviennes ma Supérieure.
- Et tu en as ?
- Des Supérieurs, oui. Ce sont mes frères et mon père. Ce sont des Enquêteurs, eux aussi.
- Et ta mère ?
- Une Écrivaine. Les Écrivains sont censés...
- Inventés des scénarios pour les rêves, je sais. Ma mère en est une, aussi. Et tu as combien de frères ?
- Tu veux tout savoir sur moi, ma parole ! s'exclama-t-il.
Je rougis, et il éclata de rire.
- Je blaguais !
Je me retournais pour lui adresser un regard noir, ce qui ne fit qu'augmenter son fou rire.
- J'ai deux grands frères, me dit-il. Et un autre, de onze ans.
- C'est bientôt, alors. Qu'il saura que le Monde des Rêves existe.
- Toi, tu le sais depuis quand ? Aujourd'hui, sinon, la Proviseure ne m'aurait pas demandé de te faire le tour du Bâtiment Étoilé...
- C'est bel et bien aujourd'hui, j'affirmais. C'est drôle, au début, je croyais que mes parents et ma sœur, Jeanne étaient devenus fous. Ils organisaient une fête pour rien... et Jeanne, qui m'avait emmené pour savoir quel marque j'avais vu...
- C'est Jeanne qui t'a emmené près du Mur ? s'exclama-t-il, ébahi.
- Tu la connaîs ?
- Jeanne Soleidor ? Bien sûr ! C'est une grande Maîtresse Couturière ! Tout le monde l'a connaît ! Mon grand frère John, en particulier...
Je n'en crus pas mes oreilles.
- Attends, tu es en train de dire que ma sœur sort avec ton frère ?
Nous écarquillâmes les yeux en même temps.
- Waouh, ça c'est une déclaration explosive, finit par dire Alexandre. Qui sait si ça changera nos vies à jamais ?
- Tu racontes n'importe quoi. Sinon, comment savais-tu tout ça ?
- Comment ça, tout ça ?
- Et bien... sur le lion. Comment faire pour téléporter avec lui, comment faire pour l'invoquer...
- Ils en parlent en cours. J'écoute juste.
- Ah... et qu'est-ce qu'il voulait dire, le Chasseur ? De quel secret voulait-il parler ? De quoi ne devait-il rien savoir ?
Il hésita. Avant de se mordre la lèvre, puis de dire :
- Je ne sais pas. Mais, je croyais que tu le savais, donc...
- Bah, non. Et toi, tu le sais ?
- Non, dit-il, avant de dire au lion : Vas plus vite !
Et pourtant, son ton et son attitude montre qu'il me ment. Il sait quelque chose... quelque chose, qu'il ne veut pas que je sache.
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