Liam était assis tranquillement dans un siège à suspenseur de la salle basse mais éclairée d'une immense baie vitrée. Eléonore était debout près de la vitre à quelque pas, nerveuse, et Tilgrat avait la main sur son arme, debout près de la porte.

Lima attendait pour sa part, affichant un air paisible qu'il était loin d'éprouver. Mais il était résolu...

La porte de la salle commença alors à s'ouvrir et Eléonore échangea un regard chargé d'inquiétude avec Tilgrat. Liam resta de marbre pour sa part. Lorsque le battant eut entièrement coulissé, un homme entra dans la pièce d'un pas trop sûr de lui avant de s'immobiliser à deux mètres du jeune prince et d'esquisser un salut ironique.

Le masque. Le chef des mercenaires qui leur avait permis de gagner Mars et qui réclamait maintenant son dû : la souveraineté de la moitié de la planète.

Deux gardes du corps le suivaient de près et se postèrent dans son dos, bras croisés, en uniforme, tandis que l'homme se tournait vers Eléonore pour lui adresser un hochement de tête assorti de quelques mots.

— Mes hommages madame. Et félicitations...

Il désignait d'un geste éloquent le ventre légèrement arrondi de la jeune femme, ce qui exaspéra Liam qui n'acceptait toujours pas de bon cœur le maudit gamin à venir.

Il se leva et s'approcha sans attendre, ses bottes de cuir claquant sur le sol, avant de demander froidement en s'immobilisant de nouveau :

— Pourquoi venir avec vos gardes ? Vous n'avez pas confiance en nous ?

Le chef des mercenaires de Derbos haussa les épaules avec une grimace ironique.

— Pas vraiment non. Dis donc, la fille est vraiment jolie... Je vous cède l'une de mes provinces pour elle...

Sa voix dégoulinait d'un sarcasme odieux à Liam qui détestait que son statut impressionne si peu son visiteur.

— Cessez vos plaisanteries qui n'amusent que vous. Vous êtes venus signer des papiers n'est-ce pas ?

Il acquiesça sans quitter son insupportable sourire moqueur mais Liam s'efforça de se calmer intérieurement. Dans quelques minutes, l'autre rirait moins si tout allait bien...

Le jeune homme sortit de sa veste un large écran tactile plus pratique que ceux de leurs poignets pour la lecture et la signature de contrats électroniques et le masque s'avança vers lui tranquillement pour venir regarder les documents que Liam lui tendit d'une main calme.

Eléonore pour sa part s'amusait à jouer de son habituel pouvoir de séduction. Elle s'était approchée du premier garde et lui chuchotait quelques mots à l'oreille, le faisant rougir, tandis qu'elle éclatait de son léger rire musical habituel et insouciant.

Tilgrat lança à la jeune femme un regard mitigé et Liam ravala une grimace sombre. Il connaissait parfaitement les sentiments de son commandant pour la demoiselle : un amour fou bridé par un infini respect vu qu'il la considérait pratiquement comme propriété du prince qu'il servait, plus encore maintenant qu'elle portait son enfant.

Liam n'avait jamais été inquiet de sa concurrence auprès d'Eleonore. Il pouvait l'amuser peut être, mais certainement pas lui donner envie de quitter son royal amant. Tilgrat était trop droit et honnête pour la divertir longtemps, idée qui fit naître un froid sourire sur les lèvres du prince.

Mais déjà les évènements le ramenaient à lui-même. C'était le moment idéal... Le masque était entièrement concentré sur l'écran qu'il lisait, à la recherche de clauses qui auraient pu lui être désagréables, et les deux gardes étaient tous deux entièrement sous le charme d'Eleonore...

Au milieu d'un de ses nouvel éclat de rire, elle lui lança un court regard qu'il interpréta sans aucun problème. C'était le moment ou jamais d'agir...

Alors tout se passa en un éclair.

Elenore dégaina son arme de sa ceinture et tira droit dans la poitrine du premier garde. Il l'entendit dire froidement tandis que l'homme tombait en arrière, la poitrine déjà rougie par sa blessure mortelle :

— Voilà de la part de la jolie fille !...

Mais le second avait eu le temps de sortir son arme à son tour et... Liam n'eut pas le temps d'en voir plus. Le masque avait poussé un affreux juron et laissé tomber sur le sol l'écran qui venait de se briser en un millier de petits éclats de verre.

Le jeune homme n'attendit pas qu'il se reprenne et en quelques secondes il avait tiré de sa ceinture son arme à lui et la pointa sur le masque avant de lâcher froidement sans tenir compte des cris derrière lui ni même se retourner pour voir ce qui se passait :

— Mains en l'air, balancez votre arme loin de vous sur le sol. Et ne bougez plus !

Le chef de Derbos obtempéra avant de cracher :

— C'est ça l'honneur du sang des rois ?...

Liam répondit d'un regard sombre, avant de répliquer :

— C'est celui que nous utilisons avec la crapule dans votre genre.

Mais l'autre se contenta de répondre, regardant derrière Liam et retrouvant son ironique sourire :

— Votre petite amie est en train de se faire tuer...

Le prince ne fit même pas mine de se retourner et le masque n'obtint pas la diversion souhaitée. Son sourire disparut et il se rua alors en avant vers Liam en faisant fi de sa sécurité pour tenter le tout pour le tout.

— Vous ne l'aimez vraiment pas pour ne même pas s'inquiéter de son sort à ce point !...

La suite de la phrase se perdit dans le bruit d'une détonation et le choc d'un corps contre le sol.

Liam avait tiré sans attendre et se releva presque calmement tandis que son adversaire se redressait péniblement à genoux en crachant quelques gouttes de sang.

Le voyant hors d'état de combattre, le prince se retourna pour faire face à ce qui l'attendait derrière lui.

Le second garde gisait à terre dans une marre de sang, probablement mort, et Eléonore se tenait debout, poings sur les hanches, dévisageant froidement le masque toujours à terre. Tilgrat avait dû voler à son secours le connaissant et il n'affichait qu'une légère blessure sans gravité au poignet, ce qui soulagea Liam qui n'avait aucune envie de devoir se chercher un nouveau commandant fiable et fidèle.

Eléonore s'avança alors jusqu'à le rejoindre et lâcha sans le regarder en direction du masque qui leur lançait à tous un regard haineux en se relevant à l'aide du fauteuil auquel il dû s'appuyer en maculant tout de sang :

— Vous pensez qu'il nous céderait toutes ses provinces contre l'un de mes sourires ?

Elle affichait une mine presque cruelle à cet instant et l'homme à terre vrilla son regard dans le sien avant de dire en désignant Liam d'un hochement de tête :

— Il ne vous aurait pas sauvée, vous savez. Moi je l'aurais fait.

Eléonore haussa les épaules avec insolence.

— Je n'ai pas l'habitude d'être protégée. Dans une situation inverse, je n'aurais pas non plus sauvé mon petit ami. Donc n'ayez pas d'inquiétude, nous sommes fait pour nous entendre...

Elle se retourna ensuite d'un mouvement rapide, laissant ses longs cheveux voler autour de son visage d'une façon presque sensuelle, vers Liam pour demander :

— Il nous est vraiment encore utile ? Sinon je peux nous en débarrasser maintenant...

Ce fut Tilgrat qui intervint en jetant un coup d'œil de pure adoration à la jeune femme, alors même qu'il détestait chez elle sa cruauté et ne pourrait donc jamais s'en faire aimer.

— Non, il nous est nécessaire pour rallier à nous les mercenaires. Sans chantage ils entreront en rébellion...