De l'eau, beaucoup d'eau tombait sur moi. De l'eau très froide. J'étais complètement trempé. Mes yeux finirent par s'ouvrir, et je fusillai du regard, le ciel qui ne cessait de me verser toute la pluie du monde sur la gueule. Il faisait toujours nuit, combien de temps étais-je resté inconscient ? Certainement pas plus de deux heures. Je me relevai, un peu douloureusement, tout en prenant soin de passer ma main sur mon visage, mes blessures s'étaient guéries. 

Ces Reptiles ... ces foutues Reptiles m'avaient bien amochés. C'était la première fois que cela m'arrivait. J'étais immortel, oui, mais mon immortalité me permettait juste de ne pas mourir définitivement. En revanche, le poison de Reptile, surtout avec la quantité que j'avais pu reçevoir, mon corps lui, avait été mourant. Ça n'était pas normal que je sois réveillé aussi tôt, de base, j'aurais estimé mon réveil après deux jours d'inconscience, le temps que le poison s'estompe. Mais j'avais bien senti que pendant mon profond sommeil, quelque chose m'avait permis de me régénérer.  

Quoi qu'il en soit, je n'avais qu'un objectif en tête, celui de m'expliquer à ma façon avec les Reptiles, car aussi clément que je pouvais l'être, tous les membres de la Communauté savaient qu'on ne m'attaquait pas, et encore moins qu'on m'envoyait dans les bras de Morphée. 

En marchant, je vis mes vêtements ... principalement déchirés à cause des griffures. Ma haine n'en fut que nourrie. Je savais exactement où était le repaire des Reptiles, de la même façon que les Loups-Garous restaient au cimetière, eux s'amusaient dans les réseaux souterrains de la ville.

Je dû juste marcher le long de quelques rues pour trouver une bouche d'égout. Une fois fait, j'ouvris celle-ci et pénétrai l'un des endroits que je détestais le plus dans cette foutue ville. Ces souterrains étaient sales, mal éclairés par des petites lampes à peine entretenues, les murs suintaient l'humidité et l'eau arborait une couleur verte écœurante. Mais le pire de tout, c'était les rats morts. Ces immondices dont les cadavres pourrissaient à longueur de journée, produisait une odeur de sang qui planait sur tout le réseau, et c'était sans conteste l'odeur la plus repoussante au monde. Sans compter sur le fait que le sang en question était sûrement le dernier auquel j'avais envie de goûter.

Le seul problème était que les Reptiles n'avaient pas de repaire précis dans cet endroit, je devais donc chercher un peu à l'aveuglette ces saloperies d'écailles sur pattes. Je marchai longtemps à l'intérieur, passant par des endroits éclairés, d'autres non, certains plus propres que d'autres, moins odorants ou pas. Puis quelques fois, j'eus l'impression de tourner en rond, d'emprunter les mêmes chemins, de revenir sur mes pas, de me retrouver devant les mêmes murs, les mêmes intersections, les mêmes rats morts. 

À un moment, étant dans le noir total, m'arrêtant à côté d'un mini cimetière de rats, j'entendis non loin de moi des voix, deux.

- Va falloir le rejoindre avant que le pire n'arrive ! 

- Tous les autres sont avec lui, mais on est censé lui ramener l'immortel si on revient vers lui !

- Alors pourquoi les autres sont avec lui ?

- Je suppose que si on échoue il les enverra aussi.

- Parce que tu veux aller le voir ?! Tu sais que y'en a déjà trois qui y sont passés là ! Il ne les a pas épargné ! 

- Oui mais on a été désignés pour ça alors on doit le lui ramener.

- J'ai pas signé pour ça hein ! 

- Moi non plus, mais c'est ça ou rien.

Saoulé de ces blablas, je marchai vers ces deux insupportables voix et tombai nez à nez avec deux individus que je supposais être des Reptiles. Leurs visages transpirèrent de surprise lorsqu'ils me virent.

