IV - La traque funèste
Direction le cimetière de Baycoton. L'un des lieux les plus sinistres que je pouvais connaître dans cette ville. Un endroit sombre, lugubre, étrange, avec une brume si épaisse qu'on se demandait si ça n'était pas la poussière d'os des cadavres qui pourrissaient là depuis des siècles et des siècles. C'était de loin l'un des lieux que je préférais visiter le moins. Non pas parce que je n'y trouvais pas vraiment un nombre de repas convenable, ça c'était une autre histoire, mais parce qu'il était réputé pour accueillir pas mal de créatures peu appréciables venant toutes, ou du moins à ma connaissance, de la communauté. À une époque, des loups-garous en avaient fait leur territoire après qu'Erevan les ait viré de la ville pour manque de discrétion, mais je n'avais plus jamais eu de leurs nouvelles. Mais malheureusement pour moi, notre cible avait tout pour se trouver là.
Mais pourquoi dans un cimetière, allez-vous me dire ; et bien selon les légendes, le Wendigo, créature peu amicale à l'haleine pas fraîche, est une créature anciennement humaine qui s'est habituée à manger des corps humains, vivants ou non, avec ou sans sauce, et qui du coup a développée une énorme addiction à ses repas de riches. Ce genre de Wendigo n'est là que ceux des légendes, mais Erevan ne nomme pas ses créatures aléatoirement. Et bien évidemment, le cimetière est l'un des meilleurs endroits pour trouver des corps sans problèmes.
Enfin sur les lieux, nous arrivions devant la grille principale, froide et rouillée. Grande de plusieurs mètres, elle était fermée par de lourdes chaînes métalliques munies d'un cadenas de moyenne taille. Cole attendait là, devant la grille, et devinant mon premier rôle en ces lieux, je m'empressai d'arracher le tout sans difficulté, et nous ouvrai la route vers le paradis mortuaire.
- Restes proche de moi, ne vas pas te faire bouffer tout seul, conseillai-je à mon acolyte.
Cole avait beau être redoutable, il n'en était pas moins mortel. Notre cible était également à ne pas sous estimer, le Wendigo est puissant, mais il possède aussi un odorat sur-développé et il était probable que ce dernier avait déjà connaissance de notre présence sur les lieux. Nous marchions dans une étroite allée, cernée de grands murs de bétons ou de tombeaux et de cryptes. Au fur et à mesure que nous avancions, l'air se faisait de plus en plus frais, de plus en plus humide. Nous arrivâmes à la fin de l'allée, devant un mur ; à gauche et à droite, deux autres grands chemins s'ouvraient nous, tout aussi étroits.
- On fait les cons et on se sépare ou tu veux que je te tienne la main ? Lançai-je.
- Je suis droitier, je vais à droite.
- C'est une raison de merde ça j'suis pas gaucher.
À peine eus-je le temps de finir ma phrase qu'il partait déjà pour le chemin de droite.
- Tu sais que dans l'Égypte ancienne la gauche était considérée comme un symbole de malheur ? M'écriai-je ironiquement.
Tout en avançant, il me fit un doigt d'honneur.
- Très bien je vois.
Je commençai à marcher calmement dans l'allée de gauche qui me semblait bien moins accueillante que celle de droite. Sûrement à cause du fait que trois énormes arbres aux feuillages bien garnis empêchaient les rayons de la lune de pénétrer le cimetière, et je me retrouvai ainsi dans une obscurité malsaine avec toujours ce froid désagréable et ce silence à présent pesant.
Quelques minutes de marche plus tard, après deux trois virages dans la même allée, j'entendis un bruit au loin, comme un cris lointain. Ça aurait pu être une simple hallucination de ma part, mais quand j'entendis à peine quelques secondes après un autre bruit à la même distance, une sorte de fracas, comme si on brisait des murs, je me demandais si dans ce cimetière ... ce n'était pas la droite finalement qui portait malheur. Devais-je revenir sur mes pas et aller voir ce qu'il s'était passé du côté de mon compagnon ? Ou devais-je continuer ma route en ne sachant absolument pas ce que je pouvais trouver ? Je ne savais pas trop quoi faire. Jamais ou presque depuis ma transformation je n'avais ressenti une quelconque inquiétude, mais ce lieu très peu sûr ... et le fait d'avoir laissé mon Médium favori vagabonder seul ne me laissait pas indifférent. Mais aucun bruit ne refit surface, ce qui m'encouragea à choisir de continuer d'avancer.
