⚜️ XXI ⚜️
Durant plusieurs semaines, Hyeongjun refusa de parler à qui que se fût. Il resta seul, mué dans sa douleur tout en suivant les cours avec une assiduité maladive. « Quitte à être un monstre autant maîtriser un maximum ma puissance », se disait-il.
Il progressait très vite dans les cours théoriques mais refusait d'utiliser sa magie en cours de pratique de peur de blesser les autres. Cependant, à la nuit tombée, il se levait et filait discrètement dans les coins les plus secrets pour pratiquer seul les cours de la journée.
Il découvrit beaucoup sur sa propre magie, elle était pure et sauvage. Il en ignorait encore la nature ; bien trop étrange, elle ne ressemblait à rien en particulier tout en ayant beaucoup en commun avec les autres. Il se savait capable d'user d'une sorte d'Éther puissant, mais il avait aussi la capacité de créer ce liquide brillant et brûlant qui pouvait jusqu'à fondre la pierre. Mais presque indomptable, sa magie le submergeait souvent, le laissant au milieu d'un terrain ravagé. Nombre de fois était-il rentré les vêtements en charpie et les mains et le visage noirs de suie.
Mais jamais personne n'avait eut le courage de le suivre lors de ses excursions, ni même l'audace de lui demander où il partait ainsi à ses heures perdues. Il ignorait s'ils avaient peur de lui ou s'il s'était tant enfermé sur lui-même qu'il ne leur laissait aucune chance de l'approcher.
Malheureusement, même si la situation lui convenait en apparence, son cœur se languissait des longues heures d'études avec Jungmo, de la pratique avec Seongmin et des discussions passionnantes avec Mariette. Seulement, la logique froide et sournoise qui le poussait à l'isolement le forçait à ne plus s'attacher aux autres de peur de les perdre eux aussi. La douleur avait été si étouffante qu'il voulait ne plus jamais revivre pareil déchirement. Il regrettait tous les jours d'avoir dû faire face à ses souvenirs. Chaque fois qu'il usait de sa magie, il en venait à regretter le jour de sa naissance. Si seulement Elkiris avait eu pitié de lui.
« La floraison de Lyrim approche. »
S'exclama un homme que Hyeongjun n'avait jamais vu. Tout vêtu de jaune, il se tenait droit sur l'estrade du réfectoire commun. À ses mots, le vacarme des discussions se stoppa, laissant place à des murmures curieux.
L'homme reprit d'une voix forte et parfumée de magie.
« Comme tous les cinq ans, notre fondatrice et protectrice, la grande Lyrim couvrira ses branchages de fleurs, marquant l'arrivée de l'Été. En son honneur, un bal sera tenu auquel assisteront Sa Majesté le Roi et Sa Bien-aimée la Reine, Souverains D'Elkia »
Il marqua une pause, embrassant la salle d'un regard.
« Aussi, nous, haut conseil de la magie, attendons de vous une discipline et une étiquette digne de l'éducation que nous vous donnons. »
Une autre pause. Hyeongjun ignorait s'il posait pour l'emphase ou simplement pour se laisser le temps de se remémorer le texte qu'il avait appris.
« Le bal de la Floraison aura lieu dans deux mois, au huitième jour du mois d'Himé. Une lettre vous sera faite parvenir avec les détails de cet événement. Bonne fin de journée. »
Et l'homme s'en alla. Les murmures croisèrent et finirent en une cacophonie enthousiaste. Tous s'excitaient de savoir ce qu'ils allaient porter ou de qui ils allaient inviter.
Cette bonne humeur générale détonnait avec les sentiments de Hyeongjun et lui coupa l'appétit. Il posa ses couverts et se leva pour retourner à sa chambre. Il n'avait aucune envie de suivre les classes de l'après-midi dans une ambiance pareille. Il irait s'entraîner seul.
La mine renfrognée, il passa entre les tables dégoulinantes d'allégresse. Comment pouvait-il être tous si heureux ? Sa culpabilité face à leur innocence le rendait malade.
