Chapitre 32 : Incertitudes
Le vent hurle à mes oreilles alors que je remontre ma vitre. Ma mère monte la radio sur une chanson du moment. Le paysage défile sous le soleil couchant.
Ma mère chante à tue-tête par dessus la musique alors que je me remémore ces quelques jours passés avec mes grands-parents. Trois jours avec des membres de ma famille.
Nous étions censées rester une semaine, mais le patron de ma mère l'a rappelée à l'ordre. Un employé vient de tomber malade et ma mère est la seule remplaçante.
- Je suis encore désolée qu'on soit obligée de partir, je sais que tu aurais voulu rester plus longtemps, se lamente ma mère en interrompant le fil de mes pensées.
Je me tourne vers elle en la détaillant. Adossée confortablement contre le dossier de son siège, fredonnant le rythme de la musique, elle semble détendue. J'aperçois même son pied battre la mesure contre le sol.
- Ne le sois pas, maman. Nous les reverrons, n'est-ce pas ?
Un léger sourire se dessine sur ses lèvres.
- Évidemment, ne t'inquiète pas pour ça.
Soulagée, je m'appuie contre la vitre et regarde la route.
Je me souviens encore de ma mère, appuyant sur la sonnette usée de leur maison. L'angoisse que je ressentais à ce moment-là était énorme.
Mais pourtant, lorsqu'on nous a ouvert la porte, et que j'ai découvert ce couple âgé, je me suis suis instantanément sentie mieux. Les yeux gris de ma grand-mère se sont d'abord posés sur moi, alors que mon grand-père a immédiatement pris ma mère dans ses bras.
Ma mère ressemble beaucoup à ma grand-mère. Les mêmes yeux gris légèrement en amande, la même bouche, les cheveux courts grisonnants de ma mamie laissant deviner une teinte auparavant châtain clair.
Mon grand-père, quant à lui, n'a donné que la forme ovale de son visage à ma mère, ses yeux marrons chocolats et ses cheveux blancs m'étant inconnus.
Ils nous ont invitées à rentrer, et nous avons longuement discuté.
Ces trois jours, je les ai trouvé merveilleux. Ma grand-mère m'a appris à cuisiner quelques recettes et mon grand-père m'a fait découvrir les balades sur la plage. L'odeur des pommes de terre persillées et du poulet grillé me revient en mémoire. Celle de l'iode de la mer me fait sourire. Ça va me manquer... Mais je vais les revoir vite.
Toutes les questions que je m'étais posées avant la rencontre se sont vite envolées. Ils sont tous les deux aussi gentils l'un que l'autre, comme si nous nous étions toujours connus. Leur comportement m'avait surprise, mais sur le moment, je ne m'étais aperçue de rien. C'est surtout maintenant, avec le recul de la situation, que je sais que quelque chose cloche. Mais je ne saurais dire quoi.
Je replonge dans mes souvenirs de ces trois derniers jours, à la recherche d'indices pour expliquer ce fait.
Mes grands-parents ont été si heureux de revoir ma mère. J'ai d'ailleurs appris que cette dernière leur écrivait chaque année une lettre, leur donnant de nos nouvelles. J'ai trouvé ça étrange lorsqu'ils me l'ont dit, mais je n'ai pas eu le temps de poser plus de questions. Mais maintenant... Ça m'intrigue énormément.
- Maman ? je lui demande tout à coup.
-Oui ? me répond-t-elle sans quitter la route des yeux.
- Pourquoi n'avons-nous pas déménagé pour rejoindre papi et mamie ? Pourquoi leur écrire alors que nous aurions pu les voir ? Pourquoi ne pas leur rendre visite plus tôt ? Pourquoi m'avoir caché leur existence ?
La réalité me rattrape. Mes grands-parents n'ont même pas paru choqué ou en colère de voir leur fille, qui réapparaît miraculeusement après dix-huit d'absence, accompagnée d'une petite fille cachée. Pourquoi donc est-ce que tous les événements bizarres ne me reviennent en mémoire que maintenant ?
- Que me caches-tu ? je l'interroge, suspicieuse.
Les mains de ma mère se crispent sur le volant. Et moi, je me rends soudain compte que je me suis bien faite avoir. Ma mère me dissimule encore des choses.