Arrivé à un angle, juste avant que je ne tourne, j'entendis tout près, des bruits étranges. L'obscurité prodiguée par les feuillages des arbres m'empêchait de voir une éventuelle ombre, mais plus je m'approchais, et plus j'analysais ces étranges petits sons qui ressemblaient plus à des bruits de léchouille. À chacun de mes pas, quelque chose devenait de plus en plus étrange là dedans, c'était tout près, juste à côté, et plus je me rapprochais, plus je devinais des mordillements accompagnés de minuscules grognements, des craquements et à nouveau des léchouilles. Je commençai à me faire une idée de ce que je pouvais trouver après cet angle, et ma pensée se confirma quand une odeur exquise, succulente, sanglante et délicieuse vint me chatouiller les narines. Ma cible n'était qu'à quelques pas de moi.
Confiant, j'avançai d'un pas déterminé et une fois l'angle passé, je découvris une impasse où les rayons de la lune illuminaient un petit espace cerné de tombeaux et de tombes eux mêmes entourés de murs de bétons, un vrai lieu intime. Au milieu de cet espace, quelque chose agenouillé semblait occupé. Je fis un ou deux pas, et cette chose s'avérait être vivante, dos à moi, et au vu des mouvements de ses bras et de sa tête, elle paraissait nerveuse et déterminée à finir son oeuvre. Mais il ne me fallut pas plus de temps pour comprendre l'erreur que je venais de commettre. De par mon expérience et les grognements que j'entendais, ce n'étais pas le Wendigo que j'avais devant moi, mais quelque chose de plus costaud, de bien plus costaud. En m'approchant un peu plus, je m'aperçus que la créature en face de moi avait des bras énormes, de longues jambes musclées et surtout, elle avait une fourrure noire. À ma grande surprise, elle se retourna vivement et braqua immédiatement son regard rouge sang sur moi. À ma grande déception, le grognement que la bête produisit ne semblait en rien signifier la bienvenue. Elle n'hésita pas à se redresser pour tenter de me dominer ; elle faisait bien trois têtes de plus que moi. Tâchée de sang, les mains, aussi énormes que ma tête, imbibées de ce liquide rouge qui ne cessait d'éveiller ma faim, elle poussa un dernier grognement à mon encontre avant de mettre en avant de longues griffes rouges acérées et des crocs pareils aux miens mais pas aussi blancs. Pour la première fois depuis un très long moment, j'étais face à un loup-garou.
- Je suppose que tu n'es pas un Wendigo toi hein ? Même pas une race quelconque ou quoi ?
Je n'eus qu'à ma question un rugissement accompagné d'une odeur d'haleine mortuaire. Je dirigeai mon regard vers le sol et découvris un individu au ventre ouvert, très certainement mort. Je savais très bien que ma seule solution était de le tuer, car fuir aurait été trop compliqué. Ces créatures en plus d'êtres plutôt costauds, pouvaient êtres aussi très rapides. Mais j'avais un avantage vis à vis de lui. En effet, les Loups-Garous ne possèdent leur forme bestiale uniquement qu'au contact direct avec les rayons de la lune, ce qui fait qu'il suffit d'être à l'abri de ces derniers pour les voir redevenir un peu moins impressionnants, malgré le fait qu'ils gardent toujours une puissante force.
D'une seconde à l'autre il était prêt à me bondir dessus, et servir de repas n'était pas dans mes priorités. J'ai donc fait un demi-tour sur moi même d'un geste vif, et je couru aussi vite que je pu dans l'allée vers l'ombre que produisaient les arbres. En me retournant, j'étais surpris de voir cet idiot qui m'avait suivi jusque dans l'obscurité, et il ne fallu pas moins de quelques secondes pour le voir perdre sa musculature qui laissait place à un corps nu bien moins intimidant. Cet période de transformation était ma chance, c'était le moment où ces créatures étaient le plus vulnérables. Je tendis fièrement mon bras vers mon adversaire et cet imbécile fonça tête baissée dessus, je n'avais plus qu'à y mettre un peu de force et sans difficulté, j'enfonçais mon poing dans sa poitrine et il s'empala tellement fort sur mon avant-bras que ma main traversa son corps, le cœur entre mes doigts.
