Inconfortablement installée sur les épaules de quelqu'un, je me réveillai lentement et douloureusement. Un sac sur ma tête, je ne voyais rien, ne sentais rien et n'entendais que très peu. J'entendis une porte s'ouvrir sous un fracas métallique, puis cette dernière se referma derrière nous. De par le nombre de bruits de pas, je devinais plusieurs personnes autour de nous, ce qui ne me rassura absolument pas. Qui étaient ces personnes ? Pourquoi étais-je là ? Que me voulaient-elles ? Qu'allait-il m'arriver ? Je restai immobile, mais au fond, j'avais envie de m'enfuir à l'autre bout du monde.

La personne sur laquelle j'étais s'arrêta et m'installa sur ce qui semblait être une chaise, puis m'attacha les poignets sur les accoudoirs. Je fermai les yeux et continuai de ne pas bouger. On me retira le sac, je gardai les yeux clos pour simuler un sommeil douloureux, puis les ouvris très lentement, cette fois-ci réellement difficilement à cause d'une luminosité éclatante, produite par une sorte de projecteur dans un coin de la pièce. Je ne vis personne devant moi, juste le projecteur qui m'aveuglait. À nouveau derrière moi, le bruit métallique de la porte se fit entendre, des bruits de pas s'éloignèrent, des gens étaient en train de sortir de la pièce. Puis la porte se referma. 

Sauf que quelques instants plus tard, je me rendis compte que derrière moi, devant la porte en question, quelqu'un était là, et l'individu commença à s'approcher de moi, lentement. Je sentais qu'il m'observait. Quelques fois je l'entendis souffler, puis inspirer avant d'expirer. Il passa à côté de moi, et se positionna face au projecteur. Je ne voyais presque rien, il n'étais pour moi qu'une forme humaine noire, complètement en contre-jour. Je devinai ensuite qu'il se retourna et faisait face à moi, m'examinant du regard, mais je ne voyais toujours pas son visage.

Sans un mot, il s'approcha un peu plus de moi et posa ses deux mains sur les côtés de ma tête.

- Qu'est-ce ... qu'est-ce que vous faites ? Qui êtes-vous ?! Demandai-je surprise.

Pas un seul mot de réponse. Il resta ainsi quelques secondes durant puis recula pour rester immobile à nouveau. Il amena sa main jusqu'à ses lèvres et en retira ce qui malgré le contre-jour, semblait être une cigarette. Il expira un nuage de fumée juste sous mon nez avant de commencer à parler.

- Éléanore Dubois ? Demanda-t-il froidement.

Je répondis peu rassurée d'un hochement de tête.

- Tu es humaine donc ?

- Comment ç ... oui ... oui je le suis.

Face à cette question, je repensai directement au cas d'Edward.

- Depuis combien de temps connais-tu Edward Owens ?

- Pas longtemps, vraiment pas longtemps, on s'est rencontré par hasard !

- Par hasard ? Répéta-t-il douteux.

- Oui ! Il ... euh ... il m'a ... comment dire ... 

- Mordue.

Je le fixai du regard. Était-il au courant ?

- ... mordue ... marmonnai-je

- Ne me regardes pas comme ça, parles normalement.

- Donc il ... m'a mordue, et puis il m'a gardée à ses côtés.

- À ses côtés, comme ça ? Sans services ? Sans menaces ? 

- Il n'a pas été très ... enfin il n'a pas forcément utilisé la politesse mais il ne m'a demandé aucun service non ...

- Et pourtant il te garde à ses côtés ... 

- Oui.

La porte s'ouvrit derrière moi et se referma aussitôt. Quelqu'un entra. Je vis un homme venir aux côtés de mon interlocuteur, d'une démarche lente et difficile. Tous deux dos au projecteur, j'étais maintenant face à deux ombres.

- Elle parle ? Demanda le nouvel arrivant.

Sa voix était faiblarde et mystérieuse, mais ce dont j'étais sûre, c'est que c'était celle d'un vieillard.

- Elle parle, mais elle n'apporte rien. Je dois dire que c'est assez exceptionnel parce que je n'ai jamais vu Edward se comporter comme ça avec un humain.

- C'est une humaine, rétorqua le plus âgé.

- Mais ça reste la même race. Impossible qu'il se lie avec eux.

- C'est ce que tu crois.

- Je le sais. J'ai passé beaucoup trop de temps avec lui pour ne pas le savoir. 

- Et même si ça n'était pas le cas, tu ne penses pas que tu pourrais te servir d'elle justement ? 

- Comment ?

- Expliques lui tout, et fais ce que tu sais faire le mieux.

- Qu'est-ce que vous dites là ? Dis-je apeurée, qui êtes-vous ?! Pourquoi je suis ici ?!

Mon interlocuteur approcha son visage du miens et je pu instantanément reconnaître le blond qui était venu nous rejoindre au bar avec Edward la dernière fois, avec sa cigarette entre les lèvres. 

- Tu vas pouvoir nous aider en effet, bien plus que je ne pensais. Écoutes bien ce qui arrive.

Sans ma permission, il posa ses deux mains sur ma tête. Des voix résonnèrent sur le coup, mais elles résonnaient dans ma tête ! Que se passait-il ?! Je ne pouvais plus bouger, mes yeux s'étaient fermés tout seuls et je n'arrivai plus à penser par moi même ! Ces voix étaient multiples, des femmes, des hommes, des enfants, des vieux ... Ce qu'elles disaient était incompréhensible. Puis une voix, une seule parvint à moi clairement, une voix distincte, qui se démarquait des autres ... c'était celle de mon interlocuteur. Il commença par dire mon prénom, comme pour capter mon attention, puis petit à petit, j'eus l'impression de sombrer dans un sommeil profond, tout en écoutant cette voix qui commençait à me lister toute une liste de choses à faire, tout en me disant comment les faire, une fois, deux fois, trois fois ... en boucle ... encore et encore.