-Yvel

L'épéiste arrive dans la salle d'audience, où seule Madja était présente à son arrivée, l'Empereur n'est pas sur son trône, ni même dans cette salle. Yvel pose un genou au sol, plaquant son poing droit contre sa poitrine.

-Bonjour, chère Yvel, comment s'est passée l'arrestation du Tigre du jugement ?

-Le plan s'est déroulé sans obstacle, Dame Madja. Lambda a parfaitement joué son rôle, avec son animal. Le Tigre est actuellement dans sa cellule.

Elle avait du mal à prononcer ses derniers mots, d'où ses nombreuses pauses à chaque fois. 

-Lève-toi, Yvel.

Surprise de cette demande, elle obéit, regardant silencieusement la magicienne devant elle.

-Regarde qui arrive derrière toi.

Des phrases courtes, ce n'est pas du tout le genre de Madja, mais c'est ce que préfère Yvel, pour pouvoir agir plus vite au lieu d'écouter des mots sans intérêt. Son ouïe l'indique que deux séries de pas pénètrent dans la salle, d'un mouvement de tête elle regarde les arrivants... Youmi, non menotté, ayant récupéré son arme, escorté par un garde impérial portant une lance dans sa main gauche.

-J'ai eu la désagréable sensation que vous deux n'avez pas pu tout vous dire, après une absence de 10 ans. J'ai du coup envoyé un garde pour l'amener.

Yvel repose ses yeux vers Madja, demandant avec curiosité :

-Pourquoi il n'est pas menotté ?

-Tu connais la réponse. répond Madja.

La jeune fille se met à réfléchir, alors que Youmi s'avance bras abaissé vers elle, étant surveillé de près par le garde. Madja se retire avec le garde, annonçant un dernier "bonne discussion" envers les deux guerriers.

Ces mêmes guerriers se lancent un regard, pas un regard pour tenter de se comprendre, mais le regard qui veut parfaitement dire "si tu fais un faux pas, c'est le dernier pas de ta vie". Le silence les gagnent encore plus qu'à Volo, surtout que là, Yvel à l'avantage du terrain.

Yvel finit par soupirer de fatigue, se dirigeant vers les marches menant au trône de l'Empereur, mais s'assoit sur une des premières marches, posant son bras droit contre son genou droit.

-Il y a 10 ans. commence Youmi, attirant les yeux de Yvel, il reprit : Notre combat avait été interrompu, sais-tu comment ?

-Un tir perdu d'un de nos soldats dévié dans notre direction.

Youmi ne réplique pas à la réponse, se contentant de regarder autour de lui, admirant l'endroit, sous les yeux d'incompréhension de Yvel... Pourquoi l'envoyer ici ? Armé et pas menotté ?

L'épéiste eut une question dans sa tête, une interrogation qu'elle aurait aimé posée quand Youmi était dans sa cellule.

-Youmi, je veux que tu me répondes, non pas en tant qu'ennemi, ni en tant que prisonnier, mais en tant que l'épéiste que j'ai rencontré il y a des années, pour la toute première fois.

Elle put obtenir la totale attention de son ennemi de longue date, Yvel se mord la lèvre, prête à regretter la question qu'elle va poser...

-Quand tu m'as vue, la première fois... Qu'est-ce que tu as pensé de moi ?

-Youmi

Ce que... J'ai pensé ? Si je prends du recul déjà, je vais devoir faire une réponse longue, mais mes impressions sur elle au début remontent à très loin. Je plonge au plus loin dans mes souvenirs d'il y a plusieurs années, jusqu'au moment que Yvel veut... Alors que le calme régnait, où je me promenais dans le pays des humains, on s'est rencontré pour la première fois. 

De l'admiration, oui, j'éprouvais de l'admiration, là où je doutais constamment de mes propres capacités, de mon maniement de l'épée, alors qu'elle maniait la sienne très bien. Elle me faisait peur également, son refus d'exprimer ses émotions et de se contenter de phrases courtes me fait encore trembler par moment... Si je devais résumer ces deux moments, ainsi que d'autres assez floues...

-Je te voyais comme un modèle. Ton sang-froid et ton calme, ainsi que le fait de ne jamais baisser ta garde. J'ai appris de toi, Yvel, sans m'en rendre compte sur l'instant.

Disais-je sans même sourciller ou exprimer de la gentillesse, ce qui a eu pour effet d'afficher un air de surprise à Yvel, mais quand je la vois aborder un sourire amical, je me sens perturbé.

-Au départ, tu n'étais qu'un jeune débutant tenant ton épée comme un bleu, mais quand je te voyais progresser au fil de nos combats, je te prenais pour un élève que je formais sans le vouloir... Voilà que maintenant, nous sommes de deux camps totalement opposés. me répond Yvel

On s'adresse un sourire mutuel, mais il y a quelque chose que je n'arrive pas à comprendre, c'est d'avoir une discussion normale avec une membre des Pléiades, qui plus est mon ennemie de toujours.