Il entra avec soulagement dans le couloir relativement plus calme. Des élèves se précipitaient déjà de toute part pour répandre la nouvelle, ou aller chercher leur lettre. Ce fût donc naturellement qu'il se décala à l'entente de pas pressant derrière lui. Seulement, il ne s'agissait non pas d'un inconnu mais d'une personne qu'il évitait de manière assidue depuis les événements d'il y avait plusieurs semaines.
« Hyeongjun ! S'exclama Mariette une fois à son niveau. »
Il se stoppa net. Il avait peur de ce qu'elle voudrait lui dire.
« Quoi ? Lança-t-il sèchement.
— Je... »
Elle resta quelques instants interdite, comme si elle n'avait pas prévu qu'il lui répondît. Et cela titilla la patience de Hyeongjun.
« Vas-tu encore me traiter de monstre et me pousser au loin ? Dit-il, acerbe.
— Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! Laisse-mo-
— Peu importe. »
Et il se détourna d'elle.
« Hyeongjun ! Écoute-moi !
— Laisse tomber Mariette, dit Seongmin en les rejoignant. Ce n'est pas comme s'il souhaitait nous parler. »
Il n'avait pas tort et Hyeongjun eut honte de le reconnaître. Cela lui importait peu que Mariette eut une bonne explication pour ses actes. Comment pourrait-il l'ignorer comme il le faisait s'il savait qu'elle n'avait eu aucune mauvaise intention ? Si elle était innocente de la méchanceté et du dégoût qu'il avait lu dans ses gestes. Mieux valait pour tous qu'il continua à la voir comme une ennemie. Cela serait plus facile. Moins douloureux. Ou peut-être pas.
Sans un mot, il s'éloigna.
« Mais je dois lui expliquer... murmura la jeune femme. »
Hyeongjun dut faire preuve de grande force pour se détacher de sa curiosité, de son espoir et de dresser entre eux un mur d'indifférence. Il sentit l'effleurement timide de la magie de Mariette et la repoussa avec autant de violence qu'elle l'avait fait. Il se fit mal à l'arracher ainsi de sa conscience, non pas d'une douleur physique mais une douleur du cœur. Une douleur qu'il ne pourrait soigner seul. Mais elle ne devait plus le croire son ami. C'était bien trop dangereux.
Pressant le pas, il se rendit aux dortoirs. Le chemin jusque là-bas fut long. La bonne humeur des autres le fouettait avec ardeur.
Il poussa la lourde porte en bois de ses appartements et se dépêcha dans la chambre de peur de croiser Jungmo. Mais il était là, assis à son bureau. Il leva la tête à son entrée, mais n'osa rien dire. Hyeongjun ne perdit pas de temps. Plus il resterait, plus éviter la conversation serait difficile, il le savait. Jungmo était le seul qui arrivait encore à le faire parler.
Il jeta plus qu'il ne posa son sac sur son lit et retira sa veste. L'après-midi venant, la fraîcheur du matin s'envolait et laissait place à la tiédeur du printemps. Il attrapa ses bottes et les enfila à la hâte.
« Tu sors ? Demanda Jungmo. »
Mais sa question sonnait plus comme une affirmation alors Hyeongjun ne répondit pas.
« Combien de temps comptes-tu encore nous... Me pousser loin de toi ? »
Il n'eut aucune réponse. Et Hyeongjun sortit.
Chassant toutes pensés de son esprit, il se rendit à l'un de ses coins d'entraînement habituel. Un de ceux qu'il n'avait pas trop abîmé. Ce n'était pas proche des dortoirs mais c'était toujours dans le périmètre de l'école puisque, çà et là, il tombait sur une des grosses racines de Lyrim. Il dut s'enfoncer dans la forêt environnante et suivre un vieux chemin abandonné. Au bout de ce sentier, qui n'était emprunté que de lui et quelques sangliers, il y avait une petite ferme en pierre sur le bord de l'effondrement. Hyeongjun se demandait depuis combien de temps ses habitants l'avait quitté et si quelqu'un d'autre que lui se souvenait qu'elle se trouvait ici.
Il se rendit à l'arrière du bâtiment où une petite clairière s'étendait sur quelques mètres. Il se plaça au centre et se laissa tomber assis dans l'herbe. Il sentit les larmes lui monter aux yeux. Pourquoi Jungmo avait-il posé cette question ? Il allait s'abandonner à la tristesse mais se souvint qu'il était ici pour s'entraîner, non pour s'apitoyer sur son sort. Sort qu'il avait lui même choisi de poursuivre.