Une scène particulièrement délicieuse, succulente, appétissante, sanglante mais surtout dégueulasse. Je haïssais le fait d'avoir du sang sur moi, être tâché de partout. Même dans la mort, ce chien mouillé continuait de me faire chier. Mais je notai un bon point : tout s'était passé comme prévu. Généralement avec ces bêtes là je n'ai jamais la chance de pouvoir planifier quelque chose sans que des problèmes n'interviennent.
Je jetai le cadavre sur le côté, gardai le cœur dans ma main au cas où si j'avais soif, et marchai vers le corps humain qui avait servi de goûter au Loup-Garou. Une bien triste nouvelle, l'individu semblait être un jeune garçon, un adolescent, âgé entre quinze et dix-huit ans. Le torse complètement déchiqueté, le ventre complètement à l'air et vide ... une triste scène ... non pas parce que c'était un gosse, mais bien parce que les jeunes ont un sang qui a meilleur goût.
Un bruit attira mon attention. Derrière un des murs de béton, une sorte de petit craquement. Je me dirigeai en sa direction, et à nouveau, un parfum sanglant vint danser sous mes narines. Hésitant, je fis un grand pas vers le mur de béton en question et instantanément, une partie de ce même mur tomba au sol provoquant un bruit monstre ; un morceau prédécoupé que quelqu'un tenait dans ses bras dans le but de m'observer ! Et devinez qui je vis courir comme un déjanté dans l'allée qui était cachée derrière le mur ... un individu torse nu à la peau blanche comme la neige, laissant une épaisse coulée de sang derrière lui. J'avais mon Wendigo en face de moi.
- Reviens-là le cadavre ambulant ! Criai-je en courant vers lui.
Je couru le plus vite possible, ma cible courrait vite elle aussi, elle emprunta différents chemins, tenta de me feinter mais au bout de cinq minutes de course poursuite, le Wendigo tomba dans une impasse. Un mur de béton, un vrai cette fois-ci stoppa sa course. Je me demandai même si ce cimetière n'avait pas été un labyrinthe auparavant.
Ayant enfin cette créature en face de moi pour la première fois de ma vie, je pouvais l'observer correctement, et je n'étais pas déçu. Cette immondice avait les yeux complètement noirs, deux rangées de dents en haut et en bas pointues et dégueulasses comme pas possible et de sa bouche coulait une énorme quantité de sang, d'où les traînées qu'il avait laissé dans sa course.
- Bordel ! Tu me ferais presque peur avec ta face de cadavre toi ! Fis-je remarqué d'un ton dégoûté.
- S'il-te-plaît ! Ne ... ne me tues pas ! Je sais pas pourquoi t'es là mais ne me tues pas ! S'il-te ...
- Je suis surpris qu'une horreur comme toi soit si polie dis donc mon petit Nicolas ! Mais t'inquiètes pas je ne suis pas venu ici pour te mordre, je n'ai pas envie de ressembler à ... à ça.
- Ne me tues pas ... c'est tout ce que je demande ! Implora-t-il.
- Je ne suis pas venu pour te tuer gros déchet, je suis venu pour te faire souffrir.
Face à ma réponse, je vis ses yeux doubler de volume, j'éclatai intérieurement de rire.
- Tu ... C'est Erevan qui t'envoie c'est ça hein ? Hein ? C'est lui pas vrai ? J'ai des raisons pour m'être éloigné crois-moi ! Je ne suis pas le seul dans cette situation ! On a tous nos raisons ! Tu dois me croire !
Un bruit lourd attira mon attention derrière moi. Prudent, je tournai la tête et à ma grande surprise, je me retrouvai face à trois Loups-Garous aussi moches que poilus. Mais ce qui me fis grincer des dents fut la présence à leurs côtés de Cole, une large entaille sur le torse.
- Edward ... soupira le Médium, j'ai ... enfin ... enfin on a un petit problème ...
Quand je vous disais que je ne pouvais rien prévoir à l'avance avec les Loups-Garous.
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