- Eh bien...
Un silence s'installe.
- Vas-y ! je l'encourage.
Elle souffle et porte soudainement une grande attention sur la route.
- La dernière fois que je les avais vus ne remonte pas à ma fugue. Mais à l'année dernière. Je leur rends visite chaque année.
Je hoquette de surprise. Elle ne me laisse pas le temps d'éclater de rage, qu'elle continue :
- Les week-end que tu passais avec Nina, je les passais avec tes grands-parents. Je sais, je sais, argumente-t-elle alors que j'allais l'interrompre, j'aurais dû t'emmener avec moi, mais je ne pouvais pas. J'avais fait la promesse à ta grand-mère.
- Quelle promesse ? j'arrive à glisser.
- Elle ne voulait pas te voir avant tes dix-huit ans.
- Et pourquoi ? Moi j'aurais voulu la voir bien avant cet âge là ! je m'outre.
Ma mère s'engage sur un chemin d'un village. Nous allons nous arrêter pour la nuit. J'avoue que la colère commence à monter. Mais surtout à cause d'une chose : je ne comprends pas. Et ça m'énerve. Je suis restée dans incompréhension pendant bien trop d'années.
- Je ne sais pas exactement... Disons que c'est compliqué.
Sa réponse me laisse un instant silencieuse. Mais pas très longtemps. Je laisse exploser ma rage.
- Mais pourquoi me caches-tu toujours des choses ? hurlé-je. POURQUOI ME MENS-TU CONSTAMMENT ?
Ma mère sursaute sur son siège et donne un léger coup dans le volant, ce qui fait légèrement dévier la voiture vers la gauche. Elle la redresse aussitôt en me jetant un coup d'œil inquiet.
- Kami, tes oreilles, me prévient-elle.
Je sens effectivement que mes oreilles de louve sont sorties, mais actuellement, je n'en ai rien à faire.
- Je m'en fous ! crié-je. Réponds à ma question !!!
- Je ne te mens pas constamment. Je t'ai tout dit.
Sa voix est tendue. Ses dents serrées.
- Encore un mensonge, lancé-je en riant jaune.
- Kami, range tes oreilles, on s'arrête dormir là.
Ma mère se gare devant une auberge. Je fais rapidement disparaître mes oreilles, la déception et la rage que ma mère me mente m'envahissant. Encore.
J'essaie donc de paraître plus coopérative à ses explications. S'énerver ne servirait à rien.
- Pourquoi tu ne me dis pas tout ? je demande doucement. (Nous descendons de la voiture.) Tu ne me fais pas confiance ?
Elle marche sans m'attendre vers l'accueil. Je la rattrape en sautillant.
- Loin de là, me répond-t-elle après avoir récupéré les clés de la chambre, mais c'est juste que tu ne te rends pas compte que ton père peut à tout moment te retrouver et te soutirer des informations.
- Jamais je ne lui dévoilerai quoi que ce soit, enfin ! m'exclamè-je, ahurie.
- Je le sais, ça. Mais tu ne le ferais pas de ton plein gré. Les pouvoirs psychiques des Brumeurs ou de certains métamorphes suffisent à te faire avouer.
Nous marchons jusqu'à notre chambre. Ses paroles me retournent le cerveau. Elle a sous-entendu que ce qu'elle me cachait était important, si elle ne veut pas que mon père le sache, non ? Je suis perdue et épuisée. Pourtant, une question me vient à l'esprit.
- Mais, et toi ? je lui demande brusquement. Tu n'es qu'une simple Ordinaire, les Brumeurs peuvent te soutirer des informations aussi, je te rappelle.
- J'ai appris à contrer les attaques. Tu sauras le faire aussi, mais il te faut plus d'expériences. Allez viens, on va se coucher.
Elle ouvre la porte et s'engouffre à l'intérieur. Le cerveau et jambes en compote, je la suis et referme la porte derrière moi.
* * *
Je suis vraiment débile de n'avoir réagi qu'hier, en fin de compte. Pourquoi ne me suis-je pas questionnée à l'avance sur ça ? Je ne pensais pas que ma mère allait débarquer chez ses parents après dix-huit ans d'absence, la bouche en cœur, sans aucune explication réellement concrète. Et pourtant, c'est exactement ce qu'il s'est passé.