Il se leva lentement et entreprit de revoir ses exercices. Il ne fit guère de progrès et brûla le sol à de multiples reprises. Il n'arrivait toujours pas à ne toucher que sa cible. Le liquide ne lui brûlait pas la peau mais enflammait toute surface qu'il touchait.
Il faisait une pause assis sur l'herbe calcinée quand un craquement sonore retenti derrière lui. Il se retourna d'un bloc mais ne vit personne.
« Il y a quelqu'un ? »
Nulle réponse mais peu de temps après, il entendit un petit cri et une fillette sortit de la maison en trébuchant. Elle tomba au sol avec un choc sourd.
Surpris il mit quelques secondes avant de réagir.
« Ça va ? Demanda-t-il en se relevant rapidement.
— O-Oui ! »
Lorsqu'il arriva près de la fillette, elle s'était déjà relevée. Elle avait le teint foncé et les joues cramoisies. Ses cheveux blond paille étaient ébouriffés et remplis d'herbes et de petites feuilles mortes. Elle ne devait pas avoir plus de dix ans.
« Que fais-tu là ? Dit-il, moitié décontenancé, moitié sévère.
— Oh, euh... Excusez-moi monsieur, je...heu... je ne voulais pas vous espionner, je le jure ! »
Hyeongjun fronça les sourcils et regarda plus en détails les vêtements dépenaillés de la jeunette. Elle portait une chemise en laine usée d'un brun délavé et des jupes rapiécées. Ses chaussures étaient neuves.
Sous cet examen, elle épousseta ses vêtements et essaya de se rendre plus présentable.
Elle ne portait pas de brassard ni de couleurs.
« Tu es une mage ?
— N-non monsieur. Enfin...si mais je, je ne fais pas partie des élèves. Je... je suis trop faible et ne suis qu'une fille de domestiques monsieur.
— Pourquoi ne porte-tu pas les couleurs de ta magie dans ce cas ? Et que fais-tu si loin du palais ? Tu évites les corvées. »
Elle rougit encore un peu plus et serra les mains sur ses jupes.
« Non non monsieur, je suis seulement venu pour... »
Hyeongjun commençait à perdre patience. Pourquoi venait-elle jouer ici ? C'était dangereux et il ne pouvait décemment pas s'entraîner avec elle dans les parages.
« Pour ? Pourquoi faire ? Tu ne devrais pas être ici. La forêt peut être dangereuse ! »
Il ne précisait pas qu'ici, il était peut-être le plus grand danger auquel elle s'exposait.
« P-pardon monsieur. Mais je... Je vous ai suivi pour réparer ce que vous détruisez. »
Elle leva ses yeux bruns de ses bottes et planta son regard décidé dans celui de Hyeongjun. Puis elle montra du doigt les herbes brûlées et les marques sur les arbres. Il se sentit tout à coup mal à l'aise, comme un enfant pris sur le fait.
« Oh.
— Oui. Vous ne pouvez pas vous balader où vous voulez et brûler les plantes. Savez-vous qu'elle sont indispensables à l'équilibre du domaine ? »
Il le savait, mais perclut dans son chagrin et son envie de maîtrise, il en était arrivé à faire abstraction de tout ce qui l'entourait. Il voyait le monde comme une entité qui cherchait à le rendre malheureux. Et il avait simplement ignoré tout ce que lui avait enseigné mamie Baba sur l'Équilibre. Il se demandait alors si elle était passée derrière lui à chaque fois et avait réparé ses tort.
« Es-tu la seule à réparer mes... Bêtises ?
— Euh.. Oui monsieur. Mes parents et les autres sont très occupés avec les jardins principaux, puis ma magie est faible, monsieur, alors je me contente de faire ce que je peux pour les pauvres plantes que vous avez massacrées.
— C'est très gentil et courageux de ta part. Je m'excuse pour le mal que j'ai causé, j'espère que ce n'est pas trop grave. »
Elle eut un petit rire et se détendit. Ses épaules se relâchèrent et elle partit vers les cercles brûlés d'une démarche assurée.
