Ils m'emmenèrent aux limites de la ville mais à l'opposé du repaire de la communauté. À la limite des bois, c'était une petite cabane en bois, sombre et délabrée. Mais nous nous dirigeâmes derrière celle-ci, où un petit escalier en béton, caché par une bâche en plastique, menait droit à une porte métallique semblable à celle d'un véritable bunker. Baycoton regorgeait de bien des surprises visiblement. Derrière les trois Reptiles, je les observais se lancer des petits regards, attendant devant l'entrée. L'un d'eux toqua trois fois de manière irrégulière, puis une quatrième fois un peu plus tard. Ce fut un gaillard assez grand, d'une tête de plus que moi certainement qui nous ouvrit. Roux, barbu, le regard sévère et barbare, il nous laissa entrer tout en regardant derrière nous avant de refermer.

L'extérieur ne trompait pas, je venais d'entrer dans une sorte de bunker aux murs de bétons, aux couloirs pas très larges, quelques lampes éclairaient par-ci par-là, mais le plus marquant était que le lieu semblait vivant. À peine entré, je vis plusieurs personnes circuler dans ces mêmes couloirs, ils discutaient, débattaient ... mais très peu souriaient. L'ambiance semblait très sérieuse contrairement au repaire.

Les trois lézard marchèrent calmement dans ces mêmes couloirs. Je les suivais dans la plus grande des méfiances, croisant le regard des autres individus qui me dévisageaient. Certains restaient bouche bée de me voir ainsi vagabonder dans cet endroit, puis d'autres me souriaient, sûrement satisfaits de ma présence, m'enfin je leur répondais toujours de mon regard noir. 

Nous arrivâmes devant une autre porte métallique à l'apparence plus blindée que les autres que j'avais pu voir. 

- C'est ici, dit un des trois guides.

Il m'ouvrit la porte, j'entrai sans un mot. J'atterris dans une pièce dont seul le centre, où était une table visiblement d'opération, était correctement éclairé. Je pu voir deux individus immobiles qui étaient présents, ils semblaient collés au mur, je ne vis donc pas plus haut que leurs ceintures, mais je n'étais pas serein.

Un silence pesant régnait, nous étions trois, j'en étais sûr, mais aucun ne prononçait un seul mot. Sur la table, un plan de la ville, des marques un peu partout, je remarquai des photos, des portraits, des Loups-Garous, le Wendigo, Erevan, mais ce qui me marqua le plus ... c'était deux portraits, le mien et celui d'Éléanore.  

- Tu t'es décidé ?

Je vis une petite lumière luminescente dans l'obscurité qui bougeait. La voix qui venait de parler m'étais étrangement familière ... ne sachant quoi penser et quoi ressentir, je grognai, et m'approchai du centre de la pièce.

- Tu ne me l'aurais jamais dit hein ? Soupirai-je en regardant la table.

- Nope, répondit la voix en s'avançant vers la lumière, mais je savais qu'à un moment ou un autre, tu viendrais, déclara Cole cigarette à la bouche.

Je fermai les yeux, tentant de ne pas me laisser envahir par la colère.

- Pourtant ça n'est pas faute d'avoir essayé d'envoyer des hommes pour venir te convaincre.

- Ils m'ont plus servi d'amuse-gueule qu'autre chose tes larbins.

- Je le sais.

- Tu es leur chef depuis le début ?

- Pas depuis le début non. Le Wendigo l'était. Et c'est quand nous avons tué leur chef, et donc brisé leurs espoirs, qu'ils m'ont réclamés en m'expliquant tout. Je n'ai rien créé, mais j'ai fait tout avancer. Ce que tu vois autour de toi, c'est grâce à moi, tous ces membres de la communauté, peu importe ce qu'ils sont, sont libres ici.

- Et Erevan ?

- Il ne connait pas ce lieu, et j'ai fais en sorte qu'il ne puisse pas y apparaître.

- ... Qui te dit que je n'irai pas le lui rapporter ? 

- Parce que sinon tu ne serais pas ici. Edward Owens ne perd pas son temps avec ce qui ne l'intéresse pas.

- ...

Il posa ses mains sur la table et se pencha vers moi, plongeant ses yeux dans les miens.

- Tu regarderas Edward, mais ici, c'est le dernier espoir de beaucoup. 

- Oui oui ils sont inférieurs et vulnérables blablabla ... 

- Et c'est le cas ! S'écria-t-il, et comme si ça n'était pas suffisant, la prochaine étape c'est l'extinction de plusieurs créatures ! 

- De grosses pertes, vraiment.

- Mais enfin Edward ! Il a ordonné une traque ! Une traque !!! Tu te rends compte ? Des membres de la communauté vont chasser d'autres membres de la communauté, tout ça parce que ces derniers en ont marre de leur situation ! 

- Ils ont passés un pacte.

- Donc tu va me dire que pour toi le pacte te convient à merveille ? 

- ...

- Alors rejoins-nous.

Il avait vu juste. 

- On se connait Edward, reprit Cole, tu sais que je n'entreprendrais pas tout ça, je ne me casserais pas la tête avec tout ça si ça n'en valait pas la peine ! Ce qui nous attend, à la fin, c'est une liberté totale ! 

- Ou être réduits en cendres. 

- Ça c'est ce qui nous attend si tu ne nous rejoins pas ! 

- Et pourquoi je devrais être l'instrument de votre plan ?! Pourquoi je devrais absolument vous rejoindre avant que vous n'entrepreniez quoi que ce soit, hormis me suivre à la trace à m'envoyer des foutus Reptiles aux trousses ?!!

- Parce que tu es le Vampire Edward ! Tu es le seul immortel parmi nous ! Erevan est considéré comme immortel, si nous n'en avons aucun chez nous, nous n'avons aucune chances ! 

- Tu connais ta définition d'immortel Cole ? Même si je suis avec vous, on ne sait pas comment le battre, et je suis encore moins sûr du fait que je sois immortel face à lui.

- Sauf qu'à présent, nous savons.

- Vous savez quoi ?

Le troisième individu dans la salle s'avança au milieu de la pièce, d'une démarche lente.

- Grâce à lui, sourit Cole.

- Ravis de te revoir Edward, articula une voix rocailleuse.

Je vis avec stupéfaction un homme, âgé, très âgé, la barbe et les cheveux grisonnants, ridé, les yeux complètements noirs, légèrement bossu. Cet homme, aussi vieux soit-il, était une des rares légendes au sein de la communauté. Non pas par ses actions, non pas par sa faculté à avoir survécu, mais parce qu'il était le tout premier Médium d'Erevan. Je ne l'avais vu qu'une seule fois dans ma vie, le temps de trente secondes, à ma première entrée au repaire. Il m'avait expliqué tout le fonctionnement de la communauté presque en une fraction de seconde. Mais je ne l'avais plus jamais revu. Je restai muet.

- Nous savons ce que nous devons savoir maintenant grâce au vieil Edmond, ajouta Cole, et c'est pour cela que nous avons besoin de toi au sein de la résistance. Nous avons besoin de légendes, et tu en fais parti, Edward.

Je laissai encore un silence le temps de quelques secondes. Je réfléchissais. 

- Ça n'est pas vain ? Demandai-je au vieil Edmond.

- Non ça ne l'est pas, m'affirma-t-il en regardant les plans sur la table.

Cole me tendit sa main au dessus de la table.

- Marché conclu ?

Je regardai sa main, puis tendis la mienne. Nous nous serrâmes fermement la main.

- Marché conclu, répondis-je.