Mais maintenant que j'y repense, durant ces trois jours, c'est comme si j'avais été droguée ou je ne sais quoi. Évidemment, j'ai passé de supers moments, mais je me rends compte à présent que je n'ai posé aucune question sur ma mère à mes grands-parents. Ce n'est absolument pas mon genre.
Je ne sais pas ce qu'il m'a prise là-bas, mais ça m'a grandement rappelé mon premier jour au Rocher, lorsque je prenais tout à la légère. C'est précisément ce qu'il est arrivé. Je prenais tout à la légère.
La tête appuyée contre la vitre de la voiture, je regarde le paysage passer. Nous roulons depuis que nous sommes parties de l'auberge dans laquelle nous avons dormi, c'est-à-dire depuis ce matin.
Il est plus de 19 heures passées, le soleil finit de se coucher. Mais, dès ce soir, nous serons arrivées chez nous.
Ma mère s'arrête à une station d'essence, pour refaire le plein.
- Tu peux descendre, m'informe-t-elle. J'en ai pour un moment, il faut que j'aille acheter deux ou trois choses, après.
Je hoche la tête et ouvre la portière. Je marche jusqu'aux abords des toilettes, le téléphone à la main. Je cherche du réseau pour prévenir Adriel, Nina et les autres que je rentre ce soir.
Mais je n'en trouve pas... Sauf, à mon plus grand désespoir, dans une impasse empestant les poubelles.
Je m'engage alors dans cette petite allée déserte juste à côté de la supérette -qui fait partie de l'aire de repos. Ici, j'ai trois barres. Je souffle de soulagement et me dépêche d'envoyer mes messages.
Mais étrangement, je dois m'enfoncer toujours plus loin dans cette allée non éclairée, pour aller chercher le réseau, l'odeur des poubelles comme seule amie. En plus, le soleil a maintenant disparu. Cet endroit me met mal à l'aise.
Je relève brusquement la tête de mon téléphone. Je sens une odeur. Que je ne connais. Mais elle ne me rappelle pas de bons souvenirs.
La senteur nauséabonde qui me pique le nez. Une odeur forte, d'épices je dirais, mélangée à une odeur de bois en décomposition.
Un flash-back me foudroie. Je replonge instantanément le soir où j'ai vu Ambre pour la première fois, où je l'ai soignée. Je me revois rentrer chez moi. Je revois le bug des ampoules du salon. Je sens une nouvelle fois cette odeur, celle qui est ici, maintenant. Tout ça, je l'avais oublié. J'avais oublié les bottes noires, la personne qui m'a assommée -qui doit sûrement être Franck, si je fais le lien avec ses chaussures semblables. Eh bien maintenant, je m'en souviens.
Quelqu'un est maintenant ici, avec moi. Et je ne suis pas sûre de ses intentions à mon encontre.
- Qui est là ? je demande d'une voix dure, masquant ma peur.
Un miaulement de chat ne me fait même pas sursauter. Il passe en courant devant moi, fuyant le fond de la ruelle. Ses yeux noires emplis de terreur de font reculer.
Pile à ce moment-là, un tuyau courant contre le mur de la supérette explose, répandant un flot de fumée blanche entre le fond de la rue et moi. La crainte me glace le sang.
Des bruits de pas me font reculer un peu plus. Je sais que je devrais partir en courant retrouver ma mère, mais j'en suis incapable. La peur me comprime la gorge et me fige.
Droite comme un piquet, je recule encore d'un pas. Le bruit de chaussures claquant contre le bitume approche. Une silhouette se dessine derrière le nuage de fumée. Puis, disparaît.
Je fais alors volte-face et m'élance dans la direction opposée à cette allée sombre. Une forme floue m'arrête alors d'un coup de poing bien placé dans le sternum. Ma respiration se coupe. Je me plie en deux.
L'air afflue difficilement dans mes poumons, me forçant à respirer pas la bouche, avalant de grandes goulées. Je pose mes mains sur le sol, le souffle saccadé.
- Qui êtes-vous ? hurlé-je en me redressant.