« C'est pas grave monsieur, mais j'avais peur qu'ici, vous ne brûliez tout...
Il s'amusait de sa passion pour les plantes, mais une nouvelle couche de culpabilité s'ajouta à son manteau de honte et le rongeait. N'était-il qu'un destructeur ?
« Est-ce qu'ici les plantes sont plus importantes qu'ailleurs ?
— Non. Mais la maison est habitée de petits animaux. »
Elle se mit à genoux au bord d'un cercle et Hyeongjun la suivi.
« Comment tu t'appelles ?
— Je m'appelle Rani. »
Elle plaça ses paumes sur la terre brûlée.
« Enchanté Rani, je m'appelle Hyeongjun. »
Elle acquiesça, déjà concentrée sur ce qu'elle faisait.
Un murmure de magie glissa sur ses bras et pénétra dans le sol en volutes verdoyantes. Il la regarda faire, étudiant comment sa magie s'écoulait d'elle vers le sol. Elle n'était pas comme les autres. Plus personnelle, plus chaleureuse, familière.
« Tu utilises l'énergie d'Elkiris pour ça ? Demande-t-il. »
Elle ne lui répondit pas tout de suite et souleva les mains lentement. Les herbes n'avaient pas tellement changé mais le noir de la brûlure avait laissé place à un jaune sec. Ses mèches blondes étaient collées sur son front par la sueur et un large sourire éclairait son visage. Elle était visiblement fière d'elle.
« Pourquoi utiliserais-je la magie de quelqu'un d'autre ? »
Répondit-elle, l'air perplexe. Puis elle plongea sa main dans son sac et sorti un gros sandwich.
« Si ça ne vous dérange pas... »
Il lui fait signe de manger et elle dévora littéralement son encas.
Hyeongjun voulait lui demander ce qu'elle entendait par là, mais il attendit qu'elle eût finit.
« Je suis née comme ça monsieur Hyeongjun. Mes parents pensent que je ne sais pas utiliser la magie parce qu'ils ne comprennent pas ce que je fais... Sans vous mentir, je ne comprends pas beaucoup moi aussi. Mais quand je vous ai vu la première fois faire votre magie blanche, j'ai senti un peu la même chose de vous. C'est aussi pour ça que je répare ce que vous faites...
— Tu espères en apprendre plus avec moi ? »
Elle acquiesça timidement.
« Malheureusement, Rani, j'ai bien peur de ne rien pouvoir t'enseigner. Je suis peut-être fort en un sens mais je contrôle très mal mes pouvoirs...
— Dommage. »
Elle ne cachait pas sa déception.
« Je vais continuer à guérir l'herbe si ça vous va.
— Puis-je observer comment tu t'y prends ? »
Elle réfléchit un instant puis fit oui de la tête.
« Mais ne me gênez pas. Et ne brûlez rien.
— Promis. »
⚜️⚜️⚜️
Je n'écris pas souvent à la fin des chapitres mais aujourd'hui je voulais vous parler un peu.
Tout d'abord je voudrais remercier mes quelques lecteurs qui n'ont pas abandonné la lecture de cette histoire
quand bien même il m'a fallut un an pour écrire la suite.
Sincèrement, merci ♥️.
J'espère que l'histoire vous plait toujours,
et sachez que je ne compte pas l'abandonner.
Si je n'ai pas écrit pendant longtemps, c'est que je me mettais la pression pour écrire quelque chose de bon
sans penser à écrire quelque chose qui me plait.
J'avais peur que mon histoire ne soit rejetée par manque de ship ou par l'avancée plutôt lente de l'intrigue.
Mais pendant ce hiatus, j'ai appris à écrire avant tout pour moi et à aimer ce que je produit même si ce n'est pas parfait,
même si parfois je me perd dans l'intrigue où que les réaction des personnages sont étranges.
C'est en faisant qu'on apprend.
Alors je fais.
J'écris.
J'écris Les enfants d'Elkiris et j'apprends pour pouvoir vous proposer des histoires encore meilleures dans le futur.
J'aime cette histoire et suis heureuse d'y voir vos votes.
Encore merci de votre soutiens ♥️
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