- Non ! je hurlais, sans m'en rendre compte.

Techniquement, le fait de pleurer pour un type que je ne connaissais même pas était un peu délirant. Mais cet Alexandre m'avait sauvé la vie, et je ne pouvais pas lui rendre la pareille.

- Ce n'est pas vrai ! Dites-moi que ce n'est pas vrai ! 
- Et ben, t'as carrément flashé sur ce mec..., murmura Jeanne.

J'explosa de colère.

- Il va mourir et ça ne t'empêche pas de faire une blague !

Jeanne recula, ses mains devant elle, comme pour se protéger.

- Oh, du calme ! On n'a jamais dit qu'il allait mourir ! C'est juste qu'Alex dramatise.
- Que... quoi ?

Maman caressa ma joue, enlevant mes larmes de son pouce.

- Le Pédiatre a dit qu'il allait s'en sortir, avec quelques cicatrices, tout au plus... Le problème, c'est qu'il devra rester au lit pendant une semaine - dans le Monde Réveillé comme dans celui des Rêves.
- Et ben ? Il ne va pas pleurnicher pour ça ?
- Non... sauf si son équipe de foot joue la finale demain et que c'était le meilleur attaquant de son équipe... enfin de ce qu'il dit, m'informe Jeanne. Et il pense que ses amis vont le détester.
- M... mais et le Kraken ?

Les yeux de Papa s'écarquillèrent, tandis que ceux des deux autres restaient dans l'étonnement.

- Pardon ? dit ma soeur. Le Kraken ? C'est bien ce que tu as dit ?
- C'est ce que j'ai entendu, moi, dit Maman.

Elles me regardèrent des yeux ronds. Papa intervint :

- Rien qui vous concerne ! Excusez-moi, je dois parler à Artémis, seul à seule.

Il m'empoigna par l'avant-bras, sans me faire de mal, et m'entraîna dans une pièce adjacente à son bureau. La pièce était une vraie fouille archéologique, encadrée par d'immenses bibliothèques. En haut pendait un simple lustre qui éclairait une faible partie de la pièce. Papa se baissa à mon niveau, posant un genoux par-terre, et serrant mes épaules, m'obligeant à le regarder droit dans les yeux.

- Où est-ce que tu as appris ça ?
- De quoi ? je demandais, à présent soulagée qu'il n'est rien arrivé à Alex.
- Le Kraken. Tu n'es même pas censée le savoir... du moins, pas maintenant. Et ça m'étonnerais beaucoup que les Chasseurs t'en parlent.

Je décida d'opter pour la vérité.

- Dans ma tablette. L'onglet des Chasseurs.
- Mais... il y a un mot de passe...
- 1a2b3c4d.
- Mais comment...
- On me l'a dit.

Il se tût, et je décida d'intervenir avant qu'il me repose une autre question.

- D'ailleurs, cet onglet raconte que les Maîtres qui ont reçu le Kraken sont insoignables. Alors Alex ne l'a pas eu ou...
- Oui, Alex a reçu le Kraken. Simplement, l'invention de la potion Nekark est assez récent, et ils n'ont pas eu le temps de le changer.
- Tiens donc, moi qui croyait que Morphée était sur le coup.
- En fait...

Soudain, la porte s'ouvrit, et la tête de Jeanne passa timidement l'ouverture.

- Hum, je ne voudrais pas trop vous embêter, mais il y a toujours Alex qui attend. Et c'est bientôt l'heure de se réveiller.
- Oui, tu as raison, s'exclama Papa. Bon, écoute, Artémis, ta soeur va t'emmener voir Alex à l'hôpital. Ta mère et moi devons travailler, nous ne pourrons donc pas te raccompagner.

Jeanne entra carrément dans la pièce et dit, d'un ton posé et calme :

- Victoria.

Un paon magnifique se matérialisa peu à peu. Le paon était bleu, vert, noir et doré. Toutefois, im était gigantesque, sa tête arrivant au-dessus de celle de Papa, avec une queue en éventail qui touchait le plafond, des pattes aussi grosses que ma tablette, et un espace pour s'asseoir plus confortable que celui de mon lion (en apparence du moins). Jeanne s'assit dessus, les pieds d'un côté, me faisant signe de m'asseoir avant de crier :

- Direction Hôpital Grande-Étoile !

Le paon poussa un cri, avant de battre des ailes et de s'envoler en direction d'un grand trou noir, où on voyait l'espace. Le paon y entra. Il volait assez rapidement, mais bien moins vite que mon lion quand il courait. Dans peu de temps, nous fûmes bientôt arrivés à destination. L'hôpital était gigantesque, et changeait de couleur, comme un caméléon. Après s'être informé auprès de la réceptionniste (qui me demanda au passage un autographe) nous allâmes vers la chambre de mon partenaire. Finalement, nous arrivâmes dans une chambre, où Alexandre discutait avec ses parents et deux garçons plus âgés que lui, que je pris pour ses frères. Dès que j'entra dans la chambre, Alexandre essaya de se redresser, et les autres partirent. Nous étions tous les deux seuls.

- Hum... Alex, ça va ?
- Oui, merci, me répondit-il.

Je tenta de regarder son visage, et non son torse couvert de bandages.

- J'ai deux nouvelles, je commençais.
- Commence par la bonne.
- J'ai vu le visage du chef des Chasseurs.
- Oh, super. Et c'est... ?
- Et bien justement... je ne comprends pas. C'est la mauvaise nouvelle : Michael Jackson.

Il soupira.

- J'aurais dû m'en douter. Il avait changé son apparence. Le type que tu as vu, c'est pas Michael Jackson. Il est trop malin pour dévoiler son identité, même s'il était persuadé qu'on allait mourir.
- D'ailleurs... comment on va faire ? Avec l'enquête des grenouilles ?
- Le prof est venu ici et m'a dit que, vu mes blessures, il allait nous mettre en groupe définitivement si on est le premier duo à résoudre l'énigme. Bien sûr, tu devras le faire tout seul.
- Mmh... et...

La porte s'ouvrit et Jeanne entra, accompagné d'un des frères d'Alex, que je crus être John.

- C'est l'heure de se réveiller. Viens.

Elle me tendit la main, que je saisis. Je sentis mon corps se soulever en des millions de petits pixels. Avant de disparaître, j'envoya à Alex : 

- Au prochain rêve !