Personne n'est devant moi. Cette odeur affreuse revient à la charge, mais dans mon dos, cette fois. Je n'ai même pas le temps de réfléchir ou d'avoir peur, je me mets en boule et roule sur le côté. La même forme floue me frôle.
Je me relève, haletante mais déterminée.
- Que me voulez-vous ? craché-je en poussant un râle.
J'attends une seconde, hésitant entre essayer de repartir ou affronter cette personne. Je me raisonne vite. Ça ne sert à rien de repartir, elle me poursuivra et je mettrai ma mère en danger.
Je me retourne alors vers la fumée qui continue de s'envoler vers le ciel noir, dénué d'étoiles ou de la Lune pour m'éclairer. Personne pour m'aider.
Je cherche des yeux un quelconque mouvement et inspire pour retrouver l'odeur, mais je ne sens plus rien.
Alors que je pensais être tirée d'affaire, un poids me tombe sur les épaules. Je m'écroule sur le sol, peinant à retrouver mon souffle.
Je me relève une seconde fois, et, n'y tenant plus, je hurle d'une voix stridente :
- Si vous voulez m'affronter, ayez au moins le courage de me montrer votre visage !
Je tourne au moins cinq fois sur moi-même, sur le qui-vive. Je n'ai même plus peur. J'ai surtout la rage. Pour tout. Les mensonges de ma mère. Les choses que j'ignore. La rage de me faire traiter comme une moins que rien, ce soir ou ces dernières semaines.
Donc, lorsque mon ennemi revient à la charge pour me plaquer une nouvelle fois au sol, j'étais prête. J'envoie un coup de poing de toute ma force actuelle dans ce que je crois être le visage de mon attaquant.
Mais il reste rapide. Il le prend de plein fouet, mais se réfugie derrière le rideau de fumée blanchâtre.
Je grogne en secouant mes phalanges. Je crains de m'avoir fait plus de mal à moi-même qu'à cet individu.
Alors que je m'apprête à courir vers lui et le mettre au sol, il me devance et me terrasse. Je tombe pour la troisième fois au sol. Mais cette fois-ci, je n'ai plus la force de me relever.
Je sens un liquide chaud couler de mon nez jusque dans mon cou. Je m'oblige à ouvrir les yeux, fixant le ciel de jais.
J'entends les bruits de pas me tourner autour, alors que je suis collée au sol, mes muscles ne répondant plus.
Les pas s'arrêtent juste derrière ma tête. Aucun son ne vient perturber ce moment, hormis le sifflement constant du tuyau cassé, et les battements accélérés de mon pauvre cœur.
Une voix s'élève alors dans la nuit froide.
- Je t'avais prévenue que je te retrouverai.
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Salut, salut ! :)
Alors, deux choses : La première, désolée pour ce retard incroyable... J'ai été très prise... :/ La deuxième, désolée aussi d'avoir mis autant de temps pour un chapitre aussi court... D'autant plus, je ne l'aime pas. Je le trouve raté et nul :/ Qu'en avez-vous pensé, vous ? --'
Je dédie ce chapitre à @CllieBouzats car elle vote à chaque fois, et ça me fait très plaisir de voir qu'elle aime ! Parce que oui, pour moi, dès que vous appuyez sur la petite étoile, ça veut dire : "J'aime, continue comme ça, je veux la suite !" XD
Alors voilà ! Un chapitre assez spécial ! x) Kami rencontre ses grands-parents, mais a des doutes envers sa mère. Et justement, en parlant d'elle, elle cache encore une fois beaucoup de choses à notre petite Kami ! :/ Qui sait quels autres secrets elle garde pour elle ? :S
Allons bon, qui peut être la personne qui l'agresse ? Allez-y, commentez, je suis certaine que vous avez une petite idée derrière la tête ! :D
La suite devrait arriver dans deux semaines, si je me dépêche... :(
P.S : Je sais que je ne remercie pas mes lecteurs ici mais sur mon profil, donc merci à vous, pour les 6k de vues, les 900 votes et quelques, et évidemment, ce que je préfère, les 1k de commentaires ! (Continuez de commenter, j'adore ça ! *_* XD) Vous êtes les meilleurs ! <3
Gros bisous et à bientôt ! ;)
❤️❤️❤️
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