Une alarme casse le silence qu'on avait commencé à créer entre nous deux, Yvel se levant d'un coup, une explosion suivit deux secondes après, vers l'Est de l'Empire. Deux gardes font irruption dans la salle d'audience, Yvel passe à côté de moi, s'adressant aux gardes : 

-Au rapport ! exclama Yvel

-Les Enfants Sombres nous attaquent ! Avec le Corbeau funèbre à leur tête, elle est seule, mais les gardes des murailles ont remarqué un groupe arrivant dangereusement ! Répond l'un des gardes.

-Bordel, Lucie... prononçais-je de vive voix sans le remarquer.

Yvel tourne son regard vers moi, mais je lui fais comprendre d'un simple regard que je ne sais rien de ce qui est prévu, elle me croit. Ses yeux se reposent sur les gardes, elle demande d'une voix forte :

-Où sont les autres Pléiades ?

-Pléiade Lambda est en chemin pour tenter de ralentir le bataillon qui s'approche, les autres membres sont dans les autres pays, sous surveillance.

-Concentrez les soldats disponibles sur l'entrée pour empêcher le bataillon ennemi d'approcher ! Prévenez les tireurs dans le Palais pour repousser le Corbeau funèbre ! Avertissez Dame Madja et l'Empereur seulement si la situation est incontrôlable !

-Oui, Pléiade !

Les deux gardes s'en vont au pas de courses, Yvel soupire de soulagement, je me permets une remarque :

-Tu n'aimes pas parler longtemps, mais tu fais des progrès.

-Silence. me dit-elle, elle finit par tourner son regard vers moi, arborant un air glaçant. Je ne veux avoir aucune victime, que ce soit chez ta rébellion ou chez nous. 

Elle s'approche de moi pour agripper mon poignet droit, et m'exprime clairement : 

-Viens avec moi.

-Lucie

Alors qu'elle est au cœur même d'un conflit avec des forces impériales, une explosion de la porte Est surgit, l'Aigle écarlate avec sa dresseuse sur son dos se dévoile, et en dessous des soldats de la rébellion prêts au renfort. 

Auréa atterrit en une seconde à côté de Lucie et repousse un garde tireur sur un toit de maison, les autres combattants sombres venant aider leurs chefs. Ils reprennent leur marche vers le cœur de l'Empire : Là où est retenu Youmi, entre Lucie utilisant Fune et des animaux de brume pour se battre, Auréa utilise son agilité et les plumes de son aigle pour les ennemis plus loin, même si lesdits soldats sont de plus en plus résistants.

Un vent glacial surgit d'un coup sur le chemin, à la sortie de la rue débouchant sur le palais central, une présence dominante se tient face à eux... Non, deux présences, une personne vêtue d'une cape à capuchon, en compagnie d'un animal ressemblant à un tigre, mais avec des oreilles relativement spéciales... Non, l'animal en lui-même n'était pas un tigre. Lucie, Auréa et les soldats s'arrêtent à l'apparition de l'ennemie du Corbeau...

-Lambda ! crie Lucie

Lambda, dont sa tenue blanche flotte avec la brise hivernale qu'elle a ramenée, laisse apparent son armure d'argent recouvrant l'intégralité de son corps, ses cheveux châtains dépassant de sa capuche, et ses yeux... Contrairement à Yvel, son œil gauche a son iris blanc, tandis que l'œil droit est marron clair. Son animal s'apparente à un tigre, mais avec des oreilles longues comme celles d'un chat en deux fois plus grand, un pelage blanc comme la neige tâché de noir.

-Bienvenue, Enfants Sombres... Corbeau funèbre Lucie. La dresseuse regarde Auréa se mettre à côté de Lucie. Aigle écarlate, membre des 4 Bêtes. sans montrer le moindre signe d'agressivité.

-{6 800... Elle est presque comme moi} songe Auréa dans sa tête, elle déclare à l'attention de Lambda : Nous savons que vous retenez l'un des nôtres dans le Palais, on est venu le libérer

-Je le sais, mais ce n'est pas très poli de contrecarrer nos plans. Normalement, avec vous deux, le Griffon dévoreur aurait dû être présent, ainsi on aurait pu avoir deux des trois bêtes légendaires au même endroit à exterminer... Enfin, ce n'est pas à moi de faire ce genre de commentaires. avoue Lambda

Alors que son animal hurle en direction des deux femmes ennemies, Fune et l'aigle répondent au cri, résonnant dans une bonne partie de l'Empire. Les Soldats Impériaux et ceux de la rébellion se tiennent prêts au premier qui tentera une offensive.

-Enfants Sombres ! Soldats Impériaux ! Baissez vos armes !

Après cette prononciation élevée, une fusée éclairante violette est tirée depuis derrière Lambda, attirant le regard de tous ceux présents vers la source... Et pour cause, Yvel était là, tenant un pistolet de détresse dans une main et un sabre dans l'autre, et Youmi menotté à gauche d'elle.

Les soldats de l'Empire ignorent comment réagir, entre la menace de la rébellion et l'ordre de la Pléiade. Yvel, en poussant Youmi pour le faire avancer, vont vers le milieu du champ de bataille entre les deux forces, sous le regard d'incompréhension de tout le monde

-Youmi... prononce sans discrétion Lucie.