- Bon les langues fourchues, de qui vous parlez là ? M'imposai-je.

- Tu es le Vampire ?

- En chair et en crocs, maintenant répondez à ma question, insistai-je.

- On parlait de toi justement ! Nous sommes censé te convaincre de rejoindre la résistance ! 

- La résistance ! Gloussai-je.

- Oui, Liber ... 

- Oui oui Liberté, je sais ça, une autre tête d'écaille m'en a parlé.

- Tu veux donc nous rejoindre ?

- Il est actuellement en train de se vider de son sang alors je te laisse deviner ma réponse.

- Mais si on veut réussir, il faut qu'on s'allie tous ! 

- Sauf que je n'ai pas besoin de faire tout ça moi. Maintenant répond à ma question sérieusement, de qui vous parliez, autre que moi juste avant que je n'arrive ?

- Mais Liberté nous permettra à tous de faire disparaître cette dépendance qu'on a envers le Démon ! 

- Bon, soupirai-je, puisque vous ne semblez pas comprendre ce qu'Erevan pourrait vous faire, je vais m'occuper de vous.

D'un geste rapide de la main, je décapitai l'un des deux qui ne vis pas le coup arriver, et plantai sans retenue mes crocs dans le cou de l'autre tout en m'abreuvant de son sang. Je profitai du fait qu'il était dans sa forme humaine pour le vider car le sang des Reptiles à l'état animal était écœurant. 

Alors que je finissais d'aspirer les dernières gouttes, quelqu'un non loin de moi, à quelques mètres derrière, applaudissait lentement, et s'avançait sous de gros bruits de pas. À ses premiers mots, je reconnu directement à qui appartenait la voix.

- Je peux savoir la raison du pourquoi depuis quelques heures, je reçois des âmes, mais des âmes qui me semblent familières ? 

Je me retournai en lâchant le corps du Reptile et fusillai Erevan du regard.

- Peut-être parce que ce sont celles de la Communauté, répondis-je le sang aux lèvres.

- Et justement, ça n'est pas ton rôle de me les renvoyer alors je veux savoir qu'est-ce qui justifie cet élan sanglant ?

Je pris le temps de réfléchir à ce que j'allais répondre car si je dévoilais l'existence de ce foutu groupe,  je ne savais pas encore ce qui pouvait arriver, et je n'étais toujours pas trop sûr de la position de Cole.

- Il se trouve que certains d'entre eux se sont montrés un peu trop collant voir un peu trop invasifs, j'ai dû rectifier ça.

- Invasifs ?

- Un peu trop.

- Tu es sûr de ça ?

- Bon à présent, dis-je en regardant les deux cadavres, ils le seront moins mais ça m'embêtait.

- Tu es sûr que tu ne me caches rien Edward Owens ?

- Si oui, il reste une chose.

- J'écoute.

- Ces raclures m'ont mis à terre tout à l'heure, c'est aussi une des principales raisons de mes actions.

- Mis à terre ?

- Je les ai sous-estimé et ils ont sortis leur poison.

Il me fixa sans dire un mot, puis regarda les deux cadavres dans mon dos pour me fixer à nouveau.

- Il ne faut jamais sous-estimer celui qui est en face de toi.

- C'est noté dans mes mémos, souriais-je.

Son visage maintenait un air grave et sérieux. Il se retourna en silence et commença à s'en aller.

- Je veux mes âmes Edward, lança-t-il par dessus son épaule.

Il disparut dans l'ombre des tunnels crasseux. Me laissant ainsi là, à côté de deux corps qui commençaient au vu de l'odeur, à pourrir tout doucement. Je n'étais pas déçu de ce que j'avais fait, mais j'aurais préféré tomber sur toute une colonie de lézards en train de roupiller ... mais bon, c'était déjà ça. À présent ma priorité était de retrouver mon humaine qui s'était échappée je ne sais où et qui pouvait se trouver n'importe où dans cette sombre ville.