Yvel et Youmi s'arrêtent devant les soldats de l'Empire, face à Lucie et Auréa. La fille azur pousse Youmi vers Lucie pour qu'ils se retrouvent, la jeune femme aux cheveux d'argent ne manque pas de faire un câlin à son ami de longue date. Quand ils se décollent, Yvel envoie une clé à Lucie.

-Mon offre ne sera valable que sur l'instant : Cette clé libérera le prisonnier de ses menottes, mais fonctionnera que quand vous serez sorti des murailles. Je ne veux aucune victime, que ce soit chez nous ou chez vous, partez maintenant et nous ne montrerons plus aucune offense à votre égard quand vous sortirez.

-C'est de la folie ! déclare ouvertement un des soldats impériaux

Yvel se tourne subitement vers là d'où provenait la voix, s'exclamant :

-Qui a parlé ?!

Aucun soldat ne répond, ce qui rassure intérieurement Yvel, la guerrière jette un regard à l'Aigle écarlate, s'échangeant un regard même si le visage de l'aigle est caché par un casque. Yvel envoie le sabre dans le fourreau qu'elle tenait dans sa main gauche vers Auréa, cette dernière le récupérant.

-C'est l'arme du prisonnier.

-Yvel ! voix de Lambda

La guerrière tourne la tête vers son interlocutrice, qui s'avance d'un pas énervé.

-L'Empereur et dame Madja ne pardonneront pas cette initiative !

-Je ne cherche pas à me faire pardonner. Elle se met à totalement ignorer son amie, regardant une dernière fois les Enfants Sombres. Dépêchez-vous de partir, sinon il sera trop tard.

-Merci, Pléiade Yvel. prononce Auréa.

Lucie et Youmi montent sur Fune, Auréa appelle son aigle et tous les membres des Enfants Sombres se rassemblent autour d'elle. Comme pour l'évasion de la prison de Deephold, les soldats sont enveloppés dans une bulle rouge, et l'aigle s'en va avec ladite boule, partant vers le pays des hommes-loups.

-Yvel

-{Tu n'as pas intérêt à oublier ta promesse.}

-Yvel, explique-toi, et je ne veux pas de réponses brèves.

Soupirant, Yvel regarde son amie Lambda, visiblement énervée.

-Cela fait longtemps que l'énervement n'a pas gagné ton regard, Lambda. Je n'ai pas l'obligation de te répondre.

-De quel côté êtes-vous, dame Yvel ?! demande un des soldats

D'autres soldats acquiescent les propos de celui ayant posé la question, provoquant un sentiment de malaise à Yvel, un malaise devenant lentement une flamme de colère voulant faire taire tout le monde.

-La lumière est toujours en elle, mes enfants.

Cette voix, elle fait tourner tous les regards dans sa direction : L'Empereur, les bras croisés, marchant vers Lambda et Yvel. Lambda pose un genou au sol, ce que s'apprêtait à faire également Yvel, mais un mouvement de main de l'empereur lui fait signe de rester debout.

L'Empereur et Yvel se font maintenant face, malgré la taille légèrement plus grande de Kartis.

-Les Pléiades sont mes soldats d'élites parmi les élites, ma garde personnelle. Chacun est libre d'avoir ses propres objectifs, tant qu'ils les assument, je ne force personne à rester sous mon drapeau contre leur volonté. Yvel, si tu veux renoncer à ton titre, tu as seulement à me le demander, cela justifiera cet acte immoral.

-{Mon acte n'était pas immoral, il était voulu de ma part à l'instant où le Corbeau funèbre était prête à foncer seule au Palais} Mon corps et mon âme ne servent que vous, Altesse. Ma soif de combat éteinte depuis 10 ans, qui s'est réveillée après le réveil du Tigre du jugement, m'a obligé à le libérer pour que dans le futur, je puisse livrer un combat comme on en faisait depuis longtemps.

En vérité, elle savait que les mots de l'Empereur étaient faux, à l'instant où quelqu'un renonce à l'Empire, il subit le lavage de cerveau de l'Empereur, ou se fait exécuter dans les secondes qui suivent.

-J'espère que tu as pu avoir la conversation que tu voulais avec le Tigre.

Un messager arrive au pas de course à la position de l'Empereur et des Pléiades, il s'empresse de poser un genou au sol.

-Je viens au rapport, on a reçu un message d'alerte de la prison Bitterhold, à Blikia ! Ils subissent une attaque des Enfants Sombres !

La surprise frappe comme un éclair les Pléiades et l'Empereur, ce dernier demande :

-De quand date l'information ?

-Quelques minutes, on l'a reçu pendant l'assaut sur l'Empire !

-{Pendant qu'ils libéraient Youmi... Un autre groupe est allé dans la prison où est retenu...} songe Yvel, mais elle ne termine pas ses mots, surprise que cette rébellion puisse attaquer à deux endroits simultanément, pour un objectif similaire.